Afikadaa #2 BLACK RENAISSANCE

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Afro Design and contemporary Arts

N째 2

BLACK RENAISSANCE

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Couverture: We Are the Canvas, from Unbranded series. Hank Willis Thomas (courtesy of Hank Williams Thomas). Merci à tous ceux qui ont contribué à ce numero: Jay One Ramier, Hank Willis Thomas, Natasha Logan, Frieda Ekotto, Jean-Paul Blanchet, le CAC de Meymac, Michèle Magema, Abdoulaye Konaté, Jean Servais Somian, Bouna Medoune Seye, la Galerie MOMO, Karen Brusch, Erwan Le Diberder, Prisca Monnier, Aziliz LePessot, Dasha Nicoué, Alexis Peskine, Yves Chatap, Chab Touré, Dimitri Fagbohoun. Directrice de publication Carole Diop Rédactrice en Chef Pascale Obolo Rédactrice en chef adjointe Shari Hammond Direction Artistique antistatiq™ Graphisme antistatiq™ Contributeurs Kemi Bassene Sylvie Arnaud Frieda Ekotto Gladys Okatakyie Farah Clémentine Dramani-Issifou Photographe Afrikadaa Jean-Michel Quionquion (makrovision.carbonmade.com) Tous Droits de reproduction réservés. Contact: info@afrikadaa.com Trimestriel : Juin 2011 www.afrikadaa.com www.facebook.com/Afrikadaapage www.twitter.com/afrikadaa

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EDITO : Afrikadaa est un laboratoire de réflexions sur l’art contemporain, la théorie critique et la pratique des artistes. La thématique abordée dans ce deuxième numéro est Black Renaissance, en référence à l’Harlem renaissance un mouvement culturel né à Harlem qui a marqué de 1919 à 1930 l’une des périodes les plus riches de l’histoire culturelle américaine. De nombreux écrivains noirs francophones d’origine africaine issus des colonies et des Caraïbes vivant à Paris furent également influencés par le Harlem Renaissance, après avoir eux-même contribué à l’essor de ce mouvement dès ses débuts. Le philosophe Alain Locke (1886-1954), considéré comme le père fondateur de l’ Harlem Renaissance a servi d’ énergie fédératrice et de prise de conscience culturelle raciale pour les artistes afro-américains. Il recommandait aux artistes noirs de s’inspirer de leurs racines africaines et de s’imprégner des objets d’arts africains afin de se libérer des codes et influences de l’art occidental. L’art était donc devenu pour les noirs en cette période un recours pour légitimer leur droit et leur présence dans la société américaine. Il a permis de redéfinir l’identité noire aux Etats-Unis, et a aussi servi de base pour la lutte des droits civiques. Pourquoi avoir choisi de s’interroger sur la thématique : Black Renaissance, en cette période où toute la vie médiatique française est réglée sur les débuts de l’alternance présidentielle et les élections législatives? Car plus le travail artistique est contemporain plus il est peut-être important de s’en éloigner dans l’ histoire pour mieux comprendre les enjeux politiques et la place de l’ évolution artistique des diasporas dans la mondialisation. La plupart des manifestations artistiques internationales ( expositions , biennales , triennales…) proposées par des curateurs internationaux s’inspirent toujours de la mondialisation. Les thèmes de l’insécurité et de l’immigration sont de retour dans le débat électoral; malgré l’ importante crise économique qui est loin d’ être résolue par nos politiques. Comment une culture visuelle peut elle se constituer à partir d’expériences vécues sur le territoire français ? De quelle manière l’image de soi se construit-elle dans le regard de l’autre, dans un pays où un parti politique réputé extrémiste fait presque 20 % ? L’Occident continue de se penser comme le centre du monde et l’inspirateur de la périphérie. Il n’examine pas assez le fait que l’identité dont il fait grand cas n’est plus une «identité-racine» pour reprendre un terme d’Édouard Glissant. Il est urgent de réhabiliter l’idée de reconstruction identitaire par l’art, ainsi que le propose Gilles Deleuze : « L’art, c’est ce qui résiste : il résiste à la mort, à la servitude, à l’infamie, à la honte. » Pour résister artistiquement aux modèles, aux valeurs et règles de la pensée unique dominante, il faut déconstruire la pensée artistique telle quelle nous est présentée actuellement. Il nous appartient d’inventer de nouveaux dispositifs, de nouvelles formes, de recréer de nouveaux rapports esthétiques au monde face aux politiques qui encouragent les tensions et stigmatisent les différences en prétextant la crise mondiale. Comment recréer des valeurs en ces temps de chaos, de dérèglement régressif ? Pascale Obolo

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AFRIKADAA BLACK RENAISSANCE ART ART TALK

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GÉNÉALOGIE DES RAPPORTS ENTRE ART CONTEMPORAIN ET POLITIQUE. / PAR KÉMI BASSÈNE

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TODAY’S BLACK WORLD REMASTERED / PAR KÉMI BASSÈNE

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BLACK IS BEAUTIFUL SO AS BLACK WOMEN / PAR FRIEDA EKOTTO

16 18 24

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CONCEPT PORTRAITS AU FÉMININ / PAR SYLVIE ARNAUD

PORTFOLIO MICHÈLE MAGEMA, ARTISTE PROTÉIFORME ET MILITANTE / PAR CAROLE DIOP

PLACES GALLERY MOMO / PAR SHARI HAMMOND


DESIGN

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L’ ART DE DECONSTRUIRE LE MATERIEL / PAR LE COLLECTIF AFRIKADAA

FOCUS

34

HANK WILLIS THOMAS : BLACK RENAISSANCE 2.0 / PAR SHARI HAMMOND, CAROLE DIOP, PASCALE OBOLO

ARCHITECTURE

44

L’AVENIR DE L’ARCHITECTURE EN AFRIQUE EST T’IL CHINOIS? / PAR CAROLE DIOP

CARNET DE BORD

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SEYNI CAMARA, DES SCULPTURES POUR TRANSCENDER LES FRONTIÈRES /PAR FARAH CLEMENTINE DRAMANI - ISSIFOU

EXHIBITION REVIEW

52

AFRICA AFRICA : 30 ARTISTES AFRICAINS EXPOSENT EN CORREZE / PAR CAROLE DIOP

56

ABDOULAYE KONATÉ SCULPTEUR TEXTILE NOUS PRÉSENTE TENTURES TEINTURES / PAR GLADYS OKATAKYIE

62

DAK’ART 2012 : LE OFF L’EMPORTE SUR LE IN / PAR CAROLE DIOP

AGENDA

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ART TALK

GENEALOGIE DES RAPPORTS ENTRE ART CONTEMPORAIN ET POLITIQUE Par Kemi Bassène

CONVERGENCES ET AVENIR

L’ESTHÉTISATION DE LA POLITIQUE EST SOUVENT ÉVOQUÉE DANS LES SOCIÉTÉS MODERNES, MAIS LES RECHERCHES SUR LES INTERSECTIONS ENTRE CES DEUX DOMAINES INTERPELLENT DAVANTAGE LES LIENS ENTRE L’ART ET LES SCIENCES SOCIALES DE MANIÈRE GÉNÉRALE. LA POLITIQUE, PAR UN RENOUVELLEMENT DE SES RELATIONS AVEC L’ART CONTEMPORAIN CHERCHE T-ELLE À ACCENTUER SON CONTRÔLE DE CELUI-CI, OU PRÔNE T-ELLE UNE PARITÉ DANS LA CONVERGENCE DES DEUX DOMAINES? IL SEMBLE INTÉRESSANT DE LIRE LES POINTS DE JONCTION SANS LES CLOISONS QUI ONT TOUJOURS OPÉRÉ ENTRE L’ÉCONOMIE, L’ÉCOLOGIE, LA POLITIQUE OU LA SOCIOLOGIE ; CES DIFFÉRENTS DOMAINES INTERAGISSENT AUTOUR DE L’ART CONTEMPORAIN INTRINSÈQUEMENT AVEC COMME ORGANISATRICE, LA POLITIQUE. QUELLE EST LA GÉNÉALOGIE DE CES RAPPORTS ? QU’EN EST-IL DANS LE MONDE NOIR ? QUELS RÔLES POUR L’ART DANS LA POLITIQUE DE DEMAIN?

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leur une valeur d’usage. la politique libérale de marché; une propagande de réalisme artistique face à la peinture abstraite et de la performance sous les yeux de tierces entités culturelles invisibles esthétiquement et dont font partie les cultures noires sur l’échiquier mondial.a C’est dans ce climat politique de promotion culturelle que le monde a assisté à la distribution des valeurs marchandes de l’art contemporain. Le dessein de l’Amérique semblait clair : La politique, digne héritière du pouvoir

- Valoriser son image de marque en

religieux a parodié ce dernier dans sa main-

Europe vis à vis de l’URSS et gagner le bras

mise sur l’art en l’utilisant tantôt comme

de fer culturel qui opposait

outils de propagande, tantôt comme pres-

- Créer un art « sans mémoire » pour

sion économique mais très souvent juste

s’émanciper du legs culturel européen, en

pour renouveler son bail électoral par l’ap-

appuyant une école abstraite et un art de la

port d’une esthétique rassembleuse et

performance sans véritable centre ou école

séductrice.

de référence et chaque artiste pouvait se

C’est après la seconde guerre mondiale

constituer comme école.

que la France a vu peu à peu arriver un

- Annihiler toute autre forme d’oppo-

autre débarquement après celui de Nor-

sition au capitalisme au niveau local en

mandie : la peinture abstraite, qui, elle aus-

étouffant l’art engagé américain qui nour-

si à sa façon, est venue libérer, mais cette

rissait l’utopie d’un art libre indépendant.

fois-ci d’une éventuelle menace commu-

Pour se faire, les fondations culturelles,

niste soviétique et ragaillardir une culture

couvertures de la politique américaine anti-

européenne fragilisée par le récent conflit

communiste ont opéré en Europe, pour la

mondial.

promotion de la nouvelle école américaine,

L’art contemporain a pu bénéficier d’une

libérale, abstraite et libre.

impulsion avec la guerre psychologique

L’école nouvelle esthétique américaine

menée par la bipolarisation du monde.

voulait se définir différemment aux autres.

L’école américaine artistique de l’après-

Elle avait compris que partir d’un centre

guerre a séduit le monde en imposant son

impliquerait nourrir des valeurs hautement

expressionnisme abstrait sous couvert de

morales ; donc pas de centre, pas de péri-

fondations privées, à la solde de l’intel-

phéries, une liberté de pensée conditionnée

ligence fédérale. Il faut se rappeler éga-

en partie par le traumatisme de la guerre

lement que la plupart des formations de

atomique vécue dans le Pacifique.

jazz se produisant en France étaient finan-

Les bases d’un néo-libéralisme artis-

cées par le gouvernement américain. Un

tique sont ainsi nées, les œuvres verront

art contemporain, outil de propagande de

une valeur matérielle supplanter peu à peu

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Quelques réponses de l’art dans le monde Politique noir Les politiques culturelles africaines, affaiblies par des budgets alloués à la culture de plus en plus restreints, ont été incapables de venir en aide à une création riche et forte mais muselée par une pauvreté matérielle. Et c’est sous le pilotage discret des Etablissements Publics d’Intérêt industriel et commercial tels que l’Institut français, l’Institut Goethe, le British Council et l’Institut Cervantès, que l’Afrique verra désormais ses créations artistiques taylorisées avec : la danse à Madagascar, le cinéma à Ouagadougou, l’art plastique à Dakar et le théâtre à Abidjan. La coopération avec ces diplomaties européennes de soutien et d’influence a montré ses limites dans la construction de l’Afrique culturelle de demain. Mais ce n’est pas un hasard. La promotion de l’art en Afrique a toujours été une initiative citoyenne et non une priorité des élites. Ce sera à la société civile encore une fois, aux associations, aux démarches locales isolées qu’il faudra rassembler et connecter, de décloisonner l’Afrique. La Société Africaine de Culture fondée en 1950 à Venise devait couver et laisser éclore un art contemporain noir, certes teinté d’existentialisme, courant de pensée dominant à l’époque. Elle n’a pas su rappeler aux cultures noires après la décolonisation, l’introspection culturelle nécessaire pour étudier les conditions d’une modernité artistique spécifique à africains et aux peuples de la Caraïbe. L’art fut cependant omniprésent dans la résistance.


C’est ainsi que le Sénégal post-colonial,

en scène les rituels du passé : l’art d’un art,

allégé que pour les artistes suscitant une

par la voix de ses artistes musiciens, a par-

une oeuvre opportuniste. Une autre réserve

valeur marchande et diplomatique impor-

fois rappelé au pouvoir politique le passé

est que cette analyse de l’art africain par

tante comme le Chinois Ai Wei Wei.

douloureux entre l’Afrique sub-saharienne

l’artiste contemporain occidental reste tou-

Comment renouveler les intersections

et les populations arabo-berbères du nord

jours non contextuelle. Elle est une recons-

entre la politique et in extenso toutes les

du continent. Quel rôle ces musiques

titution intemporelle des rituels africains

sciences sociales à l’art ?

ont joués dans la décision de Senghor et

et de la Caraïbe sans tenir compte de l’im-

d’Alioune Diop de ne pas inclure le nord de

plication et de l’interférence de ses œuvres

l’Afrique dans la construction de l’identité

dans le présent.

noire africaine à l’époque?

Comment mettre une éthique sur «le beau vernis» qui recouvre l’œuvre? Comment affronter la poussière qu’il

Dans les combats conscients de demain,

faudra gratter pour en admirer une autre?

Les zoulous et les xhosas ont résisté par

et pour éviter tout mimétisme, l’un des

«La souillure de l’argent a tout recou-

les rituels de la danse à la colonisation bri-

défis de l’artiste noir(e) contemporain sera

tannique et à l’oppression des Boers. Les

de démontrer que dans le domaine intel-

La marchandisation de l’art souhaite un

peuples du nord du Mozambique ont pu

lectuel et artistique, l’Afrique n’a jamais

monde connecté de réseaux et de corpo-

résister culturellement à travers les danses

été un désert.

rations, une culture homogène, lisible par

vert » disait André Breton.

de masques Mapiko à la colonisation et cri-

Les fondations d’entreprise présentes

tiquer par la suite la guerre civile qui a rava-

de nos jours partout en Afrique font un

gé le Mozambique indépendant. La pein-

mécénat gagnant qui vise à agrandir leur

L’absence de critique de la société

ture congolaise, de son coté, a dépeint

cercle d’influence. Les instituts culturels

contemporaine a fini par déconnecter l’ar-

les conditions de vie sociale et critiqué le

occidentaux appliquent de leur coté un

tiste de la réalité sociale et la cantonner

pouvoir politique par des illustrations de

langage de domination justifié par les sub-

à une fabrique de petite bourgeoisie, qui

scènes de vie quotidienne en utilisant sou-

ventions accordées aux artistes le plus sou-

s’adresse à une élite en termes de valeur

vent la rue comme galerie. L’urbanité en

vent «compatibles» à leur politique de coo-

marchande. L’élu de son coté a esthétisé la

est telle que changer de quartier équivaut

pération.

pratique de la politique. Ainsi, les finalités

à changer de musée. Ailleurs, le Japon, sous l’occupation américaine, avait montré que l’on pouvait

à Okinawa dans des rituels de danses. La mise en valeur de l’ethnologie et

mations sans frontières.

semblent être les mêmes entre les deux Quelles visions pour l’art et les sciences sociales ?

dissimuler les enseignements des arts martiaux interdits par l’occupant impérialisme

tous, miroir de tout. Une économie d’infor-

pratiques : séduire pour une plus large audience, rassembler, souder un électorat, clientélisme.

«La modernité esthétique fournit un art

Certaines performances exposées à la

de pralines empoisonnées », Peter Sloter-

FIAC rappellent plus une « bande à Baader»

dijk.

de galeries, un nouveau type d’activisme de

de l’anthropologie occidentales depuis la

Le mandat permanent d’irresponsabili-

galerie, qu’une éthique de connaissance

colonisation a conduit la muséographie

té de l’artiste contemporain serait-il alors

des sciences sociales. Comment une poli-

à concevoir les activités artistiques non-

menacé par cette citation?

tique peut se résoudre à appuyer des pro-

occidentales comme étant figées dans le

Les acquisitions contemporaines ne

jets artistiques où les extrêmes s’affrontent

temps, incompatibles avec la modernité.

montrent pas un souhait dans l’immédiat

toujours en provocations destructrices

Or l’art africain et celui de la Caraïbe par

de la part du marché de promouvoir une

ou indifférence par rapports aux réalités

exemple nécessitent une étude des objets

certaine éthique sur les modes de repré-

sociales?

lorsqu’ils sont mis en situation, pour mieux

sentation des défis sociaux dans les pro-

percevoir leur valeur d’usage. L’art contem-

ductions artistiques.

Le reporter-journaliste serait-il un artiste de demain ? Lui qui, dans sa vision

porain « critique » cette approche du passé

Le protectionnisme des politiques cultu-

de la réalité, la reproduit à travers une

par des productions visuelles qui mettent

relles des puissances occidentales n’est

oeuvre documentaire sevrée d’esthétique,

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dans un réel équilibre des interactions

quante d’une œuvre, fusse-t-elle abstraite.

entre la politique et les autres domaines

Seul l’artiste contemporain conscient

sociaux. Il apparaît comme celui qui perpé-

saura animer les objets et ôter toute forme

tue le nécessaire «amène à penser» dans

d’émotion au corps humain sans trahir sa

ses productions.

vision esthétique ni son courage éthique.

L’art contemporain le plus médiatisé a

Un art politique qui saura amorcer la

passé près de 60 années à détacher l’es-

révolte de l’artiste haïtien, ou celle de sa

thétique de la cause sociale, à travers une

consoeur arabe à venir, un art qui saura

recherche de style qui a conduit à une perte

prévenir une réflexion sur l’identité cultu-

de cette substance éthique qui caractéri-

relle d’une nation par son pouvoir politique,

sait le regard de l’artiste sur sa société.

un art prêt à participer aux solutions poli-

L’artiste contemporain a fini par intégrer la stratégie de réseaux et la politique de marketing du commerce mondial pour séduire. L’artiste par définition ne répond qu’à une seule barrière: sa propre conscience. Le renouveau de l’art réside dans nos imaginaires car elles seules sont plus fortes que le savoir, car elles seules dès lors qu’elles sont fertilisées par une éthique de ses connaissances qui l’ont précédées peuvent rappeler à la politique son sens premier: servir en incluant tous les domaines d’interaction pour un lendemain toujours meilleur. Le collectionneur d’arts et sa connexion politique et financière, ne concourent pas pour un art qui trace la route de la liberté. Or, c’est l’art qui met en relation les forces isolées pour combattre un régime hostile à la liberté. L’artiste de demain sera t-il un spécialiste des sciences comme est censé l’être comme son autre garde fou et théoricien, le critique d’art? L’artiste et la critique artistique ont un monde à réinventer, un type d’engagement à renouveler avec la politique par une conscientisation de ses actions et même de ses refoulements, pour permettre à sa société d’incarner la figure humaine man-

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tiques économiques et écologiques du monde d’aujourd’hui.


ART TALK

TODAY’S BLACK WORLD REMASTERED

Par Kemi Bassène Photos : Jean -Michel Quionquion

RECONSTRUCTING THE BLACK RENAISSANCE IN SPACE

WHERE ARE THE NEW AILEYS, THE NEW GLISSANTS, THE NEW MAMBETYS, AND THE NEW MAILOU JONES? HOW TO BUILD MORE SIKAS, MORE BOATENGS OR MORE THOMAS? WITH THESE TWO QUESTIONS, THE MATRIX THAT NEW BLACK FIGURES ARE BRINGING TO “REMASTER”, TO REDEFINE OR TO GIVE BIRTH TO THE BLACK WORLD OF TODAY IS QUESTIONED. The

term

«Black

Art»

was

the

to the most famous one still from Har-

vant to keep black studies. In the whole

consequence of a slammed door to dis-

vard (Barrack Obama), the common Line

planet, the disconnection of black elites

tinguished modernist black artists works

remains the same reference of a suprema-

with their masses priorities, which didn’t

in contemporary art since the beginning.

cist discriminating school. Even if lots of

have changed these 90 last years: more

Their presence has always disturbed, as

prestigious structures got their black stu-

jobs and more justice, needs to be exposed.

they had to face the hegemony of Euro-

dies departments today.

Battles led for civil rights will not be

pean aesthetic values. From the first black

The question would be to see if in a sup-

“remastered” in what is called post-racial

graduated from Harvard (William Du Bois),

posed post-racial era context, it is still rele-

issue. Fights against colonialism will not be

10


dust-off, too. Most cultural actors in black

It would be reductive to look at the black

communities who try to define the new

post-racial theorists as troops of mimes

type of black man and woman didn’t fight

who would always take their “winner” as

for civil rights or better conditions of living,

a model of approach.

nist approach, which appeals to a market and its cultural and aesthetic logic. Boundaries established since struggles

didn’t campaign against colonialism. They

It would be also easy to receive an even-

against racial inequality contributed to

come later, as detractors of Negritude, do

tual post-racial renaissance as a new « col-

lock them up, out of a free way of thinking,

not remember racial fights in the United

lective bovarysm » among black people

as those fights have reduced the inequality.

Kingdom against racism and colonialism.

as Jean-Price Mars, an Haitian doctor and

Many young black artists refuse the term

They look to dilute themselves in a com-

sociologist, described as being the assi-

the “black artists” or “African artists” or

petitive contemporary art world, where the

milationist state of Haitian elites of his

even “African American artists” today, they

market dictates its “fashionable” subjects.

epoch, who rejected any influence linked to

do prefer “contemporary artists” or “Ameri-

Visibility also has its price in a globalized

their African roots. Devaluating their inhe-

can modern artists”. Duke Ellington, figure

world for black artists.

ritance made them come to an assimilatio-

of the revival of black music during Har-

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lem Renaissance had refused at his time

confident with their appearance and per-

Both Walker and Wiley play with the sexua-

the term jazz to name his music. He said

sonality.

lity of black men and women in their works.

that his music should be called American

France’s choice is still to maintain a

Sexuality and servitude of black women

visibility in the management of its colo-

are represented across a minimalist black

nial cultural patrimony by museums such

and white colors but deliberately indecent

Quai Branly. French republican concept

aesthetics with Walker while Wiley’s work

falls behind with the management of the

is openly « gay ». Black “taboos” on sexua-

In Africa, the plan has been an exclusive

contemporary space devoted to its blacks.

lity are finding a resonance with these two

South African initiative for a long time. Pre-

Speculative stocks of the market are still

artists; post-racial issue will have to count

sident Mbeki had invested in solid projects

strongly influenced by reports relation by

with the aesthetic of the black gay and les-

to build the “African man and woman of

colonialism, in an era where France, as all

bian vision. So, Is « gay the new black », as

tomorrow” on culture and aesthetics at the

former colonial powers, puts on its know-

says artist Dana Owens?

beginning of the 2000s. But it was only

how, its culture and its gastronomy to

political and tactical plans to create an

continue to play leadership in the world.

music.

African Renaissance?

This struggle, as many others, deserves to never to be occulted again, because of

electoral base in South Africa and politics

Despite the coming of new black artists,

the intrinsic relationship between art and

of leadership in the continent. In Senegal,

writers, cultural leaders who decide to not

struggles, because of courage linked to

President Wade inaugurated the Monu-

pursue the relationship with their elder’s

aesthetics.

ment of Renaissance in 2010, front of a

themes of fighting, despite disconnected

But a true rebellion would register

wide black community. An initiative gree-

part of elites, social approach is still a black

toward durability and not an ephemeral

ted and criticized at the same time by the

subject in Africa, Americas and among

and recurrent visibility. A new Black Renais-

black world.

black European works. How to build more

sance would be ready to “occupy” perma-

solidarity will be a crucial question for

nently oligarchy, and face the dominant

In Europe, the United Kingdom seems to be the only country, which gives a real

people who hiberna-

space on modern art to its black commu-

ted for a long time and

nity. Since the mutiny at Taranto (Italy) of

who seem to still meet

the Black West Indies Regiment of soldiers

difficulties to emerge

in December 1918 against discrimination

socially and economi-

at War, and late uprisings in Notting Hill

cally.

and Nottingham at the end of the 50s. It was before Notting Hill became famous for its black cultural carnival. It was before

From civil rights to gay rights

the cultural carnival turned to European gay carnival. World War One revealed to

Sexuality is one of

black soldiers an urgent need for their

the symbols on debates

communities to take responsibility for

in post-racial era. Black

themselves, the necessity to create a new

artists such Kara Wal-

type of blacks, to build a leading place for

ker or Kehinde Wiley

black cultures, as Harlem did during the

have adopted a provo-

“between two wars”, to promote cultural

cative aesthetic pos-

resources.

ture, sometimes seen

Their fights made younger black gene-

indecent by a large part

rations to feel more comfortable and

the black communities.

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culture by creating its own academies of

the whole world and the answer will play a

cultural critics, in the same way it will learn

prominent role in the esthetic bases of the

from others, by (re) connecting its elites

black woman of tomorrow

with the masses. The essence of black renaissance would include a solid intercultural communication by powerful federating digital meeting places, to face the complexity of the black world. Is the long time to digest colonialism left? Will the long winter faced by black world be ready to end? The market has shown that it is not question for black artists to work with old struggles; it is more for them to get their entry in a global corporation. The ultimate fight would be for many to « unbox » their black consciousness from barriers prescribed by struggles. And how to avoid the ambiguity of being (or not) her hair among black women of tomorrow? This question targets the black women of

13

.


ART TALK

BLACK IS BEAUTIFUL SO AS BLACK WOMEN LA RENAISSANCE DE HARLEM Par Frieda Ekotto, professeur de littérature comparée, d’études afro-américaines et africaines à University of Michigan Ann Arbor.

14

Dessin de Bouna Medoune Seye


L

es figures les plus représen-

de jeunes talents noirs. Parmi ceux-ci se

aborde aussi l’érotisme et les relations les-

tatives du Landerneau litté-

trouvent quelques femmes de grand cou-

biennes. Clare et Irene, deux amies d’en­

raire de la Renaissance de Har-

rage. Malgré l’oppression dominante, Zora

fance sont toutes deux d’as­cendance afri-

lem sont des hommes. Ils s’ap-

Neale Hurston, anthropologue et roman-

caine et européenne. Après la mort du père

pellent W.E.B. DuBois, Countee

cière de son état, se distingue par la force

de Clare, elle emménage avec deux tantes

Cullen, Langston Hughes et bien d’autres

de son ima­ginaire. L’histoire des idées nous

blanches paternelles.

noms, tous incontournables, de l’Amérique

l’enseigne : en modifiant l’ima­ginaire, on

Ces dernières lui permettent « de pas-

noire. Or cette liste reste incomplète sans

agit sur le réel, et en modifiant les formes

ser » pour une femme blanche, et la voilà

la mention des écrivaines d’envergure poli-

du langage masculin, on renverse le jeu du

mariée à un raciste blanc. On retrouve la

tique et sociale telles que Zora Neale Hurs-

pouvoir. C’est le travail qu’accomplit Zora

matrice de l’histoire très connue de la mu-

ton, Nella Larsen, Jessie Fauset, Gwendolyn

Neale Hurston. Elle explore l’histoire du

lâtresse « mal dans sa peau », tragique. Les

Bennett et Georgia Douglas — pour ne ci-

Sud, témoigne de la souffrance noire, de sa

idées véhiculées par Passing dominaient

ter que celles-là.

pratique de la langue dans la classe pay­

la scène sociale américaine des années 20

Dès qu’on évoque des femmes, le soup-

sanne. C’est dans Their Eyes are Watching

et 30. Roman peu apprécié des Noirs tout

çon s’installe. Jean-François Lyotard —

God — titre de son roman le plus célèbre,

comme des Blancs à sa parution, il s’inscrit

grand philosophe français —, dans « Sur

1937 — qu’elle dévoile les capacités inno-

désormais dans le canon de la littérature

la force des faibles », nous rappelle qu’il

vatrices de la langue. Celles-ci débouchent

noire américaine

existe une « dialectique où la femme com­

sur le politique. C’est en effet le cas dans

me l’esclave chez Hegel a le beau et le mau-

des com­munautés afro-américaines ru-

vais rôle dans un processus de culture, qui

rales du Sud, milieu dont l’auteur procède.

est affaire toute magistrale. »� C’est le cas

Le roman raconte l’histoire de Janie Craw-

des femmes de la Renaissance de Harlem.

ford au début des années 30, qui vit pleine-

Elles se battent aux côtés de leurs confrères

ment ses désirs sexuels. La narration arti-

masculins pour dénoncer l’oppression ra-

cule trois périodes différentes de sa vie avec

ciste dans la société américaine, mais ne

trois hommes radicalement opposés. Elle

bénéficient pas toujours de la même visi-

s’exprime dans l’idiome local, signe d’un

bilité. Elles s’ins­crivent dans la philosophie

rejetant évident de la langue dominante.

du changement, elles ont part à la quête de

Zora Neale Hurston est aujourd’hui con­

dignité humaine, mais avec un raffinement

sidérée comme un génie de la littérature

esthétique plus grand. Elles sont talen-

orale du Sud.

.

“ Elles se battent aux côtés de leurs confrères masculins pour dénoncer l’oppression raciste dans la société américaine...

tueuses, cultivées et révoltées. Si elles refusent l’allé­geance morale aux Blancs, c’est

Nella Larsen (1891-1964)

qu’elles opèrent à partir de leur conscience

C’est aussi une romancière impor-

et de leur expérience de femmes aux prises

tante de la Renaissance de Harlem. Son ro-

des oppres­sions raciale et sexiste d’un

man Passing (1929) est le deu­xième et der-

monde pour le moins patriarcal. Ce sont

nier qu’elle ait écrit. On y découvre l’art de

des dominées historiques.

se faire passer pour blanche quand on est

Faisons le portrait des deux femmes

noire afin d’améliorer son existence sociale

de la Renaissance de Harlem : Zora Neale

et économique. C’est un acte subversif car il

Hurston et Nella larsen.

trouble les idées de race, de classe, de genre

15

Zora Neale Hurston (1891-1960)

et ouvre l’espace des identités nouvelles —

Dans les années vingt, Harlem foisonne

celles des métis, par exemple. Ce roman

...mais ne bénéficient pas toujours de la même visibilité.


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CONCEPT

PORTRAITS AU FEMININ Sylvie Arnaud nous propose ses portraits au féminin: des créations d’identités féminines parisiennes croquées en portraits, qui relatent des personnages en situation, inventés de toutes pièces, inspirés de bribes d’individus croisés en coup de vent, d’anecdotes contées et retranscrites ou d’expériences vécues.

Les portraits relatés en brèves histoires contextualisées sont dédiées à la psychologie de la femme, son environnement intérieur y est décrit avec une intention d’amélioration de compréhension de soi et de l’autre par la force de la lecture analytique du regard: intérieur/ extérieur. Des profils types sont décrits avec un accent particulier sur le rapport au corps, au vêtement, le regard de l’autre sur soi et vice versa. A Paris, capitale multi-culturelle, l’oeil ne cesse de décoder les codes vestimentaires, les espaces vers lesquels les vêtements transportent. La dimension d’intériorité force l’autocritique et la critique du jugement de l’autre. L’habit est posé comme marqueur de lecture et prétexte pour raconter des histoires de corps coincés dans des vêtements qui tendent vers des projections, des ratés, des faits de société, des visions collectives bien rodées. L’idée est de casser les préjugés récurrents. Les portraits de femmes disent avec sincérité: ne pas se fier aux codes, renoncer aux jugements...

.

« Lise » est le premier de cette série de portraits qui vous seront distillés à chaque numéro

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LISE Lise est très frileuse. Elle aurait beaucoup aimé porter les jolis chapeaux qu’elle remarque de plus en plus dans les grandes villes qu’elle connaît comme sa poche, mais ceux qu’elle adore sont très souvent beaucoup trop petits pour ses cheveux épais, longs, oh combien crépus, qu’elle se refuse à défriser. Elle y perdrait trop de son identité, ce qu’elle appelle son moi légitime, qui comprend aussi le grain de sa peau, le rendu plissé de ses yeux quand ils sont ouverts, sans oublier le contenu de son cerveau. Lise ne ressemble à rien, elle a tous les mélanges. On l’appelle en certains lieux, l’échappée, la marronne... à cause d’un certain côté brute de pomme qu’elle affiche à l’occasion et, dans certaines cambrousses, l’étrangeté. Dans les milieux très bien qu’elle fréquente, (Lise a ses entrées partout) on a coutume de lui dire : « A vous, tout vous va ! » avec un ton plutôt perfide. Elle ne s’en offusque plus, à quoi bon. Use plutôt du timbre de sa voix, très tendre, rassurant, pour lancer ces piques spontanées, en réponse à ces malencontreuses impolitesses de tons, mettant en avant sa différence. Pour s’amuser, se rendre intéressante, ou simplement pour cesser de lutter, Lise se fait appeler Sile, ne parle plus qu’anglais avec l’accent américain, prend des airs, met ses cheveux à l’air qui ne bougent pas au vent, et se complait, le temps d’un soupir, à être comme on aimerait qu’elle soit : définitivement autre, étrangère en son vrai pays ; c’est là qu’elle n’oublie pas de porter sa robe rayée... qui fait frémir de remontées acides.

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Quand elle est trop bien habillée, coiffée, maquillée, gantée, bottée, mais jamais chapeautée, elle prend dix ans d’âge, on la dévisage de front, puis on l’épluche à merveille, lui susurre même des bouts de Madame à peine audible ; c’est parce qu’elle est trop belle, ou bien qu’elle fait trop peur. A cause de cette souffrance à être en son pays, Lise s’habille rarement très bien, préfère écouter que parler d’elle, regarder qu’être regardée. La plupart du temps, elle porte jeans, tuniques, baskets, tendance, de saison, comme Léa sa meilleure amie, ne rase pas les murs mais presque, marche vite, tout le contraire de Jeanne Moreau dans « Ascenseur pour l’échafaud », porte aussi les bijoux de son père, et ceux de sa mère mélangés, en secret, savoure ces alliances. La Black Renaissance de Lise se passe dans sa tête et dans sa ville, Paris, avec ses accessoires de mode et ses attributs vêtements. Elle signifie seulement: être. Aussi contrer et résister aux projections des autres sur elle, qui vont toujours dans la même direction.

Sylvie Arnaud Dessin de Bouna Medoune Seye .


PORTFOLIO

MICHELE MAGEMA PROTEIFORME ET MILITANTE Par Carole Diop

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En allant à la rencontre Michèle Magema, plasticienne franco-congolaise née à kinshasa (rdc) en 1977 qui vit et travaille à paris, nous avons découvert à la fois l’artiste, la femme, la mère et la militante.

D

e Kinshasa à Cergy.

relles. Une rencontre avec un professeur au

dio Museum Harlem. En 2006, elle participe

En 1984, Michèle suit sa

lycée la conduit aux arts plastiques. Elle s’y

à Africa Remix, au Japon, en Allemagne, en

famille en France où son

plonge corps et âme. Après une classe pré-

Afrique du Sud, etc. Elle fait partie des 30

père s’est expatrié. Ce père,

paratoire à Fontenay-sous-Bois, elle choi-

artistes dont les œuvres ont été exposées

grand humaniste engagé politiquement,

sit de s’inscrire à l’Ecole Nationale Supé-

au CAC de Meymac dans le cadre de l’expo-

lui transmet des valeurs qui ont forgé sa

rieure d’Arts de Cergy car elle est sensible à

sition Africa/ Africa

vision du monde et ses positions en tant

la philosophie de cette école qu’elle va uti-

qu’artiste. Pour elle qui n’a alors que 6 ans,

liser comme outil pour se développer artis-

il ne s’agit pas d’un déraci

tiquement. Elle y obtient son diplôme en

Cette artiste protéiforme utilise plu-

2002. Michèle est aujourd’hui une artiste

sieurs médiums (vidéo, photographie, ins-

dont le travail est reconnu à l’internatio-

tallations...). Si au départ elle expérimente

Dans ce nouvel environnement, elle dé-

nal, elle a entre autres été primée à Dak’Art

le dessin et la peinture, elle va très vite s’ou-

veloppe un sens critique qui la pousse à se

2004 pour sa vidéo installation Oyé Oyé.

vrir à d’autres médiums. Au cours de sa

questionner sur ses deux identités cultu-

Elle a exposé au Brooklyn Museum, au Stu-

deuxième année à Cergy, elle y rencontre

nement mais simplement d’un déplacement.

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Une plasticienne à l’aise avec différents médiums


Sylvie Blochet (vidéaste française), ensei-

son travail. Elle est influencée par son en-

peu de lieux (voire pas de lieux du tout)

gnante qui l’initie à la vidéo, c’est une véri-

fance : la question du déplacement, de la

pour accueillir les artistes issus de la dias-

table révélation !

mémoire, du souvenir, de ce qui est subli-

pora. Selon elle, cette impossibilité de mon-

Pour créer, Michèle se laisse guider par

mé et de ce qui ne l’est pas, sont autant de

trer leur travail sclérose et étouffe la créa-

son instinct. Certaines œuvres lui viennent

questionnements qui transparaissent dans

tion des artistes afro-contemporains.

parfois en rêve. L’artiste elle les laisse arri-

ses œuvres ; mais également par l’héritage

ver comme elle doivent arriver avec le me-

culturel et politique de son père. Son iden-

Pour Michèle, la Black Renaissance,

dium qui convient : « Je me vois comme un

tité plurielle l’incite à s’interroger sur son

nous sommes en plein dedans, « l’histoire

réceptacle », nous a-t-elle confié.

histoire, celle de la nation, du continent et

est en train de s’écrire, une jeune généra-

plus largement encore, celle du Monde.

tion émerge, une génération qui a pour ré-

La question de l’esthétique est très présente dans les œuvres de l’artiste, qui la

férence « Africa Remix » et plus « les Ma-

voit comme une épure. Comme Michèle

Le rapport qu’elle entretient aux his-

giciens de la terre », une génération qui

aime à le rappeler, derrière la simplicité se

toires et à l’Histoire lui permet, aussi,

n’a pas volé sa place et qui ne courbe pas

cache beaucoup de complexité.

d’adopter une posture critique afin de dé-

l’échine, qui s’inscrit dans l’universalité et

” Je me mets en scène sans nier ma féminité, sans nier le rapport au corps ni qui je suis ”.

qui compte beaucoup de femmes » nous

La force de son travail vient de la mise en scène et des symboles utilisés : « Je me mets en scène sans nier ma féminité, sans nier le rapport au corps ni qui je suis ». Quand elle a une œuvre en tête, elle dessine ses mises en scène et coud ellemême ses costumes. Elle travaille la plupart du temps en studio avec un assistant, en particulier lorsqu’elle exécute une commande pour la Galerie Jean Marc Patras par exemple. En 2011, elle réalise « The Triptych »*, une série de trois photos où elle réinterprète trois grands classiques : « La liberté guidant le peuple » de Delacroix , « La vierge fessant l’enfant Jésus devant 3 témoins » de Max Ernst et « Adam et Eve » de Tamara Lempicka. Cette série est née d’une proposition d’exposition qui devait se dérouler au Bénin autour d’une réflexion qu’elle trouvait intéressante : il s’agissait de revisiter les œuvres de l’art classique et occidental dans une vision qui serait africaine. Sa proposition a été difficilement reçue en Afrique. Les influences de Michèle sont nombreuses, ce qui explique la diversité des champs abordés et des médiums dans

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construire ce qui tient lieu d’une représentation largement partagée, et qui tente inlassablement de supplanter l’Histoire : l’exotisme. Lorsque l’on interroge l’artiste sur la situation des artistes afro-descendants en France, c’est sa fibre militante qui s’exprime. De son point de vue, il existe un problème et celui-ci est politique : elle trouve profondément injuste qu’il n’existe que

explique-t-elle. Si le phénomène est en pleine émulation dans nombre de pays européens, en Belgique, en Angleterre notam-

.

ment, l’artiste constate avec regret qu’il n’est pas encore visible en France

* The Tripych- 2011. Série photographique: 160X120 cm- Impression couleur sur papier Baryté. Michèle Magema©. Courtesy Michèle Magema/ jean marc patras galerie


“ 20

« l’histoire est en train de s’écrire, une jeune génération émerge, une génération qui a pour référence « Africa Remix » et plus « les Magiciens de la terre », une génération qui n’a pas volé sa place et qui ne courbe pas l’échine, qui s’inscrit dans l’universalité et qui compte beaucoup de femmes »


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22


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PLACES

GALLERY MOMO By Shari Hammond - Photos : Š Prisca M. Monnier // allbypm.com

This Johannesburg, South-Africa based gallery is not just an ordinary, randomly chosen art gallery. Starting from an original name to original artists and projects, gallery Momo geniusely advocates this vision of a Black Renaissance: one intellectually conceived, created, exhibited and promoted in Africa by Africans , for Africans and beyond. Just wait and see - rather, just read and discover as you travel to this Place...

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T

he concept of the gallery was elaborated by one

A MILESTONE FOR BLACK ENTREPRISE IN THE ART FIELD

couple : Mr. Monna Mokoena and Mrs. Leona Mo-

koena, and the name MOMO was simply created from the

It is important to point out that it is the sole totally Black-

fusion of the first syllabuses of the name and surname of

owned contemporary gallery in South Africa. It raises ques-

Monna Mokoena The gallery was founded in 2003 by the

tions on the degree of initiative and access for Blacks to

latter who is however not new in the art industry : indeed

ownership in such domains. Mokoena has proven his capa-

M.Mokoena’s CV shows his long run experience in curating

city of innovation and initiative through his deep attache-

with beginnings in the 1990’s. He was recently appointed

ment and pride over his South African identity by organi-

Commissioner to the South African Pavilion at the 54th Ve-

zing and advising dozens of projects in different regions of

nice Biennale in 2011, without a doubt consecrating him as

South Africa such as in Gauteng, Western Cape or the Kwa-

one of the leading contemporary art entrepreneurs in Africa.

Zulu Natal to name a few.

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Reminiscing over the violent and complex South African history, we realize it is a considerable achievement to materialize such projects and visions especially when South Africa is a country reknown to be gifted with multitudes of artists and with an active presence on the international visual arts scene. MOMO’s strength lies in the gallery’s vision that not only aims at promoting native South African artists but also pursues in being a platform for international African artists. It becomes by that perspective a gallery with a simultaneously pan-african and international sphere of influence. A PAN-AFRICAN EXHIBITIVE, CREA-

TIVE AND INTERACTIVE PLATFORM

MOMO’s project does not only consist in being a space of art exhibition but also aims at being an emblematic space of art creation with its residency program that produces twenty residencies annually. It also has a division called AAW (Art@Work) that works more on the specialisation of project management. MOMO carefully planned out a complete platform where creation, management and exhibition interacts efficiently nationally and internationally.

has an impres-

sive selection of eminent and ecclectic artists such as the iconoclast Ayana Jackson, the talented architect David Adjaye, or the exuberant Mary Si-

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bow country, be sure to pass by this

a substantial portfolio of South African

Place in Johannesburg, where mul-

and international contemporary artists

ticultural Africa develops, meets and

across « all disciplines of the arts »

creates for this common and mostly

A gallery with ever growing projects : an international perspective Right from 2003, MOMO has exported its works throughout the world starting with the Cuba-Havana Biennale, to exhibitions voguing from the United Arab Emirates, Eastern Europe but also at the Aichi World Expo in Japan. In the space of the few years of its establishment, it has been

A BREEDING GROUND FOR ARTISTS Gallery MOMO

bande. The gallery aims at showcasing

involved

in several projects with diverse institutions such as the South African embassies in Berlin and Ethiopia and grandiose art events such as the Venise Biennale and recently the Paris Photo Exhibition in November 2011. For those planning to visit the rain-

universal passion art with in mind, the country’s motto : Unity in Diversity .


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DESIGN

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L’ART DE deconstruire le materiel

Jean servais somian est né en côte d’ivoire en 1971. Après ses études secondaires, il intègre le centre de menuiserie et d’ébénisterie georges ghandour à abidjan (côte d’ivoire). Son cap obtenu, il fait un apprentissage à l’artisanat local au centre artisanal de grand-bassam (côte d’ivoire). Il suit une formation en design mobilier et agencement et passe ensuite dans l’agence de design et de conception daniel beck à lausanne (suisse). AFRIKADAA est allé pour vous à la rencontre de ce jeune designer... 29


Qu’est-ce qui vous a amené à être designer ébéniste ? Tout petit, j’aidais mon oncle dans son

djan pour faire libérer leurs époux incarcérés à Grand-Bassam pour leurs opi-

sées d’acide. Grand-Bassam est une source d’inspi-

nions politiques. Stoppées sur un pont,

ration pour moi : c’est ma ville, mon lieu

ces dernières ont été battues et pulvéri-

de travail, mon fournisseur en cocotiers,

atelier de menuiserie quand je n’avais pas

matériau de prédilec-

classe. Puis j’ai toujours eu une fascina-

tion pour moi. Pour

tion de la transformation du bois en objet

ma première exposi-

ou en meuble.

tion personnelle en Cote d’Ivoire, j’ai dé-

Parlez-nous de votre technique de travail ?

cidé de rendre hommage à ces femmes et à ma ville à travers

Je travaille beaucoup le bois mais éga-

ces sculptures et mo-

lement différents matériaux comme le

biliers réalisés à partir

métal, le cuir, le verre et le plastique. Le

de troncs de cocotiers.

cocotier reste pour moi le matériau de

Mes œuvres ont été

prédilection. Sous son tronc fibreux, se

présentées en Février/

cache une fascinante nature que seul un

Mars 2012 à la Gale-

passionné peut travailler. Ma technique

rie Art Pluriels à Abi-

consiste à travailler le bois ou le tronc

djan 2 Plateaux par

dans sa masse avec des outils adaptés,

Simone Guirandou

que je fais fabriquer par des forgerons lo-

(commissaire d’expo-

caux. Viennent ensuite les finitions avec

sition, ndlr).

des teintes que je fais à base de fruits sauvages ou de graines.

Le seul engagement que je porte est le partage de mon sa-

On sent de l’engagement voire du mili-

voir avec les artisans

tantisme dans votre série les Demoiselles

et l’apport de mon

de Grand-Bassam …

expérience pour que

Grand-Bassam fut la première capi-

chacun puisse avan-

tale de Côte d’Ivoire à l’époque coloniale.

cer à travers son mé-

C’est aujourd’hui une station balnéaire,

tier et avoir une nou-

une ville touristique et artisanale. Cette

velle approche sur la

série est née de l’inspiration de la nature

création aujourd’hui.

à notre histoire coloniale. En effet, la route qui mène d’Abidjan à Grand-Bassam est

Comment vous

bordée de part et d’autre de plantations

situez-vous en tant

de cocotiers longilignes. Dans mon imagi-

qu’artiste d’origine

naire, ils semblent en marche et cela fait

africaine en France ?

écho à la marche des femmes sur GrandBassam le 24 décembre 1949. C’était un mouvement de femmes venues d’Abi-

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La France m’a beaucoup apporté


nent, dans tous les domaines, même économique. Nous y arriverons grâce au travail et à une bonne gouvernance dans nos pays. Il faut nous fédérer autour de grands projets sans le tutorat occidental. Que cela ne soit pas juste un slogan. Quels sont pour vous les dernières tendances en matière de design ? Personnellement, je ne travaille pas selon des tendances. Les créations, la recherche de nouvelles techniques et matériaux de la part des designers créent un enthousiasme auprès du public. C’est ce dans mon travail : j’ai débuté ici, j’ai pu

que je qualifie de tendance. Pour ma part,

faire plusieurs expositions. A mon niveau,

je crée en ayant toujours une part de sim-

j’ai apporté un autre regard sur le de-

plicité dans le détournement que je fais

sign venu d’Afrique. Pour autant, malgré

de mon matériau de façon à obtenir des

de nombreux travaux, on attend toujours

formes nouvelles. Je crée un objet, une

une certaine reconnaissance profession-

sculpture ou un mobilier qui s’adapte à

nelle, ce qui est dommage car nous appor-

notre façon de vivre dans le monde actuel.

tons beaucoup à la créativité de ce pays. Bien des artistes afro-descendants sont obligés de s’exiler dans les pays

A quelle œuvre êtes vous le plus attaché ?

anglo-saxons pour pouvoir vivre de leurs créations et avoir une liberté d’expres-

Une de mes créations

sion plus grande que dans le carcan fran-

m’ayant le plus marqué

çais. Même les afros bourgeois qui ont les

est la Banquette Pi-

moyens financiers de soutenir nos créa-

rogue. Le but était de

tions ne s’y intéressent guère. Je note ce-

racheter à des pê-

pendant que le changement est amorcé

cheurs d’anciennes

et que des résultats sont là.

pirogues ne naviguant plus pour les réinter-

Que vous évoque le terme Black Renaissance ?

préter et les ramener dans nos intérieurs. Sous forme de ban-

Black Renaissance évoque pour moi

quettes ou de cana-

le changement, car les Africains d’au-

pés, le creusé initial

jourd’hui n’ont plus de complexe au ni-

est tapissé de cuir

veau de la création artistique sur la scène

ou de tissus. La pi-

mondiale. Notre génération et celle à ve-

rogue, objet utili-

nir ne baissent pas les bras. Beaucoup

taire essentiel à de

de choses doivent évoluer sur le conti-

nombreuses po-

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pulations et moyen de déplacement fluvial, redevient un objet contemporain : on

Sur quoi travaillez-vous en ce mo-

lui donne un autre sens, une autre utilité,

ment et quels sont vos projets dans un

une relecture.

avenir proche ?

Quel regard portez-vous sur l’ensei-

Je travaille en ce moment sur ma pro-

gnement du design en Afrique et plus

chaine collection de mobiliers sculptures

particulièrement à Abidjan ?

que je nommerai Made in Côte d’Ivoire. Je travaille également sur un projet de créa-

L’enseignement du design dans cer-

tion d’une maison de design et d’art. Tous

taines universités en Afrique commence à

les métiers d’artisanat seront réunis sur

porter ses fruits : on assiste à l’éclosion de

une même plateforme avec pour finalité

nouveaux talents sur le continent.

de créer un label de production et d’ensei-

La Côte d’Ivoire regorge de talentueux

gnement.

designers qui, comme moi, ont reçu des formations dans des centres de métiers

Quels conseils donneriez-vous aux

du bois ou dans d’autres écoles dans ce

professionnels et aux amateurs d’art

domaine qui ont été financées par les au-

qui lisent notre revue ?

torités. Malheureusement, beaucoup de ces centres ont fermé ou ne jouent plus

Je dirais juste une chose : prenez le

leur rôle faute de subventions. Il est né-

temps de regarder les créations de cette

cessaire que les autorités actuelles remé-

nouvelle Afrique sans frilosité. Constatez

dient à cela pour apporter un savoir et

la qualité et l’innovation qui s’y trouve car

une éducation à notre jeunesse.

nous apportons beaucoup aujourd’hui et nous continuerons d’apporter demain

Quels enjeux cela représente-t-il pour vous aujourd’hui de fabriquer vos pièces en Afrique et non en Chine ? J’ai toujours voulu fabriquer en Afrique car il est important de transmettre et partager notre expérience quand nous avons la chance de voyager pour présenter nos travaux et d’être confrontés à d’autres techniques de travail. L’Afrique a les matériaux et les artisans : nous devons, nous Africains, créer un dynamisme qui poussera le monde entier et les nôstres à s’intéresser à nos fabrications. Nous pourrions avancer si nous avions des éditeurs sur place. C’est un appel à des investisseurs africains.

32

.

“ les Africains d’aujourd’hui n’ont plus de complexe au niveau de la création artistique sur la scène mondiale.


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FOCUS

HANK

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WILLIS THOMAS AND THE REDEFINITION OF BLACK

BLACK RENAISSANCE 2.0 By Shari Hammond, Carole Diop & Pascale Obolo - Images : courtesy of Hank Willis Thomas and Jack Shainman Gallery, NY.

FEBRUARY 29TH, RARE DATE ON THE CALENDAR AND PERFECT OCCASION TO ORGANIZE AN

ENCOUNTER WITH M .HANK WILLIS THOMAS. THE PLACE IS TOTALLY FIGURED OUT: A 19TH

CENTURY TYPICAL ARTSY-BOURGEOIS PARISIAN CAFÉ LOCATED AT CITÉ DES ARTS. HE APPEARS SHYLY IN FRONT OF US AND AFTER A FEW MINUTES OF AWKWARDLY NERVOUS GREETINGS,

WE DECIDE TO HEAD TO HIS ARTIST RESIDENCE A FEW BLOCKS AWAY FROM THE CAFÉ FOR THE INTERVIEW.

SOBERLY DRESSED, HANK WAS ALSO CLOTHED WITH HUMILITY AND RESERVE THAT COULD MAKE MORE THAN ONE DOUBT ON HIS ACTUAL AND SIGNIFICANT ACCOMPLISHMENTS.

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perience all of their five senses aroused and be faced with the desire to laugh at, be stricken by, or sometimes bored at a product . All this thanks to the greatly imaginative process of branding and advertisement conceptors. Thomas has savantly sensed the visual and sensorial power of the influential Media and Branding field and undertook to analyze, decorticate the messages found in such visually stimulating images. He especially decided to focus on the imagery of Black people as a consumer group and community. His observations materialized into a monograph Pitch Blackness that was created when he was awarded the first Aperture West Book Prize in November 2008. He also created several photographic series where he focuses on restructuring, re-adaptating in order to denounce and reveal the over-powerful ability of Branding to structure and at the same time reveal our minds and ideals, conceptions of one’s culture and cultural identities. This work has been shown in his series of exhibitions Pitch Blackness in 2009 at the Jack Shainman Gallery in New York, B®ANDED in 2006, UNBRANDED : Reflections in Black by Corporate America 1968-2008 and REBRANDED 2010 just

H

to name a few. “ I believe that in part, advertising’s success ank Willis Thomas has an original background in photography but has extended his work and skill to other media such as video installations or even sculptures. In fact, when first confronted to his

works, one could automatically conceive it as elaborated by a media or publicity pundit. His photographs know just how to strike and startle you as a great advertisement would. Advertisement in fact, will become his leading work theme, and he will decide to reflect on the impact of branding in particular. The Branding and advertisement industry in America is ,if not great, one of the biggest and most influential and growing industries worldwide. Viewing adverts has turned from a five-minute compelled task to nearly a source of pleasure where one will ex-

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rests on its ability to reinforce generalizations around race, gender and ethnicity which can be entertaining, sometimes true, and sometimes horrifying, but which at a core level are a reflection of the way culture views itself or its aspirations” Being barely known in France but globally renown and exhibiting in several countries from Turkey to Angola, we chose this eminent “Post-Black” artist as this issue’s Focus for his in-depth reflection on Black Identity in this powerful field of corporate publicity, main culture and socio-politics, revealing that we are now, more than ever, in the era of Black Renaissance.


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Afrikadaa – Could you tell us

about your actual project on Black Male identity ?

H.W.T – My project is called Ques-

Afrikadaa – Why did you feel this

need to talk about Black Male identity ?

H.W.T – Basically we focused on

a human being should live. Afrikadaa – Do you think the

images of Black men has changed since Obama’s election ?

tion Bridge: Black Males. It is a colla-

Black Male identity because we find

borative project with myself and ar-

especially within the United States

tists Chris Johnson, Bayeté Ross Smith,

there are so many stereotypes and

of themselves have changed a lot. I

and Kamal Sinclair. It was launched

ideas that come to mind when we

think also you could probably look at

in January 2011 in five places at the

talk about Black Male. We wanted to

the advertisements from 2007 and

same time in the US: at the Sundance

show there not one specific way to be

compare them with advertisements

Film Festival, the Brooklyn Museum,

a Black Male and to show that there

from 2009 and see not just Black men

Oakland Museum of California, Utah

is as much diversity within any given

but multi ethnic people filling in roles

Museum of Contemporary Art as well

demographic as there is outside of it.

that you would not have seen them in

as the Chastain Art Center in Atlan-

So through that process of basical-

two years before. I remember distinc-

ta. The project is a campaign to repre-

ly asking people to ask questions of

tively seeing a Blackberry Bold ad that

sent and redefine Black male identi-

other African American, you start to

was pretty popular and the hands

ty in America through this question

see that there is this range of expe-

were those of a Black person and I

and answer exchange where we ask

rience with a wide range of identity

was like I do not think that would

one Black man to ask a question to

and eventually complicated. Because

have happened in 2007, that a Black

other Black men and then we try to

I know everyone is subject to stereo-

hand would have been the standard

find someone else who could actual-

types we feel like no one, especially in

for anybody’s hands who wants to be

ly answer, who feels the question and

the US struggles more with the socie-

associated with technology. The re-

becomes this kind of each one teach

tally prescribed identity of Black men

flection of Barack Obama to the world

one conversation.

and it is such a limited notion of how

has forever changed the way that you

H.W.T – I think Black men’s images

see who can do what- and the way we ourselves see what we can do. Afrika-

daa – African

American history has de-

picted Black

males as ab-

sent from the family and

we wanted to know in your

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project Question Bridge the image of the Black male, is he more present or is he gaining more presence ?

Black male identity so we are trying to understand how Black men define themselves in their terms but also hopeful-

H.W.T – I think one of the things

ly stop looking at the

that is really fascinating is that ap-

narratives as a self ful-

parently, from recent statistics, al-

filling prophecy but try

though Black males are not neces-

to see other sides of

sarily in the homes as let us say the

everything.

White males, statistically Black males spend more time with their children than White fathers in the US. When you look at things with a much more critical look on the things that are

Afrikadaa – Do you

think this could be

lead to a form of male emancipation ?

wrong, absentee fatherhood is pervasive and is not just a Black issue and

H.W.T – We would

I think you could probably slice it up

hope so. I mean, we

by geography or by class and find dif-

think it is a human em-

ferent trends. One question that real-

ancipation. Especially in

ly resonated in us where this man as-

21st century we unders-

ked « Do you feel like you were a dif-

tand race and gender in

ferent man because you did not have

a much more complica-

a father at home ? And do you blame

ted way and hopefully

your mother because she did not

through our project we

the US the number of people who

want a man in the house ? » We got

won’t think that being a man in gene-

struggle in prison and also in educa-

some really heavy answers to this,

ral means something in a specific way

tion, I do not find that Black women

someone nearly broke out crying. No-

and also that Black does not mean so-

or anyone else, struggles as much

body stated that they blamed their

mething in a reductive way as well.

with their identity concept as Black

mother, I think it spoke to their visions and that they may have wanted the father to be there but that the mother did not make things easy for them. Also there is the « post-traumatic

men. And that is something I really Afrikadaa – We noticed your

works majorly depict and focus on

Black Males, but what about Black females, Black womanhood ?

slave syndrome », the ways in which slavery did break the backs of Black

want to highlight because there are not enough places where men actually have experience to be vulnerable and speak about their challenges and speak about things that they do

H.W.T – I think womanhood in ge-

not understand in their own identi-

families. Without having a rich fami-

neral is far more complex. There is de-

ty. So this is what the project is about,

ly tradition, a lot of families did wha-

finitely more than enough men tal-

it is about finding more of the femi-

tever they could to survive and I think

king about what women should be

nine side of masculinity because wo-

we are still trying to figure out how

doing so I choose my work projects

men have support groups and with

to make up for that. Our project is at-

very carefully. Within this project, I

the absence of fathers in homes wi-

tempting to represent and redefine

think there is... when you think about

thin Black male community and in

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many communities especially the

in this period especially with Barack

Black male community in the US, we

Obama are in a time where really we

wanted to create a kind of forum for

reconsider what it means to be Black.

that conversation.

The thing that I frequently say is that,

self outside of someone’s perception. Afrikadaa – So could you tell us

more about the Rebranded Series ?

the craziest thing about Blackness Afrikadaa –The Quai Branly re-

is that Black people did not come up

H.W.T – Rebranded Series, thanks

with it; it is the Europeans with their

for asking about it. So when I did that

commercial interest in dehumanizing

project of Unbranded : Reflections

us who created Blackness in Black

of Black by Corporate America 1968-

people. We have then tried to make it

2008, where I took two ads from 1968

beautiful, to make it our own but just

and 2008 and took out all the ad-

by the nature of not being self defi-

vertising information, I was trying to

ned, it is problematic. Now those of

look at Blackness in the corporate eye.

us, especially in the Diaspora,trying

While I was doing that project, I star-

like we are in one right now, especial-

to find a sense of connection, a sense

ted seeing a couple of ads that featu-

ly from a global perspective. We see

of home, are figuring out how to real-

red not Black people but other people,

more and more Black voices outside of

ly make Blackness in our image but I

be they Native Americans or Asians or

the US having an international appeal

think that is going to take more than

Pacific Islanders and seeing that a lot

and interest and I think there is this

one, two or even ten generations.

of the caricatures that you would so

cently organized a conference held

by Nana Adusei-Poku on Post-Black Art. Do you think it is a form of

Black Renaissance, what does Black Renaissance evolve and mean to you ?

H.W.T – Black Renaissance, I feel

idea of Black futurism, Afro futurism. I think that the future generations

frequently see towards African AmeAfrikadaa – As you said Blac-

kness was not created by them and

there’s this common expression saying « This is the new

Black », tell us what

ricans, you would still see them with other « brown » people and you do not see much protest of Black people about those images. So I wanted to look at that contrast, those stereotypical coon images of the 30’s-40’s and kind of compare them with contem-

is your new Black ?

porary images of other « brown »

H.W.T – My new

people that are basically the same

Black is non Black. I’ve

and look at the juxtaposition to call

never seen a White

attention to that.

person and even those simple terms do not mean anything. You hear people call Asian people as yellow but they’re actually more white than White people. I would therefore say that my new

Afrikadaa – You come from a fa-

mily of artists where African American culture has been positively promoted. How do most African American perceive their culture and

image? Are they proud of it, has

there been a drastic change since 2008 ?

Black is non Black because I want to see my-

40

H.W.T – I do not really know, that


is why I am curious about the pe-

tion of a mythical Africa that makes

piece of mine is a painting but I am

riod when the US became desegre-

us all kings and queens which is near-

not a painter. My two other favorite

gated. The kind of notion of a whole

ly in straight contrast to the street

pieces are video projects. But really it

Black community where you had doc-

life. So I wonder what you call Black

is about the collaboration, about get-

tors, lawyers, pimps, drug dealers li-

culture today in the US because so

ting people in a room to use their ta-

ving in a same neighborhood did not

much is influenced by European com-

lents over a specific idea.

really happen or exist anymore so you

mercial interest.

would have a lot of people who would actually be on the struggling side of how to deal with living in a very

Afrikadaa – What is your privile-

ged medium ?

condensed area in the US and that became the definition of what it is to

Afrikadaa – What are your favo-

rite pieces as you were evoking ? H.W.T – My favorite piece is cal-

H.W.T – I studied photography be-

led I am a Man, it is a series of pain-

be Black. Then, I think with Martin Lu-

cause at some point I realized the pic-

tings inspired by a photograph of

ther King’s birthday becoming a com-

tures I took did not necessarily matter

Ernest Withers where I kind of re-

mercial holiday and the commercia-

more than pictures other people were

think the texts of the famous poster

lization around that and also Kwan-

taking. I also do video projects, but my

signs« I am a Man » ; where I kind of

zaa and Black History Month, I think

main medium is collaboration. I was

go through a whole range of things

the understanding of our culture has

told by a professor that form is no-

trying to define I am a Man and being

become very much mediated through

thing more than extension of content,

for me the period I think that maybe

being stereotypes of ideas of what

so basically the form you choose

rather than trying to define ourselves

happens within the inner city and the

should actually be specific to how

on anyone else’s value system, maybe

celebration of that and then a very

you want to express that content. It

that the greatest gift anyone could be

kind of nostalgic, almost naive percep-

can be a painting, I guess a favorite

given is their consciousness. I enjoyed

41


creating Question Bridge project and

me the great experience is not so

rie Anne de Villepoix and I was trying

another video project, Along the Way-

much of seeing people respond to my

to figure out what should I make art

both involve engaging total strangers

work as much as going to those three

about. I came here in a way to learn

and asking them to interact with me

countries Angola, Senegal and Gha-

more about culture, about politics,

or my collaborators.

na within a three month period. How

the Black experience about adverti-

incredibly different people are, not

sing and really wanted to see what

in how they look but in how they re-

connections, similarities there were

late to each other. How they relate in

to representations of people of colour

their value system based on their his-

here versus in the US because I think

tory. What I try to do with my work

France and England are the only two

culturally is probably my grandmo-

is make work that is relevant in a va-

countries where we see a broad spec-

ther but as an artist it is my mother

riety of situations but I think there

trum of Black people as to their edu-

Deborah Willis because she is a cu-

are far too many Americans who go

cation, where they live, how they live.

rator, an art historian and an artist. I

to places with their own agenda and

Since race does not really exist here I

grew up watching her really deal with

expect everyone to know what we

wanted to see what was this Utopia.

images of representation and Black

are talking about. I think it is like this

bodies and recognized how one could

idea of the privileged sufferer, we are

basically retell history by using ac-

like the Prodigal Sons of Black suffe-

tual images and documents that have

ring and then you go to places like An-

been buried or unseen. This photo-

gola and you go “uh-oh”, and see it is

grapher named called Larry Sultan,

a different level of suffering and also

and my own contemporaries would

a different level of dignity. When you

be Kehinde Wiley or Theaster Gates

go to South Africa, you see a dignity

or Rashid Johnson but also some of

and suffering in tension kind of still

my mother’s generation. I mean, I also

very much in conflict. I think the hard

have been influenced by MTV and

thing about being an artist who tries

BET and the magazines. Just walking

to do things that are political some-

through the planet is my biggest ins-

times, you do not really get to know

piration.

how people respond to your work be-

Afrikadaa – Which artists,

culture influence you ?

H.W.T – My greatest influence

cause you are not there for 97% of the Afrikadaa – Talking about wal-

king around the planet, you did two exhibitions in South Africa and Se-

negal. Which other countries would like to go in Africa and how did the

local public perceive your artwork ? H.W.T -Well, actually I was able to exhibit in 2010 in South Africa and

time. It is mostly people who are there at the openings and you can tell they like it just because they see it Black or something that is Black not seen in many art spaces. Afrikadaa – You’re actually on

residence, what are you working on ?

Angola but also in Senegal and Ghana. Those are the four countries in Africa that I have been able visit. For

42

For more information : http://questionbridge.com/ www.hankwillisthomas.com

H.W.T- When I came here I wanted to have another show at la Gale-

http://www.jackshainman.com/


43


ARCHITECTURE

L’AVENIR DE L’ARCHITECTURE EN AFRIQUE EST- IL CHINOIS? Par Carole Diop

44

Siège de l’union africaine ©ua


V

oilà une décennie que l’architecture chinoise marque

gie et d’économie, il est regrettable de constater que les matériaux

de son empreinte le continent africain. En effet les en-

utilisés par les constructeurs soient en grande partie importés de

treprises chinoises ont la main mise sur « les grands

Chine. Il existe pourtant en Afrique une quantité de produits su-

travaux » et la construction de nombreux bâtiments publics tels

rexploités dans le cadre d’une exportation de masse, dont l’usage

:Un Palais du peuple à Djibouti et aux Comores, un bâtiment du

dans les pays où ils sont produits est quasi inexistant, tel-que les

Ministère des Affaires Etrangères à Djibouti encore et en Ougan-

bois précieux, mais également des matériaux non exploités, tels

da, l’Hôtel Sheraton à Alger (Algérie), le Palais de la culture à Abi-

que les pierres, qui constituent une reserve de matière première

djan (Côte d’Ivoire), l’Assemblée Nationale et palais du Sénat à Li-

importante.

breville (Gabon), des logements en Centrafrique, en Algérie et en Guinée Bissau, le futur complexe olympique d’Oran (Algérie), ...

Chaque jour de nouvelles réalisations fleurissent sur le continent. Il serait peut être temps, que les états africains se dotent de

Le 28 janvier dernier, un nouvel édifice est venu s’ajouter à

véritables politiques urbaines et architecturales et offrent aux ar-

cette longue liste et pas des moindres, le nouveau quartier gé-

chitectes et autres acteurs africains de la construction la possibili-

néral de l’Union Africaine. Construit en moins de deux ans et

té d’accéder plus facilement à la commande publique, pour qu’ain-

demi par la firme chinoise China State Construction Engineering

si l’Afrique de demain soit construite par des africains et non par

Corporation(CSCEC) le nouveau complexe, désigné comme un ca-

une puissance étrangère

deau de la Chine à l’Afrique », a couté au total 200 millions de dollars (154 M EUR). Un bâtiment résolument moderne qui répond parfaitement aux attentes des usagers. Seul bémol, l’empreinte de Pékin est partout présente dans la tour de 20 étages, depuis la pierre traditionnelle chinoise qui décore un jardin d’apparat, jusqu’au mobilier. Si la collaboration Sino-Africaine dans le domaine de la construction est plutôt positive. Les entreprises chinoises apportent leur expertise, leurs infrastructures, leurs matériaux, leur main d’oeuvre, leur matériel,etc. … Elles construisent dans des délais défiants toute concurrence et vont parfois jusqu’à assurer la formation des ouvriers locaux. Faire appel à la Chine ne présente pas que des avantages. Les constructeurs chinois produisent des édifices dont la conception et les matériaux répondent aux standard internationaux mais qui sont pour la plupart inadaptés aux climats, aux contraintes, aux réalités africaines. Cela doit nous conduire à nous intérroger sur le fait que les architectes africains ne soient pas plus sollicités. Par ailleurs à l’heure du développement durable , d’écolo-

45

Nouveau complexe olympique d’oran

.


CARNET DE BORD

SEYNI AWA CAMARA

DES SCULPTURES POUR TRANSCENDER LES FRONTIERES.” Par Farah Clémentine Dramani-Issifou

Née aux environs de 1939, Seyni Awa Camara est une artiste sénégalaise de renommée mondiale. Ses oeuvres on fait le tour du monde et ont été exposées dans de nombreux musées internationaux, présentées au Centre Pompidou en 1989, à la Biennale de Venise en 2001. L’artiste est originaire de Casamance (sud du Sénégal) où elle vit et travaille encore aujourd’hui. Elle trouve son inspiration dans son quotidien, depuis qu’elle a été initiée à la poterie Seyni ne cesse de modeler des milliers de personnages, hommes, femmes, animaux en tout genre, laissant libre cours à son imagination, mettant en volumes une cosmogonie qui lui est propre.. Chez elle, la poterie est une histoire de famille et se transmet de générations en générations. La richesse de son imaginaire nous captive et ses sculptures oniriques transcendent les frontières. “Seyni travaille la terre, pour en faire des sculptures polymorphes, protéiformes qui dégagent des choses uniques.”

46


En Mars dernier, les oeuvres de la Sculptrice Seyni Awa Camara étaient exposées dans le cadre d’une exposition collective à la Galerie Corsia dans le 3ème arrondissement de Paris. Un espace créé il y a 3 ans par Claire Corcia, tombée amoureuse de cette ancienne usine où l’on fabriquait aprèsguerre des bonnets en laine. La galerie expose de l’art expressionniste figuratif contemporain. A cette occasion nous avons interrrogé l’agent de l’artiste, Erwan Le Diberder, afin d’en apprendre plus sur l’artiste casamançaise.

47


ERWAN PARLE NOUS DE TA PREMIERE RENCONTRE AVEC SEYNI AWA

TRAVAILLER ? COMMENT SA CARRIERE A

D’UN IMAGINAIRE MYSTIQUE DANS LE-

T-ELLE DEBUTE ?

QUEL ON TROUVE DES ORIXAS, DES STA-

CAMARA?

TUES DE FEMMES ENCEINTES… D’OU Seyni vient d’une lignée de potières.

J’ai commencé ma vie professionnelle artistique au contact de Seyni. L’exposition organisée par l’anthropologue Mi-

Ce métier se transmet de mère en fille

LUI VIENNENT SES SOURCES D’INSPIRATION ?

depuis des milliers d’années. Elle a donc commencé à subtiliser de

Dans les sculptures de Seyni, on re-

chèle Odeyé-Finzi sur Seyni en 2003 m’a

la terre à sa mère dès l’âge de 6 ans. Sa

trouve effectivement des orixas, des gé-

profondément bouleversé et à tout dé-

carrière a débuté comme cela. Les pre-

nies à plusieurs têtes, des animaux…. Elle

clenché. j’avais vécu ce que certains ap-

miers animaux qu’elle a réalisés ont créé

possède un monde qui lui est propre,

pellent un “choc artistique”. Son travail

une sorte de cataclysme localement. En

un monde aux esprits dans lequel elle

m’a révélé.

effet, à côté des poteries utilitaires de sa

se plonge. De temps en temps, elle dis-

J’ai laissé de côté tout ce que j’avais

mère étaient exposées ses sculptures. Le

parait pour rejoindre ce monde qui lui

entrepris pour aller la rencontrer Seyni

gouverneur de l’époque a été séduit par

est propre, qu’elle maîtrise et qui est sa

Awa Camara chez elle enCasamance, une

le travail remarquable de cette petite fille

source d’inspiration.

région du Sénégal enclavée au Sud de la

et a acheté toutes ses poteries. D’où pou-

Gambie.

vait bien lui provenir ce don ? Elle a pour

lement très présent dans nombre de

coutume de dire que c’est un don de Dieu.

ses oeuvres. Cela vient du fait qu’elle a

Arrivé en Casamance, ce que j’avais pressenti à Paris s’est révélé une fois sur place. A partir de ce moment-là, je n’ai ja-

Aujourd’hui, elle a plus de 70 ans et ça continue.

mais cessé d’aller la voir régulièrement là-bas et revenir en France avec des sculptures afin d’y exposer son travail.

Le thème de la maternité est éga-

connu plusieurs fausses couches dans sa vie de femme. Elle n’a donc pas eu beaucoup d’enfants. C’est un besoin pour elle

PEUX-TU NOUS EXPLIQUER QUELLE

de le formaliser de cette façon-là. Ce

EST LA TECHNIQUE DE TRAVAIL DE SEYNI

thème renvoie aussi aux périodes diffi-

AWA CAMARA ?

ciles (guerres…) qu’a connues la Casa-

A QUEL AGE A T-ELLE COMMENCE A

mance au cours desquelles des enfants Seyni travaille la terre, pour en faire

se retrouvaient orphelins. Certaines per-

des sculptures polymorphes, protéi-

sonnes avaient une âme suffisamment

formes qui dégagent des choses uniques.

grande pour les adopter. Voilà pourquoi

Sa technique se caractérise par les

on peut voir plusieurs statues de femmes

techniques traditionnelles de la poterie

portant des enfants dans ses sculptures.

casamançaise. C’est une poterie à la cha-

Son travail se situe aussi beaucoup

motte cuite de façon traditionnelle : c’est

dans le présent : elle revisite ainsi la vie

à dire à l’air libre et non pas dans un four.

sénégalaise. Par exemple, elle s’inspire

Il y a une superposition des couches

des cars rapides pour créer des sculp-

de bois et de sculptures jusqu’à ce que la

tures. Elle formalise les personnages, les

dernière braise du foyer s’éteigne. La tem-

éléments de la vie quotidienne, avec tou-

pérature de cuisson est de l’ordre de 800

jours avec une pointe d’humour et de

degrés.

rondeurs dans les formes.

Cette technique est aussi ce qui fait la fragilité et le charme de ses sculptures.

BIEN QUE SON TRAVAIL SE BASE SUR DES TECHNIQUES TRADITIONNELLES ET

LE TRAVAIL DE SEYNI EST EMPRUNT

48

QU’ON Y RETROUVE UNE FORTE INS-


PIRATION ANIMISTE, IL PARAIT POUR-

tar de certaines personnes qui ont la ca-

style lui est propre. Je serai tenté de la

TANT REELLEMENT MODERNE A BIEN

pacité de voyager ou d’initier des choses

comparer à Ousmane Sow (sculpteur sé-

DES EGARDS . COMMENT EXPLIQUES-TU

la nuit …

négalais, ndlr) bien que leurs techniques

CELA ? A QUEL(S AUTRE(S) ARTISTE(S)

Une fois le jour venu, elle sculpte ce

et thèmes de travail diffèrent. Seyni est

CONTEMPORAINS PEUT-ON LA COMPA-

qu’elle a expérimenté la nuit. Son tra-

unique ; raison pour laquelle il n’est pas

RER ?

vail est d’inspiration animiste, il relève de

aisé de trouver des associations.

cette tradition. Le travail de Seyni est à la croisée des

La modernité du travail de Seyni se si-

C’est certainement aux travaux de Louise Bourgeois (sculptrice et plasti-

traditions artistiques africaines. Effecti-

tue essentiellement dans le fait qu’elle

cienne française, ndlr) auxquels je com-

vement, ses sculptures ont la puissance

travaille dans le temps présent, l’environ-

parerais plus volontiers le travail de Sey-

des pièces anciennes puisqu’elles sont

nement actuel inspire ses sculptures.

ni. Lors de l’exposition “Les Magiciens de

empruntes de mysticisme. Seyni matérialise ce qu’elle voit dans ses rêves à l’ins-

49

Il est difficile de comparer son travail avec celui de ses contemporains tant son

la Terre” qui a eu lieu en 1989 au Centre Pompidou Louise Bourgeois découvre


Finalement c’est cela même son secret, c’est que son travail possède quelque chose de transcendantal. OU POURRAI T-ON RENCONTRER SEYNI DANS LES MOIS A VENIR ? Si vous souhaitez rencontrer Seyni, il faut aller en Casamance. Elle est venue une seule fois en Europe, à Bruxelles. Son séjour s’est très mal passé ; elle n’a donc jamais remis les pieds sur le continent depuis. En 2008, on a voulu la faire venir à nouveau mais elle a affirmé ne plus retrouver son passeport... Il va falloir patienter encore quelques mois pour (re)découvrir son travail à Paris. En attendant, ses oeuvres sont exposées du côté de Biarritz dans le Sud Ouest de la France jusqu’à mi-juin .

pour la première fois le travail de Seyni. Suite à cela, elle décide de partir à sa rencontre en Casamance... C’est dans la profusion de formes que

Au-delà de l’aspect formel de la beauté de ses sculptures, il y a quelque chose d’impalpable dans son travail, quelque

nous retrouvons des analogies entre les

chose que j’ai du mal à définir. J’ai mis

deux artistes.

du temps avant de savoir exactement ce qui faisait la différence entre son travail

QUELS SONT LES ELEMENTS DE L’

et celui d’autres sculpteurs, comprendre

OEUVRE DE SEYNI QUI T’ONT PARTICU-

quels étaient les ressorts de ce qui me

LIEREMENT SEDUIT ?

plaisait tant dans ses oeuvres.

50


51


EXHIBITION REVIEW

AFRICA AFRICA 30

artistes africains EXPOSent en corrEze

Depuis le 19 mars dernier, le Centre d’Art contemporain de Meymac, accueille 30 artistes contemporains africains parmi les plus talentueux, dans le cadre de l’exposition « Africa/Africa » présentée à l’occasion du festival «Les Printemps de Haute Corrèze», dédié cette année à L’Afrique, du Cap à Gao. Des œuvres présentées dans un cadre exceptionnel.

52

Par Carole Diop Photos : Alexis Peskine


53


C’est dans les 900 m2 d’espaces

« Notre volonté

d’exposition répartis sur quatre

avec cette exposi-

étages du Centre d’Art contemporain

tion est de mettre

de Meymac, installé dans l’aile Sud, et

la lumière sur une

la tour de l’abbaye Saint André (une

scène artistique

ancienne abbaye bénédictine datant

émergente qui a

du XIe siècle située en plein cœur du

des individuali-

centre historique de Meymac) que le

tés mais qui n’est

public peut découvrir les 90 œuvres

pas encore per-

présentées (sculptures, peintures, vi-

çu comme un es-

déos, photos, meubles, etc.), subli-

pace de création

mées par ce cadre monacal.

contemporain à

Cet espace de promotion et de dif-

part entière »Jean-Paul Blanchet, co-

avec les scènes de vie capturées par

organisateur de l’exposition

l’incontournable photographe ma-

fusion de la création contemporaine est né il y a 33 ans de la rencontre de

lien. Ces clichés en noir et blanc nous La visite de l’exposition débute par

renvoient à une histoire et à un passé

deux passionnés d’art contemporain,

une pièce où le public est accueil-

Caroline Bissière et Jean-Paul Blan-

li par l’impressionnante sculpture en

chet, convaincus que la culture de-

bronze de Ousmane Sow « La dan-

vait accompagner le quotidien même

seuse aux cheveux courts ». Sont

découvre entre autres, une pièce où

dans un contexte rural. Tout ceci avec

également réunies dans cette pièce

les œuvres de Meschac Gaba sont

le soutien d’une municipalité souhai-

deux figures majeures de la photo-

confrontées aux photos de J.D’Okai

tant développer son potentiel culturel

graphie africaine contemporaine, Ma-

Ojeikere. 40 ans séparent les travaux

et la disponibilité d’un espace patri-

lick Sidibé et Samuel Fosso, deux ar-

des artistes qui abordent tous les

monial exceptionnel et modulable.

tistes que 25 ans séparent. 7 des 13

deux la question capillaire.

communs. Elle se poursuit aux étages où l’on

« African Spirit » de Fosso dialoguent Le parcours se conclut dans un espace où le « Tryptich » de Michèle Magema interagi avec la suite de la série « African Spirit ». Parmi la trentaine d’artistes présentés : Malala Andrialavidrazana, Owusu-Ankomah, Bili Bidjocka, Candice Breitz, Demba Camara, Bakary Diallo, César Dogbo, Efiaimbelo, Samuel Fosso, Meschac Gaba, John Goba, Romuald Hazoumè, Kiripi Katembo, Seydou Keïta, Goncalo Mabunda, Michèle Magema, Bouna Medoune Seye, Vitshois Mwilambwe Bondo, Lanson Daku N’Krumah, J.

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D’Okhai Ojeikere, Rodney Place, Chéri Samba, Malick Sibidé, Jean Servais Somian, Ousmane Sow, Guy Tillim, Cyprien Tokoudagba et Duncan Wylie. Certains exposent actuellement à Paris: l’occasion pour ceux qui n’ont pas eu la possibilité de se rendre à Meymac entre le 13 mars et le 17 juin de découvrir leurs travaux. Meschac Gaba et Guy Tillim par exemple font partie des artistes sélectionnés dans le cadre de la « Triennale » qui se tient jusqu’au 26 aout au « Palais de Tokyo » .

Exposition Africa/Africa Lieu : Meymac Contact : Abbaye Saint-André, Centre d’art contemporain à Meymac -contact@cacmeymac.fr place du bûcher - BP26 Tél : 05 55 95 23 30 En savoir plus : http://www.centre-art-contemporain-meymac.com

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EXHIBITION REVIEW

Abdoulaye Konaté Sculpteur textile Nous prEsente TenturesTeintures

Par Gladys Okatakyie

Photos Jean-Michel Quionquion

Plasticien et actuel Directeur général du Conservatoire des Arts et métiers Multimédia Balla Fasseké Kouyaté de Bamako. Abdoulaye Konaté tend vers une approche plastique autonome et revendicatrice s’inspirant de l’actualité et du monde qui l’entoure. Cet artiste engagé aborde des thèmes tel que le racisme, la corruption politique et les conflits ethnico-religieux L’artiste n’hésite pas à s’emparer de thèmes forts comme l’immigration clandestine avec Génération Biométrique. On lui connait également des œuvres comme Bosnie, Rwanda, Angola qui traitent de génocides.

La « Maison Revue Noire », qui

à la « Maison Revue Noire » le 6 mars der-

lisation du tissu et de l’imprimé africain

suit l’artiste depuis 1994 décide de lui

nier. L’effervescence autour de l’artiste et

qui représente la tradition africaine et en

rendre hommage en organisant sa pre-

de ses œuvres était palpable.

même temps, c’est très moderne ».

mière exposition personnelle à Paris. L’artiste nous dévoile à travers ses « sculp-

Les retours faits par les visiteurs ont

On entre par la librairie, s’en suit des

tures textiles » sa lecture du monde et de

été plutôt positifs. Le côté universel et mo-

vestibules et une succession de pièces :

ses évènements.

derne de l’artiste revint souvent : « Avec

chaque espace est exploité, les œuvres

son environnement et sa culture, il arrive

sont partout et règnent en maître dans la

Bleu, violet, noir…noir, blanc, rouge ou

à créer des œuvres qui peuvent être uni-

galerie.

l’univers teinté de couleurs d’Abdoulaye

versels et qui peuvent parler à tous », dit

Konaté.

une visiteuse interrogée. Une autre don-

D’œuvres en œuvres, on se balade

Le public, hétéroclite, était au rendez-

na son avis sur Génération Biométrique :

dans des couleurs qui s’entremêlent, se

vous pour le vernissage de Tentures-Tein-

« Ces corps s’en vont mais nous ne savons

dégradent et se superposent. On y trouve

tures en présence de l’artiste qui a eu lieu

pas où. Ce qui est formidable, c’est l’uti-

entre autres différentes grandes tentures

56


composées de lamelles régulières de ba-

té ont une composition similaire, des sil-

lique très forte en Afrique car liées à la vie,

zin teint. On assiste à un véritable jeu de

houettes incomplètes, mais ils ont cha-

à la mort et parfois même à la renaissance.

couleurs.

cun un tissu ou une couleur unique qui

Ces couleurs, on les retrouve beaucoup

leur est attribué: c’est ainsi que l’artiste

lors de cérémonies importantes comme

plasticien nous montre leur singularité

les baptêmes ou encore des funérailles

dans une triste aventure qui leur est com-

mais le sens attribué à chacune d’entre

Génération Biométrique est l’une des

mune. Leurs destins sont liés malgré des

elles varie du tout au tout selon les diffé-

deux œuvres les plus imposantes de l’ex-

trajectoires différentes. Quand on prend le

rentes ethnies.

position avec Gris Gris Blancs. Elle a ce pe-

temps d’apprivoiser cette œuvre, elle nous

Autres œuvres suivant cette logique

tit quelque chose qui vous retient et qui

révèle sa force et l’on ressort troublé de

de couleurs dans cette exposition : Croix

vous embarque dans un monde dont la

cette rencontre.

de Sang et Croix de Lumière, deux œuvres

« Vague à l’âme »

dure réalité vous percute et provoque un sentiment de vague à l’âme. On voit des

qui semblent être indissociables l’une de Bleu, violet, noir…

silhouettes qui, tel un banc de poissons,

l’autre. Croix de Sang est l’œuvre représentant le conflit, le sang rouge écoulé

se fracassent sur un mur qui serait re-

Comme son nom l’indique, Symphonie

sur une croix symbole de vie et de l’hu-

présenté par la Statue de la Liberté, sym-

bleue série 4 nous transporte dans un uni-

manité et son pendant, Croix de Lumière,

bole du monde occidental et de l’eldora-

vers dominé par un bleu très intense qui

peut se voir comme une référence chris-

do qu’il constitue. Konaté prend position

tend vers un blanc, qui rejaillit au milieu

tique qui symboliserait l’espoir que nourrit

ici par rapport à l’immigration clandestine

de l’œuvre sous la forme d’une bande. Le

l’artiste d’une possible renaissance et de

et les drames que cela engendre. L’image

final est harmonieux.

paix sur les territoires en proie au conflit.

du banc de poissons nous rappelle l’his-

Le côté abstrait de Les Offrandes de

Symbolique et message d’autant plus

toire de ces hommes qui décident de pas-

Couleurs nous saisit et nous permet de

forts lorsqu’on voit ce qui se passe dans

ser par la mer pour atteindre l’Europe et

retenir l’essentiel de cette œuvre, à savoir

le monde actuel et plus particulièrement

qui parfois y perdent la vie. Le sentiment

les couleurs.

au Mali, pays dans lequel l’artiste est né

d’abandon des proches restés au pays ne

noir, blanc, rouge.... ce mariage de cou-

et vit encore. Triste constat mais comme

cesse de tourmenter les survivants. Les

leurs offre une perspective et une signifi-

Croix de Lumière nous le rappelle si bien,

corps représentés dans l’œuvre de Kona-

cation particulière. Elles ont une symbo-

il ne faut pas perdre espoir Abdoulaye Konaté, transmetteur de savoir. A sa manière, l’artiste œuvre à la formation de la nouvelle génération dans son Conservatoire des Arts et

Métiers

Multimédias dont il parle si bien comme

57


58


on a pu le constater lors de l’entretien qu’il nous a accordé:

Ca peut aller entre 1 mois et 2 mois. Sur de plus grandes œuvres,

Quelle est la fonction du Conservatoire que vous dirigez ?

cela peut aller jusqu’à 6 mois. Pendant la CAN au Mali, j’ai fait une pièce

Le Conservatoire est une école pu-

de 6000m² qui couvrait

blique. Pour pouvoir y rentrer, les étu-

tout le stade. Mes œuvres

diants passent un concours après le Bac.

sont d’abord cousu main

Seuls les 10 premiers sont sélectionnés.

et passé dans une ma-

Après cela, 5 ans d’études. Nous regrou-

chine ensuite. Elles sont

pons sur le même site la musique, la dance,

réalisées à même le sol.

le théâtre, les arts plastiques, le multimédia et l’ingénierie culturelle.

Où avez-vous exposé en dehors de la France?

Nous sommes en partenariat avec plusieurs écoles, dont 15 écoles françaises, 3

En Allemagne, et à

centres d’ONG et de centres de formation

Londres, ou encore pro-

espagnols, le Conservatoire du Danemark.

chainement à l’occasion

Nous avons également un accord avec

des jeux Olympiques qui

Cuba, ce qui nous permet d’avoir plusieurs

se tiendront en Juin 2012,

professeurs cubains. On essaie vraiment

deux de mes œuvres se-

de créer un réseau entre les écoles afri-

ront exposées : Une sur

caines et européennes donc on y trouve

le football et l’autre, Bos-

aussi les Beaux-arts d’Abidjan et de Dakar.

nie-Angola-Rwanda, sera

Le Burkina participe au projet mais n’a pas

exposée dans une univer-

d’école pour le moment.

sité londonienne.

Quels sont les conditions à remplir pour accéder au Conservatoire?

Au final, l’exposition Tentures-Teintures de la Revue Noire remplit

L’école est ouverte à tous. Nos étu-

sa mission et nous pré-

diants peuvent venir de partout. La seule

sente un panel assez in-

condition posée est liée à la réussite au

téressant des œuvres

concours. Pour le moment, la plupart de

textiles d’Abdoulaye Ko-

nos étudiants sont maliens mais nous

naté. L’artiste tient à gra-

avons un étudiant gabonais et un étu-

ver dans nos mémoires

diant camerounais.

des choses de la vie et des événements qu’il ne

Combien de temps mettez-vous pour concevoir une tenture?

faut pas oublier. Il aborde des sujets graves mais il sait aussi faire preuve de

59

ABDOULAYE KONATÉ L’ENFANT DE DIRÉ (MALI) A SUIVI UNE FORMATION À L’INSTITUT NATIONAL DES ARTS DE BAMAKO (MALI) ET A PU ÉTUDIER À L’INSTITUT SUPÉRIEUR DES ARTS DE LA HAVANE (CUBA). IL DÉBUTE SA VIE ACTIVE EN TANT QUE GRAPHISTE AU MUSÉE NATIONAL DU MALI. L’ARTISTE S’ESSAYE À LA PEINTURE À L’HUILE ET À L’ACRYLIQUE MAIS FAIT LE CHOIX DU TISSU DURANT LES ANNÉES 90, MATIÈRE À LAQUELLE IL EST RESTÉ FIDÈLE. SON TRAVAIL EST RECONNU À L’INTERNATIONAL ET A ÉTÉ NOTAMMENT RÉCOMPENSÉ PAR LE GRAND PRIX LÉOPOLD SÉDAR SENGHOR LORS DU DAK’ART 1996, BIENNALE D’ART CONTEMPORAIN AU SÉNÉGAL. SES ŒUVRES SONT EXPOSÉES À TRAVERS LE MONDE ET DANS LE CADRE D’AFRICA REMIX NOTAMMENT, GRANDE EXPOSITION ITINÉRANTE EN L’HONNEUR DE L’ART CONTEMPORAIN AFRICAIN AYANT FAIT UN PASSAGE AU CENTRE POMPIDOU EN 2005.


légèreté avec des œuvres tels que Composition 6 ou encore Plumage de Pintade

.

qui laisse le champ libre à une certaine rêverie

60


Mes œuvres sont d’abord cousu main et passé dans une machine ensuite. Elles sont réalisées à même le sol.

61


EXHIBITION REVIEW

DAK’ART 2012 LE OFF L’EMPORTE SUR LE IN Par Carole Diop

C

'est le 11 mai dernier que s'ouvrait la 10ème Biennale de l'art afri-

cain contemporain, une édition qui devait marquer un tournant pour cet événement phare qui depuis 20 ans met en avant la richesse de la création plastique du continent, mais qui n'a malheureusement pas tenu toutes ses promesses. L'exposition internationale ai musée Théodore Monod (IFAN) et l'exposition consacrée aux artistes invités (God-

Photos : Pascale Obolo, Yves Chatap et Chab Touré

dy Leye, Peter Clarke et Berni Searle) à la

probables de jeunes artistes talentueux

Galerie Nationale ont déçu. Ce n'est pas

et prometteurs mais aussi des artistes

la programmation ou la sélection, ou la

confirmés.

qualités du travail des artistes qui sont

C'est le cas des studios More Hu-

en cause mais l'organisation et la logis-

man qui ont pris leurs quartiers dans les

tique qui ont fait défaut.

grands ateliers désafectés de l'ancienne

Heureusement, cette biennale ne se limite pas au In et le Off, dont on célé-

Fesman en 2010), ont créé l'évènement

brait les 10 ans s'est une fois de plus illus-

en exposant 5 des plus grands artistes

tré, de par sa pertinence et son audace,

contemporains sénégalais : Ndary Lo, Sol-

nous faisant découvrir dans des lieux im-

ly Cissé, Cheikhou Ba, Camara Gueye et et

Ci-dessus la série de masque proposée par Dimitri Fagbohoun

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biscuiterie Medina (qui accueillaient le


Marc Montaret. Le centre Raw Material

Nitegeka à la galerie Le Manège de l'Ins-

plasticien et François-Xavier Gbre, photo-

Company s'est également délocalisé pour

titut français était elle aussi incontour-

graphe. Ce dernier présentait « Tracks »,

l'occasion à la biscuiterie, pour présen-

nable. Véritable tour de force que cette

une série de photos dévoilant des bâti-

ter « Chronique d'une révolte ». Une ex-

enchevêtrement de madrier peint noir

ments en ruine, abandonnés, des lieux

position retraçant la saison de protesta-

(découpées sur place), formant un vé-

singuliers chargés d'histoires et de sou-

tion qui a agité la vie politique et sociale

ritable labyrinthe qui envahit ces an-

venirs. Comme une vielle piscine olym-

du Sénégal lors des dernières élections

ciennes écuries coloniales. Le visiteur est

pique à Bamako, vide, au carrelage en-

présidentielles, à travers les travaux de 20

invité à devenir acteur et explorateur de

tartré, ou la ruine bleuie d'un théâtre an-

photographes, pour la plupart sénégalais.

ce dédale de planches noires. De tours en

nées trente, récemment incendié à Tibé-

détours on arrive à un tunnel central qui

riade. Ces clichés intemporels capturent

offre des points du vus différents de l'en-

l'essence de ces lieux et racontent une

chevêtrement.

histoire.

Autre événement majeur, le grand Off de Saint-Louis : une cinquantaine d'expositions et plus de 100 artistes. A cette

On retiendra également l'exposition

occasion, l'artiste franco-gabonaise Na-

off qui s'est tenue dans la villa de la ga-

De plus, pour la première fois Afrika-

thalie Mba Bikoro a proposé une perfor-

leriste Aïssa Dione. Le public était invi-

daa a participé en tant qu'acteur à part

mance remarquée qui se voulait être le

té à découvrir 5 artistes parmi lesquels :

entière de cette biennale en proposant

procès de la méchanceté et du cynisme

Omar Viktor Diop, photographe (égale-

un Show Off à la galerie « Keur Dasha »:

humains.

ment exposé dans les jardins de l'institut

« Parallèles & Clichés », en collaboration

français au coté d'un autre photographe,

avec Yves Chatap, commissaire indépen-

Fabrice Monteiro), Sadikou Oukpedjo,

dant. Une exposition composée de deux

Structural-Response, l’installation proposée par l'artiste burundais Serge-Alain

L’Installation proposée par l’artiste burundais Serge-Alain Nitegeka à la galerie Le Manège de l’Institut français

63


Pour plus d’informations : http://www.biennaledakar.org/2012/ volets. Parallèles : réunissant la propo-

http://www.arts-works.com/

sition de Dimitri Fagbohoun « Is black a

http://studiomorehuman.com/

color ?» et l'œuvre de Pascale Obolo « Le

http://www.ndary-lo.com/

cadre dans le cadre », des œuvres qui

http://www.cheikhouba.com/

renvoient à notre mémoire et à la ques-

http://www.fx-photo.com/

tion de l'identité. Clichés : une fresque

http://www.omarviktor.com/

urbaine composée d’images de photo-

http://fabricemonteiro.viewbook.com/

graphes d’univers différents sélectionnés

http://www.ifdakar.org/Serge-Alain-NITEGEKA.html

par Yves Chatap qui s'est construite sur

http://issuu.com/afrikadaamagazine/docs/00_dp_paralleles_cliches

l'enceinte extérieure de la galerie. Une composition poétique qui s’est enrichie chaque jour par couches successives. A l'heure où la biennale s’achève, après un mois intense où la capitale sénégalaise a vécu au rythme des vernissages qui se suivaient mais ne se ressemblaient guère, le bilan de cette édition est plutôt mitigé. Beaucoup de chemin reste encore à faire pour que la biennale de Dakar, maintenant bien installée, prenne une autre dimension. Il est peut-être temps

.

que celle-ci se réinvente et devienne une biennale internationale

64 Windows: part 1, 2012, installation de Ndary Lo composée de bouchons de plastique et bidons d’eau minérale

«Clichés» la proposition de Yves Chatap in situ


«1994» © Laura Nsengiyumva

«Avis sur Visage» © Goddy Leye

65 Tracks series © François-Xavier Gbré

Deux écoliers découvrant l’oeuvre de Pascale Obolo

« Isi Aka » : une installation de l’artiste Chika Modum questionnant les effets de la colonisation et de la mondialisation sur la perception des coiffures afro.


AGENDA

RAW MATERIAL COMPANY @ NEW GALERIE New Galerie a invité la commissaire d’exposition Koyo Kouoh et le centre d’art qu’elle dirige, Raw Material Company à s’installer dans ses locaux à Paris. 29/05/12 - 13/07/12 NEW GALERIE 2 rue Borda 75003. Paris www.newgalerie.com

7TH BERLIN BIENNALE FOR CONTEMPORARY ART Debuté le 27 Avril dernier La 7e Biennale d’Art contemporain de Berlin se terminera le 7 Juillet 2012 27/04/11 - 3/05/12 BERLIN STADT

dOCUMENTA (13) La Documenta de Kassel - qui se tient cette année jusqu’au 16 septembre - est l’un des plus grands rendez-vous mondiaux de l’art contemporain. Cette 13e édition propose quelque 150 artistes de 55 pays, mais aussi une centaine d’autres participants issus de disciplines aussi variées que la littérature et le cinéma. 09/06/12 - 16/09/12 KASSEL - ALLEMAGNE http://d13.documenta.de/

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office@berlinbiennale.de presse@berlinbiennale.de Auguststraße 69 D-10117 Berlin Tel. 0049 (0)30 - 24 34 59 - 0

WANGECHI MUTU- BLACKTHRONES 15/05/12 - 07/07/12 Gladstone Gallery Bruxelles 12 Rue du Grand Cerf Brussels www.gladstonegallery.com www.gladstonegallery.com/release_ mutu_2012.htm


AFRIQUE ILLUSTRÉE : DU MYTHE AU QUOTIDIEN Le Musée africain présente du 2 juin au 29 juillet 2012 une exposition consacrée aux illustrations originales de quatre albums jeunesse. Ces albums pleins de couleurs et de vie sont l’œuvre de quatre auteurs-illustrateurs : Christian Epanya, Dialiba Konaté, Dominique Mwankumi et Véronique Vernette.

LA BIENNALE INTERNATIONALE DE CASABLANCA: 1ERE ÉDITION En s’implantant dans plusieurs lieux emblématiques de la ville, LA B.I.C (La Biennale Internationale de Casablanca) mettra en lumière la richesse du patrimoine de la capitale économique du Royaume et témoignera de l’intérêt que peut avoir l’implantation d’œuvres artistiques dans le tissu urbain. Du 15 au 30 juin 2012, LA B.I.C. fera ainsi vivre la ville au rythme de l’art, encourageant artistes, professionnels et amateurs d’art mais aussi simples curieux à découvrir ou redécouvrir les hauts lieux culturels de Casablanca. 15/06./12 - 30/06/12 CASSABLANCA MAROC www.biennalecasablanca.com www.Vlisco.com / www.mmkarnhem.nl

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Leur travail littéraire et leurs illustrations font de chaque album une œuvre originale. Trois des quatre histoires mettent en scène la vie quotidienne d’enfants en Afrique sur un mode à la fois réaliste et poétique. 02/06/12 - 29/07/12 MUSÉE AFRICAIN 150, cours Gambetta 69361 LYON cedex 07 www.musee-africain-lyon.org


RENDEZ-VOUS 12 Cape Town - Afrique du Sud Créée en 2002, Rendez‑vous est une plateforme internationale basée à Lyon et dediée à la jeune création. Sa double particularité est d’associer de façon inédite en France trois institutions — le Musée d’art contemporain de WE FACE FORWARD. ART/MUSIC

Lyon, l’Institut d’art contemporain,

FROM WEST AFRICA TODAY.

Villeurbanne/Rhône-Alpes et l’École nationale supérieure des beaux‑arts de

... Oubliez tout ce que vous savez sur

Lyon — et de constituer un commissariat

l’art africain.

ouvert à dix curateurs de Biennales/ Triennale internationales (Liverpool,

02/06/12 - 16/09/12

Nouvelle-Orléans, São Paulo, Sydney,

City Of Manchester - UK

Gwangju, Kochi Muziris, Yokohama,

http://www.wefaceforward.org

Istanbul, Moscou et Dakar). Rendez-vous, véritable tremplin pour la jeune création, donne lieu, une année, à une exposition associée à la Biennale de Lyon et l’année suivante, à une manifestation à l’étranger sous la forme

AEROSOUL URBAN HIEROGLYPHICS 3 Troisieme édition du Aerosoul Urban Hieroglyphics - un festival mettant en avant et célébrant ces acteurs oubliés de l’Art Aérosol. Cette année le festival se déplace a San Francisco 13 07 2012 762 Fulton Street San Francisco C.A. www.aerosoulart.com/

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d’expositions et de résidences, cette année rendez est pris à Cape Town du 11 juillet au 14 octobre. 11/07/12 - 14/10/12 www.mac-lyon.com/mac/sections/fr/ expositions/2012/hors_les_murs/rendezvous_12/


CARTHAGE CONTEMPORARY - CHKOUN AHNA Une exposition collective d’art contemporain intitulée «Chkoun Ahna» inscrite dans le cadre de la première édition du « Carthage Contemporary », se tiendra du 12 mai au 15 juin, le Musée National de Carthage. 28 artistes seront exposés dont 8 Tunisiens. Chkoun Ahna (Qui sommes-nous en dialecte tunisien) est la première exposition internationale d’art contemporain à se tenir au musée national de Carthage. Ce dernier, lieu archéologique par excellence, est idéal pour accueillir cette exposition qui reflète l’Histoire tunisienne au travers de

POURQUOI PAS BYLEX ? PUME 22/05/12 - 06/10/12 Revue Noire 8 rue Cels 75014 Paris. Tél. 33 [0]1 4320 2814.w www.revuenoire.com

divers médias artistiques. Timo Kaabi-Linke, critique d’art, écrivain et sociologue, et Khedija Hamdi, historienne de l’art, sont les deux commissaires de cette exposition d’art contemporain, qui prend place au sein d’un site archéologique, laissant transparaître l’actualité et ses origines, démontrant ainsi que la terre tunisienne a toujours été un carrefour où se sont croisées différentes cultures. 12/05/12 - 15/06/12 Musée National de Carthage Place de l’UNESCO, Colline de Byrsa, Carthage TUnisie Tél. : 71 73 0036 - Fax : 71 73 00 99

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ANNONCEZ VOTRE ACTUALITE GRATUITEMENT SUR AFRIKADAA Galeries, centres d’exposition d’art contemporain, artistes, annoncez votre actualité sur le magazine.notre mail est à votre disposition : info@afrikadaa.com Envoyez-nous vos communiqués et vos dossiers de presse. Il en va de même pour les éditeurs d’ouvrages consacrés aux arts moderne et contemporain.A vous de d’alimenter la rubrique qui vous est ouverte et faire part à tous de vos parutions. Toutes les annonces retenues sont publiées GRATUITEMENT.


Trimestriel : Juin 2012 RENSEIGNEMENTS: www.afrikadaa.com :: info@afrikadaa.com www.facebook.com/Afrikadaapage www.twitter.com/afrikadaa ©AFRIKADAA : Tous Droits de reproduction réservés.

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