ADC-ICTY Newsletter 31 French

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NO. 31 9 mai 2012

Directeur de département: Coordinatrice: Contributeurs: Traduction: Design:

Dominic Kennedy Jana Hofmann Matt Cicchetti, Diego Naranjo, Kirsten Schlewitz & Kushtrim Zymberi Pierre François Sabrina Sharma, SoulSun Designs

Les vues exprimées ci-après n’engagent que le(s) auteur(s) et ne reflètent pas nécessairement les vues du Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie ou celles de l’Association des Conseils de la Défense devant le TPIY (ACD-TPIY).

Affaires du TPIY

Procureur c. Stanišić et Simatović (IT-03-69)

Affaires en Chambre Préliminaire

• Stanišić & Simatović: La

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e 1er mai, après une pause d’un mois, la défense de Simatović s’est poursuivie avec le jugement des anciens chefs du service de la sûreté de l’Etat (DB), Jovica Stanišić et Franko Simatović.

Hadžić (IT-04-75) Mladić (IT-09-92)

Affaires en cours de jugement Haradinaj et al. (IT-04-84) Karadžić (IT-95-5/18-I) Prlić et al. (IT-04-74) Šešelj (IT-03-67) Stanišić & Simatović (IT-03-69) Stanišić and Župljanin (IT-08-91) Tolimir (IT-05-88/2)

Affaires en appel Đorđević (IT-05-87/1) Gotovina et al. (IT-06-90) Lukić & Lukić (IT-98-32/1)

NOUVELLES DU TPIY

Milan Milošević La Défense de Simatović appela le témoin expert Milan Milošević, professeur à l’académie de police de Belgrade et ancien employé de la DB. Il rédigea un rapport sur l’exercice des Affaires Internes et les systèmes de sécurité nationale de Serbie et de Yougoslavie. Selon la mise en accusation, Stanišić et Simatović, en tant que personnages clés de la DB, soutinrent différentes unités paramilitaires qui commirent des crimes contre des non-Serbes en Croatie et en BosnieHerzégovine. Le rapport de Milošević, qui est une analyse théorique de la législation, affirme que les dispositions des Affaires Internes de la République de Serbie promouvaient la coopération avec d’autres Républiques au sein de la Yougoslavie. Une fois que la défense de Simatović aura terminé son interrogatoire principal, la défense de Stanišić passera au contre-interrogatoire du témoin.

défense continue

• Mladić: La défense demande une prorogation

• Karadžić: l’Accusation touche à sa fin

• Les juges pour le mécanisme chargé des fonctions résiduelles prêtent serment

Dans ce numéro Nouveautés d’autres tribunaux internationaux…3 Pupitre de la Défense ...…..6 Retour dans le passé ..…....7 Nouveautés blog …..……..8 Publications et articles .…..8 Evènements à venir …...…9 Emplois …….……..……...9


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Procureur c. Karadžić (IT-95-5/18-I)

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e jugement dans l’affaire Procureur c. Karadžić s’est poursuivi avec les comparutions des témoins Butler, Djeric, KDZ 320 et Tabeau.

raisons principales de l’aggravation de la situation en Republika Srpska. . Karadžić répondit qu’il n’était pas contre un remaniement du gouvernement mais que ce n’était pas le bon moment et que des licenciements spectaculaires n’étaient pas appropriés.

La Cour a entendu le témoignage de Richard Butler, un ancien analyste militaire de l’Accusation. Butler déclara que Radovan Karadžić était tenu bien informé des opérations militaires entreprises par l’Armée de Republika Srpska (VRS) et spécifia que ce dernier était au courant de ce qui se passait dans l’enclave de Srebrenica. Lors du contre-interrogatoire, Karadžić affirma que Butler avait mal interprété la langue des directives et déclara que l’armée bosniaque devait être contrainte de partir mais que la population civile devait être évacuée pacifiquement.

On octroya des mesures de protection pour le témoin suivant, KDZ 320, qui témoigna par rapport un entretien avec le Colonel Ljubiša Beara, l’ancien chef de la sécurité de la VRS. Le témoin affirma que Beara l’avait informé sur les prisonniers de l’enclave de Srebrenica et qu’un ordre venant des « deux présidents » était arrivé, selon lequel les captifs devaient être tués. Cependant, lors du contre interrogatoire, le témoin révéla que l’entretien avec Beara avait été rapide et qu’il n’avait pas posé trop de questions. Il reconnut également que la référence aux « deux présidents » n’avait certainement été faite que pour impressionner.

L’Accusation appela ensuite Branko Djeric, un ancien Premier Ministre de Republika Srpska, qui avait précédemment témoigné dans le procès de Momćilo Krajišnik. Djeric déclara que Karadžić aurait eu une « responsabilité politique » totale des événements qui se produisirent dans des zones sous contrôle bosniaque serbe. Son témoignage fut axé sur son désir de démettre deux ministres de gouvernement de leurs fonctions (Momćilo Mandić et Mićo Stanišić) car il pense que ces derniers furent impliqués dans des activités criminelles. Selon Djeric, le refus de Karadžić de les renvoyer fut l’une des

Le Dr. Ewa Tabeau fut la suivante à témoigner en tant que témoin à charge. Son témoignage porta sur les mouvements de populations ainsi que sur les changements de composition démographique des municipalités mentionnées dans l’acte d’accusation contre Karadžić.

Branko Djeric

L’Accusation appellera ensuite ses deux derniers témoins avant de ne plus rien avoir à ajouter. A l’heure où l’on écrit, la défense est censée débuter le 16 octobre 2012.

Procureur c. Mladić (IT-09-92)

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ors de la conférence de mise en état du 24 avril, l’avocat de la défense pour Ratko Mladić, Branko Lukić, demanda à ce que le procès soit repoussé pour qu’ils puissent analyser toutes les preuves qui seront soumises par l’Accusation. La Défense affirma que dans d’autres affaires similaires, comme dans celle de Radovan Karadžić, une prorogation fut octroyée par la Chambre. En outre, la Défense demanda à ce que le procès commence 90 jours après que l’Accusation a divulgué toutes les preuves, afin qu’ils aient assez de temps pour pouvoir les réviser. Pendant ce temps, le début du procès de Mladić a été repoussé de deux jours et doit à présent commencer le 16 mai. Branko Lukić

Les juges pour le mécanisme chargé des fonctions résiduelles prêtent serment

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e 24 avril, les juges du TPIY élus comme juges pour le mécanisme international des fonctions résiduelles ont été investis devant le Greffier du mécanisme chargé des fonctions résiduelles, John Hocking. Ces juges comprennent Carmel Agius, Jean-Claude Antonetti, Christoph Flügge, Burton Hall, Liu Daqun, Bakone Justice Moloto, Prisca Matimba Nyambe, Alphons Orie et Patrick Robinson. Le juge Theodor Meron, quant à lui, a été investi président du mécanisme international chargé des fonctions résiduelles.


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NOUVELLES D’AUTRES TRIBUNAUX INTERNATIONAUX

Tribunal Spécial pour la Sierra Leone • Verdict prononcé contre Taylor

Tribunal Spécial pour la Sierra Leone Les vues exprimées ci-après n’engagent que le(s) auteur(s) et ne reflètent pas nécessairement les vues du Tribunal Spécial pour la Sierra Leone.

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e 26 avril 2012, Charles Ghankay Taylor a été condamné pour les 11 chefs d’inculpation de l’acte d’accusation contre lui, le tenant responsable des crimes commis par les forces rebelles lors de la guerre civile en Sierra Leone. Pendant la période de l’acte d’accusation (30 novembre 1996 au 18 janvier 2002), Charles Taylor était le chef du Front National Patriotique du Libéria (NPFL) et devint ensuite président du Libéria jusqu’à sa démission en 2003. Les 11 chefs d’inculpation comprennent cinq chefs d’inculpation pour crimes contre l’humanité : meurtre (chef 2), viol (chef 4), esclavage sexuel (chef 5), autres crimes inhumains (chef 8) et esclavage (chef 10). Les cinq autres chefs d’inculpation comprennent, en particulier : actes de terrorisme (chef 1), violence envers la vie, la santé et le bien-être physique ou mental de personnes, en particulier meurtre (chef 3), outrages à la dignité personnelle (chef 6), violence envers la vie, la santé et le bien-être physique ou mental de personnes, en particulier traitement cruel (chef 7) et pillage (chef 11). Le dernier chef d’accusation porte sur l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans dans des forces ou groupes armés, ou leur utilisation pour participer activement aux hostilités (chef 9), ce qui est une sérieuse violation du droit humanitaire international. L’acte d’accusation inculpait l’Accusé de responsabilité criminelle individuelle, selon trois modes de responsabilité. Tout d’abord, l’Accusation prétend que Charles Taylor était pénalement et individuellement responsable selon l’Article 6(3) du Statut et aurait exercé un contrôle et un commandement effectif sur les forces rebelles qui commirent les crimes mentionnés dans l’acte d’accusation. La Chambre de Première Instance du Tribunal Spécial pour la Sierra Leone trouva que même si l’Accusé avait eu une influence substantielle sur le leadership des forces rebelles, cette influence substantielle sur la conduite d’autres personnes manqua de peu le « commandement et contrôle effectif » nécessaire à une condamnation au-delà de tout doute raisonnable. Le second mode de responsabilité invoqué par l’Accusation fut celui d’entreprise criminelle commune dans laquelle, l’Accusé aurait agi de concert avec les chefs des forces rebelles dans la réalisation d’un projet commun. La Chambre de Première Instance trouva que l’Accusation n’avait pas réussi à prouver qu’aucun des trois entretiens présumés en Lybie, au Burkina Faso et à Voinjama (où le projet commun aurait été défini par ces chefs) eurent lieu. Si la Chambre de Première

CETC • L’affaire 002 se poursuit

Instance reconnut que l’Accusé fournit plusieurs formes de soutien aux forces rebelles, elle n’a pas été convaincue par la preuve fournie que ce soutien fut apporté selon un projet commun dans le contexte d’une entreprise criminelle commune. Enfin, le troisième mode de responCharles Taylor sabilité invoqué par l’Accusation fut « l’aide et la complicité » dans la commission de crimes présumés de l’acte d’accusation. Ce mode de responsabilité requiert que l’Accusé ait prêté assistance, encouragé ou apporté un soutien moral qui aurait eu un effet substantiel dans la réalisation d’un crime. L’élément mental essentiel requis est que l’Accusé savait que ses actes aideraient à la commission du crime par l’auteur ou qu’il était conscient de la possibilité substantielle que ses actes aideraient à la commission d’un crime par son auteur. Avant de considérer de quelle manière l’Accusé aida les rebelles, la Chambre exposa la stratégie de guerre générale des forces rebelles. Elle remarqua « qu’au travers de la période de l’acte d’accusation, la stratégie opérationnelle…était caractérisée par une campagne de crimes contre la population civile de Sierra Leone, y compris des meurtres, des viols, de l’esclavage sexuel, des pillages, des enlèvements, du travail forcé, l’enrôlement d’enfants soldats, des amputations et d’autres formes de violence physique et d’actes de terreur ». Plus important encore, la Chambre trouva que l’Accusé avait apporté plusieurs formes de soutien aux forces rebelles, tout en sachant que ses actes aideraient à la commission de crimes présumés dans l’acte d’accusation. La Cour fut convaincue, au-delà de tout doute raisonnable, que l’Accusé était criminellement responsable d’aide et de complicité aux forces rebelles dans la commission des crimes. Avec ce verdict, Charles Taylor devient le premier chef d’Etat à être inculpé, jugé et condamné par un Tribunal international. La Chambre de Première Instance a prévu une audience de plaidoiries sur la sanction le 16 mai 2012, où les parties pourront faire des observations par rapport à la condamnation. Deux semaines plus tard, le 30 mai 2012, la Chambre rendra son jugement portant condamnation. L’Accusation ainsi que la Défense, ont le droit de faire appel du verdict et doivent pour cela faire une demande d’appel 14 jours avant le jugement et la condamnation finale.


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Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC) Par Marion Russell, stagiaire, Soutien à la Défense Les vues exprimées ci-après n’engagent que le(s) auteur(s) et ne reflètent pas nécessairement les vues des Chambres Extraordinaires au sein des Tribunaux Cambodgiens

Affaire 002 – Nuon Chea, Ieng Sary, Khieu Samphan et Ieng Thirith Dépôts de dossiers de la Défense Le 25 avril, l’équipe de défense de Nuon Chea (EDNC) déposa une « Demande d’action immédiate en vertu de la règle 35 » ; la règle 35 du Règlement Intérieur des CETC portant sur les entraves à l’administration de la justice. Ce dernier appel de la part de l’EDNC pour une prise d’action quant aux présumées interférences politiques dans les procédures des CETC vient en réponse à la démission du Co-Juge d’instruction Kasper-Ansermet qui, le 21 mars 2012, publia une note détaillant ce qu’il entend par « dysfonctionnements flagrants » au sein des CETC. L’EDNC soutient qu’il y a une obligation légale et éthique d’enquêter sur les allégations d’entraves par le gouvernement dans les procédures des CETC, mais également une jurisprudence internationale pour soutenir une suspension des procédures jusqu’à ce que l’enquête soit terminée. Le 27 avril, l’équipe de défense de Ieng Sary (EDIS) déposa « Ieng Sary’s Rule 34 Application for Disqualification of Judge Silvia Cartwright or, in the Alternative, Request for Instruction and Order to Cease and Desist from Ex Parte Communications & Request for Disclosure of Ex Parte Communications » après avoir découvert que les communications ex parte entre la juge Cartwright et le Co-Procureur international Andrew Cayley n’avaient pas cessé, malgré les conseils de la Chambre de la Cour Suprême stipulant que de telles communications « pourraient créer, pour le juge du procès, une apparence d’accès asymétrique de la part du procureur. Le règlement interne 34(2) des CETC stipule qu’ « un juge peut être récusé par une partie alors qu’il est saisi d’une affaire dans laquelle il est - ou a été - impliqué personnellement ou financièrement, ou à laquelle il est ou a été- associé dans des conditions de nature à porter objectivement atteinte à son impartialité ou à donner l’apparence d’un préjugé ». William Smith

Dans la salle d’audience En avril, les équipes de défense de Nuon Chea, Khieu Samphan et Ieng Sary participèrent à 14 jours d’audiences substantives devant la Chambre de Première Instance. Le lundi 2 avril, le Co-Procureur international William Smith poursuivit l’interrogatoire du témoin Kaing Guek Eav, connu sous le nom de Duch. Les sujets abordés inclurent la présence de Duch à des réunions et des rassemblements du Parti Communiste de la Kampuchea (CPK), la terminologie de la CPK, le rôle de l’Accusé Khieu Samphan et les répercussions des documents que Duch avait laissé derrière lui à S-21 lorsqu’il quitta Phnom Penh en janvier 1979. Lorsque les questions s’orientèrent vers le rôle de Khieu Samphan, et plus particulièrement sur la relation entre Khieu Samphan et Pol Pot, le co-avocat international pour Khieu Samphan, Arthur Vercken, demanda à ce qu’on établisse et maintienne (pour l’Accusation lors de ses questions mais également pour le témoin lors de ses réponses) une distinction entre la connaissance qu’avait le témoin à l’époque et la connaissance qu’il a acquis depuis. Me. Vercken soutint que le témoin avait préalablement déclaré qu’il n’avait jamais rencontré personnellement Khieu Samphan et se demandait par conséquent, sur quelle base on demandait au témoin de répondre. Me Vercken affirma que « la base du témoignage qu’il offre ici devrait être claire comme de l’eau de roche pour tout le monde ». Même si M. Smith reconnut être d’accord et affirma son intention de poser ses questions de manière à maintenir la distinction exposée par Me. Vercken, cette critique a été évoquée par le Conseil à la Défense tout au long de l’interrogatoire de ce témoin par l’Accusation. Selon Michael Karnavas, le coavocat international de Ieng Sary, on ne peut jamais trop insister sur ce point, qui est loin de n’être qu’une question de sémantique. A plusieurs reprises, Me. Karnavas rappela à la Chambre que Duch était présent à la Chambre de Première Instance en tant que témoin et devait être traité de la sorte. Par conséquent, on ne doit pas traiter Duch comme un expert, un analyste ou un historien, ou encore lui permettre de se comporter comme tel et on ne doit pas lui poser des questions, ni lui permettre de spéculer, sur des sujets sur auxquels il n’a pas été exposé directement.


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Lors des trois journées d’audience suivantes, les équipes de défense de l’Accusé contestèrent la crédibilité de Duch. Le coavocat international pour Nuon Chea, Michiel Pestman, contesta directement l’honnêteté et l’engagement de Duch à coopérer avec la Cour et demanda à un moment donné à Duch, s’il connaissait l’expression « être avare de vérité ». Tout au long de la procédure, Duch n’était pas disposé à participer à aucune discussion portant sur ses actions à la prison M13 et refusa de répondre aux questions ayant trait à ce sujet. Me. Pestman, qui déclara que le témoin était dans l’obligation de répondre aux questions qui lui étaient posées, chercha à obtenir une décision du Président Nil Nonn sur le sujet. Le Président rappela à la Chambre que le témoin n’était pas obligé de répondre aux questions si, ce faisant, il s’incrimine luimême. Le Conseil à la Défense rétorqua que dans le cas de ce témoin, dont l’affaire a été entendue et l’appel porté à terme, il n’y a aucune raison que son droit à garder le silence soit invoqué sur la base qu’un comportement inverse puisse engendrer une auto-incrimination. Cependant, M. Smith fit une distinction sur le fait que bien que Duch ait été condamné, il n’a pas été condamné pour les crimes présumés commis à M-13. Par conséquent, on ne peut pas forcer Duch à répondre aux questions, tant qu’elles n’ont pas de rapport avec ce sujet. Suivant cette logique, la possibilité d’une auto-incrimination est toujours valable, même s’il est « peu probable » que Duch soit un jour mis en examen pour ses actions à M-13. Me. Pestman continua à poser des questions sur M-13, bien que le Président ait décidé que Duch ne devait pas répondre à de telles questions, selon le Règlement Interne 28 des CETC : Témoignage incriminant les auteurs. Me. Pestman, revendiquant son droit à poser toute question lui semblant pertinente, déclara que « seules les réponses peuvent être incriminantes, pas les questions ». Le 18 avril débuta par une déclaration de Nuon Chea, qui désirait réfuter les affirmations faites par Duch lors de son témoignage. Malgré les objections des parties civiles et de l’Accusation, Nuon Chea fut alors autorisé à exercer son droit à garder

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le silence et à ne pas répondre aux questions des parties ou des juges après sa déclaration. Par la suite, Saut Toeung, le témoin pour l’Accusation suivant, fut interrogé sur son rôle de garde du corps et de messager pour Nuon Chea, sa participation à des sessions « d’autocritique » et sur le temps qu’il passa à accompagner Nuon Chea lors de voyages à travers le pays et à l’étranger. On lui demanda également de donner son impression sur les conditions de vie de ceux qu’il observa pendant ces voyages. Cette question portait principalement sur la question de la rareté de denrées. Le témoin fut interrogé brièvement par l’EDIS et l’EDNC, où il décrit l’Accusé Nuon Chea comme étant une « bonne personne ». Le 23 avril, le neveu de Pol Pot et ancien Secrétaire Général des Affaires Etrangères, Saloth Ban, se présenta à la Chambre de Première Instance en tant que témoin suivant de l’Accusation. On questionna Saloth Ban sur l’approche de la CPK des minorités ethniques, l’abolition de la propriété privée, sa connaissance de l’Accusé, le Ministère des Affaires Etrangères, la famine, l’évacuation de Phnom Penh et sur le retour des intellectuels au Cambodge. Les équipes de défense et la Cour attirèrent l’attention sur les nombreuses divergences entre Saloth Ban ce témoignage devant la Chambre de Première Instance et les déclarations préalables faites aux Co-Juges d’instruction. L’EDIS chercha alors à explorer divers aspects de la relation entre le témoin et Pol Pot. Me. Pestman, pour le compte de l’EDNC, posa plusieurs questions au témoin par rapport à l’interférence politique présumée dans les procédures des CETC, mais le Président indiqua au témoin qu’il n’était pas obligé de répondre à ce genre de questions.


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PUPITRE DE LA DÉFENSE

• La CEDH et les Droits de l’Homme

Déclaration de Brighton : un pas en arrière pour la protection des Droits de l’Homme en Europe ? Par Daniel Toda et Diego Naranjo*

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e 19 et 20 avril 2012, la Conférence à Haut Niveau sur l’Avenir de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) fut tenue à Brighton. Les Etats parties furent convoqués par le Royaume-Uni avec pour but apparent de résoudre le grand nombre d’affaires en attente à la CEDH. Le document final de la conférence s’intitule la Déclaration de Brighton. Ce document, bien que plus court en comparaison avec certaines propositions faites par le Conseil de l’Europe, semble être un pas en arrière pour la protection des droits de l’Homme en Europe. De plus, le processus n’a pas été transparent pour le public, comme s’en sont plaint certains Parlementaires Européens dans une récente assemblée plénière à Strasbourg. La déclaration d’ouverture par Jean-Claude Mignon, Président de l’Assemblée Parlementaire au sein de la Conférence, a engendré des craintes qui furent ressenties par certains durant la réunion et il semblerait que certaines de ces craintes furent confirmées à l’issue de la conférence. Mignon évita les fausses déclarations soulevées par certains Etats Parties sur les déficiences de la CEDH et insista sur le fait que s’il y a trop de plaintes à la Cour, c’est tout simplement en raison du manque de mécanismes de protection au sein des Etats. A cet égard, il indiqua que 27% des demandes portent contre un seul Etat et que 10 Etats (sur 47) sont l’objet de 80% des demandes. Sir Nicolas Bratza, Président de la CEDH, exprima également de sérieuses craintes par rapport aux propositions contenues dans la déclaration. Dans son discours, Bratza exprima son désaccord avec l’intention des gouvernements de guider les jugements de la Cour, la rendant ainsi moins indépendante. Le Président de la Cour prit une position similaire et envoya un rappel aux Etats, déclarant que « 30000 des affaires en attente ont trait aux violations répétées de la Convention », déclarant ainsi que les « Parties contractantes ont manqué à prendre des mesures effectives pour remédier à la vrai raison de ce problème systémique » soulevé par la Cour. Les deux critiques principales envers la CEDH dans la Déclaration de Brighton sont : les critères d’admissibilité plus stricts et la codification du principe de subsidiarité, ainsi que la doctrine de marge d’appréciation. En ce qui concerne le premier point, il y a à présent un délai plus court pour les demandes (4 mois) et le critère de « désavantage considérable » a été modifié. Cela signifie que les affaires ne révélant pas de désavantage considérable seront déclarées inadmissibles même si elles n’ont pas été considérées dûment au niveau national et que les affaires considérées dûment au niveau national doivent être

considérées comme étant manifestement mal-fondées. La codification du principe de subsidiarité et de la doctrine de marge d’appréciation dans la Préambule de la Convention est un autre problème majeur dans cette Déclaration. La doctrine de marge d’appréciation, jusqu’à présent, portait simplement sur certains droits à prendre en considération à la lumière des différences culturelles et sociales, en raison de l’absence d’un consensus européen. Ceci pourrait entraîner que des Etats invoquent cette disposition dans bien d’autres affaires, puisqu’une fois intégrée au Préambule, cette doctrine à doubletranchant sera placée hors contexte et ne sera pas comprise au sein de jugements singuliers. On pourrait se demander si ces mesures peuvent vraiment aider à soulager le registre de la Cour. En général, la Déclaration semble être plus dirigée envers la Cour qu’envers les Etats Parties car le texte « invite » simplement les Etats à faire des contributions financières supplémentaires volontaires (H.9.d.iii) ou à « donner plein effet à cette Déclaration » (H.39.b). Cependant, on ne suggère aucune nouvelle mesure de mise en place pour encore mieux garantir l’application de la Convention au niveau national. Les Etats s’engagent uniquement à « considérer » l’introduction de nouveaux remèdes légaux au niveau national pour les violations de la Convention, alors que cela est en fait un élément clé pour réduire le retard de la Cour. En outre, Les Comités de Ministres n’ont pas de nouveaux outils mis à leur disposition pour exercer une pression sur les Etats-Parties qui manquent à exécuter des jugements. Au contraire, l’une des propositions pour le long terme suggère que les Etats-Parties revoient l’attribution de satisfaction équitable par la Cour, qui est l’unique mesure de réparation que la Cour peut se permettre d’offrir aux victimes. (para. 35.f.ii). En conclusion, alors que ce sont les Etats qui devraient apporter de profondes réflexions internes ainsi que des réformes pour être en parfaite conformité avec leurs obligations, paradoxalement, la Déclaration choisit de proposer des réformes de la Convention, et ceci, en dépit du fait que sa dernière modification, opérée au travers du Protocol 14, n’a pas encore déployé tous ses effets et nonobstant les efforts couronnés de succès de la Cour en 2011 pour améliorer son efficacité. *Cet article est mis à disposition selon les termes de la licence de paternité Creative Commons Pas d’Utilisation Commerciale—Pas de Modification 3.0 Non transcrit.


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RETOUR DANS LE PASSÉ TPIY Il y a 5 ans…

Il y a 10 ans…

Le 9 mai 2007, le jugement de la Chambre d’Appel dans l’affaire Vidoje Blagojević et Dragan Jokić était rendu. La Chambre réduisit la peine de Blagojević (Commandant de la Brigade Bratunac de l’armée bosniaque serbe (VRS), qui opéra dans les municipalités de Bratunac et Zvornik en BosnieHerzégovine (BiH)) qu’il reçut pour aide et complicité de meurtre, persécutions politiques, raciales et religieuses, et actes inhumains (transfert forcé), de 18 à 15 ans. La peine d’emprisonnement de huit ans de Jokić (Chef de l’Ingénierie de la Brigade Zvornik) pour aide et complicité d’extermination et de persécutions politiques, raciales et religieuses fut quant à elle confirmée.

Le 30 mai 2002, le Bureau du Procureur publia le Cinquième Acte d’Accusation Modifié contre Blagoje Simić, Miroslav Tadić et Simo Zarić pour Crimes contre l’Humanité et Infractions Graves aux Conventions de Genève de 1949. Tous trois s’étaient auparavant livrés au TPIY. Simić était le civil le plus haut-placé de la municipalité de Bosanski Šamac (BiH) en tant que Président de l’Assemblée Municipale et de l’Equipe de Crise. Il fut condamné à 17 ans de prison (réduit ensuite à 15 ans) pour son rôle dans l’arrestation illégale et la détention de civils musulmans bosniaques et bosniaques croates. Tadić (Commandant Assistant pour la Logistique dans l’armée nationale yougoslave (JNA), Commandant de l’Equipe de Protection Civile mais également membre ex officio de l’Equipe de Crise et responsable de la Commission d’Echange dans la municipalité de Bosanski Šamac) fut condamné à huit ans de prison. Zarić (Commandant Assistant des Services de Renseignements, de la Reconnaissance, du Moral et de l’Information au sein de la JNA, brièvement Chef de la Sécurité Nationale à Bosanski Šamac et Adjoint du Président du Conseil Civil de Odžak) fut condamné à 6 ans de prison.

Vidoje Blagojević

Dragan Jokić

TPI Il y a 10 ans… Le 6 mai 2002, le gouvernement américain de George W. Bush annonçait qu’il ne signerait pas le Statut de Rome.

TPIR Il y a 5 ans… Le 21 mai 2007, la Chambre d’Appel confirma le verdict et la peine prononcée pour Mikaeli Muhimana. Muhimana était le conseiller municipal de la commune de Gishyita dans la Préfecture de Kybuye (à l’ouest du Rwanda) précédant le génocide. Entre avril et juin 1994, il aurait fourni des armes à des civils afin d’exterminer des civils tutsis dans les communes de Gishyita et Gisovu. Avec les milices, la police et les civils hutus, il lança une attaque contre l’église de Mubuga qui causa la mort d’environ 5000 civils tutsis. En outre, Mikaeli Muhimana aida et commit personnellement un grand nombre de viols et de meurtres dans la Préfecture de Kibuye. Il fut arrêté en 1999 et inculpé pour génocide, viol, meurtre et crimes contre Mikaeali Muhimana l’Humanité en 2005. Il fut condamné à perpétuité.


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NOUVEAUTÉS BLOG •

Steven Kay, The Moving Judge and the Replacement Judge – Bangladesh International Crimes Tribunal and Interference by the Government with the Legal Process, 23 April 2012, available at: http://www.internationallawbureau.com/ blog/?p=4616

Gentian Zyberi, Justice Bhandari Elected as ICJ Judge, 27 April 2012, available at: http://internationallawobserver.eu/ Diane Marie Amann, Questions on aiding & abetting & international law, 30 April 2012, available at: http:// www.intlawgrrls.com/2012/04/questions-on-aiding-abetting.html

Kevin Jon Heller, Ugly Infighting at the ICC, 21 April 2012, available at: http://opiniojuris.org/2012/04/21/ugly-infighting -at-the-icc/

Caroline Macpherson, Palestinian Prisoners Hunger Strike Continues in Israel, 24 April 2012, available at: http:// www.internationallawbureau.com/blog/?p=4650

M.S., What's fair for the war-criminal goose, 30 April 2012, available at: http://www.economist.com/blogs/ democracyinamerica/2012/04/charles-taylor

Shannon Torrens, UN Security Council Authorises Observer Mission in Syria, 23 April 2012, available at: http:// ilawyerblog.com/un-security-council-authorises-observer-mission-in-syria/

PUBLICATIONS ET ARTICLES Livres

Articles

Annica Kronsell (2012) Gender, Sex and the Postnational Defense: Militarism and Peacekeeping, Oxford University Press

Janine Natalya Clark (2012) “The ICTY and Reconciliation in Croatia: A Case Study of Vukovar”, Journal of International Criminal Justice 10(2), p. 397-422

Ayesha Kadwani Dias and Gita Honwana Welch (Eds.) (2012) Justice for the Poor: Perspectives on Accelerating Access, Oxford University Press

Katharina Margetts and Katerina I. Kappos (2012) “Current Developments at the Ad Hoc International Criminal Tribunals”, Journal of International Criminal Justice 10(2), p. 447487

Rob Dickinson, Elena Katselli, Colin Murray, Ole W. Pedersen (Eds.) (2012) Examining Critical Perspectives on Human Rights, Cambridge University Press Mark A. Drumbl (2012) Reimagining Child Soldiers in International Law and Policy, Oxford University Press

Arman Sarvarian (2012) “Ethical Standards for Prosecution and Defence Counsel before International Courts: The Legacy of Nuremberg”, Journal of International Criminal Justice 10 (2), p. 423-446

Austin Sarat (2012) Merciful Judgments and Contemporary Society: Legal Problems, Legal Possibilities, Cambridge University Press

Carsten Stahn (2012) “Libya, the International Criminal Court and Complementarity: A Test for ‘Shared Responsibility’”, Journal of International Criminal Justice 10(2), p. 325-349


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EVÈNEMENTS À VENIR D IRECTION

PhD Day International Humanitarian and Criminal Law Platform Date: 25 May 2012 Venue: T.M.C. Asser Instituut, R.J. Schimmelpennincklaan 20-22, The Hague More info: http://www.asser.nl/events.aspx?id=297&site_id=1

ACD-TPIY

New Perspectives on the Law of Non-International Armed Conflict Date: 30 May 2012

ACD-TPIY Churchillplein 1 2517 JW La Haye Salle 085.087 Tél: +31-70-512-5418 Fax: +31-70-512-5718 E-mail: dkennedy@icty.org Toutes les contributions à la newsletter doivent être envoyées à Dominic Kennedy : dkennedy@icty.org

NOUS SOMMES SUR INTERNET! WWW. ADCICTY. ORG

Venue: T.M.C. Asser Instituut, R.J. Schimmelpennincklaan 20-22, The Hague More info: http://www.asser.nl/events.aspx?id=294&site_id=9

Pluralism v. Harmonization: National Adjudication of International Crimes Date: 14-15 June 2012 Venue: VU University Amsterdam, Trippenhuis (KNAW), Kloveniersburgwal 29, 1011 JV Amsterdam More info: http://www.commoncivility.org/events/upcomingevents/pluralism-harmonization

EMPLOIS Translator/ Revisor (BCS) (P4), The Hague, Netherlands L’ACD-TPIY voudrait remercier et dire au revoir à Matt Cicchetti, qui a fait partie de l’équipe de la newsletter pendant ces quatre derniers mois. Nous aimerions également remercier David Fagan pour sa coordination des contributions de la Section d’Appui à la Défense des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens à cette newsletter. Nous leur souhaitons à tous deux bonne chance pour la suite.

International Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia (ICTY) Closing date: 13 May 2012

Investigator (communication evidence), Leidschendam, Netherlands Special Tribunal for Lebanon (STL) Closing date: 16 May 2012

Head, Development Unit (P4) Information Systems and Communications Technology, The Hague, Netherlands International Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia (ICTY) Closing date: 21 May 2012


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