La Baleine 163 - Les Amis de la Terre, 40 ans de lutte écologique

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Depuis 1971

octobre 2010 / 3€20 N°163

Amis de la Terre : 40ans de luttes ècologiques !

www.amisdelaterre.org

Les


Edito

SOMMAIRE

40 ans, et aprés ? Lorsque nous avons abordé la question de l'anniversaire des 40 ans des Amis de la Terre j’étais pour le moins dubitative ! Une Baleine spéciale ? Ah oui…mais que va-t-on dire ? Que depuis 40 ans, on mène les mêmes combats ? Que finalement on n’avance pas beaucoup ? A 40 ans on a le cynisme facile ! Car si globalement on peut dire que tout reste à faire, c’est oublier la place des Amis de la Terre dans la prise de conscience écologique et c'est de cette évolution des mentalités que le vrai changement viendra. D'ailleurs, des combats, on en gagne localement tous les jours : une usine qu’on a obligée à dépolluer, une route inutile qui ne se fera pas, de nouvelles pistes cyclables… Sans parler de nos modes de vie au quotidien qui font peu à peu tache d’huile : on recycle, on ne gaspille pas, on adhère à une AMAP… Alors oui, on a avancé ! Pour autant ce n’est pas tous les jours facile, nos finances nous inquiètent régulièrement, le nombre de nos adhérents et donateurs ne progresse pas aussi vite qu’on pourrait le souhaiter. Cet anniversaire ressemble finalement à une bonne leçon, sinon d’optimisme, au moins de ténacité. Moi qui suis une jeune Amie de la Terre (par mon adhésion qui date de quelques années, moins par mon âge !) je suis admirative devant nos « Vétérans » que rien ne décourage, et qui poursuivent leur combat, encore et encore, jusqu’à la victoire. Ces 40 ans, c’est notre première richesse car ils mettent côte à côte l’expérience et la ténacité des plus anciens et l’enthousiasme des plus jeunes, pour faire de nous une fédération unique et vivante. 40 ans c’est une étape importante dans la vie, on se retourne pour voir le travail achevé, on analyse plus sereinement ses fougues de jeunesse et on affirme ses projets pour l'avenir. Aujourd’hui plus que jamais, toutes les craintes, mais aussi tous les espoirs sont devant nous. Qui s’inquiétait il y a 40 ans des changements climatiques ? Qui était pris au sérieux en disant que les produits chimiques en agriculture étaient nocifs ? La société change. Nous sommes et voulons continuer à être moteurs de ce changement vers un monde meilleur, respectueux de la dignité des Hommes et protecteur de l'intégrité de la nature. Les sociétés soutenables sont possibles, nous les construirons ensemble, pas à pas, jour après jour. Rendez-vous …dans 40 ans !

3 - 5 > INTERNATIONAL • BP : de la communication en temps de crise • Nigeria, la marée noire permanente • Ruée vers l'or vert, le nouvel eldorado africain • Les Amis de la Terre face au géant minier Eramet • Détroit : faire face à la désindustrialisation 6 - 8 > FRANCE • OGM : le marché de dupes de la Commission européenne • La biodiversité c'est bien, les autoroutes c'est mieux ! • Assises nationales : les déchets sous l'arbre à palabres • Finance privée : vous avez dit éthique ? • Terminal méthanier de Dunkerque 9 - 10 > RÉGIONS : LES GROUPES LOCAUX EN ACTION 11 - 12 > DOSSIER : « 40 ANS DE LUTTES ÉCOLOGIQUES » • 40 ans et toutes nos dents ! • L'écologie comme projet de société • Une opposition constante au nucléaire • De la baleine transgénique en bassin d'eau douce • Critique du culte de la voiture : la « vélorution » en marche • De la « ville écologique » à la « ville en transition » • Amis de la Terre et politique, une clarification des rôles • La force du réseau 20 > PRATIQUE, HUMEURS • Peinture bio : faites-le vous-même ! • Il y a quarante ans, il s'est produit en France deux événements historiques

> MARTINE LAPLANTE Présidente des Amis de la Terre depuis juin 2010

La Fédération des Amis de la Terre France est une association de protection de l'Homme et de l'environnement, à but non lucratif, indépendante de tout pouvoir politique ou religieux. Créée en 1970, elle a contribué à la fondation du mouvement écologiste français et à la formation du premier réseau écologiste mondial - Les Amis de la Terre International - présent dans 77 pays et réunissant 2 millions de membres sur les cinq continents. En France, les Amis de la Terre forment un réseau d'une trentaine de groupes locaux autonomes, qui agissent selon leur priorités locales et relaient les campagnes nationales et internationales sur la base d'un engagement commun en faveur de la justice sociale et environnementale.

I www.amisdelaterre.org I www.renovation-ecologique.org I www.ecolo-bois.org I www.justice-climatique.org I www.produitspourlavie.org I www.prix-pinocchio.org I www.financeresponsable.org Contactez-nous : Les Amis de la Terre France • 2B, rue Jules Ferry • 93100 Montreuil • Tél. : 01 48 51 32 22 • Mail : france@amisdelaterre.org Nos sites internet

Le Courrier de la Baleine n°163 « Se ranger du côté des baleines n'est pas une position aussi légère qu'il peut le sembler de prime abord. »

Trimestriel • Automne 2010 • n°CCPAP : 0312 G 86222 • ISSN 1969-9212

Depuis 1971

Ce numéro se compose d’un cahier principal, d'un bulletin d'abonnement et du guide Environnement : comment choisir mon épargne ?

Directrice de la publication Martine Laplante Rédactrice en chef Lucile Pescadère Secrétaire de rédaction Benjamin Sourice Comité de rédaction Sophie Chapelle, Philippe Collet, Alain Dordé, Cyril Flouard, Laurent Hutinet, Caroline Hocquard, Caroline Prak Ont collaboré à ce numéro Sylvain Angerand, Christian Berdot, Nicolas Fournier, Aloys Ligault, Annelaure Wittmann, Soisic Rivoalan, Aurélie Schild, Gwenael Wasse Crédits photos Amis de la Terre Europe, Bruce..., IDEAL Connaissances, One village initiative, Sophie Chapelle, Benoit D, Skyt truth Maquette Nismo Carl Pezin • 01 48 00 06 94 Impression sur papier recyclé Offset cyclus 90g/m2 avec encres végétales • Stipa • 01 48 18 20 50


INTERNATIONAL

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Marèe noire BP : de la communication en temps de crise La fuite de pétrole dans le golfe du Mexique finalement résorbée, les Amis de la Terre reviennent sur la gestion de crise arrogante de BP. On a souvent fait le parallèle entre le désastre provoqué par BP et la gestion calamiteuse de sa communication. Il est vrai que BP n’a pas vraiment donné une image responsable durant cette crise : commençant par minimiser le volume de pétrole déversé, l’entreprise multipliera les tentatives de colmatage aux noms évoquant de mauvais films hollywoodiens - « top kill », « top hat » et autres « junk shot »… - qui se solderont tous par des échecs. Le PDG britannique Tony Hayward avait par ailleurs provoqué une crise diplomatique entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni après ses déclarations sur l’impact environnemental « très, très modeste » de la catastrophe. Il gagnera son surnom de « Tony la gaffe » pour avoir participé à une régate de luxe autour de l’île de Wright en Angleterre au plus fort de la crise. Communication ratée ou cynisme ? La réponse est certainement entre les deux. Lorsque des bloggeurs américains révèlent que sur son site internet, BP a grossièrement maquillé des images de ses salles de contrôle vides pour montrer de faux techniciens à la manœuvre, l’entreprise donne une dérangeante impression d’amateurisme. A vrai dire, on se dit qu’à ce moment-là, BP a perdu le contrôle de la situation.

Fausse solution mais vrai greenwashing Au-delà des aléas de la communication de BP – c’est-à-dire des stratégies mises en place pour limiter la dégringolade du titre sur les marchés – le constat semble évident : même les entreprises les plus expérimentées se trouvent désormais incapables de faire face aux conséquences environnementales de leurs pro-

La plate-forme BP dans le golfe du Mexique en plein cœur de la crise

jets, toujours plus risqués, toujours plus spéculatifs. Ce qui est vrai pour BP sera vrai pour d’autres, et on ne peut s’empêcher de penser à l’extraction des sables bitumineux qui se développe autour du globe – au Canada, à Madagascar, demain en Chine ? Dès lors, quelles solutions face à cette « économie casino » au pays de l’or noir ? Une « bonne communication », fausse solution mais vrai greenwashing, ne réglera rien. Seule une intervention forte des pouvoirs publics en faveur d’un encadrement juridique robuste et contraignant des entreprises peut obliger les opérateurs à répondre des conséquences de leurs actes. Le président Obama a eu cette intuition lorsqu’il qualifiait la relation entre les pétroliers et l’ad-

ministration de « confortable » et plaidait pour une reforme de l’octroi des permis pétroliers. Toutefois, l’ampleur de la catastrophe doit également agir comme une piqûre de rappel : il ne peut y avoir de réelle responsabilité des acteurs économiques sans une prise en compte des enjeux environnementaux et climatiques globaux. Cela signifie que la responsabilisation passe par l’arrêt des projets d’extraction des ressources fossiles et une transition vers une économie fondée sur la notion d’espace écologique.

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ALOYS LIGAULT

Chargé de campagne • Responsabilité sociale et environnementale des entreprises

Et pendant ce temps l ... Nigeria, la marèe noire permanente Loin du golfe du Mexique, au Nigeria, une autre catastrophe pétrolière se déroule depuis plusieurs décennies sans que personne n’y prête attention… La situation est telle que les scientifiques considèrent la zone du delta du Niger comme l’une des plus polluées de la planète. Dans ce pays, douzième producteur mondial de pétrole, les compagnies, présentes depuis les années 1950 – Shell, Exxon, Total – profitent d'une gouvernance locale laxiste et d'une législation environnementale inexistante dans les faits. Bien sûr, elles n'ont jamais fait le

moindre effort spontané pour diminuer leurs impacts. Les milliers de kilomètres d'oléoducs rouillés qui quadrillent le delta du Niger sont la source d'autant de petites marées noires qui, cumulées, ravagent les écosystèmes locaux aussi sûrement que la fuite de la plateforme Deep Horizon pollue le golfe du Mexique. « Les compagnies pétrolières n’attachent aucune importance à nos vies », déplore Williams Mkpa, chef de village à Ibeno « en deux ans, nous avons subi dix marées noires et les pêcheurs ne peuvent plus nourrir

leurs familles ! C’est intolérable ! » Ne pouvant plus subvenir à leurs besoins, les habitants finissent par rejoindre des townships sans fin comme à Lagos. Pour les victimes, il ne faut pas attendre de dédommagement. La corruption endémique, soigneusement alimentée par les pétroliers, étouffe toute velléité de justice. Loin de la Louisiane et des caméras occidentales, les multinationales de la « merde noire », comme disent les Nigérians, se permettent les pires abus en toute impunité. Cinquante ans que ça dure.

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GWENAEL WASSE


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INTERNATIONAL

Souverainetè alimentaire Ruèe vers l'or vert, le nouvel eldorado africain L'Union européenne veut atteindre 10 % d'énergies renouvelables dans les transports pour 2020. Cette décision ouvre les portes d'un marché juteux pour les producteurs d'agrocarburants qui se précipitent vers l'Afrique pour obtenir des terres fertiles à moindre prix. « Le continent africain est perçu comme une réserve de terres agricoles et de ressources naturelles pour le reste du monde. Des Etats, des entreprises privées et des fonds d'investissement mettent la main sur des terres sur tout le continent pour y cultiver des plantes alimentaires destinées à l'exportation ou bien à la production de carburants ». C'est sur ce cri d'alarme que s'ouvre le rapport Afrique : terre(s) de toutes les convoitises, publié le 1er septembre 2010 par les Amis de la Terre Europe. Extraction d'huile de palme par des villageoises à Jukwa au Ghana.

On assiste à un double phénomène. D’une part, certains gouvernements cherchent depuis la dernière crise alimentaire de 2008 et l'instabilité sociale qu'elle a provoquée dans leurs pays, à renforcer leur sécurité alimentaire en acquérant des terres dans d'autres pays. D'autre part, selon les Amis de la Terre Europe, un tiers des terres cédées est destiné à la production d'agrocarburants. En Afrique, ce sont cinq millions d’hectares de terres – soit la surface du Danemark – qui ont été vendus ou donnés en concession à des investisseurs européens afin de produire des agrocarburants pour l'Union européenne.

« Un nuage de criquets » Pour Christian Berdot, référent de la campagne Agrocarburants des Amis de la Terre France, « Il est révoltant de voir les firmes européennes s’abattre sur l’Afrique comme un nuage de criquets pour s'accaparer des millions d’hectares dans le seul but de faire rouler des autos et des camions en Europe. Quand l’Union européenne cessera-t-elle sa politique en faveur des agrocarburants et diminuera-telle sérieusement le gaspillage énergétique causé par nos transports ? » En effet, la plupart des ces projets de plantations destinés à la production énergétique sont considérés comme des « accaparements abusifs des terres » car ils s'implantent sur des terres traditionnellement cultivées ou utilisées par les communautés locales mais qui, faute de d'actes de propriété officiels, finissent par se faire expulser par les autorités. Pour Mariann Bassey, coordinatrice de la campagne Alimentation et agriculture des Amis de la Terre Nigeria :

« L’expansion des agrocarburants sur notre continent transforme les forêts et les zones naturelles en cultures énergétiques. Les terres destinées à l’agriculture vivrière sont confisquées aux populations locales, ce qui pourrait entrainer des conflits pour l'accès à la terre dans un avenir proche. Nous exigeons de vrais investissements dans une agriculture pouvant nourrir les Africains. »

« Priorités aux cultures vivrières » En Tanzanie, à Madagascar et au Ghana, les manifestations se multiplient. L'Éthiopie qui connait de graves problèmes de malnutrition, a déjà cédé 700 000 hectares alors que des négociations sont en cours pour 1,4 millions d’hectares destinés à la canne à sucre, et que 23 millions d’hectares pourraient être reconnus adaptés à la culture du jatropha destinée aux carburants. Autre pays en ligne de mire : le Mozambique qui vient de signer un accord avec l'UE et le Brésil sur le développement des agrocarburants. Selon le rapport, le gouvernement s'apprêterait à proposer 4,8 millions d'hectares de terres à des investisseurs étrangers. Certes, l’Afrique a besoin d’investissements pour développer son agriculture mais comme le disent les Amis de la Terre Mozambique, ce qui est nécessaire, c’est de « donner la priorité aux cultures vivrières, assurer un soutien accru aux cultures de subsistance ainsi qu’aux coopératives, garantir les droits ruraux, faire respecter les droits fonciers des communautés et encourager une indépendance alimentaire. »

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BENJAMIN SOURICE

Indonèsie Les Amis de la Terre face au gèant minier Eramet Halmahera. Ce nom ne vous dit rien ? C'est que vous ne travaillez pas pour le département prospection du géant minier français Eramet. Cette île, au cœur de l'archipel des Moluques en Indonésie, abriterait dans son sous-sol l'un des plus grands gisements de nickel encore non exploité. Jusqu'à 2004, ce nickel était intouchable car situé sous une forêt primaire protégée. Mais, sous la pression des groupes miniers, un opportun décret présidentiel est venu remettre en cause cette protection. Après avoir remporté la mise, Eramet s'est empressé de déclarer qu'elle s'engageait à extraire du nickel dans les meil-

leures conditions environnementales et sociales. D'après l'entreprise, un des atouts du projet serait même « les bonnes relations avec les communautés locales ». Ce sont ces « bonnes relations » que contestent Walhi, la branche indonésienne des Amis de la Terre : « Comme dans de nombreux projets de ce type, la consultation est davantage un alibi qu'une réelle possibilité pour les communautés locales de peser sur le projet ». La destruction de la forêt et les risques de pollution des eaux inquiètent fortement les communautés qui dépendent de la pêche et de l'environnement.

Et si tout simplement ce projet était illégal puisque la forêt est protégée ? Les Amis de la Terre France ont interpellé le ministre de l'Environnement et du développement durable, Jean-Louis Borloo, pour le mettre face à ces contradictions : d'un côté, la France déclare lutter contre la déforestation à la tribune des Nations unies, de l'autre, elle envoie une entreprise, dont elle est actionnaire, détruire une forêt protégée pour sécuriser son approvisionnement en métaux.

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SYLVAIN ANGERAND

Chargé de campagne • Forêts


INTERNATIONAL

Etats-Unis Dètroit : faire face

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la dèsindustrialisation

Détroit subit les ravages de la crise de l'industrie automobile depuis un demi-siècle. Plongée au cœur d'une ville post-industrielle en quête d'alternatives. Sept immenses buildings frappent d'abord la vue en s'approchant du centre-ville de Détroit. Cet immense complexe de bureaux appartient à General Motors. Mais derrière ces tours se profile un désert urbain. Sur les façades des bâtiments, les banderoles « à vendre » ou « à louer » sont monnaie courante. Près d’un logement sur cinq serait inoccupé. Des buildings de plus de 50 étages laissés à l'abandon surplombent Jefferson, Woodward, Michigan, des avenues aujourd'hui longées de trottoirs vides. Les maisons incendiées ne cessent de surprendre le regard. Faute de locataires, les propriétaires brûlent leur bien pour faire jouer l'assurance. Il faut attendre les soirs de match pour que les rues s'animent et que les parkings se remplissent. La capitale du Michigan connait une crise sans précédent dans les domaines de l'industrie automobile, de l'immobilier et de la finance.

Un long Katrina Deux millions de personnes vivaient à Détroit dans les années 1950, il n'en reste plus que 800 000 aujourd'hui. Dans certains quartiers, une personne sur deux est au chômage. Pour les syndicalistes rencontrés à Détroit, « c'est un long Katrina » qui depuis un demi-siècle s'abat sur la ville. Grace Lee Boggs, figure du mouvement pour les droits civils, se souvient des usines partant s'installer en banlieue pour contrer le mouvement ouvrier. La fermeture de la gare en 1988 ajoutée à des liaisons en bus extrêmement rares ont renforcé la ligne de séparation entre un centre-ville

fort d'une population noire à 85 % et une banlieue blanche à 80 %. En gagnant les citésdortoirs, le contraste est saisissant. Des villas cossues, des parkings bondés, des magasins ouverts et des municipalités autorisant les exonérations fiscales sous la pression de l'industrie automobile. Le déficit municipal de Détroit ne cesse lui de s'aggraver. Les services publics sont les premiers touchés avec la fermeture Un jardin urbain en plein centre de Détroit. d'écoles et la suppression de lignes de bus. Mais pour d'autres, comme Mark Covington de Grace, « le maire n'a aucun sens du Georgia Street Community Garden, le jardin mouvement urbain qui depuis des est un moyen de créer une solidarité de années n'a cessé de se réinventer pour quartier. Moyen de subsistance ou prélaisser place à un nouvel ordre ». misses d'une nouvelle économie, des jarL'agriculture urbaine est en effet en dins sont désormais accessibles dans pleine expansion dans un centre-ville chaque quartier de Détroit. La reconverqualifié de « désert alimentaire ». Plus de sion des industries pour produire des bus 16 000 résidents seraient aujourd'hui ou des trains est pour le moment seuleinvestis dans 800 jardins communautaires. ment révoquée dans les courant les plus Au sud-ouest de Détroit, Kwamena à gauche des syndicats. Entrée en tranMensa, un ancien fonctionnaire, s'est sition à marche forcée, Détroit trace lancé dans le maraîchage biologique et peut-être la voie des villes post-indusl'apiculture sur un peu moins d'un hectrielles soutenables. tare. L'enjeu, « assurer la sécurité alimentaire de la communauté » et créer à > SOPHIE CHAPELLE moyen terme plusieurs emplois. Pour

Bréves internationales Mobilisations contre les projets d'Ex-Im, la banque pro-charbon – La banque américaine « Ex-Im » étudie actuellement le financement d'un gigantesque projet de centrale à charbon à Kusile en Afrique du Sud. Les voix des populations locales et des associations, dont les Amis de la Terre Afrique du Sud, s'élèvent pour s'opposer à cette centrale qui émettrait chaque année 26 millions de tonnes de CO2. La société civile états-unienne fait quant à elle pression pour que les fonds soient réorientés vers des projets sobres en carbone aux Etats-Unis. Plus d'informations : www.groundwork.org.za Des glaciers sauvegardés en Argentine – Les Amis de la Terre Argentine célèbrent une victoire importante : le projet de loi sur la protection des glaciers intégrant toutes les recommandations de l’association a été approuvé par la Chambre des députés et adopté par le Sénat. Ce projet de loi lancera un signal fort contre l'industrie minière qui convoitait ces zones inexploitées, alors que de nombreux gouvernements andins adoptent des politiques climatiques en ligne avec l'accord de Cochabamba. La Grande-Bretagne se dote du plus grand parc éolien au monde – Situé au large du Kent sur une surface de 35 km2, le parc éolien offshore de Thanet compte pour le moment 100 éoliennes (à terme, 341 turbines devraient être mises en service). L’électricité ainsi produite approvisionne déjà 240 000 foyers. Avec ce parc et d’autres projets, la Grande-Bretagne souhaite parvenir à un objectif de 15 % d’énergies renouvelables en 2020.


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FRANCE

Moratoire OGM OGM : Le marchè de dupes de la Commission europèenne Fausse réforme pour vraie entourloupe, la Commission européenne tente de passer en force sur le dossier OGM. Le 13 juillet 2010, le commissaire européen à la Santé, John Dalli, présentait officiellement les plans de la Commission sur les OGM. La volonté affichée par la Commission est d’accroître la liberté des Etats d’interdire la culture des plantes génétiquement modifiées (PGM). Mais à y regarder de plus prêt, c’est davantage un déblocage de l’épineux dossier des autorisations à la culture qui est recherché. Fruit de plusieurs mois de réflexion, les plans de la Commission ont des raisons d'inquiéter. John Dalli déclare vouloir « accorder aux Etats membres la liberté de restreindre ou d’interdire la culture des OGM ». Or, les propositions de la Commission ne modifient pas réellement le pouvoir des Etats sur la culture. Selon la proposition de directive modificative, les autorisations de commercialisation d’OGM « ne devraient pas affecter la possibilité pour les Etats membres d’adopter des mesures, interdisant, et empêchant la culture de tout OGM ou d’un OGM, y compris les OGM mis sur le marché ». Mais cette possibilité de restriction ne doit s’appuyer ni sur des aspects sanitaires et environnementaux, ni sur des questions de préventions des contaminations. Mais alors sur quoi pourront se fonder ces nouvelles interdictions ? Des raisons éthiques ? C'est ce qu'explique John Dalli mais

celles-ci peuvent déjà être invoquées par ailleurs. On fait donc face à une coquille vide qui doit nous conduire à nous interroger sur les véritables fondements de la proposition.

La voie ouverte vers plus d'OGM en Europe Si la Commission n'a aucun problème à autoriser à tour de bras les OGM importés (six OGM autorisés en juillet 2010), elle fait face à de plus grandes difficultés lorsqu'il s'agit de les autoriser à la culture. Depuis 1998, la Commission n'est parvenue à faire autoriser que deux PGM pour la culture (le maïs MON810 et la pomme de terre Amflora). Les moratoires nationaux se multiplient : France, Allemagne, Luxembourg, Autriche, etc. et la Commission subit des pressions des Etats-Unis dans le cadre des négociations à l'Organisation mondiale du commerce. Face à ces difficultés, la Commission, même si elle s’en défend, voit dans ces plans la possibilité de débloquer la situation. Elle recherche un compromis politique octroyant une supposée plus

grande liberté aux Etats sur la culture contre moins d'entraves à son action sur le reste du dossier OGM. Mais si les Etats l'acceptent, ce compromis promet d'être lourd de conséquences. Il conduirait à accélérer les autorisations des OGM à la culture : quatre PGM pourraient ainsi être autorisées sous peu ! Cela risque aussi de mener à l'abandon de la politique de « tolérance zéro » selon laquelle toute importation contenant des traces d'OGM non autorisé dans l’Union européenne, quelqu’en soit la proportion, doit être retournée à l'expéditeur. Une politique que beaucoup souhaiteraient voir levée, car elle pose de nombreux problèmes au commerce transatlantique ! Fin juillet 2010, les Etats membres ont montré des signes de désaccord vis-àvis de la proposition. Jusqu'en décembre 2010, les discussions se dérouleront sous présidence belge, pays qui a déjà fait part de son opposition aux plans de la Commission. Une chose est sûre, la Commission Barosso II a décidé de passer à l'offensive sur le dossier OGM. La vigilance reste de mise.

> ANNE FURET Veille juridique • Inf'OGM www.infogm.org

Dèmantélement du Grenelle La biodiversitè c'est bien, les autoroutes, c'est mieux ! Il en faut peu pour vider une loi de son sens. En remplaçant, en juin dernier, le mot « compatibilité » par le terme « prise en compte », les sénateurs ont mis à bas le principe des trames vertes et bleues. Mises en place par la loi « Grenelle 2 », ces zones de protection de la biodiversité visaient la création de corridors écologiques reliant les territoires protégés. Désormais, les trames peuvent, comme n’importe quel autre espace, être défigurées par l’aménagement d’autoroutes ou de lignes de train à grande vitesse (LGV). « La compatibilité représentait une diffi-

culté majeure pour la création de nouvelles infrastructures. On ne peut pas tout bloquer", affirmait Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'Economie et du développement durable du Sénat dans Le Monde daté du 18 juin 2010. Cette modification du règlement vient remettre en cause un acquis majeur pour les associations environnementales. La mise en place d'une trame écologique connectée sur l'ensemble du territoire devait permettre la préservation et la restauration d’un maillage d’espaces et de milieux vitaux pour la faune et la flore sau-

vages. L’obligation de compatibilité signifiait que la construction d’une LGV ou d’une autoroute aurait dû respecter les continuités écologiques. Heureusement, comme l'explique Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux Transports, « la notion de prise en compte permettra de mettre en place des mécanismes de compensation si les infrastructures prévues ne respectent pas les zones protégées. » Voilà qui rassure : le non-respect des règlements de protection est désormais prévu par la loi.

> BENJAMIN SOURICE


FRANCE

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Modes de production et de consommation Assises nationales : les dèchets sous l'arbre à palabres Les Assises nationales de la Prévention et de la gestion territoriale des déchets rassemblent chaque année depuis 1996 plus de 2 000 représentants de collectivités locales, d’entreprises et d’associations. Tout au long de cette édition, l'accent a été mis sur la prévention des déchets, sous le slogan très consensuel « Tous responsables ! ». Tous responsables certes, mais à des degrés différents. Certains ont une responsabilité supérieure à celle des consommateurs et collectiviLes Assises nationales des déchets se sont déroulées à Paris tés locales en bout les 16 et 17 septembre 2010. de chaîne. Par exemple, les producteurs et distributeurs qui mettent sur La 11ème édition des Assises nationales de le marché une profusion de produits la Prévention et de la gestion territoriale préemballés pour faciliter le libre service des déchets s’est tenue cette année en au détriment de l’emploi, mais aussi des Ile-de-France, région championne de l'inproduits fortement générateurs de cinération avec 58 % des déchets incinérés déchets (gadgets électroniques, lingettes contre une moyenne nationale de 30 %, à usage unique, unidoses de café et de et lanterne rouge du tri sélectif avec 14 % compote de pomme, etc.), vendus à de déchets recyclés contre 20 % en grand renfort de publicités et d’innommoyenne nationale (source : ORDIF). brables incitations à la surconsommation, Puissent ces Assises donner aux noudont les honteuses cartes de fidélité – veaux élus régionaux l'occasion d'en crédit à la consommation. prendre conscience et de se tourner L'application du principe de « responsabilité résolument vers la prévention, le tri, le élargie du producteur » oblige déjà cercompostage et le recyclage. tains producteurs et distributeurs à Parmi les thèmes abordés lors de ces contribuer à la prise en charge des Assises : pénibilité des métiers du déchets induits par leurs activités. Mais il déchet, éco-conception, technologies de faut que leur contribution aux coûts de tri et de traitement, tri sélectif dans l'habicollecte et de traitement des déchets tat collectif, réemploi du matériel électrique atteigne 100 % car il est incohérent d'en et électronique, coûts et financement, faire porter la plus grande partie par la coopération avec les pays du Sud...

collectivité, comme c'est le cas actuellement. En effet, aujourd’hui, les consommateurs-contribuables payent à la fois le produit en tant que tel et la gestion des déchets qu’il induit lorsqu’il devient hors d’usage. Une conférence de l'Association des cités et régions pour le recyclage et la gestion durable des ressources (ACR+), réseau d'une centaine de collectivités locales européennes qui a pour objectif la promotion des 3R (réduire, réutiliser, recycler), a eu lieu dans le cadre des Assises. Elle a abordé la complexe transposition des directives européennes (sujet suivi par les Amis de la Terre dans le cadre d'un groupe de travail du ministère de l'Ecologie) et appelé à l'organisation d'un Observatoire européen des performances de recyclage des déchets municipaux. Lors des Assises, les Amis de la Terre ont présenté la campagne « Produits pour la vie », leur dernière étude commune avec le Centre national d’information indépendant sur les déchets (Cniid), L’obsolescence programmée, symbole de la société du gaspillage, ainsi que des guides locaux de la réparation et du réemploi.

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ANNELAURE WITTMANN

Pour aller plus loin : Le site des Assises :

www.paris-dechets.com ACR + : www.acrplus.org La campagne des Amis de la Terre :

www.produitspourlavie.org Centre national d’information indépendante sur les déchets (Cniid) : www.cniid.org

Finance privèe Vous avez dit èthique ? Depuis quelques années, une partie du monde de la finance dit « responsabiliser » ses investissements sur les marchés boursiers. Face au cynisme habituel de la finance, une telle idée semble louable. Banques et assurances proposent ainsi à leurs clients d'investir dans des fonds « éthiques », « développement durable » ou « ISR » (investissement socialement responsable). Malheureusement, la réalité ne correspond pas aux promesses des intitulés. C’est ce que révèlent les Amis de la Terre dans leur étude Investissement socialement responsable : l’heure du tri, publiée en septembre 2010. Fonds « éthiques » ou « ISR » sont

finalement des termes désignant des produits financiers comme les autres, ces fonds investissant tout autant dans des entreprises multinationales ayant des pratiques sociales et environnementales désastreuses. Vous pourrez par exemple y trouver Total, Areva, BNP Paribas et BP ! Le monde de la finance cherche à se « racheter une conscience » mais tout cela reste de l'ordre du discours. La question est donc de savoir où le citoyen-épargnant peut déposer son argent sans financer des activités nocives. Pour cela, les Amis de la Terre publient parallèlement à l’étude, un guide pratique Environnement : comment choi-

sir mon épargne ? (joint à ce numéro de La Baleine), qui vous oriente pour que votre épargne participe à la construction d'une société soutenable. Nous vous conseillons, par exemple, d'épargner via un intermédiaire financier alternatif comme la NEF ou encore d'acquérir des parts sociales d'entreprises solidaires.

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SOISIC RIVOALAN

Chargée de campagne • Finance privée

Pour en savoir plus :

www.financeresponsable.org www.secretsbancaires.fr


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FRANCE

Terminal mèthanier de Dunkerque Un projet inutile, couteux et dèvastateur pour l’environnement Le groupe des Amis de la Terre Dunkerque mène une lutte acharnée contre l'implantation d'un énième projet industriel à risque dans la région. Un méga-projet de terminal méthanier à Dunkerque ! Dès que la nouvelle s'est mise à courir, le groupe local des Amis de la Terre s'est mobilisé pour empêcher par tous les moyens le projet d'aboutir sur un littoral qui compte déjà 13 sites classés Seveso seuil haut et la plus grosse centrale nucléaire d'Europe (Gravelines). Le groupe a aussitôt mobilisé toute son énergie pour contrecarrer ce projet : participation à un débat public organisé dans le cadre de la Commission nationale du débat public en 2007, enquête publique en 2009 et aujourd’hui dépôt d’un recours administratif pour faire annuler les arrêtés préfectoraux d’autorisation signés en avril 2010. Pourquoi militer contre un tel projet industriel ? D’abord parce qu’il va causer la perte d’un espace naturel remarquablement riche en biodiversité et apprécié de la population. Selon le président du groupe, Nicolas Fournier : « Notre littoral a été assez sacrifié pour qu’on brade les derniers espaces naturels pour des intérêts économiques qui ne sont même pas avérés. » En effet, EDF, l’un des maîtres d’ouvrage, rechigne à investir au vu du contexte économique et énergétique incertain. Malgré l’octroi des autorisations, il a repoussé sa décision finale à la fin de cette année. Il est vrai que cet investissement de plus d’un milliard d’euros risque de tourner au fiasco si l’on en croit les économistes. Il suffit de parcourir le Plan indicatif pluriannuel (PIP gaz 2009-2020) pour se rendre compte que

depuis 2007 la donne Le site du Clipon est envisagé pour la construction a changé : crise écodu terminal méthanier à Dunkerque. nomique, baisse de la demande, Grenelle de l’environnement et engagements à diminuer le recours aux énergies fossiles. Ensuite, ce projet comporte d’indéniables risques technologiques. En effet, ce terminal de déchargement du méthane et ses unités de regazéification seraient situés à moins de 4 km de la centrale de Gravelines. De plus, les énormes méthaniers évolueraient dans un avant-port bordé d’appontements et de dépôts pétroliers. Enfin, le gazoduc d’évacuation du gaz ction au Code de l’environnement (article serpenterait un sous-sol déjà truffé de R 122-3) démontre avec quelle désinvolcanalisations en tout genre et au voisiture ces grandes entreprises mènent nage d’usines classées Seveso. leurs projets et ce, avec l’assentiment Le groupe regrette par ailleurs que l’endes pouvoirs publics. C’était sans compquête publique n’ait pas permis de préter sur la vigilance des associations de senter à la population l’ensemble du prodéfense de l’environnement. jet comportant une plate-forme portuaire, un terminal regazéificateur mais aussi > LES AMIS DE LA TERRE DUNKERQUE une canalisation de transport du gaz AVEC NICOLAS FOURNIER dont l'étude d'impact n'a été mise en chantier qu'au début de l'été. Cette infra-

Bréves nationales Prix Pinocchio, édition 2010 – Le 9 novembre, les Amis de la Terre organisent l’édition 2010 des Prix Pinocchio du développement durable. Le but : dénoncer les abus des entreprises et demander des lois contraignantes sur leur responsabilité sociale et environnementale. Plusieurs entreprises françaises sont nominées dans les catégories Environnement, Droits humains et Greenwashing. Pour élire les plus beaux Pinocchio, rendez-vous sur le site www.prix-pinocchio.org

L'air chaud du métro pour chauffer les logements – La ville de Paris s'est lancée dans un projet de récupération de l'air chaud du métro pour chauffer les canalisations d'eau d'un immeuble situé au dessus d'un tunnel du réseau. Les responsables du projet estiment les économies d'énergies à 15 kWh/m2/an pour de l'ancien. Ils rappellent cependant que le meilleur moyen de réduire la facture énergétique reste une isolation performante.

Mobilisation nationale contre l'agrobusiness – Le 16 octobre 2010, à l’occasion de la journée mondiale de l’alimentation des Nations unies, la Vía Campesina, soutenue en France par un collectif d'associations dont font partie les Amis de la Terre, invite chacun d’entre nous à organiser des actions pour dénoncer le rôle des entreprises de l’agrobusiness. En effet, ces sociétés portent une grande responsabilité dans la destruction et l'accaparement de la biodiversité et du vivant. Cet appel s’intègre à la semaine d’actions pour une justice climatique et sociale. Plus d'informations sur le site www.combat-monsanto.org


REGIONS

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Mobilisation nationale du 25 septembre : un premier succés Ce fut une belle journée d’actions…. Le 25 septembre 12 groupes locaux ont participé à la mobilisation nationale annuelle des Amis de la Terre qui avait cette année pour thème la « journée du dépassement ». Pour ceux qui ne le savent pas encore, le « jour du dépassement » est la date à partir de laquelle l’homme a consommé l’intégralité de son budget écologique annuel (en 2010, c’était le 21 août). Revenons au 25 septembre qui a été un beau moment de convivialité et un temps précieux de sensibilisation citoyenne. Les membres des groupes locaux ont fait preuve de beaucoup de créativité et d’humour pour dénoncer le gaspillage des ressources naturelles. Ils ont aussi présenté les alternatives que nous prônons pour modérer notre consommation et ouvrir la voie à une transition vers des sociétés soutenables. Le conseil fédéral remercie une fois encore les militants qui se sont impliqués dans l’organisation de ces manifestations.

Groupe Midi-Pyrénées Le groupe a organisé trois réunions pour parler des « circuits courts » dans l'esprit de la « simplicité volontaire » car pour ses membres : « Ces alternatives semblent être l'une des uniques solutions pour donner une chance à notre planète et aux générations futures ». Les deux montgolfières, une petite et une grande, symbolisent d'un coté la planète que l’on croit énorme et qui explose sous la pression de l'excitation consumériste de notre civilisation ; de l'autre coté celui de la petite qui subsiste grâce à l'utilisation respectueuse de ses ressources, tout cela accompagné des chants d'une chorale. midipyrenees@amisdelaterre.org

Groupe Savoie Les Amis de la Terre Savoie ont fêté « la fin de l'année écologique » dans les rues d’Aix-les-Bains. « Sur leur 31 », ils ont défilé dans les rues et dans les allées du marché pour discuter avec les habitants de notre surconsommation, avec un arrêt devant l'étalage bio pour encourager les producteurs. L'accueil du public a été chaleureux. Pour poursuivre les débats, une projection du film Simplicité volontaire et décroissance a été organisée dans un cinéma de la ville avec une centaine de participants. savoie@amisdelaterre.org

Groupe Landes Le groupe local des Landes a organisé une action visuelle dans un des temples modernes de la consommation du département. Ils étaient au Grand Mall à St-Paul-lès-Dax à 15h, en plein pic de fréquentation, avec un lit médicalisé transportant un malade de la surconsommation subissant deux transfusions, l’une d’une Terre épuisée et l’autre d’un jerrycan d’essence... Le lit, couvert de logos des grandes entreprises, était surmonté d’une pancarte où était écrit : « Malade de Surconsommation – Terre épuisée ». landes@amisdelaterre.org


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REGIONS

Groupe Limousin Le groupe limousin s'est fait remarquer dans les rues de Limoges avec son étrange cortège composé de pousseurs de voitures sans essence, de vélorutionnaires et de vendeurs de journaux à la criée. Pour l'occasion le groupe a créé la « Une » d'un nouveau journal, Les échos du Monde, annonçant le retour des tickets de rationnement pour des supermarchés vides, les émeutes de la faim au Brésil ou encore la réouverture des mines d'uranium en France. Pour le groupe seule une réduction de la consommation et une relocalisation des activités économiques pourront permettre d'échapper à ce triste futur annoncé dans leurs Echos. limousin@amisdelaterre.org

Groupe Paris Le groupe Paris s'est réuni aux abords de la gare du Nord pour une action antipub ciblant les nouveaux écrans publicitaires qui fleurissent dans les grandes stations. Ils ont investi les lieux pour couvrir plusieurs de ces panneaux de draps et apposer leurs slogans : « Réduisez votre consommation, augmentez votre bien-être » ou « La surconsommation nuit gravement à la planète, parlez-en à votre association ». Ces panneaux, non contents d'être gourmands en ressources lors de leur fabrication, sont aussi équipés de caméras de reconnaissance faciale permettant d'établir le profil des personnes attirées par les pubs. Big publicitaire is watching you ! paris@amisdelaterre.org

Groupe Lille Nos amis lillois ont profité de la grande affluence de la Braderie de Lille pour tenir un stand dans les rues animées de la ville. Pour le plaisir des plus jeunes, une créature bizarre ou plutôt un Avatar rodait autour du stand, clin d'œil au film dénonçant à la sauce hollywoodienne la violence de l'accaparement des ressources. Il y avait aussi l'opération « Câlins gratuits contre déchets » qui a remporté un franc succès, comme l'indique les sourires de la photo. nord@amisdelaterre.org

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Pour être tenu informé des actions des Amis de la Terre, consultez les pages « groupes locaux » et « agenda » de notre site www.amisdelaterre.org Vous pouvez également écrire à benjamin.sourice@amisdelaterre.org en charge de l’animation des

groupes locaux.


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DOSSIER

40 ans de luttes ècologiques 40 ans, et toutes nos dents ! Les Amis de la Terre France viennent d’avoir 40 ans. Nés peu de temps après l’explosion de 1968, ils ont grandi dans une France où rien ne semblait pouvoir ébranler la foi dans le « progrès » et dans la consommation illimitée qui l’accompagnait. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le pays s’industrialisait à marche forcée, à la faveur de politiques vigoureuses et sans appel. Les Amis de la Terre ont vite dépassé le groupe des fondateurs. Loin des sociétés savantes d’étude et de protection de la nature, ils ont fait sortir l’écologie de son berceau originel universitaire, pour en faire un enjeu de société. Avec les Amis de la Terre, des citoyens s’emparaient de l’écologie. Notre association a été un creuset bouillonnant d’idées et de nombreux combats se sont cristallisés autour de la lutte antinucléaire. Mais très vite, nous avons compris que même si nos arguments étaient valables – et le sont toujours : risques inacceptables, coûts exorbitants, problème des déchets toujours pas résolus 30 ans après, limites inacceptables aux libertés – les décisions en cause n’étaient pas d’ordre technique, mais politique. Nous constations que les choix faits par les pouvoirs publics renforçaient presque systématiquement le pouvoir des techniciens et des scientifiques face à celui des citoyens. Ces choix permettaient aussi aux milieux industriels et financiers d’empocher beaucoup d’argent, donc de renforcer leur pouvoir. Les politiques, pour la plupart, ne semblaient agir que pour mettre en place le cadre législatif et réglementaire nécessaire pour leur faciliter la tâche. Depuis 1945, jamais ou presque les choix publics ne se sont orientés vers les solutions qui rendent le citoyen autonome et plus libre. Sur chaque grande question – énergie, nucléaire, transports, agriculture, chimie, biotechnologies,

nanotechnologies… – à chaque fois le débat démocratique est tué dans l’œuf par des arguments fatalistes et fallacieux : « On ne peut pas faire autrement », « C’est une nécessité technique », « C’est une contrainte économique»… Les citoyens ont systématiquement été privés du droit de décider de leur avenir. Depuis 40 ans, les Amis de la Terre dénoncent cette alliance entre technique, science, finance et politique qui tue la démocratie, détruit nos sociétés et ravage la planète. Depuis 40 ans, ils se battent pour que les choix techniques entrent de plein droit (aux côtés des libertés publiques et de la justice sociale et économique qu’ils conditionnent) dans le champ de la délibération collective. Ils refusent que ces questions soient laissées au bon vouloir de hauts fonctionnaires inamovibles, d’élus complices ou négligents, et plus généralement d’experts autoproclamés incapables de développer une vision globale des conséquences écologiques et humaines des innovations techniques. Car plus que jamais, ce sont les technologies qui façonnent le monde où nous vivons. Avec l’avènement des nanotechnologies, de la finance carbone, de la monétarisation de la biodiversité, notre revendication déjà ancienne garde toute son actualité : « Les Amis de la Terre s’opposent à cette nouvelle forme d’oppression d’essence technocratique qui vise à la normalisation mondiale des sociétés humaines et de la biosphère. » Et nous tous, adhérents, militants, bénévoles, donateurs, sympathisants, héritiers de ces pionniers de l’écologie citoyenne en France, nous voulons plus que jamais, aux cotés des autres mouvements, être au cœur des combats collectifs qui permettront de relever le défi d'une transition vers des sociétés soutenables.

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CHRISTIAN BERDOT ET LAURENT HUTINET


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DOSSIER I

40 ans de luttes écologiques

L’ècologie comme projet de sociètè La fondation des Amis de la Terre a marqué en France l’arrivée de l’écologie politique. L’association a tout de suite eu à cœur de prendre position sur les grands sujets de société et de définir ce pouvait être l’écologie. Très tôt, les bases d’une action globale ont ainsi été posées. La clairvoyance des membres des premières années a aussi permis de nourrir une pensée et des arguments forts en faveur d’une écologie qui défend la justice sociale et qui résiste aux dérives de la technologie. Aujourd’hui, nous sommes les dépositaires de ces valeurs. L’équation paraît aujourd’hui évidente, en tout cas elle l’est à tout membre de la Fédération : les dégradations de la nature et de l’environnement sont engendrées par des causes politiques, sociales, et économiques. Pour les combattre, l’action écologiste doit aller sur ces terrains. Mais en 1970, cette conception globale de la problématique était nouvelle. « Dans le paysage associatif, c’était toujours l'environnement d'un côté, l'homme de l'autre », raconte Alain Hervé, le fondateur des Amis de la Terre1 (AT). Il y a 40 ans, quand ce journaliste et navigateur rencontre à New York un membre de Friends of the Earth (FOE), Gary Soucié, il a un choc. « Leur vision du monde m’a saisi. Aujourd’hui, je dirais que la meilleure formule pour la résumer est une phrase du poète Robinson Jeffers, que David Brower, le fondateur de FOE, avait choisi pour être le titre du journal de l'association : « Not man apart » - L’homme n’est pas à part du monde vivant et pas supérieur… » De quoi remettre en question les modes de pensées dominant et les décisions politiques basées sur l’idée d’un progrès

Après leur création, les Amis de la Terre France ont participé à la fondation des Amis de la Terre International et des Amis de la Terre Europe. Ici, une action à Bruxelles en novembre 2005 pour protester contre les accords commerciaux de l'OMC.

forcément technologique et industriel. Pour pouvoir poser les bases d’une action efficace, il fallait donc, en France aussi, « apporter de nouvelles idées au débat citoyen ». L’ambition d’Alain Hervé, lorsqu’il fonde les Amis de la Terre France, est « d’avoir accès à un large public, d'être une asso-

ciation populaire ». Il mobilise un comité de parrainage prestigieux, dans lequel figuraient notamment Claude LeviStrauss, Théodore Monod, ou plus tard Marguerite Yourcenar. Il fonde très vite Le Courrier de la Baleine, où, à contre courant des médias dominants, les Amis de la Terre purent développer leurs réflexions

Paroles d’Amis de la Terre Christian Berdot, président des Amis de la Terre Landes, militant depuis 1978 Les Amis de la Terre ont été le creuset de l'écologie politique en France, une écologie très critique envers les questions économiques et sociales. Les AT ont ainsi été les premiers à remettre en cause la neutralité des sciences et techniques (en premier lieu le nucléaire), à montrer leur potentiel d'aliénation, à faire le lien avec la finance et la politique. Un des textes de base théorisait l’idée d’une troisième génération de droits et de libertés qui, après les droits démocratiques conquis à la Révolution, puis la lutte pour les droits ouvriers à l'époque industrielle, serait celle des droits aux choix technologiques. Cette position a provoqué un hiatus avec les mouvements syndicaux, ce que vivaient très mal certains membres. Mais pour les AT, il fallait conquérir ces nouveaux droits sans perdre les autres, bien sûr. La structure s'interrogeait aussi beaucoup sur la bonne façon de fonctionner en tant qu'association, quelle devait être la place des représentants, la position des leaders. Les Assemblées générales étaient de grands moments de réflexion et de propositions sur les grands enjeux de la société. Malgré un énorme renouvellement, je suis étonné et réjoui de voir que cet esprit perdure. La spécificité de l'association est toujours là : le lien entre la lutte globale et locale, entre l'écologique et le financier...

1/ Avec l’avocat américain Edwin Matthews, résidant à l’époque à Paris. 2/ Pierre Samuel, mathématicien, docteur en philosophie, a été l’un des animateurs principaux de l’association dès son arrivée en 1973.


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sur le plan juridique, pour soutenir les actions légales contre les pollueurs. Mais c’est Brice Lalonde, arrivé en 1972, qui apporte aux Amis de la Terre une vocation et un savoir-faire militant plus affirmés. « Il devint très vite la tête politique et l'élément moteur des AT », racontait

« L'écologie était une vraie pensée pour changer le monde, un projet de société alternatif » Dominique Martin Ferrari Pierre Samuel2 dans son Histoire des Amis de la Terre écrite en 1998. « A cette époque, les AT menaient simultanément des actions antinucléaires, des actions sur les transports en ville et d'autres campagnes. Ce fut le temps d'une visite critique du salon de l'automobile et de plusieurs « Manifs à Vélo ». […] Ces manifs rassemblaient des milliers de cyclistes et attirèrent beaucoup de jeunes vers les AT. »

« L'écologie pour changer le monde »

sur les grandes questions de l’écologie et de l’époque. Au sujet du nom de la revue, un édito affirme : « nous nous rangeons du côté des baleines. Cette prise de position n’est pas aussi légère qu’il peut le sembler au premier abord. » Parallèlement, les premiers groupes de travail se mettent en place, notamment

Les Amis de la Terre confrontent dès le début les réalités écologiques au monde et au quotidien. Les membres et contributeurs de La Baleine sont en grande majorité des enseignants, des médecins, des journalistes, des économistes, des sociologues, des écrivains, des artistes. En bref, des intellectuels, tous issus de 68. « L'écologie était une vraie pensée pour changer le monde, un projet de société alternatif », lâche la journaliste Dominique Martin Ferrari, très active au sein de l’association pendant les années 1980.

Les Amis de la Terre énoncent clairement la limitation des ressources, critiquent le modèle de croissance et de développement consumériste, dénoncent ses méfaits sur la santé et la nature. Dès 1971, ils soulèvent le problème de l’explosion démographique (publication de Demographic bomb, de Paul Ehrlich), en mettant en valeur la question de la relativité écologique qui fait que même si les habitants des pays développés sont inférieurs en nombre, ils pèsent beaucoup plus lourd dans la balance… Ils prennent position sur le tiers-monde et l’immigration. Ils combattent la technocratie, ces « lointaines machines économiques et administratives » qui ont pour nous de « grands desseins stratégiques » et mettent en œuvre un « pseudo progrès ». Ils militent pour l’instauration d’une vraie démocratie participative, citoyenne, et pour la représentation proportionnelle. La pensée des AT se rapporte aussi à une esthétique de vie : on trouve dans les vieux numéros de La Baleine, des écrits sur le bonheur de passer du temps dans les arbres, le droit à la paresse, au rêve, ou encore un article dénonçant « la vie moche » dans une France recouverte par le béton. Plus largement, les pages de la revue s’ouvrent au combat féministe, par le biais de membres comme l’écrivain et militante du Mouvement pour la libération des femmes (MLF) Christiane Rochefort ainsi que les écrivains et journalistes Sophie Chauveau et Anne-Marie de Vilaine. Les valeurs d’équité, de solidarité, d’équilibre, de liberté, dépassent les frontières des combats. Dans un article de 1977, on peut ainsi lire : « La richesse du mouvement écologiste, c’est précisément sa variété et l’étendue du clavier sur lequel il joue. C’est ainsi qu’une société change, par mille manières à la fois ».

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CAROLINE HOCQUARD

Rose Frayssinet, vice-présidente des Amis de la Terre Midi-Pyrénées, militante depuis 2001 Avant d’entrer aux Amis de la Terre, je faisais de l'écologie sans le savoir, comme Monsieur Jourdain ! J'ai toujours été sensible à notre lien à la nature, qui a tellement basculé rien que durant le temps de ma vie. Je suis ingénieure de formation, et la technique me paraissait au départ porteuse de solutions ; Malheureusement, je n'avais pas réalisé que des appétits trop forts la dirigeait et lui faisaient perdre de vue l'humain... J’ai rejoint le groupe local de Midi-Pyrénées en 2001, après la catastrophe AZF qui m'a directement touchée. Je ressens une proximité avec les valeurs des Amis de la Terre même si je ne connais pas grand chose des fondateurs. Tout de suite, j'ai été dans l'action, bousculée par le calendrier des actions locales locales. Mais au fur et à mesure, grâce au réseau, j'ai pris conscience de la dimension internationale de ce que nous faisions à notre niveau. Cette connexion me plaît beaucoup. Dans les actions contre les OGM, nous sommes en relation avec des groupes en Amérique latine, notamment au Mexique où nous sommes associés à un collectif. Sur les nanotechnologies, nous nous appuyons beaucoup sur le travail des Australiens. Avec les Amis de la Terre, j'ai pris conscience de notre relation au monde. Pour moi, ça a été tangible à Copenhague où nous étions en relation avec les peuples que nous mettons en danger par nos pratiques. On agit à la fois pour la protection de l'environnement et pour la justice sociale.


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DOSSIER I

40 ans de luttes écologiques

Une opposition constante au nuclèaire En 40 ans d’existence, les Amis de la Terre n’ont jamais abandonné l’esprit de leur fondation. Après sa naissance, en juillet 1970, l’association a été l’une des toutes premières organisations nationales à structurer la lutte antinucléaire. « Le mythe scientiste et technocratique d'une énergie nucléaire pacifique propre, illimitée et accessible à tous bloque depuis des décennies la mise en œuvre des vraies alternatives, tout en menaçant gravement la paix mondiale et la survie même de l'humanité… » Cette phrase introductive de la position actuelle des Amis de la Terre France sur le nucléaire résume l'esprit d’une lutte antinucléaire pacifiste, antitechnocratique et environnementale. Le nucléaire civil français s'est développé conjointement à l'élaboration de l'arme atomique. La première bombe A française a explosé le 13 février 1960 dans le Sahara algérien, et pour les militants, ces deux volets de la recherche atomique sont indissociables. Ils interrogent donc l'éthique de la science. Une des questions centrales est l'irréversibilité de la technique atomique, notamment en raison de l'irradiation des populations et de la production de déchets dont la durée de vie se

En janvier 1971, à Rambouillet, les Amis de la Terre exigent un moratoire sur la construction des centrales atomiques au nom d’un principe de précaution qui ne porte pas encore son nom. En 1973, un Ami de la Terre, Brice Lalonde, accompagné du général pacifiste de La Bollardière, s’embarque vers l’atoll de Mururoa, en polynésie française, pour dénoncer les essais nucléaires atmosphériques.

Le creuset de l'écologie moderne Sur le terrain, c'est le bouillonnement. Les militants des Amis de la Terre participent, partout, aux coordinations antinucléaires, véritables creusets de l'écologie naissante où se côtoient des environnementalistes, des militants de gauche, des syndicalistes de la CFDT et des mouvements issus de mai 68. De nombreux groupes locaux naissent de cette lutte : c’est le cas en Moselle, à Thionville, où se trouvent des comités locaux opposés au projet de la centrale de Cattenom. L'association nationale réussit à fédérer ces collectifs. A cette époque, on compte plus de 150 groupes locaux. Ces groupes des Amis de la Terre participent à l’organisation de tous les grands rassemblements : Erdeven, Plogoff, Malville, Braud-Saint-Louis, etc.

Un débat national structuré

compte en milliers d'années. Le mouvement antinucléaire dénonce aussi la mainmise des technocrates des grands corps travaillant dans l'opacité, et donc, l'absence de consultation des citoyens sur la politique énergétique française.

Parallèlement à ce combat de terrain, les Amis de la Terre France structurent la lutte nationale. Des scientifiques et ingénieurs les rejoignent : il en va ainsi d’Yves Lenoir, de Bernard Laponche, de Pierre Radanne, de Pierre Samuel ou de Philippe Lebreton, qui deviennent de redoutables contradicteurs face à EDF. Avec le soutien des Amis de la Terre, le Groupement des Scientifiques pour l’information sur l’énergie nucléaire (GSIEN), animé et dirigé par Raymond et Monique Sené, aux cotés de Roger et Bella Belbéoch, voit le jour en 1975. Des campagnes nationales sont lancées « contre le chauffage électrique », qui était déjà l’une des principales justifications de l’électronucléaire français. Les Amis de la Terre réclament, à l'opposé, des « énergies gratuites, renouvelables et non dangereuses ». En 1978, le Projet Alter, premier scénario énergétique sans nucléaire, est élaboré

par le Groupe de Bellevue (Philippe Courrège, Philippe Cartier et Benjamin Dessus) pour contredire ce programme énergétique. Un travail de rapprochement avec les syndicalistes critiques de la CFDT est entrepris, notamment grâce à des militants tels que Pascal Tourbe ou François Laballe. Ce travail aboutira à la première pétition nationale intitulée « Pour une autre politique énergétique » visant à l’adoption d’une position commune sur un moratoire. Mais cet engagement jugé insuffisant par certains groupes locaux entraîna le premier grand débat interne sur le nucléaire, toujours vivace aujourd'hui : pour une sortie immédiate ou progressive du nucléaire ? Avec l'élection de François Mitterrand en 1981, le mouvement enregistre quelques victoires avec l'abandon des projets de centrales nucléaires de Plogoff, du Pellerin et de Saint-Priest-la-Prugne, l'abandon du projet de camp militaire du Larzac et celui du surgénérateur de Creys-Malville. Dans le nucléaire, les hommes politiques changent, mais les technocrates demeurent. Aujourd’hui, les Amis de la Terre restent investis dans la lutte antinucléaire, localement et dans des collectifs comme le Réseau Sortir du Nucléaire. Depuis 40 ans, les slogans ont évolué, passant de « Société nucléaire, société policière ! » à « Ni nucléaire, ni effet de serre ! », mais l’esprit demeure.

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GÉRARD BOTELLA

Fondateur du groupe Moselle (1977) Président des Amis de la Terre France (2001–2006)


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Biodiversitè De la baleine transgénique en bassin d'eau douce En 40 ans de défense de la biodiversité, les Amis de la Terre n'ont jamais cessé de se poser la question de la place de l'Homme dans la nature, de son rôle et de sa responsabilité dans la protection ou la destruction de son environnement. « La Baleine est naturellement entrée dans nos vies. […] Nous avons réfléchi : pourquoi est-ce la baleine qui fuit devant l'homme? Pourquoi celui-ci la poursuit de sa rancune imbécile? […] Bref, notre baleine grossissait et prenait une dimension symbolique. Celle de ce qui dans la nature est exploité sans vergogne jusqu'au point de la destruction complète. Donner des nouvelles de la baleine ce sera donc parler de ce qui dans la nature est menacé ». C'est avec ces réflexions, tirées de l'édito du premier Courrier de la Baleine (juillet 1971), que les Amis de la Terre France (ATF) donnent le ton de leur lutte pour la défense des espèces menacées et la protection de la nature, le cétacé rieur en sera désormais l'emblème. La campagne des Amis de la Terre pour la sauvegarde des baleines a été lancée par le groupe américain au début de 1971, avant de prendre en peu de temps une ampleur internationale. En France le travail d'alerte est repris par un groupe des Amis de la Terre sous la dénomination de « Projet Jonah ». Notons que des membres de ce groupe fondèrent, en 19761977, l'antenne française de Greenpeace. La question de la protection des espèces menacées de disparition est abordée largement lors de la Conférence de Stockholm en 1972, qui posera les premières pierres du Droit international de l'Environnement. En 1982, la Commission baleinière internationale vote un moratoire sur la chasse à la baleine à des fins commerciales. Cette interdiction entrée en vigueur en 1988 est toujours d'actualité, cependant les principaux pays de chasse à la baleine (Japon, Norvège, Islande) refusent de la ratifier. Malgré cela, la population de baleines a augmenté significativement depuis les années 1980.

« Nous ne voulions pas d'une nature éprouvette » C'est dans la première moitié des années 80 que le mot « biodiversité » fait son apparition sous la plume des scientifiques. Pour eux la diversité biologique est constituée de trois niveaux: les gènes, les espèces, les écosystèmes. Elle sera définie officiellement en 1992 lors de la Convention sur la diversité biologique, marquant la prise de conscience collective de l'interdépendance des espèces et leur interaction avec les écosystèmes. Pour les écologistes déjà, l'heure n'est plus à la défense d'animaux « emblématiques » menacés mais bien à l'urgence de repen-

ser le lien de l'humanité à la nature. Dans la même période, le mouvement s'organise pour lutter contre les premières tentatives de marchandisation du vivant et l'accaparement de plus en plus abusif des ressources naturelles. En 1988, les ATF lancent une campagne contre les biotechnologies et le brevetage du vivant, rendu possible grâce aux avancées en génétique – cette jeune discipline qui alimente un vif débat sur l'éthique et les limites de la science. Pour Dominique Martin Ferrari, une des instigatrices de la campagne, « les plantes génétiquement modifiées posaient la question de la maitrise de la technologie par l'Homme et des risques d'irréversibilité que provoquerait une dissémination des gènes modifiés. Nous ne voulions pas d'une nature éprouvette uniformisée. Par ailleurs, la campagne des AT visait aussi à offrir une information indépendante sur les biotechnologies, car le manque de transparence était absolu. On nous rabâchait déjà que les OGM allaient mettre un terme à la faim dans le monde, cela fait plus de 20 ans, où sont les résultats aujourd'hui ? » Depuis, la lutte des associations, des lanceurs d'alertes et des consommateurs sensibilisés a permis d'empêcher la culture d'OGM en France et dans plusieurs

pays de l'Union européenne. C'est l'une des victoires majeures de la société civile, elle rappelle à chaque instant le temps et la persévérance nécessaires pour faire aboutir les causes et les idéaux écologistes.

Cultiver la biodiversité Ces dernières années, les Amis de la Terre France se sont engagés aux cotés du Réseau Semences paysannes pour défendre la biodiversité agricole et rappeler l'importance de cultiver les semences traditionnelles, mais aussi de maintenir les lignées de races animales rustiques. De plus, cet héritage du savoir-faire paysan est le plus à même de s'adapter aux changements climatiques. Comme le rappelle le Réseau, « les millions d’échantillons de ressources génétiques stockés dans les chambres froides de quelques grandes banques de gènes ne remplaceront jamais la ressource vivante entretenue dans les champs par des millions de paysans, de génération en génération ». Les Amis de la Terre poursuivent leur lutte dans ce sens, en cultivant la diversité biologique mais aussi culturelle et humaine pour faire germer des sociétés écologiques et harmonieuses.

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BENJAMIN SOURICE


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DOSSIER I

40 ans de luttes écologiques

Transports Critique du culte de la voiture : la vèlorution en marche « Adapter la ville à la voiture », en construisant des voies express urbaines, tel était le projet de George Pompidou incarné, fin 1971, par la volonté de créer une autoroute sur la rive gauche de la Seine à Paris. À l’opposé, les Amis de la Terre estiment que la voiture est une nuisance majeure dans les villes où elle ne profite, et ne peut profiter, qu’à quelques-uns. Avec le culte de la voiture, les villes deviennent des pièges à cyclistes et l’accroissement des chaussées grignote les trottoirs et bétonne la moindre parcelle disponible au profit des seuls automobilistes. Le printemps 1972 voit donc le lancement d’une campagne des Amis de la Terre afin d’exclure les automobiles des villes et de promouvoir l’utilisation du vélo. L’organisation de manifestations à vélo dans les villes françaises rassemblent alors des milliers de cyclistes derrière le slogan « Bagnoles, ras-le-bol. Ca pue, ça pollue et ça rend nerveux ! ». En mai 1976, Le Courrier de la Baleine titre « Vive la vélorution » en écho à la Journée mondiale du vélo organisée par les Amis de la Terre le 5 juin à Paris, New York, Londres, Bruxelles et des dizaines d’autres villes. Dans la foulée, Assez roulé comme ça, on réfléchit (Ed. Pauvert, 1976) et le Manifeste

Une vélorution dans les années 1970.

Vélorutionnaire (Ed. Pauvert, 1977) sont publiés en collaboration avec la Fédération des usagers des transports. L’année suivante, à l’occasion de la campagne pour les élections municipales, les Amis de la Terre militent pour la création d’un « plan de circulation » en ville constitué de pistes cyclables et pour la mise à disposition de vélos municipaux. Par la suite, la lutte contre la voiture en ville s’inscrit dans la campagne pour des

villes écologiques. La renaissance de la vélorution dans les années 1990 souligne la pertinence des revendications des Amis de la Terre et si les cyclistes ont plus d’espace en ville, grâce aux pistes cyclables et aux vélos partagés, il reste encore de nombreux progrès à accomplir pour réduire à la portion congrue la place faite aux voitures.

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PHILIPPE COLLET

Habitat De la ville ècologique la ville en transition : la transformation urbaine par et pour les habitants C’est à l’occasion des élections municipales de 1977 que les Amis de la Terre réalisent une première synthèse des réflexions sur la ville et sa gestion. Un document d’une vingtaine de pages, intitulé « Pour des communes écologiques », propose alors une vision complète et cohérente d’une politique environnementale et sociale à l’échelon communal. « Imparfait », le texte doit favoriser le débat et ses auteurs espéraient qu’il soit « rapidement désuet, partiel et rétro ». La base du projet reposait sur l’idée que la commune est un « écosystème humain » à reprendre des mains des financiers et technocrates qui en ont pris le contrôle au détriment de ses habitants. La préservation et l’amélioration du cadre de vie et une diversité économique répondant aux attentes des citoyens sont donc au cœur de la réflexion. Dans ce cadre, le premier objectif était la mise en place d’une consultation publique des habitants pour que les décisions prises répondent avant tout à leurs besoins. Le credo était alors à l’autogestion et l’écologie afin de refondre une vie communale.

Depuis, certaines villes ont développé des conseils de quartier mais leur impact reste limité et le renforcement de la concertation est, aujourd’hui encore, un pilier important pour les villes en transition. Coté protection de l’environnement, les grandes lignes du projet initial sont toujours d’actualité : limiter la spéculation foncière, développer des transports en commun efficaces, créer des espaces piétonniers et des voies cyclables, préserver le patrimoine architectural et limiter la hauteur des bâtiments, stopper l’extension des villes et le mitage du territoire, favoriser les circuits de distribution courts pour les produits agricoles, améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments et favoriser les énergies renouvelables. Désuet, le projet de ville écologique ? Si plus de trente ans après le vocabulaire l’est partiellement, les grandes lignes de force restent d’actualité.

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P.C.


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Les Amis de la Terre et la politique Une clarification progressive des rôles Fondateurs des tout premiers mouvements écologistes en France, les Amis de la Terre ont durant une décennie soutenu des candidats aux élections de la République. Ils ont ensuite abandonné ce rôle. Les Amis de la Terre ont été, en France comme ailleurs, fondés par des militants qui avaient tiré le bilan de l’insuffisance des politiques de protection de la nature. Ils étaient convaincus de la nécessité d’agir sur les causes des pollutions et des dégradations environnementales, c’est-àdire le développement sans frein de la société industrielle. L’action de l’association est donc originellement politique et le demeure. A tous les niveaux où ils interviennent, les Amis de la Terre contestent et proposent des choix publics permettant de maîtriser collectivement les impacts de la société industrielle et de consommation, et participent ainsi pleinement à la défense des libertés publiques fondamentales. En revanche, dès les années 1970, les Amis de la Terre se sont trouvés confrontés à la question de la participation aux processus électoraux. Fallait-il prendre parti pour tel ou tel candidat ou formation politique ? Présenter et/ou soutenir des candidats ?

Soutiens électoraux L’inexistence de parti écologiste a conduit très tôt les Amis de la Terre à soutenir et à participer à différentes campagnes électorales à commencer par celle de René Dumont, premier candidat écologiste à l’élection présidentielle de 1974 en France. En 1977, lors des municipales, plusieurs candidats soutenus par les AT dépassaient les 10 % à Paris. En 1978, les Amis de la Terre soutenaient des candidats aux législatives un peu partout en France. En 1981, Brice Lalonde était candidat à l’élection présidentielle et l’association décida, non sans de rudes débats, de le soutenir et de co-organiser sa campagne qui s’acheva par un score honorable : 3,87 %, pour plus d’un million de voix recueillies. Avec l’impasse de la lutte anti-nucléaire, certains AT décidèrent qu’il fallait entrer dans les lieux où les décisions se prenaient et ont abandonné l’action associative pour l’action politique : Yves Cochet, Pierre Radanne et de nombreux membres des groupes locaux entrèrent alors aux Verts. Cette participation et ce rôle à la fois associatif et électoral n’ont pas manqué de susciter de nombreux débats et contestations au cours des années 1970. De nombreux militants considéraient que la situation favorisait une instrumentalisation de la structure de la part de ses principaux animateurs, souvent eux-mêmes candidats.

Toujours en 1983, les Amis de la Terre décidaient en Assemblée générale d’opérer leur « recentrage associatif » interdisant à l’association de présenter et de soutenir des candidats. Ce principe est toujours en vigueur et met en outre en congé tout dirigeant de l’association se présentant à une élection. Après la création des partis politiques écologistes, les années 1980 et 1990 n’ont pas été faciles. La nomination de Brice Lalonde au ministère de l’Environnement en 1988 a créé de lourdes difficultés dans le réseau, les animateurs nationaux et l’équipe salariée restant souvent proches du ministre, alors qu’une partie du réseau des groupes locaux entraient en rébellion ouverte. En 1992, la fondation de

Génération Ecologie a prélevé d’autres militants des Amis de la Terre, surtout au niveau national. D’autres adhérents actifs ont rejoint, au gré de leurs préférences politiques, d’autres mouvements tels que le Mouvement écologiste indépendant ou les Alternatifs. C’est donc progressivement que la décision de 1983 a été appliquée. La structure a en parallèle évolué vers la forme d’une fédération d’associations locales, formalisée à partir de 1996 pour accomplir le projet de recentrage associatif et la reconstruction d’un réseau très affaibli.

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LAURENT HUTINET


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DOSSIER I

40 ans de luttes écologiques

La force du rèseau

Réunion fondatrice de Friends of the Earth International en 1971

Construits selon les principes d’une fédération, les Amis de la Terre sont constitués d’une multitude de groupes locaux et nationaux. Grâce à ce système, l’association dispose d’une bonne connaissance des réalités de terrain et d’une grande capacité de mobilisation. « La force des Amis de la Terre (AT), ce sont ses groupes nationaux et locaux », déclare sans hésitation Marijke Torfs, coordinatrice internationale des AT basée à Philadelphie (Etats-Unis). Séparée de Marijke par plusieurs milliers de kilomètres, Marie-Christine Gamberini, membre de la première heure des Amis de la Terre France tient quasiment le même discours : « Les Amis de la Terre en France se sont créés autour des groupes locaux avec une logique décentralisatrice et autogestionnaire. Les adhérents s’organisent entre eux pour mener des actions en rapport avec des problématiques locales. Aujourd’hui, nous sommes les seuls à fonctionner de cette manière. Si on enlève les groupes locaux, les Amis de la Terre n’ont plus de spécificités par rapport aux autres ONG ».

Des groupes locaux sur le terrain Représentants des Amis de la Terre International, membres du bureau des AT France, adhérents locaux, tout le monde s’accorde sur l’importance d’une structure associative qui s’articule autour d’une combinaison de réseaux. Chaque maillon de la chaîne joue son rôle et enrichit l’action de l’ONG en France ou à l’international. Actuellement, la fédération des Amis de la Terre France est soutenue par l’existence de 30 groupes locaux implantés aux quatre coins de l’Hexagone. Ces groupements agissent en toute indépendance et mènent des actions de terrain. « Ce système permet aux adhérents d’avoir une vraie activité militante coopérative. Ils ne sont pas là pour relayer une politique conçue sans eux à Paris », explique MarieChristine Gamberini.

Un rèseau actif

Fort de ce concept, chaque groupe local travaille sur les thématiques de son choix. Ainsi, un groupe comme celui des Landes s’est longtemps mobilisé pour la protection du littoral. « Entre 1987 et 1992, notre principale action a été de défendre la côte landaise. A l’époque, des investisseurs soutenus par le conseil général voulaient aménager le littoral pour en faire une sorte de seconde Côte d’Azur, raconte MarieClaire Dupouy, créatrice avec son époux des AT Landes. Nous avons tout fait pour que cela ne se produise pas. Par l’annulation d’arrêtés préfectoraux, nous avons largement contribué à la mise en place d’un nouveau schéma d’aménagement du territoire garantissant le caractère sauvage de la côte ».

Une influence nationale Une plate-forme nationale composée du Conseil fédéral (élus issus des groupes locaux qui décident des grandes orientations) et un Secrétariat fédéral (composé de salariés et de bénévoles assurant le fonctionnement quotidien de l’association et la coordination de diverses actions), fait le lien entre les groupes locaux. « Le Secrétariat national est une sorte de relais qui doit faciliter les relations entre les groupes locaux entre eux et avec l’international. Il permet aussi de se pencher sur des questions plus globales qui concernent la France dans son ensemble et de s’adresser à des décideurs nationaux (gouvernement, parlementaires, entreprises d’envergure

l’international

L’importance du réseau des Amis de la Terre International lui donne la possibilité de frapper fort lorsque la situation le réclame. Ainsi, près de 5 000 membres du réseau venus de France, Finlande, Royaume-Uni, Paraguay, Colombie, Etats-Unis, Japon, etc. ont manifesté rn décembre 2009 dans les rues de Copenhague lors du sommet international des Nations unies sur le climat. Parallèlement, 500 de nos membres ont été accrédités et ont été admis au sein du lieu de conférence, le Bella Center. Ils ont pu effectuer un travail de plaidoyer auprès des représentants des Etats. Les groupes nationaux ont aussi organisé de grands rassemblements tout au long du mois de décembre pour accroître la pression sur leurs gouvernements.


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En route vers des sociètès soutenables Forts de leur expérience, les Amis de la Terre développent leur pensée et leurs alternatives pour promouvoir la nécessaire transition vers des sociétés respectueuses de l'Homme et de son environnement. En quarante années de réflexion, les Amis de la Terre n'ont rien perdu de leur qualité de discernement ni de leur radicalité. Aujourd'hui, le débat continue de porter sur les alternatives à opposer au modèle de société productiviste. Ce système fait passer au second plan des aspects essentiels au bien-être de la société comme le respect des droits humains, remettant en cause les acquis de décennies de luttes, sans oublier la destruction de notre cadre de vie et le gaspillage des ressources naturelles. Comme l'indiquent les positions les plus récentes des Amis de la Terre : « Ce modèle conduit à la marchandisation de toutes les activités humaines et de toutes les ressources naturelles, des relations sociales et même des corps humains et, plus récemment, de l’atmosphère avec les marchés carbone. » Face à ce modèle prédateur, les Amis de la Terre veulent contribuer à l'instauration de sociétés soutenables basées sur la justice sociale et environnementale. Pour cela l'association revendique l’ « accès pour tous aux ressources naturelles et sociales en assurant leur partage équitanationale, etc.). Tout cela nous donne la possibilité d’agir à tous les niveaux », explique Anne Bringault, directrice des Amis de la Terre France. Cela est d’autant plus vrai que les AT France appartiennent au réseau international des Amis de la Terre (ou FoEI pour Friends of the Earth International). Présent dans 77 pays, FoEI constitue, aujourd’hui, le plus grand réseau écologiste mondial. « Les Amis de la Terre International est l’organisation associative et démocratique la plus importante au monde. J’insiste sur le mot démocratique car, ici, tout se construit à partir de besoins et idées de la base, des militants implantés sur le terrain », déclare Marijke Torfs. Cette présence masssive de chaque côté de l’Equateur présente bien des avantages. Les groupes nationaux peuvent notamment se prêter main forte pour la mise en place d’actions communes (voir encadré). Exemple : si les Amis de la Terre Nigeria rencontrent des difficultés avec la compagnie anglaise Shell, ils peuvent demander de l’aide aux Amis de la Terre Grande-Bretagne afin de mener une campagne commune contre le groupe pétrolier. Il faut ajouter à cela une capacité de mobilisation forte qui peut s'avérer décisive lorsqu’il s’agit de faire plier gouvernements et entreprises peu soucieux de l’avenir de la planète.

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LUCILE PESCADÈRE

des sociétés responsables et solidaires où les choix des citoyens sont respectés et appuyés par une nouvelle génération de Droits tant sociaux qu'environnementaux. Elles s'opposent en cela à nos sociétés centralistes et technocratiques. La pensée d'une transition vers des sociétés soutenables se développe à travers le monde entier dans divers mouvements de la société civile. On peut citer les mouvements Slow (food, city, etc.) apparus en Italie, les « villes en transition » nées en Grande-Bretagne, ou le concept de «Vivir bien» développé en Bolivie. En France et dans plusieurs pays européens, c'est la pensée de la « décroissance » et le mouvement qui la porte qui sont apparus comme fer de lance de la transition. Les Amis de la Terre entendent participer activement à ce mouvement et en populariser les notions fondamentales comme la relocalisation des activités humaines. Pour Alain Dordé, secrétaire national de l'association : « Cette relocalisation va de pair avec l'échange et l'ouverture aux autres sociétés, avec la solidarité et la liberté de circulation des personnes. Elle

Réunion du Conseil fédéral - en plein air - lors de l'Assemblée fédérale organisée par les Amis de la Terre Limousin en 2009."

ble sans compromettre la capacité des générations futures à assurer la satisfaction de leurs besoins fondamentaux ». Ce partage équitable ne peut se faire que dans une logique de sobriété dans l'usage des ressources. Les sociétés soutenables sont fondamentalement

sera basée sur des liens directs de confiance entre citoyens et collectivités, entre producteurs et consommateurs, le lien humain étant ainsi remis au cœur de l'échange et du projet de société ».

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BENJAMIN SOURICE


Le Courrier de la Baleine

Depuis 1971

Le journal des Amis de la Terre

Pratique Peinture bio : faites-le vous-même ! Face aux lobbies de l’industrie pétrochimique et au développement du business « bio », repeindre sa maison de façon « écolo » et à prix abordable devient un vrai casse-tête. Il existe cependant quelques astuces, suivez le guide. Les peintures que l’on utilise aujourd’hui ne sont pas des plus saines. Les produits naturels qui ont longtemps composé les peintures, ont été remplacés dans les années 1940 par des produits de synthèse, provoquant des troubles sanitaires et environnementaux graves. La toxicité des peintures est principalement liée aux solvants qui entraînent des risques directs pour la santé et sont responsables d’émissions de composés organiques volatils (COV) dans notre environnement. Depuis peu, une multitude de peintures « bio » ou « écologiques » vendues à des prix exorbitants apparaissent dans les rayons. Pourtant, leur innocuité n’est pas garantie ! Le Borax ou les diluants aux agrumes sont, par exemple, des produits « naturels » pouvant entrainer des risques pour la santé. Méfiance donc, sur la composition des peintures dites « naturelles ». Face à cette situation, une seule solution : fabriquer soi-même sa peinture.

Des peintures et enduits naturels pour toutes les bourses Au lait, à la fécule de pomme de terre, à l’argile ou encore à la chaux, les peintures et enduits naturels sont nombreux et vous aurez le choix en fonction de votre support et du rendu souhaité. Fabriquer sa peinture n’a rien de compliqué, comme en cuisine, il suffit de suivre la recette. Nous avons testé pour vous et, quel plaisir de réaliser et d’appliquer sa peinture soi-même !

Côté prix Il faut compter entre 10 et 15 € pour 30m2 en peinture synthétique acrylique, tandis qu’une peinture « bio » vous reviendra à 50 € environ. Fabriquée «maison», une peinture à la caséine ne vous en coûtera que 10 !

Trouver les produits : l’imbroglio Le plus difficile, quand on fabrique sa peinture, c’est encore de trouver les ingrédients de la recette. Car, évidemment, tout est fait pour compliquer la tâche de ceux qui souhaitent s’extirper de la consommation de masse et outrepasser les règles de la grande distribution ! Ne vous découragez pas, les ingrédients se trouvent dans nos régions, mais aussi en vente par correspondance.

Recette Le badigeon de chaux ocre rouge (30m2 – environ 30 €) • 3,2 kg de chaux en pâte • 800 g de pigment ocre rouge de Roussillon • 250 g de caséine • 150 g de poudre de marbre • Eau Attention : l’ocre est à saturation à 25 % du poids de la chaux : ne pas dépasser ce dosage ! 1. Mélangez d’un côté la caséine avec de l’eau et de l’autre la chaux en pâte aussi avec de l’eau 2. Mouillez les pigments 3. Ajoutez ensuite la poudre de marbre, la caséine et les pigments mouillés dans le seau où se trouve la chaux en pâte 4. Versez de l’eau jusqu’à obtenir une préparation de la consistance d’une crème dessert

L’application étape par étape : 1. Au fur et à mesure de l’application, humidifiez le mur à l’aide d’une éponge épaisse 2. Appliquez le badigeon au pinceau épais. Différents effets sont possibles avec l’application en croix ou en V qui permet de jolies nuances

3. Laissez sécher et appliquez une deuxième couche 24h plus tard si nécessaire. Vous serez bluffés et ravis du résultat ! Alors n’hésitez plus, à vos pinceaux ! Pour en savoir plus : Peintures et enduits bio – Editions Terre vivante Peindre et décorer au naturel – Editions alternatives Liens et contact utiles : www.okhra.com/ www.lacompagniedesocres.fr www.naturel-discount.com/ http://www.ecodis.info/

Humeurs Il y a quarante ans, il s'est produit en France deux événements historiques : l'un, largement commenté dans ce numéro, la naissance du mouvement écologiste autour des Amis de la Terre ; l'autre passé inaperçu dans ses terribles conséquences, l'introduction de lecteurs de codes-barres dans les supermarchés. En effet, dès son introduction dans les années 70, on découvrit que le code-barre dissimulait en son sein le nombre satanique 666, celui de la bête de l'apocalypse. Or il est prédit dans le texte de Saint-Jean qu'à la fin des temps « nul ne pourra rien acheter ni vendre s'il n'est pas marqué au nom de la Bête ou au chiffre de son nom » (Ap. 13, 17). Ainsi, nous comprenons mieux la terrifiante expansion de ces lieux maudits que sont super, puis hypermarchés, et leurs nombreux effets maléfiques : risque d'y attraper une pneumonie foudroyante en passant au rayon produits frais, surtout en plein été ; schizophrénie provoquée par les offres de trente-six sortes de dentifrices, de cinquante-deux sortes de yaourts, de soixante dix-neufs sortes d'aliments pour animaux ; promotion de produits inutiles qui ne peuvent que renforcer notre conscience de notre propre inutilité. Et en fin de compte, la destruction de toute vie sociale, en attendant celle de la biosphère, sous l'emprise du trio infernal lotissement-automobile-centre commercial. Heureusement, il nous reste une lueur d'espoir : l'action des les Amis de la Terre qui, depuis 1970, sans jamais se décourager, traquent la bête et la combattent, par l'action opiniâtre de leurs 666 groupes locaux.

> ALAIN DORDÉ


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