La Baleine 165 : Gaz de schiste, ni ici, ni ailleurs!

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Depuis 1971 Printemps 2011 / 3,20 â‚Ź N°165

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Gaz de schiste : ni ici, ni ailleurs


Edito Non aux gaz de schiste Urgence oblige, nous avons décidé de consacrer ce nouveau numéro de La Baleine aux hydrocarbures non conventionnels. L’expression un peu compliquée désigne les pétroles, gaz et huiles mélangés à d’autres matières (sable, schiste…) dont l’extraction réclame des techniques complexes, coûteuses et très polluantes. Tout le monde a maintenant entendu parler des gaz de schiste ! C’est que la mobilisation est forte, à la hauteur de la discrétion avec laquelle le gouvernement, en la personne de JeanLouis Borloo, a lancé il y a un an les premiers permis d’exploration. Même dans les régions qui ne sont pas a priori concernées, la population se mobilise tant cette exploitation serait une catastrophe écologique. Arguer de notre indépendance énergétique, comme le fait Nathalie Kosciuslo-Moriset, est une absurdité. Car le seul moyen d’accéder proprement à l’indépendance énergétique se trouve dans les économies d’énergie et dans les renouvelables. Mais ces principes ne correspondent pas aux orientations de la gouvernance mondiale que se partagent les pays les plus riches, et qui, via l’énergie, garantissent leur domination. Dans les années 30, Roosevelt avait adopté un programme économique qui s’appuyait sur les renouvelables. La guerre a remis le pétrole au premier plan. Après la crise pétrolière de 1973, Carter relance un programme autour des renouvelables. Mais les pétroliers veillent au grain… et installent Reagan au pouvoir. Car pour les « grands » de ce monde, les énergies renouvelables ont tous les inconvénients. Elles remettraient en cause l’organisation du pouvoir à tous les niveaux : chaque territoire peut décider seul de ses besoins et de sa production. Les pays du sud pourraient parvenir à une autonomie qui déstabiliserait les marchés des matières premières dont notre économie dépend. En ayant une énergie à moindre coût, chaque pays pourrait réinvestir une agriculture locale destinée à couvrir les besoins de sa population. Et chaque pays, en étant libre de ses choix, pourrait voir l’apparition d’une vraie démocratie participative ! Une utopie ? Peut-être pas… Profitons de cette mobilisation pour faire passer ce message : le choix énergétique n’est pas qu’un choix écologique, c’est un choix de société ! La transition, les sociétés soutenables… c’est bien de ça dont nous parlons depuis 40 ans. Alors, on s’y met, > MARTINE LAPLANTE tous ensemble ? Présidente des Amis de la Terre • France

Dernière minute La rédaction a dû chambouler les dernières pages de ce numéro pour réagir après les très graves événements survenus au Japon. Les Amis de la Terre expriment ici leur profond chagrin et leur solidarité avec le peuple japonais, qui subit pour la deuxième fois de son histoire une catastrophe nucléaire dont les conséquences affectent déjà – et irrémédiablement – toute l’humanité.

SOMMAIRE 3 - 5 > INTERNATIONAL • Marché agricole : la flambée des prix alimentaires met le feu aux poudres. • Tunisie : quelle place pour l’écologie dans l’après-révolution ? • G8 et G20 : selon les ministres des Finances, tout va pour le mieux • Italie : Référendum sur le nucléaire 6 - 11 > FRANCE – RÉGIONS • Énergie : l’éolien se met à l’eau • Le gouvernement met à mal le photovoltaïque • Agrocarburants : les très bonnes affaires de Sofiprotéol • Wikileaks : révélations embarrassantes pour la FNSEA • Déchets nucléaires : querelles enfouies • Écomatériaux : se rendre visible pour résister • Fontainebleau : le Parc naturel, panacée de la canopée ? • Grand Paris : realpolitik entre État et Région • Dragage portuaire : polluants à la mer ! 12 - 19 > DOSSIER : GAZ ET HUILES DE SCHISTE • Ni ici, ni ailleurs • Sables bitumineux : la nouvelle frontière de l’inacceptable • Gaz de schiste : silence, on creuse • Amérique du Nord : ces malades du gaz • Mobilisation : « No gazaran ! » • NégaWatt : « Plus de sobriété et d’efficacité » • Droit minier : le gouvernement déterre la hache de guerre • Les principaux recours • Seine-et-Marne : Doue, haut-lieu de la résistance francilienne • Se mobiliser 21 > JURIDIQUE – COLLECTIFS • La nouvelle procédure de participation à l’élaboration des décisions réglementaires • Combat Monsanto : pour que le monde de Monsanto ne devienne jamais le nôtre 22 > COIN DES LIVRES • Village toxique : Grégory Jarry et Otto T • Les cultures d’OGM s’effondrent en Europe 23 > PRATIQUES, HUMEUR • Les graines germées • Y a du gaz dans l’eau ! 24 > DERNIÈRE MINUTE • Fukushima : vers un niveau 8 sur l’échelle des événements nucléaires

La Fédération des Amis de la Terre France est une association de protection de l’Homme et de l’environnement, à but non lucratif, indépendante de tout pouvoir politique ou religieux. Créée en 1970, elle a contribué à la fondation du mouvement écologiste français et à la formation du premier réseau écologiste mondial - Les Amis de la Terre International - présent dans 77 pays et réunissant 2 millions de membres sur les cinq continents. En France, les Amis de la Terre forment un réseau d’une trentaine de groupes locaux autonomes, qui agissent selon leur priorités locales et relaient les campagnes nationales et internationales sur la base d’un engagement commun en faveur de la justice sociale et environnementale.

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Le Courrier de la Baleine n°165 « Se r anger du côt é des bal ei nes n’ est pas une posi t i on aussi l égèr e qu’ i l peut l e sembl er de pr i me abor d. »

Trimestriel • Printemps 2011 • n°CCPAP : 0312 G 86222 • Ce numéro se compose d’un cahier principal (24 pages) et d’un dépliant Enercoop.

Depuis 1971

Direction de la publication Martine Laplante Rédaction en chef Lucile Pescadère, Laurent Hutinet Secrétariat de rédaction Benjamin Sourice Comité de rédaction Sophie Chapelle, Cyril Flouard, Caroline Hocquard, Laurent Hutinet, Lucile Pescadère, Caroline Prak Ont collaboré à ce numéro Julien B., Muriel Bodin, Jean Bonnafous, Cyrielle den Hartigh, Alain Dordé, Gérard Eripret, Marie-Christine Gamberini, Lucie Lebrun, Aloys Ligault, Jeanne Mahé, Gabrielle Otiers, Juliette Renaud, Patrick Sadones, Une Taupe Fâchée, Nicolas Sersiron Crédits photos Jpeepz, Saad Khadi, Julie Kertesz, (Sacha Lenormand/Les Amis de la Terre France, Les Amis de la Terre International, Enercoop, Wambach Maquette Catherine Mantelet Relations presse Caroline Prak (01 48 51 18 96) Impression sur papier recyclé Offset Cyclus 90g avec encres végétales • Stipa (01 48 18 20 50)


INTERNATIONAL

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Marché agricole La flambée des prix alimentaires met le feu aux poudres

© Alterchos

Le monde s’apprête à revivre en 2011 une nouvelle crise alimentaire dont les causes restent identiques à celles qui avaient causé les émeutes de la faim il y a trois ans.

Dakar, février 2011. Manifestation lors du lancement du Forum social mondial.

Le spectre de la faim ressurgit. Les voyants annonçant une nouvelle hécatombe alimentaire s’allument les uns après les autres. Blé, maïs, café, sucre, huile de palme, la plupart des matières agricoles voient leurs cours s’envoler. Des analystes pointent du doigt une météo capricieuse et des catastrophes naturelles en série dans plusieurs pays fournisseurs du marché international : inondations en Australie, sécheresses en Argentine, incendies en Russie, pluies trop fortes au Canada... Et la hausse du prix du baril de pétrole ne fait qu’alourdir la facture. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), l’indice des prix des produits alimentaires a atteint un record en décembre 2010. Ni la Chine ni l’Inde n’ont été épargnées avec une hausse de 20 et 18 %. En Algérie, après plusieurs jours d’émeutes, en partie dues à cette flambée des prix, le gouvernement a annoncé une exonération temporaire de 23 % des charges imposées aux importateurs d’huile et de sucre. Ce sont désormais 80 pays qui sont en situation de déficit alimentaire d’après l’ONU.

Ruée sur les terres fertiles Désireux de sécuriser leurs accès aux céréales, plusieurs pays importateurs comme l’Arabie Saoudite et la Corée du Sud, louent des millions d’hectares de terres en dehors de leurs frontières. Autre exemple : la Chine qui a obtenu une concession de 2,8 millions d’hectares en République démocratique du Congo pour y implanter la plus grande palmeraie du monde. Fatimatou Hima, membre de Via Campesina¹ en Afrique, résume cette

situation à « un combat entre David et Goliath ». Cet accaparement massif des terres déstructure les productions et marchés locaux, pourtant les mieux à même de nourrir les populations indigènes. La pénurie est-elle en cause dans les émeutes de la faim ? On constate aujourd’hui un doublement de la consommation mondiale de céréales, passée de 21 millions de tonnes par an pour la période 1990-2005 à 41 millions pour 2005-2010. Aux origines de cette hausse, les agrocarburants. Aux États-Unis, 50 % de la production de maïs est transformée en éthanol. Au Brésil, la canne à sucre sert désormais à faire le plein des voitures. Le problème n’est donc pas la pénurie mais bien un problème politique de répartition des ressources et de priorités.

L’ombre de la spéculation L’Union européenne (UE) participe à cet emballement des prix : en fixant par la directive sur les énergies renouvelables un taux minimum d’incorporation de « 10 % d’agrocarburants dans la consommation totale d’essence et de gazole destinés au transport [...] d’ici à 2020 », l’UE assure à terme un marché juteux aux producteurs d’agrocarburants. En septembre 2010, un rapport de la fédération des Amis de la Terre alerte sur cette « demande en agrocarburants [qui] détourne vers les carburants des ressources alimentaires – comme le manioc, l’arachide, le sorgho sucrier, le maïs… – de leurs consommateurs habituels ». Un autre facteur de déstabilisation du marché vient s’ajouter aux catastrophes naturelles et à l’accaparement des terres :

la spéculation. Les fonds de pensions et autres banques d’affaires ont découvert qu’ils pouvaient placer leurs formidables avoirs monétaires sur... les produits alimentaires ! Dans une enquête intitulée La bulle alimentaire : comment Wall Street a affamé des millions de personnes dans le monde sans être inquiété, le journaliste Frederick Kaufman a étudié le rôle de la banque d’investissement Goldman Sachs dans la crise alimentaire de 2008. « En accumulant des contrats d’achats à terme du blé, Goldman Sachs a entrainé “le choc de la demande”, explique Frederick Kaufman. Habituellement, le prix augmente quand l’offre baisse mais ici, la demande artificielle d’achat a entrainé l’augmentation des prix. » À Dakar, à l’occasion du Forum social mondial qui s’est tenu du 6 au 11 février 2011, un appel a été rédigé contre l’accaparement des terres. Les signataires demandent aux parlements et aux gouvernements que cessent immédiatement tous les accaparements fonciers massifs en cours ou à venir et que soient restituées les terres spoliées. Ils exigent la mise en place d’un cadre effectif de reconnaissance et de régulation des droits fonciers des usagers. Comme le rappelle Fatimatou Hima, « la priorité pour les petits producteurs est d’assurer la souveraineté alimentaire aux populations ». Trois ans après les émeutes de la faim, le vent de la révolte gronde à nouveau.

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SOPHIE CHAPELLE

1 Mouvement international paysan, Via Campesina milite pour une agriculture locale et durable. www.viacampesina.org


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INTERNATIONAL

Tunisie Quelle place pour l’écologie dans l’après-révolution ? Censuré par le régime de Ben Ali depuis sa création en avril 2004, le parti Tunisie Verte est sorti de la clandestinité avec la révolution du Jasmin. L’écologie a-t-elle un avenir en Tunisie ? Réponse d’Abdelkader Zitouni, coordinateur national et membre fondateur du premier mouvement écologiste tunisien.

Nous avons beaucoup de problèmes très graves. Dans les régions de Sfax et de Gabès, les rejets en mer de phosphogypse1 sont à l’origine de 10 000 à 12 000 cas de cancers par an. Nous avons aussi appris par la population de Tataouine que des déchets radioactifs seraient enfouis dans le désert tunisien. Nous avons demandé au gouvernement de créer une commission d’enquête à ce sujet. À cela s’ajoutent les problèmes environnementaux classiques : OGM qui circulent librement dans les supermarchés, pollution des véhicules, problèmes de protection sanitaire, pillage des forêts d’eucalyptus… Sans compter les rejets des usines textiles qui ont provoqué la mort de milliers de poissons dans plusieurs régions ! Il faudra au moins cinquante ans pour réparer les dommages causés à l’environnement en Tunisie par l’ancien régime. Quel est le rapport des Tunisiens à l’environnement ?

Les Tunisiens ne sont pas encore très conscients des enjeux environnementaux. Mais depuis la chute de Ben Ali nous recevons chaque jour des demandes d’adhésion, surtout de la part des jeunes. Nous avons aussi reçu des intellectuels, des artistes, nous sommes en train d’attirer toutes sortes de gens. Comment voyez-vous les perspectives ouvertes aux défenseurs de l’environnement dans le nouveau paysage politique ?

Notre parti peut devenir important. En janvier, le Premier ministre Ghannouchi [remplacé depuis par Béji Caïd Essebsi] nous avait bien reçus. Nous avons demandé à participer aux commissions de révision de la Constitution mais nous n’avons pas été invités à participer au gouvernement. Le problème est que la scène politique tunisienne reste très floue. Aujourd’hui, personne ne peut prévoir quoi que ce soit. Abdelkader Zitouni, membre fondateur de Tunisie Verte

Quelles sont vos revendications les plus urgentes ?

Nous avons demandé qu’un Premier ministre indépendant soit désigné par le Conseil de protection de la révolution, lui-même constitué par les anciens partis dissidents – dont Tunisie Verte – et par des membres de la société civile. Les Tunisiens ne risquent-ils pas de baisser les bras ?

Je ne pense pas. Un gouvernement qui ne correspond pas aux aspirations du peuple ne peut pas être accepté. Les Tunisiens sont déterminés. Le Conseil de protection de la révolution peut-il assurer la transparence du nouveau gouvernement ?

Tout à fait, et même proposer des lois pendant la période transitoire. Mais, si l’armée prend le pouvoir, je ne peux pas dire quel sera l’avenir de la révolution. Nous sommes en phase de construction du parti car nous sortons tout juste de la clandestinité. Aujourd’hui, notre priorité est de former des fédérations régionales pour couvrir l’ensemble du territoire et obtenir une assise importante en vue des élections. Nous allons demander à ces fédérations de commencer à travailler pour sensibiliser l’opinion.

Nous souhaitons également la séparation entre politique et religion, la suppression de la peine de mort, davantage de laïcité et de liberté, la parité homme-femme... sans oublier le développement durable. Sachez aussi qu’en Tunisie 80 % des investissements ont été faits sur la côte, au détriment des régions intérieures – c’est d’ailleurs ce déséquilibre qui est à l’origine de la révolution du Jasmin. Nous allons soumettre notre programme aux fédérations pour que les modifications viennent de la base dans les régions. Les Européens peuvent-ils aider à promouvoir l’écologie en Tunisie ?

J’ai rencontré les partis européens à plusieurs reprises. Si vous voulez un parti vert fort en Tunisie, il faut nous soutenir sur tous les plans. Nous attendons la réponse de Bruxelles sur une aide à l’Union européenne. Nous irons sans doute fin mars à Budapest au congrès des partis verts européens.

> PROPOS RECUEILLIS PAR CYRIL FLOUARD 1 Déchet industriel de la production de phosphate. Avec plus de 8 millions de tonnes par an, la Tunisie est le cinquième producteur mondial d’engrais phosphatés.

Quelles seront les grandes lignes de votre programme ?

Nous demandons une commission d’enquête sur les dégâts causés à l’environnement par l’ancien pouvoir. Ensuite, nous voulons mettre l’emploi des jeunes diplômés au cœur de notre programme. Il s’agit d’encourager l’économie verte pour créer des emplois, de faire étudier l’environnement à l’école primaire...

D.R.

Quelles sont aujourd’hui les principales priorités environnementales en Tunisie ?


INTERNATIONAL

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Présidence française des G8 et G20 Selon les ministres des Finances, tout va pour le mieux

La gesticulation a repris. Après la crise de 2008, les États du G20, s’opposant à la « dictature de la finance et du court-termisme », voulaient « moraliser le capitalisme ». Les financiers ont repris leurs attaques et renoué avec les bonus, alors que les États, de plus en plus endettés, ne peuvent plus financer les politiques sociales et de transition écologique, voire le fonctionnement de services publics élémentaires comme l’édu cation ou la justice. Sur fond de multiplication des plans de rigueur dans la Action d’Oxfam International à Bruxelles durant le G8. zone euro, Nicolas Sarkozy, président pour un an du G8 et du G20, refus du Royaume-Uni et des États-Unis tente d’en faire une tribune électorale. (entre autres)… ce qui évitera aux instiLes 19 et 20 février 2011, le G20 des tutions financières françaises d’avoir à ministres des Finances et des gouvers’y plier. En parallèle, une redéfinition neurs de Banque centrale s’est réuni à plus laxiste des paradis fiscaux a permis Paris. À l’issue de la rencontre, alors que à l’Organisation de coopération et de les déclarations finales n’ont aucune pordéveloppement économiques de les tée exécutoire, Christine Lagarde, « très faire disparaître de sa carte. Mais poinsatisfaite du résultat atteint », a salué « un ter ces “juridictions non coopératives” texte équilibré et exigeant dans sa mise en oubliant de dénoncer leurs princien œuvre », les ministres ayant discuté paux utilisateurs que sont les multinatiode « sujets importants pour le bien-être et nales, au premier rang desquelles les même parfois la survie des concitoyens banques, est un faux-semblant. Chaque du monde ». banque européenne possède en moyenne 25 filiales dans les seules Îles Caïman… Ces filiales opaques permetSarkozy, justicier économique tent chaque année le détournement de Et, en effet, tout va bien. La France et 800 milliards d’euros provenant des l’Allemagne ont rappelé leur soutien pays du Sud. Une volonté réelle de déterminé à la création d’une taxe sur changement exigerait en premier lieu la les transactions financières (TTF), afin publication des comptes des multinatiode refroidir les excès de la finance. Fort nales pays par pays. opportunément, elles se heurtent aux

© Oxfam International

Les 19 et 20 février 2011, le G20 des ministres des Finances et des gouverneurs de banques centrales, réuni à Paris, s’est appliqué à de nouveaux effets d’annonce. Sans rien changer : les peuples continuent à subir les crises économiques, sociales et écologiques. La France a pourfendu la spéculation – responsable, selon elle, de la hausse des prix alimentaires – mais continue de soutenir le libre-échange agricole à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), et subventionne à grands frais son agriculture productiviste. Dans ces grandes messes du capitalisme, il est bien sûr exclu de critiquer la dépendance alimentaire, l’accaparement des terres ou l’élevage industriel.

Engagements minimums

Les Amis de la Terre rappellent que ce club des nations les plus riches n’a pas la légitimité des rares instances internationales capables de créer du droit (Organisation des nations unies, OMC, Union européenne). Ils demandent néanmoins que les pays du G20 prennent des mesures sans ambiguïtés sur quelques points, dont l’arrêt de toute subvention aux énergies fossiles, la réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2020, l’adoption d’objectifs de réduction de la consommation des ressources, la mise en place immédiate et unilatérale d’une TTF par tous les États volontaires, l’arrêt immédiat de la titrisation et des marchés carbones. Pour pousser ces revendications, Les Amis de la Terre s’inscriront en 2011 dans la mobilisation aux côtés d’ATTAC et du Crid. > LAURENT HUTINET ET JULIETTE RENAUD*

* Chargée de campagne finances

Italie Le référendum sur le nucléaire aura bien lieu Le 12 janvier 2011, le gouvernement pronucléaire de Berlusconi déchantait : la Cour constitutionnelle italienne donnait son feu vert à un référendum sur l’abrogation d’une loi autorisant la construction de centrales nucléaires et de centres de stockage de déchets radioactifs. En 2008, le gouvernement italien avait décidé la reprise du programme nucléaire et la construction, à partir de 2013, de quatre réacteurs EPR, en coopération avec EDF et l’italien ENEL. Mais le parti Italia dei Valori a réussi à récolter les 500 000 signatures nécessaires à l’organisation d’un référendum.

En 1987, peu après Tchernobyl, le peuple italien avait exprimé son rejet du nucléaire lors d’un premier référendum. Suite à cela, les quatre réacteurs en service avaient cessé d’être exploités. Depuis, un moratoire interdisait de nouvelles installations. L’abandon de la production d’électricité via le nucléaire n’a pas pour autant mis fin aux ennuis liés à l’énergie atomique. Plus de vingt ans après, l’Italie est toujours encombrée de déchets nucléaires qu’elle ne sait pas traiter. Le 6 février 2011, un train en provenance du Nord de l’Italie convoyait à La Hague une demi-tonne de combusti-

bles nucléaires usés provenant du réacteur de Garigliano, arrêté en 1982. Traversant la région parisienne, ce convoi a utilisé les voies du RER et stationné en gare, à côté de rames pleines de voyageurs. Sans la vigilance des associations, ce transfert se serait déroulé dans la plus complète opacité. Malgré le moratoire nucléaire, l’Italie reste confrontée au problème des déchets générés par l’atome. Que penser de la France qui, depuis les années 1970, en a fait sa source principale de production d’électricité ?

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MARIE-CHRISTINE GAMBERINI


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FRANCE

Énergie L’éolien se met à l’eau

Le 25 janvier 2011, à l’occasion d’une visite des chantiers de construction navale à Saint-Nazaire, Nicolas Sarkozy a annoncé la mise en place du premier appel à projet du secteur de l’éolien offshore. Changement de cap de la présidence de la République qui, il y a quelques mois, déclarait « ça commence à bien faire » à propos de l’environnement ? Le programme en question prévoit l’installation de 600 éoliennes en mer, pour une puissance totale de 3 000 MW. Cinq sites sont déjà sélectionnés pour accueillir ces champs d’aérogénérateurs offshore : Courseulles-sur-Mer (Calvados), Fécamp et Dieppe-le-Tréport (SeineMaritime), Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). Lancé dans le courant du mois de mai, l’appel d’offre mettra en concurrence les entreprises sur des critères comme le tarif de rachat, la qualité du volet industriel et la prise en compte de l’environnement.

Des études d’impact s’imposent Indéniablement préférable à la construction de nouvelles centrales nucléaires, ce type de projet, qui vise une production d’électricité à grande échelle, ne constitue pas pour autant une panacée. Reléguer les champs d’éoliennes en mer permet certes de satisfaire les personnes qui se plaignent des nuisances qu’ils causeraient sur terre (bruit, destruction des paysages) mais génère d’autres soucis. L’installation de turbines de plusieurs tonnes en milieu marin comporte bien des difficultés. Aux problèmes de corrosion du matériel s’ajoute celui de la maintenance, forcément plus compliquée offshore que sur la

© Vattenfall

En janvier dernier, Nicolas Sarkozy a annoncé le lancement d’un appel d’offre pour l’implantation de parcs éoliens offshore. Bonne nouvelle ?

Ferme d’éoliennes en Mer du Nord.

terre ferme. Et tout cela a un prix : 3,5 millions d’euros par mégawatt pour la construction d’une turbine en mer, contre 1,5 million pour une éolienne terrestre¹. Au-delà des préoccupations financières, diverses associations écologistes s’inquiètent des menaces de ces fermes éoliennes pour la vie de la faune et de la flore. Au Danemark, pionnier de l’éolien offshore depuis 1991, la biodiversité marine ne semble pas avoir trop souffert de l’implantation des champs de turbines, mais l’aménagement des parcs éoliens devra impérativement être précédé d’études d’impact. Le principal problème reste toutefois politique. En faisant le choix de l’éolien industriel, le gouvernement semble refuser d’amorcer le virage vers ce que l’on pourrait appeler le “vrai” renouvelable. À savoir de petites unités de production plus légères et moins centralisées qui alimenteraient foyers et entreprises au niveau local.

Avec ce plan du ministère de l’Ecologie, la France persiste à soutenir une production électrique ultracentralisée dont le transport ne peut être assuré que par des lignes à très haute tension. Précisons que ces lignes sont, entre autres dégâts, à l’origine de champs électromagnétiques sources de multiples problèmes de santé (troubles du sommeil, maux de tête, états dépressifs, mais aussi cancers)². Ne pourrait-on à l’avenir plutôt imaginer de petites fermes éoliennes implantées un peu partout sur le territoire français et gérées, non par Areva ou EDF, mais par des collectifs associant pouvoirs publics, habitants et acteurs économiques locaux ?

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LUCILE PESCADÈRE

1 La France doit-elle miser sur l’éolien offshore ? (Le Monde, 26 janvier 2011). 2 Voir les études du Centre de recherche et d’information indépendantes sur les rayonnements électromagnétiques (Criirem).

Le gouvernement met à mal le photovoltaïque Le 2 décembre 2010, le gouvernement a gelé jusqu’en mars 2011 les autorisations pour tout nouveau projet photovoltaïque. Une décision justifiée par le fait que la puissance équipée minimale de 5 400 MW-crête prévue par le Grenelle serait atteinte en 2020 compte tenu des dossiers en attente. Également mis en cause, des acteurs aux vues purement spéculatives – fonds d’investissements, etc. – se seraient engouffrés dans la brèche ouverte par les tarifs d’achat de soutien à la filière française. Après avoir baissé sans concertation le tarif en sep-

tembre 2010, le gouvernement met à mal les projets photovoltaïques des collectivités et des particuliers, menaçant une filière qui, des producteurs de panneaux aux installateurs, a créé quelque 25 000 emplois en trois ans en France. Les représentants des collectivités, des professionnels et d’associations ont adressé le 3 février dernier une lettre ouverte au gouvernement et au Parlement. Ils demandent que le dispositif de soutien soit revu à moyen terme et refusent les procédures d’appel d’offres pour les petites installations. Ils défendent un

tarif d’achat dégressif, qui favoriserait les petites et moyennes installations, ainsi que l’implantation prioritairement sur le bâti existant. Les défenseurs du voltaïque dénoncent le projet d’un quota annuel de 500 MW – quand l’Allemagne a installé, en 2010, une puissance de 8 000 MWcrête, soit le dixième de la capacité de production électrique de la France. Les nucléocrates ont à coup sûr agi en coulisse pour freiner le photovoltaïque, qui aura bientôt le mauvais goût de coûter moins cher que l’atome. Décision de l’Etat attendue prochainement. > L.H.


FRANCE

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Agrocarburants Les très bonnes affaires de Sofiprotéol Rien ne justifie les soutiens financiers et fiscaux à la production d’agrocarburants, dont Sofiprotéol – sous la marque Diester – détient en France le quasi-monopole. Cette société, filiale de la compagnie pétrolière Total, vient de placer son président à la tête du syndicat agricole majoritaire, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). La Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) vient d’élire son nouveau président. Il s’agit de Xavier Beulin, président de Sofiprotéol, leader français des agrocarburants. De ses usines sortent chaque année 80 % des 2,5 millions de tonnes de Diester (nom communément donné à l’ester méthylique d’huile végétale) produits en France. Or le développement de cette filière – et, donc, de Sofiprotéol – s’est appuyé sur une série d’impostures.

celle-ci étant passée de 350 € par m3 en 2004 à 80 € par m3 en 2011. Mais, en contrepartie, Sofiproteol – qui jouit d’une situation de quasi-monopole sur un marché devenu captif depuis janvier 20052 – augmente régulièrement le prix de vente de son Diester. Ainsi, il transfère progressivement du contribuable vers l’automobiliste le coût du soutien que la collectivité nationale lui accorde.

Un corporatisme assumé Tout d’abord, le développement du Diester améliorerait notre indépendance énergétique. Pour 100 tonnes équivalent pétrole (Tep) d’huile estérifiée, l’économie de pétrole serait de 122 Tep, quantité nécessaire pour obtenir Xavier Beulin, président de Sofiprotéol ET de la FNSEA. 100 Tep de gasoil. Mais il faut de la demande en huile végétale, consédéduire de cela les 46 Tep d’origine fossile cutive à son utilisation croissante, nécesnécessaires au processus industriel d’obsite la mise en culture de nouvelles surtention du Diester, soit une économie réelle faces. Ceci entraîne un changement de de 76 Tep, selon une étude Ademe - Bio l’occupation des sols, fortement émetteur Intelligence Service. Et cette “économie” de GES (par minéralisation de l’humus est faite au prix de l’importation de 100 des sols forestiers notamment). Ainsi, Tep d’huile végétale (ou l’équivalent en l’impact du changement d’affectation des graines oléagineuses). Comme le prix de sols, consécutif à ces nouvelles plantal’huile alimentaire est aujourd’hui supérieur tions de palmiers à huile, propulse potenà celui du pétrole, quel est l’intérêt ? tiellement le bilan global des émissions de Deuxième argument avancé par SofiGES de la filière Diester au double de celui proteol : l’utilisation de Diester mélangé du gasoil remplacé1. au gasoil permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) du Sofiprotéol avance par ailleurs que le secteur des transports routiers. Or cela les coût du soutien public à la filière Diester aggrave, au contraire. En effet, la hausse via la défiscalisation du produit diminue,

Ce soutien, que rien ne vient justifier, représente quelque 500 € par m3 de Diester, soit environ 200 € la tonne de graines de colza, ou environ 50 000 € chaque année par emploi prétendument créé ou maintenu par cette filière. Il s’agit là d’une forme de corporatisme très aboutie et complètement assumée. Ce rapport du monde agricole au reste de la société fonctionne maintenant depuis plusieurs décennies. Avec le dispositif fiscal et réglementaire obtenu en faveur du Diester, il atteint aujourd’hui son paroxysme. > PATRICK SADONES D.R.

Impostures en série

agriculteur, adhérent de Energie durable en Normandie et de la Confédération paysanne 1 Bio Intelligence Service, étude publiée le 8 avril 2010. 2 Ironiquement, depuis le 1er janvier 2005, les distributeurs qui ne respectent pas les niveaux d’incorporation d’agrocarburants dans l’essence et le gasoil qu’ils commercialisent sont frappés d’une taxe très lourde, la TGAP (taxe générale sur les activités polluantes), dont le montant est dissuasif.

Wikileaks Révélations embarrassantes pour la FNSEA Fin 2010, Wikileaks révélait des milliers de câbles diplomatiques confidentiels de l’administration américaine. Leur lecture confirme, sans grande surprise, les manœuvres de Washington pour imposer ses OGM en Europe, par l’intermédiaire du marché espagnol, notamment. Les pressions sur le Vatican pour museler les évêques réfractaires à la transgénèse afin de favoriser l’acceptation des OGM en Afrique sont déjà plus déroutantes. L’affaire se corse lorsque, dans un télégramme diplomatique (07PARIS 4723, du 14 décembre 2007), l’ambassadeur en poste à Paris suggère à Wash-

ington de « renforcer sa position sur les biotechnologies agricoles en publiant une liste de représailles ». Et de souligner que « les partisans des OGM en France, y compris au sein du syndicat agricole [la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), majoritaire], pensent que des représailles sont la seule façon de faire évoluer la situation ». Syndicats agricoles opposés aux OGM, la Coordination rurale et la Confédération paysanne ont demandé des comptes à la FNSEA. Laquelle, par la voix de certains de ses cadres, est suspectée d’avoir suggéré aux Américains le lance-

ment d’un boycott des produits français pour faire plier le gouvernement sur la question des OGM. À ce jour, la FNSEA n’a pas répondu à ces accusations de trahison. Il faut dire que Xavier Beulin, nouveau président du syndicat, ne s’est jamais caché de sa position pro-OGM. En 2007, il affirmait que « la FNSEA a une position d’ouverture sur la question des OGM. (…) S’il y avait des risques avérés, l’État aurait déjà pris certaines mesures. » Et si un syndicat travaillait contre l’intérêt de ses adhérents, l’État agirait-il ?

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BENJAMIN SOURICE


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FRANCE

Déchets nucléaires Querelles enfouies Le budget au rabais pour le projet de centre d’enfouissement de déchets nucléaires de Bure (Meuse) a indisposé les pouvoirs publics. EDF a été rappelé à l’ordre : pas question de laisser les producteurs de la filière électro-nucléaire entacher le beau discours officiel sur la sûreté du nucléaire à la française. L’absence de débat depuis que le pays s’est lancé à plein régime dans le nucléaire le prouve : l’État français veut maîtriser la communication sur ce choix énergétique autoritaire. En particulier lorsqu’il s’agit de la question épineuse des déchets générés par cette industrie. Depuis que la loi de 2006 a entériné la solution, très contestée, du stockage géologique, l’objectif est de la faire passer auprès de la population. Les échéances se rapprochent. Le site d’enfouissement de Bure est censé entrer en travaux en 2017 pour accueillir à partir de 2025 des déchets nucléaires de Haute et moyenne activité à vie longue (HMA VL), les plus radioactifs. En 120 ans, 6 000 m3 doivent y être enfouis. L’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, désignée maître d’œuvre du projet, effectue pour l’heure des tests sur le site. L’objectif est de montrer qu’apparemment les impacts environnementaux et financiers de ce projet brûlant seront bien encadrés. Dans ce contexte, les mécontentements affichés par les producteurs d’électricité sur le coût du projet font désordre. Depuis que le nouveau budget de 35 milliards d’euros circule (la première évaluation s’élevait à 15 milliards), EDF, avec l’appui d’Areva et du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), a proposé un contre-projet au rabais, en rognant notamment sur le budget sécurité. Les

industriels du nucléaire, en plus de montrer leur irresponsabilité, dévoileraient-ils ainsi une inquiétude sur l’équilibre financier de la filière ? Un grand flou règne sur ce que va coûter le traitement des millions de tonnes de déchets nucléaires de la France. Les provisions constituées par EDF seront-elles suffisantes ? Le contribuable va-t-il devoir renflouer ?

« Inévitables incertitudes » En tout cas, les producteurs ont été sèchement repris par l’État, qui prétend se porter garant de la sûreté auprès des citoyens. « La crédibilité et la sécurité des projets d’enfouissement et de réduction des déchets nucléaires risquent d’être remis en cause par les industriels du secteur au nom de la rentabilité à court terme », s’indignait l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques dans son rapport de janvier. Réaction censée, si ce n’est que, comme le relève le Réseau Sortir du

Nucléaire, le rapport rejette encore l’idée d’une consultation publique. Il ne s’agirait donc que d’un enjeu de communication. La sûreté sur le long terme est toute relative, et dans ce domaine c’est l’inconnu qui prime. En 2006, l’Agence de l’Organisation de coopération et de développement économiques pour l’Energie nucléaire l’énonçait déjà clairement : « Vu les échelles de temps et d’espace à prendre en compte dans une évaluation de la sûreté, les incertitudes (ou des lacunes dans les connaissances) sont inévitables concernant les caractéristiques et l’évolution du dépôt et de son environnement immédiat. Toutefois, toute entreprise humaine est entachée d’incertitudes et toute prise de décision doit prendre en compte cette réalité ». Un peu de courage, messieurs les nucléocrates, les générations futures vous en seront reconnaissantes… > GABRIELLE OTIERS Les Amis de la Terre exigent un moratoire : www.dechets-nucleaires-ne-pas-enfouir.org

Brèves Les apiculteurs obtiennent gain de cause contre le pesticide Cruiser® Le Conseil d’Etat a examiné, le 24 janvier 2011, trois requêtes de l’Union nationale de l’apiculture française (UNAF) contre les autorisations de mise sur le marché du Cruiser® 350. Les apiculteurs français et européens dénoncent depuis des années les effets dévastateurs de ce produit sur les abeilles et sur l’ensemble des insectes pollinisateurs. Le rapporteur public a réclamé l’annulation des décisions par lesquelles le ministre de l’Agriculture a autorisé le Cruiser® en 2008, 2009 et 2010. Il a également demandé la condamnation de l’Etat à verser 9 000 € d’indemnités à l’UNAF pour ses frais de procédure.

Journée d’action contre la politique énergétique de la Banque mondiale La Banque mondiale va publier une première version de sa nouvelle Stratégie Energie. Les Amis de la Terre ont participé, le 1er mars 2011, à une journée internationale d’actions contre les financements de la Banque aux énergies fossiles. Dans la rue comme sur Internet, de Paris à Johannesburg, en passant par Londres, Berlin, Rome ou Washington, les activistes ont dénoncé les financements massifs de la Banque à des énergies sales, notamment le charbon, qui aggravent les changements climatiques et la pauvreté. Les Amis de la Terre demandent à la France de pousser la Banque mondiale à arrêter tout financement aux énergies fossiles et de soutenir les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique au profit des populations les plus pauvres.


FRANCE

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Habitat écologique Ecomatériaux : se rendre visible pour résister Les magasins E. Leclerc se sont lancés à la chasse aux Certificats d’économie d’énergie et incitent leurs clients à la rénovation énergétique… Or on ne trouve pas de produits certifiés “écomatériaux” dans la grande distribution. Et pour cause : la filière peine à émerger face aux poids lourds du bâtiment. E. Leclerc tentent de verdir leur image à coups de slogans chocs. En août 2010, certains d’entre eux ont même lancé un nouveau programme : la “Prime énergie”. L’opération consiste à offrir un bon d’achat au client qui aura acheté un équipement ou un matériau lui permettant de faire des travaux d’économie d’énergie. Louable intention ! Sauf qu’en agissant ainsi, la marque empêche le développement de filière des écomatériaux… La distribution de ces primes permet à la chaîne de magasins, en tant que détaillant de carburant et de fioul, d’obtenir des Certificats d’économie d’énergie (CEE), dans le cadre de la politique d’incitation des fournisseurs d’énergie (que la loi appelle les « obligés ») aux investissements dans les économies d’énergie. Les obligés peuvent choisir de financer des opérations standardisées, telles que définies dans la loi, ou tout autre type d’opération, tant qu’il est prouvé que ces travaux entraîneront des économies d’énergie. E. Leclerc a donc sélectionné certaines de ces opérations standardisées, que ses clients réalisent, pour leur accorder ses primes énergie. Par exemple, concernant les isolants, la loi stipule que les matériaux doivent avoir une « certification Acermi ou des caractéristiques de performance et de qualité équivalente ». Ainsi, les magasins E. Leclerc n’accordent leurs primes qu’aux clients achetant des matériaux certifiés Acermi, au détriment de tous les matériaux, même écologiques, ne bénéficiant pas de ce label privé.

aspects administratifs, obtenir la certification Acermi a un coût important pour le fabricant, voire rédhibitoire pour certains artisans. De fait, beaucoup de petits fabricants de matériaux – et ceux d’écomatériaux en particulier – travaillent à l’échelle artisanale et ne peuvent s’offrir le luxe d’être inscrits à cette certification. Cette politique de promotion d’isolants certifiés Acermi ajoute une distorsion de concurrence dont n’avait pas besoin les fabricants d’écomatériaux, déjà en manque de visibilité sur la distribution de leurs produits. Cette affaire pose davantage la question de la reconnaissance des écomatériaux que celle de la légitimité des magasins E. Leclerc. À ce jour, il n’existe pas en effet de certification écomatériau. Ceci laisse la filière dans un flou réglementaire risqué, tant pour les qualités réellement

Acermi, non merci

Une certification, mais laquelle ? Les industriels fabriquant des produits conventionnels, tels que l’aluminium ou les plastiques, sont très présents dans le groupe de travail de l’Afnor pour la normalisation des écomatériaux. Les Amis de la Terre s’inquiètent qu’une définition lâche et englobante des écomatériaux, à l’avantage des industriels du bâtiment, ne se transforme en simple outil de promotion commerciale et de « verdissement » des produits industriels. Une définition officielle des écomatériaux devrait, selon les Amis de la Terre, inclure des critères précis liés aux impacts environnementaux et sociaux : ponctions sur les ressources non renouvelables, consommation d’énergie, incidences sur l’emploi, caractère local de la fabrication, etc. Face à l’engouement que semble susciter aujourd’hui la filière de l’écoconstruction, espérons que des outils solides d’encadrement et de certification seront mis en place par les pouvoirs publics pour contenir les abus du secteur industriel.

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CYRIELLE DEN HARTIGH

chargée de campagne habitat écologique Campagne Habitat écologique des Amis de la Terre : www.amisdelaterre.org/-Habitatecologique-.html

Isolation extérieure en paille d’une maison.

D.R.

L’Acermi (Association pour la certification des matériaux isolants) est un organisme privé de certification. Pour obtenir la certification, un fabricant d’isolant s’engage à respecter un cahier des charges qualitatif et à mettre en place un système de contrôle transparent sur la qualité de ses produits. Le certificateur garantit, lui, la véracité des caractéristiques annoncées. Au-delà des

écologiques des matériaux que pour la visibilité nécessaire à la commercialisation de ces produits. C’est pourquoi, dans le cadre de la campagne Habitat écologique, les Amis de la Terre demandent la rédaction d’une définition officielle des écomatériaux et la mise en place de politiques incitatives pour l’utilisation des écomatériaux dans les constructions et rénovations de bâtiments. La loi Grenelle 2 indique qu’une « définition des écomatériaux devra être adoptée » (art.180). Des pourparlers ont débuté au sein du ministère de l’Ecologie et de l’Agence française de normalisation (Afnor).

Plus d’informations sur www.renovation-ecologique.org

D.R.

Depuis quelques années, les magasins


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RÉGIONS

Forêt de Fontainebleau Le Parc naturel national, panacée de la canopée ?

Le 27 janvier 2011, le maire de Fontainebleau et le président du comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), remettaient à Nathalie Kosciusko-Morizet une demande de classement de la forêt de Fontainebleau en Parc naturel national (PNN). La forêt de Fontainebleau est le massif forestier de plaine le plus riche d’Europe occidentale (vertébrés, insectes, plantes), l’un des plus grands aussi, avec 28 000 hectares, dont 80 % sur la seule commune de Fontainebleau. La forêt est déjà protégée par diverses normes (forêt de protection, Natura 2000, Réserves du programme sur l’homme et la biosphère de l’Unesco...) qui, au fil des années, et des réformes successives, ont fini par former une trame illisible et peu efficace.

Une forêt très fréquentée En effet, la forêt de Fontainebleau est soumise à une forte pression liée aux activités humaines. On décompte pas moins de 40 000 personnes vivant dans les limites du parc, auxquelles il faut ajouter les 17 millions de visiteurs annuels venant se dégourdir les jambes ou pratiquer des activités sportives (chasse, escalade, VTT...). Par ailleurs, les différentes trames de préservation n’ont pas empêché l’autoroute A6 d’éventrer le massif – chaque jour, plus de 50 000 véhicules traversent la forêt – à laquelle s’ajoutent voies SNCF et couloirs aériens. D’autre part, les associations d’utilisateurs du Parc, regroupés

D.R.

La demande de classement de la forêt de Fontainebleau ne fait pas l’unanimité, surtout parmi les associations d’utilisateurs. Mais la menace d’éventuels forages d’huile de schiste pourrait bien faire bouger les positions.

La forêt de Fontainebleau, l’une des plus grandes d’Europe.

sous le nom des Amis de la forêt de Fontainebleau, dénoncent « l’attrait que pourrait susciter, auprès d’un public nouveau, le classement de la forêt de Fontainebleau, ce qui ne manquerait pas de générer une fréquentation accrue et des risques potentiels de dégradation ». Toujours d’après les utilisateurs, la création du PNN pourrait entrainer « une forte inflation de l’immobilier local » et la création d’un ghetto doré. Si ce projet ne fait pas l’unanimité, peut-être que les permis d’exploration pour des huiles de schiste dans la zone feront évoluer les positions ?

Un sous-sol très convoité Le sous-sol de la région Île-de-France, par sa composition géologique, renferme de très nombreux gisements d’huile (pétrole) de schiste. D’après les géologues, le sous-sol de Seine-et-Marne en serait riche, notamment dans le périmètre de la forêt de Fontainebleau. En Îlede-France, trois permis d’exploration ont déjà été accordés, et plus de vingt demandes déposées, sans aucune trans-

parence ni concertation avec les collectivités concernées. Le classement du massif de Fontainebleau permettrait de contrer les appétits des foreurs. D’ailleurs, le 23 février dernier, la direction nationale des Parcs naturels régionaux sortait de sa réserve pour réclamer « l’interdiction de l’exploration et de l’exploitation d’hydrocarbures de roche-mère dans .les Parcs naturels régionaux, en raison des conséquences graves sur les sols, les ressources en eau et les paysages (…) Ces projets sont en contradiction avec les stratégies territoriales climat portées par les Parcs. » Pour les Amis de la Terre, l’exploitation des gaz de schiste n’a pas sa place sur le territoire, ni dans les parcs naturels, ni ailleurs. Les permis d’explorer doivent être annulés. Il en va de même pour la protection des forêts : c’est une préservation globale de l’ensemble des massifs qui doit primer, et non pas la création de forêts-vitrines sur une petite partie du territoire.

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BENJAMIN SOURICE

Métro du Grand Paris Pacte de realpolitik entre l’État et la Région C’est le 26 janvier 2011, cinq jours avant la fin du débat public, que l’Etat et la Région Île-de-France ont fait connaître un protocole définissant les axes de convergence de leurs deux projets de métro de rocade franciliens. Tirant les conclusions des réunions publiques et actant les rapports de forces, les deux parties ont décidé de tracer deux itinéraires circulaires, un en moyenne couronne, l’autre en proche couronne. Cela revient à rapprocher, à l’horizon 2025, le niveau d’équipement de l’est de la région de celui de l’ouest, longtemps favorisé. Il a aussi été décidé que l’État assumerait sa

part dans le financement de la remise à niveau, du maillage et de l’extension des lignes existantes, exigence que les usagers ont constamment exprimée. Cet accord donne le sentiment que le pire a été évité en termes d’infrastructures. En effet, le recours, à l’ouest, à des lignes ferrées déjà existantes permettra de maîtriser les coûts. Les deux parties ont aussi établi un constat de désaccord sur le plateau de Saclay (au Sud, à cheval sur les départements de l’Essonne et des Yvelines), où subsistent d’importantes zones agricoles. La Région refuse l’installation du métro à grand débit

que souhaite y tracer l’État, même si la menace demeure. En revanche, le compromis sur ce métro périphérique de grande banlieue entérine le principe de liaisons rapides, donc de gares (bien trop) espacées – donc celui de développement du territoire francilien : en spécialisant les territoires et en facilitant les déplacements, il favorise une urbanisation toujours croissante. Le fait que le protocole prévoie d’avaliser le Schéma directeur de la Région Île-de-France, qui comporte quelques éléments de maîtrise urbaine, ne suffira pas, hélas, à s’y opposer. > L.H.


RÉGIONS

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Dragage portuaire Polluants à la mer ! Décembre 2010, les associations environnementales lorientaises alertent les médias sur un projet d’immersion au large de l’île de Groix de sédiments potentiellement contaminés, issus du dragage du port de Lorient (Morbihan). La pratique soulève plus d’un problème. Pour accueillir des activités de nautisme et maintenir les ports en état de fonctionnement, l’agglomération de Lorient prévoit de mener, dans le courant de l’année 2011, plusieurs opérations de dragage – c’est-à-dire de curage des sédiments – d’une partie de la rade. Or les dynamiques sédimentaires des estuaires du Scorff et du Blavet, qui constituent la rade de Lorient, peuvent piéger certains polluants : des polluants urbains (mercure, hydrocarbures, etc.) et des polluants directement liés aux activités nautiques, notamment certains composés qui autrefois entraient dans la composition des peintures dites anti-salissures des coques de bateaux : métaux lourds, tributylétain, etc. Si le dragage est présenté comme indispensable au bon fonctionnement du Le dragage systématique des ports est-il vraiment nécessaire ? (Port de Vannes, Morbihan) port, la question qui agite les année, quelque quarante millions de associations locales, les pêcheurs et les envisagés ? Enfin, se pose la question mètres cubes de sédiments dragués élus, est celle du traitement des sédide la fiabilité des échantillonnages effecdans les ports ou les estuaires français ments dragués. Pour les “éliminer”, la tués. Ainsi, à Lorient, un mètre seulesont rejetés en mer. solution la plus largement pratiquée, et ment de profondeur a été testé alors Les options de traitement à terre aussi la moins onéreuse, est l’immersion que, dans certaines zones, le dragage (mise en dépôts, valorisation, tri des en mer – le clapage. est prévu sur 2,50 m de profondeur. macro-déchets, etc.), qui sont encore à Cette immersion en mer comporte L’enquête publique et la forte mobilil’état d’étude, nécessiteraient de toute des risques non négligeables de contasation locale – un collectif de vingt assoévidence la mise en place de filières mination et de destruction des fonds ciations de pêcheurs plaisanciers, de locales complètes, car il serait impensamarins. L’inquiétude des Lorientais est plongeurs et d’organisations environneble de faire prendre la route à de telles d’autant plus vive que la solution envisamentales – ont mis en évidence ces inquantités de matières ! gée serait le clapage des sédiments au cohérences qui refont surface à chaque large de l’île de Groix, un secteur classé fois qu’un port est dragué. À Rouen, par Natura 2000. exemple, une enquête pu blique du Prendre le problème en amont même type a été annulée en février derSi les orientations prises lors du Grenelle nier. En 2010, le scandale du clapage de la Mer semblent aller dans le sens Une réglementation insuffisante dans la baie de Quiberon de sédiments d’une promotion des alternatives, l’abL’encadrement réglementaire du clapage extraits du port de la Trinité-sur-mer sence de soutien financier aux collectivireste largement lacunaire.C’est le cas de avait remué les habitants de la région et tés et aux acteurs du secteurs risque de la convention européenne OSPAR. En entraîné une visite en grande pompe de reléguer ce dossier dans la longue liste France, le Groupe d’étude et d’observaJean-Louis Borloo – malheureusement des déclarations d’intention. tion des dragages (GEODE) a retranscrit peu suivie d’effets. Au-delà du problème du traitement ce règlement par la mise en place de Les associations réclament un plan des sédiments, des questions pourraient seuils de toxicité des sédiments. Le de gestion globale par entité portuaire et être posées dès l’amont. Le dragage groupe a établi des taux de contaminanon plus opération par opération, tel que systématique est-il vraiment nécestion en métaux lourds, afin de déterminer préconisé par le Schéma départemental saire ? Un port de commerce en eau peu les sédiments pouvant être immergés et de dragage du Morbihan (SDDM), profonde est-il durable ? Comment innoles autres. approuvé en août 2010. ver dans la gestion des déchets porCes seuils de toxicité sont discutaPar ailleurs, les futures évaluations tuaires et des eaux de carénage ? Un bles : quels polluants prendre en de projet de dragage devront inclure des chantier que les associations et acteurs compte ? À partir de quel niveau peut-on solutions alternatives à l’immersion, dont locaux devraient s’empresser de prenestimer que l’immersion n’aura aucun au moins une proposition de traitement à dre à bras le corps. impact sur le milieu marin, notamment terre. L’enjeu est considérable : chaque au regard des gigantesques volumes > LUCIE LEBRUN


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Dossier

Gaz et huiles de schiste : ni ici, ni ailleurs Dans ce dossier spécial, les Amis de la Terre reviennent sur les causes de la levée de boucliers contre les gaz de schiste, qui a marqué ce début d’année 2011. Oubliés les discours de Copenhague sur la crise climatique, une “révolution” technique relance l’exploitation des ressources fossiles à la faveur d’une flambée des prix du baril. Devant les pressions des multinationales, les gouvernements oublient jusqu’aux fondamentaux démocratiques et bradent l’environnement aux pétroliers. La résistance est désormais frontale et des alternatives émergent de l’esprit des citoyens qui s’organisent pour contrer la fuite en avant.

Comme Le Courrier de la Baleine n°164 l’annonçait, la calamité des gaz et des huiles (pétrole) de schiste a débarqué en France et en Europe. Plusieurs permis d’exploration ont été délivrés par JeanLouis Borloo avant son départ, sur une zone allant de Montpellier à Grenoble. Mais la moitié nord de la France n’est pas épargnée : des gisements d’huile de schistes ont été identifiés en Seine-etMarne et dans le Val-d’Oise, et des permis ont été distribués dans l’est de la France. Ces autorisations sont un cadeau de bienvenue très embarrassant pour Nathalie Kosciusko-Moriset, ancienne et nouvelle ministre de l’Ecologie, d’autant plus que la compétence de l’Énergie lui a été retirée. De fait, les réserves mondiales d’hydrocarbures non conventionnels sont colossales. Le gaz non-conventionnel a quasiment doublé le potentiel de gaz états-unien, propulsant les réserves du pays au troisième rang mondial. Les huiles non conventionnelles du Canada pourraient représenter plus de 200 milliards de barils. Mais si la hausse prévisible du prix du pétrole, du gaz et du charbon rend leur exploitation rentable, ces hydrocarbures ne pourraient servir qu’à compléter les revenus de quelques multinationales bien connues, dont Total, GDF-Suez, Hess et Schuepbach Energy. Ces entreprises n’ont aucun intérêt à la lutte contre le gaspillage généralisé et à un réel essor des renouvelables décentralisées en France et dans le monde. Loin de pouvoir contribuer à notre autonomie énergétique, les gaz de schiste participent en pratique d’une politique globale qui vise à repousser la transition énergétique sine die. Et de fait, aux États-Unis, après vingt ans d’exploitation, pétrole et charbon restent majoritaires dans les secteurs du chauffage et de la production d’électricité, la part des renouvelables restant toujours marginale.


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D.R.

Plus de 3 000 personnes se sont réunies à Doue (Seine-et-Marne), le 5 mars dernier, pour manifester contre les gaz de schistes.

En France aussi, hormis de timides efforts dans certains secteurs de l’habitat, la politique énergétique reste marquée par un conservatisme forcené dont la clé de voûte est le choix du nucléaire qui fournit l’essentiel de la production électrique actuelle. Dans les autres secteurs énergétiques, la domination des hydrocarbures persiste. Elle vient même d’être renforcée par des décisions de l’État en matière de transport des marchandises. L’attitude de l’Europe est globalement semblable : largement dominée par les lobbies de l’énergie, l’optique de “sécurité énergétique” qu’elle défend est obnubilée par la question de l’approvisionnement au détriment de celle de la réduction de la demande. S’opposant à l’autonomisation énergétique des territoires, elle ne remet nullement en cause les politiques sectorielles des États.

Vers une transition énergétique cohérente Or l’urgence absolue est de mettre un terme à notre boulimie énergétique grâce aux principes de sobriété, d’efficacité, de développement des énergies renouvelables locales. Il s’agit, bien sûr, de maîtriser et réduire les impacts écologiques et de faire baisser rapidement les émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit surtout de garantir à tous un accès raisonnable aux services énergétiques de base (chauffage, cuisson, éclairage, télécommunications) sans contamination radiologique généralisée, et sans rendre l’air irrespirable et l’eau imbuvable. Le gaz est l’hydrocarbure dont le rendement énergétique est intrinsèquement le plus élevé et, s’il est tiré de gisements conventionnels, il contribue nettement moins au changement climatique que le pétrole ou le charbon. Dès lors, utilisé en cogénération chaleur-électricité, il peut

jouer un rôle-clé dans la mise en oeuvre d’une vraie transition énergétique et permettre une rupture rapide avec le nucléaire, incontournable en France pour déverrouiller l’essor des renouvelables et mettre en œuvre de réelles chances d’économies d’énergie. Les réserves actuelles de gaz conventionnel sont largement suffisantes pour effectuer cette transition, surtout si on ne l’étire pas trop en longueur… Malheureusement, les centrales à gaz qu’EDF, GDF-Suez, Poweo ou d’autres construisent aujourd’hui en France visent surtout des compléments lucratifs de production en période de demande de pointe ; installées en rase campagne, elles renforcent donc les émissions de gaz à effet de serre sans pour autant permettre une précieuse récupération de la chaleur pour l’habitat ou l’industrie. Mais si le gaz conventionnel peut jouer un rôle décisif, les destructions écologiques causées par l’exploitation des gaz et huiles de schiste ne font aucun doute. Ces technologies utilisent et polluent des quantités d’eau douce phénoménales, affectant irrémédiablement terres, nappes phréatiques et cours d’eau, et menaçant la stabilité des sols. Il est donc impropre d’évoquer la terminologie du “risque”. La perspective de la pollution chimique de régions entières, parfois urbaines, souvent à vocation avant tout agricole et sylvicole, et où la priorité doit être le soutien à des activités fondées sur l’exploitation des ressources locales renouvelables, est tout simplement inacceptable : ce n’est plus le principe de précaution qu’il faut faire prévaloir, mais tout bonnement le principe de prévention. Ajoutons que les procédés d’extraction des gaz et des huiles de schiste dépendent d’un droit minier dont la fon-

dation remonte au Second Empire. Il élude toute procédure de débat démocratique et protège l’exploration comme l’exploitation de toute entrave au titre du droit de l’Environnement. Les Amis de la Terre le jugent donc anticonstitutionnel au regard de la jurisprudence récente qui a intégré la charte de l’Environnement au bloc de constitutionnalité. Pour toutes ces raisons, nous refusons catégoriquement toute exploration et exploitation de gaz et huiles de schiste. Au XXIe siècle, un État qui se prétend démocratique ne saurait imposer des choix énergétiques au seul profit d’acteurs privés, sans véritable débat et sans accord des populations. Les Amis de la Terre soutiennent donc sans réserve les mobilisations locales contre ces projets et s’engagent dans la lutte amorcée contre les lobbies et leurs relais installés au cœur de l’État. La spectaculaire amorce de mobilisation citoyenne a déjà obligé le ministère de l’Écologie à admettre l’importance de la question et à se lancer dans une stratégie de communication arguant que l’exploitation ne serait autorisée que dans des conditions de garantie environnementale absolue… dont les techniques n’existent pas. Comme l’exigent de nombreux groupes qui luttent contre l’extractivisme en Europe, en Afrique et dans les Amériques, les gaz et huiles de schiste doivent rester dans les entrailles de la Terre. Leur seul mérite est d’étaler au grand jour, et cette fois à nos portes, la logique de destruction pure à l’œuvre chez les chantres du « progrès » et de la « sécurité ».

> MARIE-CHRISTINE GAMBERINI, LAURENT HUTINET ET ALOYS LIGAULT


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DOSSIER

Gaz et huiles de schiste

Sables bitumineux La nouvelle frontière de l’inacceptable Cachée au plus profond du Grand Nord canadien, l’industrie pétrolière exploite une des ressources les plus polluantes au monde : les sables bitumineux. Les récentes mobilisations contre les huiles et gaz de schiste en France remettent cette monstruosité industrielle sous les projecteurs. vant le plafond de leurs engaLes sables bitumineux, ce gements internationaux. Avec mélange de sable, d’eau et de cette politique, le Canada se pétrole, sont connus des indusrange aux côtés des plus fatries pétrolières depuis longrouches adversaires du Prototemps. Mais il y a peu, le coût cole de Kyoto et de toute solude leur extraction n’offrait pas tion pérenne au changement de perspectives de rentabilité. climatique. Sur les dix dernières années, Par ailleurs, l’extraction des l’envolée du prix du baril de sables bitumineux est extrêpétrole et les avancées techmement nuisible pour les resniques ont provoqué une révosources en eau (on utilise près lution dans le secteur. Alors que de quatre barils d’eau pour les États producteurs crient extraire un seul baril de péau “pic pétrolier” et au tarissetrole). Dans le Nord canadien, ment des réserves, le Canada la rivière Athabasca qui aliannonce avoir une réserve de mente l’industrie subit de plein quelque 170 milliards de barils fouet ses besoins gargangrâce aux sables bitumineux. tuesques au détriment des Les réserves supposées du besoins locaux, de la pêche ou sous-sol canadien propulserait de l’agriculture. le pays au deuxième rang monDe plus, en fin de chaîne, l’eau dial des producteurs de pétrole, qui n’est pas recyclée – en fait, derrière l’Arabie Saoudite ! réinjectée dans les failles pour Pour extraire ces fameux poursuivre l’extraction –, comsables bitumineux, deux techplètement polluée, contient niques sont disponibles : la predes métaux lourds et autres mière, dite « minière », consiste poisons. Elle va stagner dans à racler le sol en surface, pour d’immenses bassins de décanen extraire un mélange de sable tation, couvrant plus de 170 km². et de bitume. Ces boues sont La forêt boréale, sa faune et ensuite lessivées à grande eau, sa flore sont gravement affecavec des adjuvants chimiques, tées par ces bassins, qui pour pour séparer le pétrole. La la plupart ne sont pas (ou plus) seconde technique utilisée, dite étanches. « par injection », consiste, elle, à Les conséquences de cette injecter à haute pression dans L’extraction des sables bitumineux détruit les paysages, pollution des milieux sont drales sous-sols un mélange d’eau mais aussi les ressources en eau. matiques pour les populations et de produits chimiques afin de amérindiennes avoisinantes, dont l’alimentation, il y a peu liquéfier in situ le bitume, pour ensuite le pomper à la surface. encore, dépendait pour une bonne part de la chasse et de la Cette forme d’extraction est proche de celle utilisée dans le secpêche. Les premières nations Beaver Lake Cree, Saik’uz et teur des gaz de schiste (voir schéma page de droite). Athabasca Chipewyan, qui vivent autour de Fort Chipeywan, connaissent un taux record de cancer, de 30 % supérieur à De lourdes conséquences sanitaires celui du reste de la population du Canada ! et environnementales Le coût sanitaire de cette prétendue révolution énergétique est exorbitant. Pourtant, Le Canada semble près à le payer. Le La transition, seule issue de secours pays a décidé de faire de l’exploitation des sables bitumineux la En mobilisant des capitaux colossaux, les sables bitumineux locomotive de son économie au mépris des désastreuses dressent un obstacle sérieux sur la voie d’un avenir énergéconséquences environnementales et climatiques de ce type tique fondé sur la sobriété et les renouvelables. Il s’agit pourd’extraction complexe. La marée noire de BP dans le golfe du tant de la seule solution pérenne à la crise énergétique et enviMexique est encore dans tous les esprits : qui dit complexe dit ronnementale. Or l’industrie et les producteurs d’énergies fosrisqué. Les nouvelles techniques, qu’il s’agisse de l’offshore très siles continuent de caresser le rêve de s’affranchir de toute profond ou des sables bitumineux, n’échappent pas à la règle ! contrainte de réserves. La pieuvre pétrolière entendant pourPire, l’enchainement de catastrophes vient cruellement rappeler suivre sa stratégie globale. Les compagnies cherchent désorles limites de la technique et le besoin d’éthique pour fixer une mais à étendre leur emprise non seulement au Canada mais limite aux risques à prendre. également à Madagascar, au Nigéria ou au Congo-Brazzaville. Les conséquences sur le climat sont terribles. Parce qu’elle La résistance est donc nécessaire. Elle passera forcément requiert d’énormes quantités d’énergie, sous forme de gaz par des liens de solidarité forts entre les peuples menacés par pour les pompes, sous forme de fuel pour les excavatrices et l’avancée des sables bitumineux, des gaz de schistes et, de les camions, l’extraction des sables rejette au moins trois fois façon plus large, par l’industrie pétrolière. plus de gaz à effet de serre (GES) que celle des pétroles dits > ALOYS LIGAULT conventionnels. Le Canada a ainsi laissé ses émissions de GES Chargé de Campagne Responsabilité Sociale exploser à plus de 26 % par rapport à leur niveau de 1990, creet Environnementale des Entreprises – Industries Extractives


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Gaz de schiste Silence, on creuse Ni la population ni ses représentants n’ont été concertés sur le partage du territoire français en zone de prospection pour les industriels du gaz de schiste. Face aux accusations de déni démocratique, l’administration se réfugie derrière le code minier. Tout s’explique ! Le code minier est devenu le livre de chevet des opposants au gaz et au pétrole de schiste. Rédigé en 1810, codifié en 1956, il fait actuellement l’objet d’une nouvelle codification, c’est-à-dire d’une compilation des textes législatifs et réglementaires, parfois accompagnée d’une réécriture (voir page 18). Une procédure relativement banale en temps normal, mais surveillée de près par les opposants, prêts à dégainer des recours à la moindre bizarrerie. En l’état, le code minier réserve déjà quelques surprises de taille… Il exclut notamment toute information et toute consultation du public en amont de la phase d’exploration. « Vous serez consultés avant la délivrance du permis d’exploitation » clament en chœur le gouvernement et les pétroliers, se gardant bien de révéler que l’essentiel du processus industriel est bel et bien mis en œuvre lors de cette phase d’exploration. Certes, le préfet est tenu de délivrer des autorisations de travaux avant toute opération sur le terrain et la direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL) a un droit de regard sur leur déroulement. Mais est-ce pour autant une garantie pour les citoyens d’être informés en toute transparence ?

Sans consultation. Sans information. C’est aussi durant la phase d’exploration qu’est mise en œuvre la fameuse fracturation hydraulique, cette technique si décriée. Mais de quoi s’agit-il exactement ? Sa recette : pour un puits, prenez des quantités phénoménales d’eau – entre 15 000 et 20 000 m3, soit 15 à 20 millions de litres – injectées à haute pression, additionnées de produits chimiques (adjuvants) et des microbilles, de la taille de grains de sable, pour

maintenir ouvertes les failles créées par le liquide (voir schéma). Le gaz est aspiré à la surface et près de la moitié de ce cocktail eau-produits chimiques reste dans le sol, entre 2 000 et 3 000 mètres de profondeur. Sans surveillance.

Plus de 600 adjuvants ont été recensés Jusqu’ici, on a recensé près de six cents produits chimiques de synthèse, utilisés pour dissoudre les minéraux, limiter le développement de bactéries, déshumidifier le gaz, etc. Un tiers de ces adjuvants sont suspectés d’être des perturbateurs endocriniens et un quart d’entre eux seraient cancérigènes. La plupart de ces produits chimiques sont en tout cas connus pour avoir des impacts sur la peau et/ou les yeux, ou encore sur les systèmes respiratoire, nerveux, immunitaire ou cardiovasculaire. Un tableau suffisamment inquiétant pour rendre incontournable la consultation des populations ! Cachottiers, les ministères de l’Écologie et de l’Industrie ont été pris la main dans le sac : ils avaient omis de rafraîchir la mémoire du public sur une tentative antérieure de fracturation hydraulique pour rechercher du gaz de schiste. C’était en 2007, sur la commune de Franquevielle (Haute-Garonne). Un cas d’école fort instructif pourtant. L’industriel canadien qui procédait à cette exploration avait caché à l’époque l’usage de produits chimiques, affirment des habitants. En feignant la plus grande transparence, il avait organisé des réunions publiques et des visites de chantier ! Un enfumage qui a été compensé par de généreuses subventions. Le gaz de schiste, ça paie ! > JEANNE MAHÉ

Amérique du Nord Ces malades du gaz Hausse du prix des hydrocarbures, quête éperdue de l’indépendance énergétique dans le contexte post-11 septembre 2001 et mise au point d’une technique adaptée (la fracturation hydraulique) ont conduit les États-Unis à s’engager avec frénésie dans l’exploitation des gaz de schiste. En moins de 10 ans, plus de 500 000 puits ont été forés, défigurant à jamais les paysages, contaminant la ressource en eau avec des centaines de produits chimiques, jetant des milliers de camions sur les routes rurales et transformant l’air de petites

bourgades en smog digne du Londres de la fin du XIXe. Le tout à l’abri de l’expertise de l’Agence fédérale pour l’environnement, mise au pas par Dick Cheney : l’exPDG d’Halliburton (leader du shale gas), devenu vice-président des Etats-Unis sous la présidence de George W. Bush, a su tordre la loi pour protéger l’industrie gazière de tout contrôle et satisfaire ses soutiens financiers. C’est donc dans l’indifférence et l’incrédulité qu’en 2006, les riverains des puits ont commencé à dénoncer les maladies et les pollutions

dont ils étaient victimes. Le réveil des Québécois a été plus brutal encore. Tirés du lit, un beau matin du printemps 2010, par les camions en train de forer sous leurs fenêtres, ils ont alors découvert que 90 % des zones habitées, une bande allant de Québec à Montréal dans la vallée du Saint-Laurent, avaient été livrés à la prospection, sans aucune information des habitants. La mobilisation en cours pour obtenir un moratoire sur les explorations est sans précédent dans le pays. > J. M.


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Mobilisation No gazaran ! L’attribution en catimini de permis de prospection de gaz de schiste dans plusieurs régions de France a provoqué une levée de boucliers générale qui a contraint le gouvernement à faire machine arrière. Retour sur cette mobilisation populaire. À quoi pensait Jean-Louis Borloo, le 1er mars 2010, quand il a signé les trois arrêtés autorisant des industries gazières à prospecter le sous-sol, de Montélimar au Larzac en passant par Montpellier ? Sûrement pas que la colère saisirait les habitants de cette zone de 15 000 km², ulcérés que leurs territoires aient été ainsi concédés sans information, ni consultation. Certes le code minier a été respecté à la lettre, car, à la phase dite d’exploration, l’affaire se joue entre l’État et les industriels uniquement. Mais peu importe : la prise de décision en catimini et les énormes risques écologiques liés aux gaz de schiste ont fait réagir des gens de tous horizons. Le 20 décembre 2010, une première réunion d’information, qui allume la mèche, est organisée à Saint-Jean-du-Bruel (Aveyron), fief de l’eurodéputé José Bové. Depuis, des dizaines de rassemblements identiques font salle comble. La pétition exigeant un moratoire sur les explorations a déjà recueilli plus de 50 000 signatures. Dès le mois de janvier 2011, conseils généraux et régionaux commencent à prendre des délibérations anti-forages (Aveyron, Ardèche, Hérault, Drôme, Gard, RhôneAlpes, Picardie et bientôt Île-de-France), au diapason de dizaines de communes, dont certaines dirigées par l’UMP. La résistance s’organise aussi en Picardie et en Seine-et-Marne, confrontées à des forages d’huile de schiste sous le bassin parisien. Les collectifs d’associations anti-gaz de schiste qui ont fleuri spontanément se sont rassemblés le 26 février 2011 près de Valence pour struturer une coordination nationale et décider de la suite à donner au mouvement. La première réaction politique à ce soulèvement populaire, jamais vu depuis le Larzac, est venue de Nathalie KosciuskoMorizet. Début février, la ministre de l’Écologie, dépossédée depuis le remaniement ministériel de la compétence de l’énergie – confiée à Eric Besson, qui a également récupéré les mines –, annonce la mise en place d’une « mission pour évaluer les enjeux économiques, sociaux et environnementaux de cette nouvelle technologie d’extraction du gaz contenu dans le soussol ». Nathalie Kosciusko-Morizet assure « qu’aucune autorisation de travaux ne sera donnée, ni même instruite avant le résultat de cette mission ». Et elle prend un engagement solennel.

La résistance collective est rapide et spontanée.

« Si la seule technologie disponible est celle des Etats-Unis, il n’y aura pas de permis donné ». Scepticisme chez les écologistes de toutes obédiences, puisque les industriels français se sont alliés à des entreprises américaines pour bénéficier du savoir-faire tant décrié. Sans compter qu’accéder à l’indépendance énergétique s’apparente à la quête du Graal, à laquelle il semble difficile pour l’État de renoncer. Consternation chez les pétroliers, qui ont engagé des millions de dollars dans ces opérations. Ils acceptent toutefois de suspendre les travaux jusqu’à la mi-avril, date du pré-rapport de la mission. Et qui va donc rédiger ce document qui présidera aux destinées énergétiques du pays ? Quatre hauts fonctionnaires du Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGIET) et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD). Le CGIET, successeur du Conseil général des mines, a déjà donné un avis, positif, sur les gaz de schiste (puisqu’il est obligatoirement consulté lors de la phase d’instruction du dossier d’exploration). Le CGIET, qui irrigue notamment les conseils d’administration de Total et de GDF Suez (en lice pour les hydrocarbures français), est connu pour avoir dirigé la politique nucléaire du pays dans les années 1970. D’aucuns ne se bercent d’illusions sur l’orientation du rapport.

Gazer le climat Le gaz et le pétrole de schiste font ressurgir d’autres problématiques : les besoins énergétiques, la nécessité d’alternatives propres et la réduction de la consommation, sans oublier, bien sûr, la crise climatique. Cette dernière question est d’autant plus centrale que le gaz de schiste est présenté comme moins émetteur de gaz à effet de serre que le charbon, source importante d’électricité dans le monde. Or plusieurs études sérieuses démontrent que le bilan du cycle carbone de l’extraction des gaz de schiste (forages, camions, produits chimiques, etc.) est identique à celui du charbon. Conscient que les gaz et le pétrole de schiste riment avec un mode de vie consumériste, les opposants au gaz et au pétrole ne manqueront pas, en plus de la mobilisation sur le terrain, de développer sérieusement ces questions centrales dans les temps à venir. > J. M.

D.R.

Marche arrière, toute !


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Thierry Salomon « Aller vers plus de sobriété et d’efficacité énergétique » Gouvernements et multinationales ne veulent pas lâcher la course aux énergies fossiles… Il n’y aurait donc pas d’autres solutions ? Bien sûr que si. La preuve avec Thierry Salomon, président de négaWatt, association qui propose une alternative basée sur la sobriété énergétique. Qu’est-ce que négaWatt ?

Créé en 2001, négaWatt est un groupement d’experts et de professionnels de l’énergie. Ensemble, nous réfléchissons à la question de la consommation énergétique. Pour se faire, nous avons mis au point une méthodologie qui s’appuie sur trois fondamentaux : sobriété, efficacité et renouvelable. Il s’agit en fait de penser à des solutions pour modérer nos consommations, mettre en place une chaîne énergétique plus performante et délaisser les énergies fossiles au profit de celles que nous offre la nature (soleil, vent...). Il y a quelques années, nous avons voulu voir ce que ce que pouvait donner l’application de ces prescriptions sur le territoire français. C’est ainsi qu’est né un autre volet de notre action : la rédaction de scénarii tendanciels. Alors que les gaz de schiste débarquent en France, quelles principales solutions préconisez-vous ?

Nous sommes partis d’une analyse fondée sur les usages chaleur, mobilité et fourniture d’électricité et avons regardé ce qui pouvait être mis en place pour aller vers plus de sobriété et d’efficacité. En ce qui concerne l’usage calorifère, nous préconisons un grand programme de rénovation de tout le parc immobilier français. Au niveau de l’appareillage (réfrigérateur, ordinateur…), nous pensons qu’il faut multiplier la mesure. Si les individus pouvaient mesurer la consommation de leurs appareils, ils feraient sûrement plus attention, en les réglant au mieux ou en optant pour des machines plus économes. Il faut aussi se débarrasser des consommations superflues comme celles engendrées par ces écrans publicitaires électriques. Au niveau des transports, il est indispensable de poser un autre regard sur le véhicule : éliminer les voitures

d’1,5 tonne, revenir à des automobiles plus adaptées à un usage urbain et remettre en cause le concept de propriété individuelle pour aller vers un usage collectif de la voiture. Comment travaillez-vous pour convaincre les décideurs politiques et économiques ?

D’abord, nous essayons d’augmenter le nombre de nos adhérents. L’accroissement du nombre de relais au sein de la société civile favorise la circulation de notre message. Nous disposons aussi d’un organisme de formation : l’institut négaWatt. Nous proposons aux professionnels et aux décideurs, des formations sur divers sujets comme la conception et la rénovation de bâtiments à basse consommation. Enfin, nous nous mettons à la disposition des politiques qui souhaitent obtenir une information ou même organiser un débat au sein de leur parti. Nous sommes notamment intervenus lors des journées d’été d’Europe Ecologie - Les Verts. Votre dernier scénario, datant de 2006, prévoit une fermeture progressive des centrales nucléaires jusqu’en 2035. Or un quart des réacteurs a dépassé la limite des 30 ans et leurs conditions d’exploitation ne cessent de se dégrader. Ne sous-estimez-vous pas gravement le risque radioactif ?

Pour nous, il existe deux scénarii de sortie du nucléaire : une sortie progressive sur 20/25 ans – c’est la solution qui figure dans notre scénario –, et une sortie de crise à mettre en place immédiatement en cas d’accident grave.

Un scénario avec une échéance de sortie du nucléaire de deux à cinq ans n’est pas envisageable. Le nucléaire produit actuellement 80 % de l’électricité française. Pour continuer à fournir de l’électricité aux foyers et entreprises, il faudrait remplacer les centrales nucléaires par des centrales thermiques. Or ces installations émettent énormément de CO2. Une sortie progressive, avec la fermeture en priorité des centrales les plus anciennes permet de mettre en place l’alternative du renouvelable. Les Amis de la Terre, plus inquiets de l’état réel du parc nucléaire français, sont plus exigeants et partisans d’une sortie du nucléaire en 5 à 10 ans, en recourant à des économies d’énergie drastiques et à la cogénération chaleur-électricité en milieu urbain, y compris en bas d’immeuble. Par ailleurs, si l’on se base sur les fourchettes hautes du GIEC*, il faut réduire les émissions domestiques de gaz à effet de serre (GES) des pays industrialisés d’au moins 40 % d’ici à 2020 et de 95 % d’ici à 2050. Tout cela suppose une modification rapide et radicale de nos modes de production et de consommation. Le scénario négaWatt n’est-il pas trop timide ?

Je suis d’accord. Nous sommes d’ailleurs en train de travailler sur un nouveau scénario qui sera plus radical. Cependant, je tiens à préciser qu’une baisse de 95 % des GES d’ici à 2050 me semble irréalisable. Je ne remets pas du tout cause les chiffres du GIEC mais il faut voir qu’à nos consommations actuelles il faut rajouter celles des six millions de Français qui naîtront d’ici à 2050. Ce que nous proposons, c’est un scénario de transition de manière à passer de l’intention à la mise en œuvre.

> PROPOS RECUEILLIS PAR LUCILE PESCADÈRE *Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

Watt


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Droit minier Le gouvernement déterre la hache de guerre L’exploration des gaz de schistes est l’occasion déterrer une législation proprement souterraine, inconnue de la plupart des citoyens. Le Code minier, datant de Napoléon III, vient en effet d’être remanié par ordonnance pour mettre en place des procédures dangereusement allégées. En France, les substances minières du sous-sol sont considérées comme des richesses nationales et sont, dès lors, des propriétés de l’Etat, qui peut seul accorder le permis d’explorer et d’exploiter les ressources selon des conditions fixées par la Loi. En principe, le Code minier et le Code de l’environnement encadrent tous deux les activités d’extraction minières. Mais encore faut-il distinguer les substances dites de « mines » de celles dites de « carrières », ces dernières pouvant être exploitées par le propriétaire du terrain, selon l’article 552 du Code civil. La distinction entre les deux tient aux matériaux miniers exploités et non aux modalités d’exploitation. Ainsi, tout ce qui est précieux ou vital pour la nation ressort des mines. Il peut s’agir de combustibles (gaz de schiste) ou de métaux (or, fer, nickel cuivre, uranium, etc.). Les autres ressources, moins stratégiques ou moins précieuses, sont réputées extraites de « carrières ».

Recodification en catimini Alors que la charte de l’Environnement a été reconnue comme étant de portée constitutionnelle, le droit minier, lui, contient de longue date des dispositions propres aux DOM-TOM, lesquelles auraient déjà dû alerter sur l’inexistence d’équilibre entre la protection de l’environnement et la satisfaction des besoins en énergie ou minéraux précieux. Faute d’avoir été vigilant, le citoyen apprend que, par la loi n°2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarifica-

tion du droit et d’allègement des procédures, le Législateur a habilité le gouvernement à recodifier le Code minier par voie d’ordonnance – c’est-à-dire sans débat parlementaire et sans contrôle préalable de constitutionnalité. La raison officielle de ce passage en force était une mise en conformité de ces dispositions aux normes minières européennes actuelles. Les textes antérieurs ont donc été expressément abrogés, mais leur contenu global devait être repris. Car, en fait, la véritable raison de cette recodification, selon les défenseurs de l’environnement, est le discret passage à la trappe ou l’allègement des rares procédures qui permettaient d’empêcher de creuser en rond, telles que les enquêtes d’impact et les communications sur les modalités d’exploitation et d’exploration – dont les procédés de traitement de l’eau servant à la fracturation des roches dans lesquelles est emprisonné le gaz. En revanche, alors que, dans la droite ligne de la convention d’Aarhus ratifiée par la France, les articles 43 et 45 de la Loi Grenelle 1 sur la concertation et sur l’accès à l’information environnementale au grand public devaient être complétés par une consultation du public lors des différentes étapes des procédures d’autorisation d’exploitation des mines. Ces procédures devraient donc comprendre une enquête publique et la consultation des municipalités et services de l’Etat concernés (Environnement, Economie, Agriculture, Archéologie, Protection du patrimoine, etc.) –, leur concrétisation

réglementaire et leur application sont toujours, et curieusement, en attente. La réalité est donc moins glorieuse que ces bonnes intentions de la Loi Grenelle 1 : un code minier allégé de ses rares contraintes, des permis d’exploration accordés à des multinationales, sans information des acteurs des territoires concernés.

Les multinationales sous-traitent à des entreprises criminelles Il se trouve que ces multinationales soustraitent le savoir-faire qu’elles n’ont pas aux mêmes entreprises criminelles qui ont opéré – et opèrent encore – au mépris des territoires et des populations en Amérique du Nord… mais aussi dans des pays encore moins regardants sur les conséquences environnementales et sanitaires de l’exploitation de ces hydrocarbures. Reste à savoir quel sort sera réservé au rapport commandé par Nathalie Kosciusko-Morizet : si, selon ses propres termes, la ministre a insisté pour que soient étudiés « d’abord les enjeux environnementaux », les questions énergétiques sont désormais « d’abord du ressort du ministère de l’Industrie ». Quant aux conseillers généraux auxquels elle a commandé un rapport, ce sont les mêmes qui ont d’abord autorisé les permis d’exploration délivrés dans le Sud de la France. Nous pouvons toujours prier pour que, par miracle, le rapport remis réponde aux questions posées avec davantage de précision que la ministre ne les a posées. > MURIEL BODIN

Principaux recours Voici les principaux recours juridiques pour lutter contre les permis d’exploration déjà accordés et à venir, voire contre le droit minier. De plus amples détails sur le blog et auprès des collectifs (voir encadré p. 19). ACTION

QUI LA MÈNE

DANS QUEL BUT

AVEC QUEL EFFET

Arrêté municipal d’interdiction générale des gaz de schistes (GDS)

Le maire, après délibération du conseil municipal

Opposition de la commune sur l’exploration des gaz de schistes sur son territoire

Le préfet va déférer l’arrêté devant le Tribunal administratif.Il faut alors défendre cette position en demandant une question prioritaire de constitutionalité (QPC)

Référé préventif

Propriétaire de terrain dans le périmètre du permis GDS, toute association de défense de l’environnement ou de pêcheurs, agence de l’eau ou commune

Faire constater l’état des lieux des terrains ou des territoires visés par le permis de recherche sur le plan sanitaire, de l’eau, de l’air etc. A l’appui du référé préventif en en appelant au principe de précaution

La demande est déposée soit devant le Tribunal administratif, soit devant le Tribunal de grande Instance qui nommera un expert

Les personnes ayant déposé les différents recours

Poser la question de la constitutionnalité des dispositions du Code minier ayant permis de délivrer le permis de recherche

Le juge auquel est adressé le recours reconnaît, le cas échéant, la recevabilité de la QPC et la renvoie auprès du Conseil constitutionnel, qui peut exiger une mise en conformité du droit minier

Référé suspensif

Question prioritaire de constitutionnalité (QPC)


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Gaz et huiles de schiste

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Collectif Seine-et-Marne Doue, haut-lieu de la résistance francilienne A défaut de transparence administrative, la première véritable information sur les huiles de schiste en Seine-et-Marne (77) a sans doute été diffusée par Le Parisien, quotidien à très fort tirage, qui a mis le sujet en une le 4 janvier 2011. Le collectif anti-gaz de schiste du plus grand département d’Ile-deFrance, où le pétrole conventionnel a longtemps été exploité, s’est très vite constitué, notamment autour de Nature Environnement 77, des Amis de la Terre 77 et d’associations locales qui continuent à le rejoindre. Regroupant des citoyens, des associations et les partis politiques qui ont souhaité s’associer, il a officiellement été lancé le 17 février, lors de la réunion de Fontenay-Trésigny, centre géographique du département. Il été décidé d’organiser une réunion publique le 5 mars, à Doue, où un permis d’explorer a été octroyé. De nouveaux adhérents rejoignent depuis les Amis de la Terre en Ile-deFrance, mais aussi dans les départements limitrophes.

préfecture de rencontrer les associations locales le 30 mars pour relever « leurs interrogations et inquiétudes ». Mais figureront-elles seulement dans le rapport qui sera publié par le gouvernement le 31 mai 2011 ? Sans illusion sur ce point, le collectif poursuit sa campagne : réunions publiques, tractages, projections-débats autour du film Gasland, repérage de tous les sites de forage, etc. La dernière action a eu lieu le samedi 26 mars à Blandy-lesTours, où des mouvements de camions ont été remarqués et où le maire est très en colère. La journée nationale d’action du 16 avril aura lieu à Meaux. Et, dès le 2 avril 2011, une réunion des collectifs nationaux est programmée à Doue, devenue le plateau de Gergovie de la Seine-et-Marne. > GÉRARD EPRINET

Les habitants et certains élus locaux très remontés

■ 6 avril Sortie nationale de Gasland, le documentaire de Josh Fox. ■ 15 avril Mobilisation nationale à l’occasion de la remise du rapport intermédiaire mandaté par le gouvernement sur les perspectives économiques, environnementales et sociales de l’exploitation des gaz de schiste. ■ 13 mai Assemblée générale des actionnaires de Total. ■ 31 mai Publication du rapport final mandaté par le gouvernement.

Si un grand nombre d’élus locaux restent silencieux car mal informés, certains, dont le maire de Doue, sont très remontés. D’une manière générale, les élus des communes concernées montent au créneau et prennent des arrêtés pour refuser les explorations et exploitations sur leurs territoires. Ces arrêtés sans grande valeur juridique manifestent leur détermination et leur refus auprès du préfet. Le Conseil général et la Région Ile-de-France ont aussi voté des motions hostiles aux permis. A cette heure, les experts des ministères de l’Ecologie et de l’Industrie ont demandé à la

Secrétaire des Amis de la Terre Seine-et-Marne contact : seineetmarne@amisdelaterre.org

Prochaines dates à retenir

Se mobiliser contre les gaz et huiles de schiste Depuis la fin de l’année 2010, des collectifs locaux contre l’exploitation des gaz et huiles de schiste se multiplient dans toute la France. Le point sur cette mobilisation nécessaire. Face à l’irresponsabilité des autorités publiques, la population se mobilise. Cette mobilisation contre les gaz de schiste a vu le jour avec l’organisation d’une première réunion publique à Saint-Jean-du-Bruel (Aveyron) le 20 décembre 2010. Prémices du rassemblement populaire massif des semaines suivantes, cette réunion a permis d’en exposer au grand jour les enjeux, notamment les impacts environnementaux catastrophiques résultant de leur exploitation. Elle a également servi de base de lancement à la grande manifestation citoyenne du 26 février 2011 à Villeneuve-de-Berg (Ardèche), qui a réuni près de 20 000 participants, suivie le 5 mars 2011 par le rassemblement de Doue (Seine-et-Marne). Depuis la fin 2010, les collectifs locaux contre l’exploitation des gaz et huiles de schiste se multiplient

dans toute la France. De nombreux élus se sont aussi ralliés à cette cause, principalement au niveau local, mais aussi au niveau national, avec notamment une déclaration signée par quatre-vingts parlementaires de tous bords. Et des députés du Parti socialiste ont déposé le 22 mars une proposition de loi visant à interdire les gaz et huiles de schiste… en pleine campagne des cantonales. Le débat public est donc largement ouvert. Les Amis de la Terre participent à cette résistance et ont organisé le 12 mars 2011 dernier une journée d’information et d’échange sur les gaz et huiles de schiste, afin d’envisager les différentes modalités d’interpellation des élus et des entreprises, les possibilités de recours juridiques, ainsi que les modes d’action directe et de communication.

Pour en savoir plus Toutes les informations sont disponibles sur le blog http://nonauxgazdeschistes.blogspot.com Signer la pétition http://www.petitions24.net/signatures/gaz_de_schiste__non_merci S’abonner aux listes de diffusion d’information, parmi lesquelles ■ LISTE NATIONALE : gazschistes@googlegroups.com ■ COLLECTIF ÎLE-DE-FRANCE (seul collectif régional disposant d’une liste de diffusion à notre connaissance à la date du bouclage) : coordination-collectif-schiste-idf@aldeah.org Contacter les autres collectifs locaux http://tux-pla.net/785


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JURIDIQUE

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La nouvelle procédure de participation du public à l’élaboration des décisions réglementaires L’article 244 de la loi Grenelle 2 est passé largement inaperçu au moment de son adoption. Il revêt pourtant une importance particulière pour les défenseurs de l’environnement. Adopté en juillet 2010, l’article 244 de la loi Grenelle 2 confère au public le droit de participer à l’élaboration des décisions réglementaires (codifié aux articles L. 120-1 et L. 120-2 du code de l’environnement). Plus connues sous le nom de décrets, ordonnances ou arrêtés, les décisions réglementaires ont souvent un impact important sur la protection de l’environnement. Certains décrets interviennent pour préciser les dispositions d’une loi, d’autres sont autonomes. La possibilité de participer à l’élaboration de ces décisions constitue, dans son principe, une opportunité de peser en faveur de l’environnement. On sait, en effet, comment les portes des ministères restaient fermées aux associations dès qu’il s’agissait par exemple de réglementer les installations industrielles ou agricoles. Dans le même temps, les représentants des groupes de pression économiques

étaient pourtant accueillis directement au cabinet du ministre. Si le Grenelle a permis aux associations de mieux se faire entendre, il reste que l’opacité du lobbying traditionnel n’a pas été éradiquée. S’il serait naïf de croire que la nouvelle procédure de participation offerte par l’article 244 permette d’y parvenir, elle offre néanmoins aux associations l’opportunité d’être plus présentes au niveau du plaidoyer réglementaire.

Des modalités trop restrictives Il reste que le champ d’application de l’article 244 est abusivement restreint, même si, depuis quelques mois, la pratique du ministère de l’Écologie laisse penser que les voies sont ouvertes. Le ministère a, en effet, mis en place une page réservée aux consultations publiques sur son site internet, afin de recueillir les observations du public sur les projets de décrets. Par ailleurs, les modalités procédurales mises

en place sont insuffisantes. Le public a simplement le droit d’envoyer au ministère des observations écrites, ce qui est rendu possible par la publication du projet de décision. Aucune réunion avec les responsables de la décision n’est prévue. La possibilité qui est ici offerte de formuler des observations fait l’objet d’une publicité très réduite (simple publication sur le site du ministère). Ensuite, le public ne dispose que de quelques semaines pour envoyer sa contribution. Enfin, l’incertitude la plus totale demeure quant à la prise en compte des observations du public dans la décision finale, ce qui est manifestement contraire à l’article 8 de la Convention d’Aarhus. Alors que l’administration américaine pratique cette procédure participative depuis les années 1940, on peut se demander quelles sont les réticences au sein de l’administration française face à sa mise en place ! > JULIEN B.

COLLECTIF

Combat Monsanto Pour que le monde de Monsanto ne devienne jamais le nôtre Membre fondateur du collectif Combat Monsanto, les Amis de la Terre poursuivent leur engagement contre les organismes génétiquement modifiés (OGM).

D.R.

L’association Combat Monsanto est née en mars 2008 à la sortie du documentaire et du livre de Marie-Monique Robin Le Monde selon Monsanto. L’idée des six organisations créatrices (les Amis de la Terre, Greenpeace, la Via Campesina, Attac, la Fondation Science Citoyenne et Sherpa) était de soutenir et de prolonger cette enquête journalistique sur la firme multinationale Monsanto, devenue en quelques années le leader mondial de la production d’OGM et de l’herbicide associé (Roundup). Cette investigation a mis en évidence divers scandales sanitaires au cours des 50 dernières années (PCB, Agent Orange, dioxine, etc.) ainsi que les risques environnementaux que font courir l’entreprise et ses produits.

Percy Schmeiser, Vandana Shiva et Jacques Olivier réunis pour le « procès » de Monsanto au Thor.

« L’association cherche à diffuser une information citoyenne et transparente afin de favoriser une prise de conscience collective de l’impact socio-économique et écologique du passage aux cultures transgéniques, ainsi que de l’impact de l’usage massif de pesticides sur la santé et l’environnement », explique Josie Riffaud, présidente du collectif. Ainsi, les militants retrouvent sur le site de l’association toute l’actualité de la firme et des résistances citoyennes contre ses pratiques et ses produits. En parallèle de cette mission d’information, Combat Monsanto organise et soutient des campagnes d’actions et de mobilisation contre la firme américaine et ses produits. L’association était, par exemple, présente au Forum international anti-OGM du Thor, dans le Vaucluse, les 12 et 13 février derniers. Organisée par le Collectif anti-OGM Bouches-du-Rhône et Vaucluse et les Amis de la Terre Vaucluse, cette rencontre a permis de faire le point sur la situation de l’impact des OGM et les résistances dans les différentes régions du monde. Le dimanche après-midi, se tenait un tribunal populaire chargé de juger Monsanto. Reconnue « coupable de crime contre l’humanité par préméditation », l’entreprise a été condamnée au démantèlement complet de son organisation et à indemniser l’ensemble de ses trop nombreuses victimes. www.combat-monsanto.org/contact : contact@combat-monsanto.org


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Rencontre avec l’auteur Village toxique de Grégory Jarry et Otto T – Editions Flblb Dans ce bel album en bichromie, les auteurs reviennent sur la lutte populaire contre l’enfouissement des déchets nucléaires à la fin des années 80. Entre mémoire de la lutte et passage de témoin à la nouvelle génération, cette BD est jubilatoire par ses anecdotes croustillantes et son humour vachard. Comment l’idée de cette bande dessinée vous est-elle venue ? GREGORY JARRY Dans la région, pas très loin d’où ce sont déroulés les événements racontés dans Village Toxique, une association, « le nombril du Monde », a eu envie de monter une pièce de théâtre sur ce thème. Comme ils voulaient laisser une trace durable, ils ont pensé à la bande dessinée. Ils ont contacté notre maison d’édition (Flblb, prononcez Flebeleb). Ça tombait bien, je suis moi-même un enfant du coin et, quand j’étais ado, j’ai beaucoup entendu parler de cette histoire. Notre bande dessinée n’est pas seulement un livre sur la mémoire de la lutte contre l’enfouissement des déchets nucléaires des années 80. C’est un récit universel qui montre comment on peut s’opposer à l’État et remporter une grande victoire.

Est-ce que cela vous a demandé beaucoup de travail en amont ?

J’ai fait un véritable travail d’enquête, je suis parti à la rencontre des militants de l’époque. On a monté des réunions publiques en bibliothèque pour présenter le projet aux gens et certains ont proposé de témoigner.

Vingt ans après, c’est une lutte encore très présente dans les esprits. Pendant six mois, on a réalisé les interviews avec mon collègue Otto T. (le dessinateur). Dans le même temps, on a récolté énormément d’archives que les militants nous ont prêtées, des coupures de presse, de cassettes audio ou vidéos. Cela nous a permis de retranscrire l’ambiance et de reconstituer une chronologie précise des événements, mais aussi d’étoffer le récit avec des anecdotes. Pensez-vous que la bande dessinée puisse apporter quelque chose au message écologiste ?

La bande dessinée a l’avantage d’être populaire et accessible aux jeunes. D’ailleurs, la BD est utilisée depuis longtemps dans les réseaux militants sous forme de dessins de presse. Avec notre travail, nous voulons montrer aux gens qu’on peut raconter leur histoire, sans pour autant virer dans la caricature... Là, en plus, nous essayons de faire de la vulgarisation sur le nucléaire, nous utilisons l’humour – ce n’est pas toujours évident pour les militants de plaisanter sur des sujets

graves. Parfois le récit prend un ton cinglant pour dénoncer les manipulations de l’industrie du nucléaire et de l’État. La BD, c’est un moyen facile de transmettre une histoire entre générations. > PROPOS RECUEILLIS PAR BENJAMIN SOURICE

Nouveau rapport Les cultures d’OGM s’effondrent en Europe Dans un nouveau rapport, intitulé À qui profitent les plantes GM ? paru le 22 février 2011, la Fédération internationale des Amis de la Terre révèle que la culture des plantes génétiquement modifiées continue de baisser en Europe. Le rapport souligne que moins de 0,06 % des champs européens sont aujourd’hui semés en OGM, soit une baisse de 23 % par rapport à l’année 2008. Sept États membres maintiennent une interdiction contre le maïs GM de Monsanto. Trois pays ont interdit la pomme de terre GM de BASF, immédiatement après son autorisation au printemps 2010, en invoquant des inquiétudes sanitaires. Et, pour la première fois, cinq Etats membres ont poursuivi la Commission européenne pour avoir autorisé une plante GM contre leur gré. Enfin, on y apprend que l’opposition des citoyens européens aux OGM a augmenté, pour atteindre 61 % dans l’ensemble de l’Union.

>

ANNE-SOPHIE SIMPÈRE

Chargée de campagne • Finance publique


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Pratiques Ces graines germées produites dans ma cuisine… Les graines germées sont d’excellents compléments alimentaires. Elles peuvent se substituer à la viande, par exemple, mais elles ont aussi leurs propres vertus… Dont celle de nous offrir le plaisir de consommer notre propre production !

Au contact de l’eau, les graines développent un extraordinaire potentiel endormi. Aucun autre aliment ne peut apporter autant de nutriments aussi facilement. Les graines germées offrent diverses vitamines très facilement assimilables, dont la fameuse B12, que l’on ne trouverait, prétendument, que dans la viande et le poisson. Elles existent ainsi dans les lentilles et le soja vert germés, dont les pousses ressemblent à celle du soja jaune des restaurants asiatiques. Toutes les graines peuvent germer, sauf quelques exceptions que vous ne trouverez pas dans le rayon spécialisé des boutiques bio. Elles comportent toutes sortes d’enzymes et de protéines et permettent d’acheter nettement moins de nourriture.

Deux ustensiles simples

Production simple, consommation facile, goût excellent, prix bas et apports nutritionnels multiples font de la luzerne (ou alfalfa) la reine des graines : ici, on ne mange que les germes – qui peuvent atteindre, en quatre ou cinq jours, plusieurs centimètres. Pour les céréales, c’est la graine ramollie par trempage et germination que l’on consomme, le germe se mesurant alors en millimètres. D’autres graines, comme le tournesol ou les fruits à écales (noisettes, amandes, etc.) peuvent être mangés après une seule nuit de trempage. Si l’on désire en manger en quantité suffisante pour un prix abordable, il faut les produire soi-même. Pour cela, il faut acquérir deux sortes de germoirs complémentaires en vente dans les boutiques bio : un bocal à confiture en verre avec couvercle filtrant à trous fins permettant le trempage et l’égouttage avec une pente de 45° (l’eau s’en va et l’air peut ren-

trer, ce qui est indispensable) et le germoir mini-serre, en plastique transparent d’un diamètre de 20 cm, avec trois étages. Le principe général est de faire tremper les graines une nuit ou un jour dans de l’eau propre – sans javel, si possible, à une température autour de 20°. De les mettre à égoutter dans le germoir-pot-de-confiture pour les petites graines (alfalfa, etc.) et ensuite de les transférer directement dans la mini-serre pour les plus grosses. Matin et soir, vous pouvez tremper chaque étage du germoir dans un saladier, pour maintenir l’humidité et laver les graines d’éléments indésirables. Il est recommandé d’enlever les enveloppes de certaines graines, car ces parties mortes peuvent après quelques jours apporter un mauvais goût, en tirant parti du fait que certaines flottent (haricot mungo, radis pourpre) alors que d’autres coulent (fenugrec, alfalfa).

L’alimentation vivante

Munis de ces gestes de base, vous pourrez vous aventurer vers le quinoa, l’amarante, le sésame ; le cresson et la moutarde réclament un tour de main plus spécifique. J’ai rencontré un certain nombre de ceux qui pratiquent « l’alimentation vivante » – c’est-à-dire des consommateurs exclusifs de végétaux et de graines germées crues –, je l’ai moi-même pratiquée un temps. Je peux donc témoigner : tous sont en très bonne santé et certains se sont mêm remis de maladies graves à l’issue plus qu’incertaine. Et, pour ceux qui veulent en faire un simple complément, l’apport nutritionnel est inégalable. À vous de jouer !

> NICOLAS SERSIRON

Pour aller plus loin Marcel Monnier, Graines germées, éd. Ambre, 2010.

Humeur Y’a du gaz dans l’eau ! Après avoir inventé la vache carnivore et le soja pour nourrir les bagnoles, nos apprentis sorciers technophiles et croissantistes nous proposent maintenant le gaz qui transforme l’eau en feu ! Pour celles et ceux qui ne se seraient pas encore au courant, le film Gazland en fait l’implacable démonstration. Alors, pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Brandissant d’une main le Code minier, nouvelles Tables de la Loi, et de l’autre, tout l’attirail des techniques de fracturation hydraulique, nos élites, s’inspirant du vieux rêve des alchimistes qui tentaient de faire de l’or avec du plomb, parviendront à réaliser leur Grand’oeuvre : la transformation du globe terrestre en une gigantesque meule de gruyère rassie, à l’odeur fétide, au goût atroce, dont même une souris transgénique et maso-schiste ne voudrait pas. > ALAIN DORDÉ


Le Courrier de la Baleine

Depuis 1971

Le journal des Amis de la Terre

Dernière minute Catastrophe de Fukushima Vers un niveau 8 sur l’échelle internationale des événements nucléaires Les impacts de Fukushima seront pires que ceux de Tchernobyl. Contrairement à ce qu’affirme la propagande des exploitants, ce drame était prévisible, et plus personne ne pourra, désormais, prétendre qu’il ne savait pas. Pour qui doutait encore du péril inhérent à la dépendance des sociétés « modernes » à l’électricité pour les moindres aspects de la vie courante, voir le pays le plus high-tech du monde s’éffondrer en quelques minutes devrait entraîner d’immédiates remises en causes. Car, alors que la situation au Japon s’aggrave de jour en jour, les ingrédients sont hélas réunis pour une catastrophe radiologique encore plus grave que celle de Tchernobyl : quantités de matières radioactives bien plus élevées1 ; population environnante bien plus dense ; proximité de la plus vaste aire urbaine du monde ; présence dans un des réacteurs de MOX, un combustible mêlant à l’uranium 6 à 7 % de plutonium – qui abaisse la température de fusion et accroît la mortalité induite en cas d’émanations. Pour longtemps, car la demi-vie du plutonium 239 est de 24 000 ans. Or ce poison est indétectable au compteur Geiger.

précieux pour secourir les victimes. Elle creuse l’écart entre les privilégiés, précocement avertis et exfiltrés, et les condamnés à rester sur place. Elle creuse l’indécent hiatus entre les spéculateurs de la bourse de Tokyo, approvisionnée en électricité, et une bonne partie du pays, qui n’a même plus d’eau potable. Elle brise les solidarités et la confiance en l’avenir. Même si la situation se « stabilisait » par miracle, le secteur des six réacteurs de Fukushima 1 restera zone interdite. La contamination est déjà assez massive pour que la nature exacte des radioéléments dispersés relève du secret entre États, y compris quand ils survolent les États-Unis. Et, pendant que certains attendent « le » nuage, la radioactivité s’échappe en continu et menace aussi l’océan, où elle se reconcentrera dans la chaîne alimentaire.

Catastrophe artificielle Accoutumé aux tremblements de terre, le peuple japonais sait se relever des catastrophes naturelles. Il en va autrement pour l’invisible et persistante radioactivité, un péril technologique qui aurait, lui, été évitable. Insidieuse, la contamination nucléaire entrave les secours nationaux et internationaux, contraints à écarter des bénévoles, à distiller les informations au comptegouttes, à mentir. Elle impose de mobiliser du matériel et des effectifs qui auraient été

Suicide technologique Malgré des défaillances de sûreté notoires depuis les années 1970, l’autorisation d’exploitation du réacteur 1, qui avait 40 ans et aurait dû fermer en mars 2011, venait d’être prolongée de 10 ans. Quant au réacteur 3, d’une conception presque aussi obsolète, il avait l’âge de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin) : 34 ans. Mais Areva avait trouvé judicieux de le charger en MOX en août dernier – près

de failles tectoniques et en pleine période de recrudescence sismique… – et plaidait même pour en moxer d’autres. Formidable technocratie française qui osa sans vergogne, aux premiers jours de la catastrophe, se jucher sur les cadavres pour tenter de vendre son « excellence ». Pour les Amis de la Terre, l’Histoire a définitivement jugé les promoteurs du nucléaire, dont les mensonges criminels nous explosent aujourd’hui à la figure. Il est temps de re mettre à sa juste place le savoir-faire industriel, qui aurait permis de prévoir ces événements. Et de cesser de le confondre avec la propagande des VRP de l’atome. On peut sortir du nucléaire. Même en France. On le doit, et vite. Avec de vraies économies d’énergie : en arrêtant la publicité, l’éclairage nocturne des oiseaux, les gadgets électroniques 3D, 3G, etc. Bref, en cessant de confondre libertés fondamentales et consumérisme. Et, aussi, avec quelques dizaines de centrales à gaz en cogénération judicieusement situées, en attendant que les renouvelables puissent prendre intégralement le relais. Tout cela pour maîtriser les consommations, et non pour engraisser les spéculateurs. Avec et pour les travailleurs du nucléaire, et non contre eux. A l’heure où se dessine un non-lieu dans l’affaire des malades de la thyroïde, ne nous leurrons pas, il y a urgence : statistiquement, la prochaine catastrophe nucléaire aura lieu en France. Songeons que celle de Fukushima, aussi, était impossible. > JEAN BONNAFOUS ET MARIE-CHRISTINE GAMBERINI 1 Des centaines de tonnes réparties entre cœurs de réacteurs et piscines de combustible usé. Rappelons que « seuls » quelques kilogrammes de plutonium et d’uranium avaient explosé en 1945 au-dessus de Hiroshima et Nagasaki.

Appel solennel Nucléaire : nous voulons avoir le choix ! Suite à la catastrophe nucléaire au Japon, nous, associations, syndicats et partis politiques, adressons solennellement ces demandes communes au gouvernement français. Nous voulons : – L’arrêt de tous les projets électronucléaires en cours (EPR de Flamanville, ligne THT Cotentin-Maine, EPR de Penly, ITER, Bure et projets de centres de stockage des déchets nucléaires issus de la filière électronucléaire...) tant que les citoyens n’auront pas été en mesure de se prononcer démocratiquement sur notre politique énergétique et sur le recours à l’énergie nucléaire ; – Le renoncement à la prolongation des réacteurs ayant atteint ou dépassé les 30 ans d’âge ; – L’arrêt complet de tous les projets portés à l’étranger par l’industrie nucléaire française. Texte complet de l’appel et signataires sur : http://groupes.sortirdunucleaire.org/alerte-japon/appel.html


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