AFRIKADAA #3 VISIBILITY

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EXHIBITION REVIEW

«ANCESTRAL FIGURES» LE MASQUE AFRICAIN FIGURE ICONIQUE OU OBJET DE FANTASME

« Ancestral figures » tire son nom d’une photographie de Wal-

Par carole diop Photo : © Roe Ethridge Courtesy Gagosian Gallery

de regards y était flagrante.

ker Evans parmi la centaine que comprend le vaste portfolio éducatif qui lui avait été commandé par Alfred H. Barr Jr dans le

Si « Reconfiguring an African Icon » confrontait deux visions, deux

cadre «African Negro Art» en 1935. Cette exposition au nom lourd

regards et invitait au dialogue, les pièces exposées dans le cadre

de sens a contribué à vulgariser et à populariser l’« Art Africain »

« Ancestral Figures », imposent au contraire une vision préten-

auquel on attribue aujourd’hui des qualificatifs élogieux ; il n’est

dument moderne mais en réalité plutôt passéiste et paternaliste

plus « grossier, brut ou indécent » mais puissant, authentique, raf-

d’artistes occidentaux sur « l’art africain » en général. Avec les Ma-

finé. Son esthétique est devenue universelle.

konde Body Masks, des sculptures en bronze représentants des

torses de femmes enceintes, inspirées des masques corporels des-

Au deuxième étage de la Gagosian Galery étaient exposées les

tinés à un usage rituel, Sherrie Levine veut faire disparaitre la

œuvres de Ethridge Grotjahn et Sherrie Levine ainsi que des pho-

fonction sociale du masque. Ethridge avec ses sculptures et ses

tographies de Walker Evans. La découverte de ces sculptures et

photos et Grotjahn avec ses sculptures, sont dans la même lo-

ces photographies installées dans deux pièces d’un blanc imma-

gique, on sent dans les œuvres des trois artistes une volonté de

culé, froides, presque aseptisées,a provoqué en moi tour à tour

se défaire de l’aspect culturel et social du masque pour en faire

perplexité, gène et dubitation quant aux intentions des artistes.

un objet « purement esthétique », seulement les objets produits

sont, dépourvus d’essence, sans substance, dérangeants... Que

Ce n’est pas là première fois que des artistes contemporains

faire pour qu’enfin l’art produit sur le continent , par des africains,

travaillent sur « le masque africain » dans sa forme iconique et

ou par des afro-descendants échappe à cette vision occidentale

tente de le repenser, de le détourner, voir même de le “désacra-

biaisée et oh combien condescendante ?

liser”. Des artistes comme Romuald Azoumé, Calixte Dakpogan en on fait leur figure de prédilection. D’ailleurs en Août 2011, le

Un constat s’impose à la fin de la visite, l’art africain reste une

MET (Metropolitan Museum of Art) de New -York présentait « Re-

référence forte vers laquelle les artistes occidentaux retournent

configuring an African Icon ». Les travaux des deux artistes bé-

en temps de crise de révolution et de questionnement des valeurs

ninois y étaient exposés parmi une vingtaine d’oeuvres compre-

et ce qui pourrait passer pour un hommage peut vite tourner à

nant des travaux d’artistes contemporains américains qui propo-

la « mascarade ».

saient leur propre réinterprétation de l’objet rituel, la différence

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