Grèce: de la récession économique à la renaissance sociale

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De la récession économique à la renaissance sociale et démocratique : la Grèce à la croisée des chemins

Par Gabriel Colletis, professeur d’économie à l’université Toulouse 1. Le 7 mai 2010 http://www.mediapart.fr/club/blog/Gabriel%20Colletis

Préalable. Le texte initial, sur la base duquel le présent papier est écrit, est issu d'une conférence prononcée le 25 mars, jour de la fête nationale, devant une association grecque de Toulouse (France). Entre temps, il a sensiblement évolué. Depuis cette date, en effet, la situation en Grèce et en Europe a connu de fortes évolutions, des décisions ont été annoncées. Nous les évoquons dans le texte. Surtout, ce texte a fait l'objet de nombreuses réactions et s'est enrichi sous bien des aspects. Il bénéficie donc de plusieurs apports non contenus dans le texte initial. Je voudrais ici souligner la contribution très significative de Georgia Mochlaki qui, mieux que ne l'aurait fait une traductrice, a interprété, adapté et parfois complété le texte initial. Avec son enthousiasme, elle nous a incité à considérer ce texte comme une pierre d'un édifice à construire. Notre Ami et Collègue, le Professeur Charis Kephaliacos, est intervenu à la suite de la contribution de Madame Mochlaki. Nous avons ainsi pu bénéficier de son expertise comme universitaire économiste et comme fin connaisseur des réalités sociales grecques. Nous les remercions tous et, comme le dit la formule consacrée, nous restons cependant seul responsable des erreurs et interprétations erronées que ce texte peut comporter.

La crise en Grèce entre dangers et opportunité

La Grèce se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins. De nombreux observateurs de la vie sociale et politique en Europe pressentent que le chemin que suivra la Grèce préfigurera celui que nombre d'autres pays suivront. Le plus souvent, l'hypothèse est faite que si la Grèce fait


faillite, d'autres pays feront de même, acculés par les mêmes problèmes. Une autre hypothèse, pas nécessairement incompatible avec la précédente, est que la Grèce agira à la manière d'un laboratoire expérimental où sera testé grandeur nature un ensemble de mesures relevant d'une sévère cure de libéralisme. A l'opposé de cette double hypothèse, nous pensons qu'une autre voie est non seulement nécessaire mais possible: celle de la conception et de la mise en œuvre d'un nouveau modèle de développement. Ce nouveau modèle est recherché aujourd'hui par de nombreuses forces sociales et politiques, dans plusieurs pays. Nous croyons que la Grèce, ou plutôt les Grecs, parce qu'ils sont «à la croisée des chemins» et parce qu'il s'agit peut-être d'un des peuples les plus politiques du monde, peuvent montrer sinon la voie du moins une des voies d'un nouveau modèle de développement, plus respectueux des Hommes comme de la Nature car les plaçant au centre du renouveau. Le nouveau modèle dont nous parlons sera l'œuvre du peuple et non celui de quelques individus, fussent-ils bien intentionnés. Notre fierté serait d'avoir participé à engager ce processus qui prendra du temps. Mais à la différence du temps court des marchés financiers, celui des Hommes et de la Nature s'inscrit dans la durée. La voie que nous voulons contribuer à construire s'appuie à la fois sur une analyse de la situation actuelle et sur la proposition d'un certain nombre de réponses de nature, croyonsnous, à sortir le pays de l'impasse dans laquelle l'enferment les choix actuels. Cette impasse s'apparente à une «nouvelle odyssée» à laquelle le Premier ministre grec a fort imprudemment appelé son peuple (Le Monde, le 26 avril). Monsieur Papandréou, dans une lecture très anglo-saxonne de la mythologie grecque, aura sans doute oublié ce que ce terme a signifié pour Ulysse et les siens: dix ans d'errance, naviguant au gré de ce que des puissances supérieures avaient décidé, sur un trajet passant pour la circonstance par Charybde (la baisse générale des salaires et des revenus) et par Scylla (un plan d'économies budgétaires drastique).

La "nouvelle odyssée" proposée au peuple grec... Après de multiples tergiversations, annonces de réunions «au sommet», accords suivis de nouvelles réunions pour préparer de nouvelles décisions et, surtout, mesures annoncées sans cesse plus sévères, il semble que l'architecture globale du plan pour «tout changer» et «construire une économie viable» (selon les termes du Premier ministre grec) se soit stabilisée début mai 2010. Les pays européens et le FMI se sont mis d'accord pour prêter jusqu'à 100 ou 120 milliards d'euros à la Grèce dans les trois ans à venir. Cette somme n'apportera aucun argent frais à la Grèce mais correspond au montant des remboursements qu'elle doit effectuer, en principe sans plus avoir à se financer sur les marchés financiers. En contrepartie de quoi, le peuple grec est donc appelé à une «nouvelle odyssée». Ce voyage bien incertain quoique très contrôlé[1] prend pour l'heure la configuration d'une traversée dans une mer d'angoisse et de peur où les périls et catastrophes annoncés se nomment : baisse des salaires publics (suppression des 13ème et 14ème mois), diminution des retraites, recul considérable de l'âge des départs en pension (aujourd'hui de 60 ans et porté à 65 ans), forte diminution de toutes les dépenses publiques (y compris des investissements) et du nombre de salariés de la fonction publique, hausse des impôts à la consommation (qui touchent le plus grand nombre) et


notamment de la TVA ainsi que, surtout, dérégulation du marché du travail... L'enjeu ici, clairement énoncé, est de permettre aux entreprises de pouvoir licencier plus facilement et d'ouvrir à la concurrence des professions «protégées». Un nouveau salaire minimum sera élaboré spécifiquement pour les chômeurs de longue durée. Gageons que celui-ci ne devrait pas être très élevé... Au moins, Ulysse était-il rentré à Ithaque... Si le peuple grec effectue le voyage qui lui est proposé, il rentrera chez lui dans dix ans, mais ce sera alors dans un pays dévasté. Avec d'autres, nous pensons que ce grand peuple a mieux à faire que de suivre cette voie qui le conduirait à renier ses valeurs et détruire un lien social déjà affaibli. Nous esquissons ici les termes d'une autre voie.

Un très bref rappel historique Le 25 mars dernier, les Grecs ont fêté l'anniversaire de la proclamation de la Guerre de libération nationale, le 25 mars 1821, par l'archevêque de Patras, "Germanos"[2]. Je ne vais évidemment pas parler de cette guerre dans le détail dans le présent texte. Cependant, je voudrais retenir deux de ses caractéristiques : le droit d'intervention que se sont accordé elles-mêmes (en 1820, Congrès de Troppau, Metternich) les puissances «légitimes» dans un pays qu'elles considéraient comme, certes voulant se libérer d'un joug étranger, mais aussi, qu'elles estimaient «menacé» et menaçant (risque de contagion en Europe) en raison de la présence d'un mouvement pouvant être qualifié de «révolutionnaire» les luttes fratricides entre insurgés grecs, se battant souvent entre eux plutôt que contre les ottomans, pour se partager le pouvoir[3]. Eh bien, on peut se demander si la situation actuelle, mutatis mutandis, ne comporte pas quelques aspects qui pourraient faire penser à cette période de la guerre d'indépendance. En Grèce, peut-être davantage que dans certains autres pays, l'Histoire (et pas seulement l'histoire antique) compte. Ce n'est pas non plus faire injure à l'Allemagne et aux Allemands que de leur suggérer quelque retenue dans les commentaires que certains d'entre eux font actuellement à propos de la Grèce et du comportement des Grecs. La seconde guerre mondiale n'est pas si lointaine et l'Allemagne n'a pas toujours été un modèle. Cependant, ni «haro» sur la Grèce ni «haro» sur l'Allemagne. Et tout ce qui dresse les peuples entre eux (souvent pour des motifs de politique intérieure) doit être combattu avec vigilance. Les ennemis des peuples ne sont pas les autres peuples mais les nationalismes de toutes sortes.


Les trahisons les plus viles, les fractures les plus coûteuses, ne viennent pas de l'extérieur mais toujours de l'intérieur. C'est lorsque le lien social est remis en cause par la faillite de la classe politique et/ou la volonté de pouvoir de certains groupes d'intérêt que les Nations déclinent ou doivent se soumettre à l'hétéronomie (des normes contraignantes, produites par d'autres, ailleurs). Après ce bref rappel historique et l'enseignement que l'on peut en tirer, je voudrais à présent entrer dans le cœur de mon analyse qui se résume en deux questions: Les Grecs devraient-ils accepter la cure d'austérité ? Peuvent-ils être le vecteur d'un nouveau modèle de croissance ? Pour y répondre, je procéderai en trois temps : Dans un premier temps, je vais tenter d'identifier la nature des problèmes auxquels la Grèce est aujourd'hui confrontée. Dans un deuxième temps, je me poserai la question : est-ce que les solutions proposées permettent de répondre à ces problèmes ? Dans un troisième temps, ayant répondu par la négative à la question précédente, j'essayerai de faire un peu de prospective et de proposer quelques pistes d'un nouveau modèle de développement.

1.

Les problèmes de la Grèce aujourd'hui

1.1. La question des déficits Il paraît difficile de ne pas commencer ici par le déficit des comptes publics, tant ce déficit aura été médiatisé. Indiquons cependant tout de suite que, selon notre analyse, cette question est loin d'être la plus importante. Surtout, les déficits et l'endettement sont des symptômes d'une crise économique, sociale et politique plutôt que sa cause. Alors que le FMI recommandait jusqu'à il y a peu[4], de manière générale, le maintien des mesures de soutien budgétaire, au moins en 2010, afin de ne pas fragiliser une croissance incertaine et anémique, en ce qui concerne la Grèce, rien de tel. Il s'agit de mettre en œuvre, sur le champ, et avec des contrôles serrés, toute une série de mesures dont l'objectif serait de faire passer le déficit public de 12 à 8% du PIB dès la fin de cette année. Le but serait de le ramener à 3% en 2012. Pourquoi une telle cure alors que les déficits et l'endettement de la Grèce sont comparables à ceux de nombre d'autres pays (les fameux PIGS, "I" signifiant aussi bien l'Irlande que l'Italie, sans compter la France dont le déficit dépasse les 8% du PIB, les États-Unis, pays le plus endettés du monde). Il ne s'agit pas de nier les déficits de l'État grec, simplement de se poser une question: pourquoi ces déficits, comparables à ceux de nombreux autres États, poseraient-ils dans le cas de la Grèce un problème différent ? Pourquoi devraient-ils être réduits de toute urgence, avec


un tel rythme, là où des déficits comparables dans d'autres pays ne semblent pas pour l'heure poser problème ?

Deux réponses sont envisageables : les déficits grecs ont une nature différente la pression exercée sur la Grèce préfigure celle qui sera tôt ou tard exercée ailleurs...

Nous ne pensons pas que la première réponse soit la bonne. Les institutions qui détiennent la dette grecque sont celles qui détiennent la dette des autres États (les non résidents: banques, institutions financières internationales, fonds de toutes sortes). Comme une part importante de la dette des autres États, la dette grecque est «titrisée», c'est-à-dire peut faire l'objet de toutes sortes de jeux spéculatifs. Si la Grèce est mal notée par les agences de notation, ce qui renchérit le coût de ses emprunts, la question de cette notation risque de se poser sous peu pour nombre d'autres États, dont la France. Ici, la vraie question est bien de savoir s'il est acceptable que les gouvernements orientent leur politique en fonction des marchés financiers. De Gaulle avait répondu à cette question que «la politique de la France ne se fait pas à la corbeille». Il semble que les temps aient changé ou, plutôt, que l'on ait admis qu'ils ont changé dans le cadre d'un capitalisme fortement financiarisé où les marchés financiers non seulement transfèrent leurs risques sur les États (et les entreprises) mais aussi leur dictent les «bonnes» normes.

1.2. La chose publique Ce qui vient d'être dit ne signifie pas cependant que nous considérons que l'État grec serait bien administré, bien géré et qu'il n' y aurait rien à dire sur la chose publique en Grèce. Sans doute, outre le clientélisme, de très importantes recettes fiscales ont-elles eu tendance à s'évanouir dans ce qui peut apparaître comme de la corruption généralisée. Si les Grecs –plus particulièrement certains d'entre eux– sont riches, la chose publique a été négligée. Comment ne pas voir les routes inutiles construites en dépit du bon sens, la construction et la spéculation immobilière généralisée, le développement touristique anarchique et dangereux pour certains sites et la Nature. Comment aussi ignorer l'immigration non contrôlée et exploitée par les grands comme les plus «petits» ? Comment ne pas voir l'état de délabrement dans lequel se trouvent certains services publics où règne le système des enveloppes et, par conséquent, l'inégal accès aux soins comme à l'éducation.


Plutôt que de déficits excessifs, ce dont la Grèce souffre, c'est bien d'avoir négligé la «chose publique», la RES PUBLICA. Le moindre des paradoxes n'est-il pas qu'en grec, le mot «République» se confond avec celui de «Démocratie»? Déficit de la chose publique, déficit de la démocratie sont, en effet, synonymes. Ce n'est pas tant ou ce n'est pas uniquement, le système politique grec qui est aujourd'hui malade (le rôle des grandes familles, celui du clientélisme sont souvent soulignés), c'est l'administration de la chose publique qui aujourd'hui pose problème.

De nombreux observateurs de la vie publique grecque ont coutume de souligner que la Grèce est forte de ses onze millions d'individus. Mais onze millions d'individus dans quel sens ? -

Onze millions d'individus marqués par leur personnalité propre (individualité) ?

Ou onze millions de personnes qui se comportent de façon individualiste : chacun pour soi et la Nature (bien commun) pour tous, que tout le monde ou presque souille et pollue ?

Sans doute, un mélange des deux mais une attention très insuffisante portée au lien social (en dehors de la famille et, dans une certaine mesure, l'Église) et à la chose publique.

1.3. Un déficit de démocratie au final Si nous sommes, bien sûr, très loin de la démocratie directe caractérisé par : -

le refus de la représentation

-

le refus de l'expertise politique

-

le refus d'un État compris comme instance séparée de la Société...

la société grecque ne semble pas (en référence aux enseignements que tire Castoriadis de la démocratie athénienne) non plus être : autonome: c'est l'hétéronomie qui règne, l'autre étant davantage les marchés financiers que d'autres pays autotelès : elle n'est pas en mesure de déterminer ses propres fins ou finalités (représentations) -

autodikos : elle ne se donne pas son propre droit (modèles), ses propres règles (normes)


C'est là, dans l'attention trop faible accordée à la chose publique et dans le déficit de démocratie, que se situent les vrais problèmes, leur nature commune, plutôt que dans le montant des déficits.

2. Les solutions proposées sont-elles en mesure de répondre à ces problèmes ? Je ne le pense pas. Il n'est pas inutile de revenir sur le déroulé des solutions proposées avant d'en voir le contenu.

2.1. Le déroulé des solutions envisagées Le premier temps a été celui de la «découverte» des déficits et de l'endettement. Le nouveau Premier ministre «découvre» donc, suite à son élection, que les déficits et l'endettement sont plus élevés que ce qui était admis jusqu'alors... Au doublement des déficits et de l'endettement, répond alors le doublement de la pression que vont exercer les marchés... Puis, il a été annoncé que la Grèce serait mise «sous tutelle«, ses comptes contrôlés (ne l'avaient-ils pas été auparavant ?). Les mesures annoncées par le gouvernement grec ont cependant vite été considérées comme insuffisantes. La Grèce a ainsi été sommée d'annoncer des mesures supplémentaires. En contrepartie d'une aide aux contours imprécis, aide ultérieure, «en cas de nécessité». Curieusement, on observera que des aides possibles pour des États ne faisant pas partie de la zone Euro auront été impossibles pour des États en faisant partie (!). Nous pensons ici au «Fonds européen d'aide à la balance des paiements». Ce fonds qui existe, est doté de 50 milliards d'euros. Le mécanisme permet à la Commission européenne d'emprunter sur les marchés, après autorisation du Conseil des ministres, et avec la garantie des États. A la suite d'accords conclus entre les dirigeants européens et le FMI (entre mars et avril 2010), le mécanisme d'aide envisagé avait avant tout pour vocation de «rassurer» les marchés financiers et ne devrait être activé que comme ultime recours. Outre de possibles prêts bilatéraux, aucun prêt coordonné ne serait donc accordé à la Grèce mais un dispositif représentant au départ entre 20 et 30 milliards d'euros pour l'année 2010 serait mis en place, en cas d'impérieuse nécessité. Les États européens (et non la BCE) apporteraient alors environ les deux tiers des fonds éventuellement nécessaires, le FMI le tiers restant. Ce dernier pourrait même être, toujours uniquement en cas de besoin, le premier à intervenir. Ce, pour deux motifs. Le premier, en raison de la complexité du déboursement des prêts européens. Le second en raison de la plus grande sensibilité des dirigeants de l'Union européenne à d'éventuels débordements sociaux et politiques en Grèce. Comme ceci est bien connu, le FMI, comme le rappelle un grand quotidien français du soir (Le Monde, 27 mars), n'aura pas peur


de jouer de sa réputation de «grand méchant loup» pour aider le gouvernement grec à imposer des sacrifices à sa population... Georges Papandréou, le premier ministre grec, aura alors déclaré «l'Europe et la Grèce sortent plus fortes de cette crise». Heureux politicien. Le lendemain des fêtes de Pâques, une délégation du FMI est arrivée en Grèce avec comme mission «d'assister le gouvernement grec sur la gestion des dépenses publiques et la réduction du déficit budgétaire» (Le Monde, 9 avril 2010). Au moment de son arrivée, le taux des obligations atteignait plus de 7%, en augmentation donc depuis l'accord intervenu le mois précédent entre les pays européens, la Commission et le FMI (voir supra). Le trou budgétaire était réévalué à la hausse en raison d'une récession plus grave que «prévu» (!). Quant à l'épargne des Grecs, ceux-ci semblaient, pour certains d'entre eux, vouloir la protéger en la transférant sur des banques étrangères. Le 11 avril, les pays de la zone Euro, réagissant sans doute aux conséquences très prévisibles d'une nouvelle dégradation de la note de la dette souveraine grecque par l'agence de notation Fitch à BBB- en cas d'absence de réaction de leur part, sont parvenus à finaliser l'accord intervenu en mars. Ce sont désormais 30 milliards d'euros sous forme de prêts bilatéraux que les pays européens pourront proposer à la Grèce, chaque pays intervenant en fonction de son poids dans le capital de la BCE. De son côté, le FMI apporterait, en cas de besoin, 15 autres milliards. Après de multiples discussions, il a été décidé que le taux d'intérêt des prêts accordés à trois ans serait fixe, d'environ 5%. Ce taux se situe donc entre le taux d'emprunt de l'Allemagne (3%) et celui auquel la Grèce avait du emprunter peu auparavant (plus de 7%). Comme l'a déclaré le Président de l'Eurogroupe, «ce prix (taux) ne contient pas d'élément de subvention», les États prêteurs prélevant même une commission. Sous bien des aspects, l'aide européenne n'en est donc pas une, aucun transfert sous forme de recette nette nouvelle n'étant accordé à la Grèce selon la définition habituelle d'un transfert: une allocation effective de ressources sans contrepartie immédiate. Le cas présent se présente de façon inverse: aucune allocation effective d'argent frais en faveur de la Grèce[5] mais une contrepartie attendue immédiate.

2.2. Le contenu des plans annoncés par les autorités grecques Élu sur un programme de relance, le gouvernement a présenté, quelques jours après son élection, un plan dont les grandes lignes sont les suivantes :

Côté dépenses : Réduction des emplois publics à travers le gel des recrutements en 2010 et une règle de 1 remplacement pour 5 départs à la retraite à partir de 2011 Une réduction d'un tiers des contrats à court terme et une baisse significative des heures supplémentaires et de leur rémunération


Une baisse de 10% des salaires des fonctionnaires (puis la suppression des 13ème et 14ème mois, décidée début mai. On indiquera que ces mois supplémentaires ont pu être un moyen d'éviter d'augmenter tous les salaires) Une réduction de 10% des frais de fonctionnement des ministères (et une diminution de leurs investissements décidée début mai) -

Une réduction des versements aux caisses de retraite et aux hôpitaux.

Côté recettes : augmentation de divers impôts : -

sur l'énergie, le tabac, l'alcool, les téléphones portables

de la TVA (de 19 à 21%) (le nouveau plan présenté début mai prévoit une nouvelle hausse de 2 points, le nouveau étant alors de 23%) -

de l'impôt sur le revenu

et assujettissement à l'impôt de certaines catégories sociales jusque là épargnées ou très faiblement imposées comme les taxis, les tenanciers de kiosques (dont on soulignera l'importance pour le lien social).

Nous avons observé plus haut que ces mesures ont été singulièrement accentuées début mai. Comme telles, elles sont bien assimilables à une «dévaluation interne». Restant dans la zone Euro, la Grèce ne semble avoir d'autre choix que de procéder, selon les recommandations du FMI, à un «ajustement» interne marqué par une forte baisse des revenus (salaires, retraites, transferts sociaux).

2.3. L'échec probable du plan Ce plan a toutes les chances d'échouer et la situation de s'aggraver en raison de quatre facteurs au moins : -

Le risque de récession (qui pourrait contracter les recettes)

Le maintien de l'évaporation fiscale et une fuite possible de capitaux si devaient être taxés les revenus des patrimoines les plus importants Le fait que semblent avoir été gagées des recettes futures comme les taxes aéroportuaires, les péages Une toujours possible dégradation de la note de la Grèce en cas de nouvel emprunt sur les marchés financiers dès lors que le rétablissement des finances publiques serait plus lent qu'espéré (probable si récession) et que le soutien de l'opinion publique serait fragilisé, là


aussi une hypothèse fortement envisageable, rappelant la toute puissance des agences de notation, véritables «maîtres du monde» (privés et sans contrôle). La situation de la Grèce à l'heure actuelle est donc celle d'un pays qui ne peut parvenir, dans le cadre du paradigme actuel, à échapper à la récession, voire à une dépression aggravée et durable. Les banques grecques ont vu leurs dépôts se réduire (fuite de dépôts vers les banques étrangères) et ne parviennent à se refinancer auprès de la BCE qu'aussi longtemps que celle-ci ne modifie pas ses pratiques concernant les collatéraux[6]. Loin de baisser, les taux d'intérêt payés par la Grèce lors de ses appels aux marchés financiers n'auront cessé d'augmenter, dépassant les 10%. La consommation intérieure ne peut que chuter gravement comme conséquence des mesures d'austérité.

2.4. Les véritables enjeux et risques du plan annoncé pour la Grèce Au final, derrière ce plan, ce qui est en jeu est bien résumé dans ces termes par un grand quotidien français[7] : «De gauche comme de droite, les analystes s'accordent aujourd'hui sur la nécessité d'une cure de libéralisme». Cette cure s'appuierait sur une réforme en profondeur de «l'effroyable bazar» que serait l'État grec et, surtout, sur la libéralisation de la «longue liste» des secteurs d'activité où la concurrence est extrêmement encadrée.

Il y a ainsi fort à parier que la privatisation des services et biens publics (dont la désorganisation et le manque de moyens auront été le préalable) va se généraliser[8], que le marché du travail sera dérégulé. Le recul de la dépense publique va ouvrir des espaces plus importants aux marchés dans des domaines qui sont ceux des besoins collectifs (santé, éducation, transports, etc.). La dérégulation du marché du travail sera synonyme de mise en concurrence accrue de ceux qui travaillent ou sont à la recherche d'emploi.

Dans un pays où : la part de (ce que l'on appelle pudiquement) «l'économie informelle» est significative (40% de l'économie grecque échappe à tout contrôle, à toute imposition) -

la proportion des travailleurs ayant deux ou plusieurs emplois est déjà élevée

-

les jeunes retraités ou ceux que l'on a mis à la retraite anticipée sont nombreux

-

la présence de travailleurs immigrés est forte...


Il est à craindre que cette concurrence généralisée sur un marché du travail en contraction ne soit fortement destructrice du lien social dont nous avons parlé tout à l'heure. Ici réside sans doute le plus grave risque des mesures prises par le gouvernement grec car nul ne peut exclure que les tensions sur le marché du travail ne dégénèrent en heurts violents entre personnes à la recherche d'un emploi.

2.5. La Grèce instrumentalisée ? La question que l'on peut se poser, au delà de la situation de la Grèce et des risques liés au plan annoncé (risque qu'il échoue et aggrave la récession, risques plus graves encore sur la qualité du lien social qu'il peut contribuer à affaiblir), est celle d'une possible instrumentalisation de la Grèce. Pour le dire autrement, la Grèce ne sert-elle pas de laboratoire pour tester un renforcement paradoxal du rôle des marchés et de la finance ? La cure libérale à laquelle le pays semble devoir être soumis avec la baisse des dépenses publics et la privatisation de fait de certaines activités, la réforme sans doute profonde du régime des retraites, la dérégulation du marché du travail sont autant d'orientations qui risquent de ne pas se limiter à la Grèce. De même, si les Grecs ont pu ressentir comme une humiliation d'être montrés du doigt par certains dirigeants politiques européens, c'est surtout la première fois que dans la zone Euro un pays se sera vu imposer des mesures de l'extérieur avec une telle violence. La «mise sous tutelle» de la Grèce est synonyme de perte de souveraineté. Ces orientations sont tout de même étranges en ce qu'elles font peser sur la population le poids d'une crise dont on peut penser qu'elle trouve, en partie, ses racines, dans les très fortes inégalités de revenus et les privilèges dont bénéficie au niveau mondial une finance volatile et libéralisée. Le mythe d'une Grèce vivant au dessus de ses moyens comme facteur explicatif de la crise, lui, ne résiste pas à l'analyse quand on sait que : -

le salaire grec moyen ne représente que 73% du salaire moyen au sein de l'UE

-

le salaire minimum est inférieur de moitié

-

la retraite moyenne ne dépasse que de peu la moitié de l'étiage communautaire...

ce alors que les prix en Grèce, en revanche, avec le passage à l'Euro, se sont alignés sur les standards européens.

Il est de ce point de vue assez étonnant qu'ignorant ces données de base, le Premier ministre grec ait pu déclarer que les fonds publics et subventions européennes ont davantage servi «à acheter des maisons, des voitures, et à vivre dans le farniente» (Le Monde, 29 avril). Si le


train de vie de certains Grecs aura pu surprendre, il ne faut cependant pas voir en chaque Grec un fainéant ne pensant qu'à faire la fête. Venant de certains politiciens européens ou «d'experts» du FMI, cela a déjà de quoi choquer. Mais issus de la bouche du Premier homme politique grec par les fonctions qu'il occupe, ces termes peuvent s'apparenter sinon à une trahison, du moins à du mépris pour une fraction très importante de la population. Cette population qui vit et travaille dans des conditions souvent très difficiles, ignorées, comme partout, des classes dirigeantes.

Comme pour prouver le bien-fondé de l'hypothèse d'une Grèce instrumentalisée et servant de laboratoire pour la mise en œuvre d'une cure de libéralisme, le Portugal aura récemment annoncé un vaste plan de privatisations et le désengagement de l'État de 18 entreprises publiques des secteurs de l'énergie, des transports et des services. Ces mesures, qui vont donc consister en un transfert de propriété vers le secteurs privé et une marchandisation accrue des activités concernées, accompagnent le report de grands investissements publics, la suppression de mesures prises en 2009 pour l'emploi des jeunes et les chômeurs de longue durée. Comme en Grèce, les salaires des fonctionnaires et les postes de ceux d'entre eux partants à la retraite font l'objet de forts «ajustements» (gel des salaires de la fonction publique pendant quatre ans, non remplacement d'un départ à la retraite sur deux). L'instrumentalisation du «cas» grec est visible aussi bien dans la représentation de ce qui est considéré de façon dominante comme les «problèmes» de la Grèce que dans les solutions apportées aujourd'hui. Le directeur général du FMI s'est dit «admiratif de l'extrême rigueur choisie à Athènes» (Le Monde, 4 mai). La ministre française de l'Économie, interrogée pour savoir si le plan d'austérité grec devait servir de modèle, a répondu (Le Monde, 4 mai) : «Je ne dis évidemment pas cela mais le risque retraite, au même titre que les autres dépenses sociales, est un poste extrêmement important que l'on doit arriver à contrôler»... Il faudrait être singulièrement malentendant pour ne pas comprendre ce que veut signifier la ministre !

3.

Quelles réponses envisager ?

Si la Grèce est un bouc émissaire commode et si une action décisive doit être engagée pour combattre la dictature des marchés financiers et les normes qu'ils prétendent imposer, il n'en demeure pas moins que des réponses doivent être élaborées par les Grecs eux-mêmes pour donner un sens à leur Histoire et répondre à leurs problèmes spécifiques. La question dépasse de très loin celle des déficits publics. Elle dépasse même la question des relations de la Grèce avec ses voisins européens. Elle est celle du vivre ensemble, celle du lien social, de la chose publique et de la démocratie dans un pays qui l'a inventée.


3.1. Des réponses sont proposées mais elles sont souvent partielles Des solutions «radicales» sont parfois proposées qui ne nous semblent pas à la hauteur des enjeux. Parmi celles-ci, son évoqués : la taxation des biens de l'Église orthodoxe, la diminution des dépenses militaires, la fin des avantages fiscaux dont bénéficient les armateurs grecs, un meilleur contrôle de la fiscalité des actifs dans les places off-shore (Chypre, par exemple) ou encore la mise à contribution des banques qui, comme la grande majorité des banques du monde entier, ont reçu d'importants subsides au titre de plans de sauvetage. Le commun dénominateur de ces mesures est qu'elles se situent dans la perspective d'une résolution des problèmes budgétaires. Cette perspective n'est pas celle que nous considérons comme la plus essentielle, même si nous ne la négligeons pas. Il en va de même pour la restructuration de la dette publique. Certains économistes proposent, à défaut d'une sortie de la zone Euro qui aurait l'inconvénient d'alourdir le coût des emprunts et celui des produits importés, de suspendre le paiement de la dette publique ou de procéder à un rééchelonnement de ses paiements, seule façon selon eux de calmer la spéculation[9]. Même si les dirigeants européens excluent tous une telle option, cette dernière ne peut ni ne doit être écartée. On voit mal pourquoi ce qui serait possible pour une entreprise ou une banque ne le serait pas pour un État. Si un tel scénario apporterait de l'oxygène aux finances publiques et au pays, il serait cependant insuffisant pour constituer une voie durable de sortie de crise. De fait, l'appel aux banques pour qu'elles appuient le plan annoncé début mai pourrait aboutir de facto à un rééchelonnement de la dette greque.

3.2. Un projet national de développement Ce dont la Grèce a besoin, c'est à la fois : d'un projet de développement basé sur la dynamisation de ses activités productives : la Grèce est trop dépendante du tourisme, des activités maritimes pas toujours respectueuses des hommes et de la Nature, voire parfois criminelles. La Grèce est trop dépendante aussi de ses importations. Ses activités productives ont été négligées. Des activités comme l'agriculture, les industries agro-alimentaires, le textile et l'habillement, la construction et la réparation navale et certains secteurs liés aux nouvelles technologies devraient être dynamisés. Une véritable politique de développement des activités productives devrait être engagée, celle-ci n'ayant jamais existé par le passé[10]. Cette politique –dont la dimension territoriale est essentielle– devrait prendre appui sur les savoirs traditionnels et les savoirs nouveaux. Certains économistes ou hommes politiques ont bien indiqué récemment que la Grèce souffrait d'un handicap de compétitivité lié au sous-développement de ses activités productives. Mais l'erreur majeure est de considérer que cet handicap réside dans le niveau des coûts. La compétitivité d'une économie comme celle d'une entreprise dépend certes du niveau de ses coûts et de ses prix par rapport à ceux de ses concurrents mais elle est principalement fonction de sa capacité à proposer des produits innovants, adaptés à la demande. Cette compétitivité «hors coûts» dépend principalement des compétences individuelles et collectives, de la qualité des réseaux qui peuvent structurer le tissu productif, de la confiance entre acteurs privés et publics.


d'un engagement dans l'économie de la connaissance : l'éducation, la formation, l'innovation (plutôt que la baisse des coûts) doivent être élevées au rang de priorité nationale. Des moyens publics conséquents et en augmentation doivent y être consacrés. Il est vraisemblable que des Grecs de haut niveau de compétences, vivant et travaillant à l'étranger, et occupant des fonctions et responsabilités importantes pourraient être incités à revenir en Grèce si un projet de développement crédible était élaboré. Mais surtout le peuple grec a mieux à faire qu'à entrer dans une concurrence généralisée opposant travailleur jeune et travailleur plus âgé, travailleur grec ou travailleur étranger ou à l'étranger. Le niveau de formation et de culture élevé dont bénéficient les Grecs grâce aux sacrifices réalisés par les familles doit pouvoir s'exprimer dans des activités plaçant en leur coeur la reconnaissance des compétences de davantage de démocratie : des citoyens mieux formés participent mieux à la vie de la Cité et prennent soin de la chose publique, aujourd'hui négligée. Au lieu de considérer l'impôt comme un prélèvement inutile, celui-ci doit être réhabilité et doit contribuer tout à la fois à assurer de meilleurs services collectifs et davantage d'équité. C'est par l'articulation de ces trois orientations que les Grecs peuvent réinventer leur lien social et mettre en œuvre un véritable projet de développement. Aujourd'hui, les Grecs sont appelés à de très importants sacrifices, mais ces sacrifices sont vides de sens, ou plutôt, ces sacrifices risquent d'être détournées sous forme de prélèvements au bénéfice de la finance.

4. Conclusion : les Grecs doivent pouvoir à nouveau choisir leur avenir, de façon autonome Comme en 1821, les Grecs doivent inventer ou réinventer leur lien social. Tout ce qui les divise et est susceptible de les opposer entre eux doit être considéré comme toxique (on pense ici, en particulier, à la dérégulation du marché du travail). Comme en 1821, les Grecs doivent contester le droit d'intervention que se sont arrogé les puissances normalisatrices d'aujourd'hui : le FMI, la Commission européenne mais surtout les marchés financiers. C'est au peuple et au gouvernement grecs qu'il revient de définir ce qui est bon pour le pays, non aux agences de notation et autres banquier conseil. Mais pour cela, il faut un projet et une démocratie retrouvée. Une fois encore, la Grèce se trouve ainsi à la croisée des chemins et deux voies se proposent à elle. La première voie, poussée par de nombreux analystes en conformité avec la doxa dominante, aura consisté pour la Grèce, face à ses déficits publics et à son endettement, à solliciter l'aide européenne et celle du FMI. En suivant cette voie, le scénario est écrit d'avance: en contrepartie de prêts bilatéraux et/ou d'une aide du FMI mais en l'absence d'une restructuration de la dette grecque imposant des renoncements aux prêteurs, la Grèce aura dû accepter un nouveau plan de rigueur, plus drastique encore que le précédent. Faute de pouvoir dévaluer sa monnaie, il aura été procédé à une dévaluation «interne» consistant en une baisse généralisée des salaires et du pouvoir d'achat de la population (en particulier des retraités). Le


risque sera alors celui d'une récession sans fin et, au-delà, celui d'une spirale conduisant le pays au sous-développement. La seconde voie est celle de la réinvention de son lien social, de la démocratie et de la conception d'un projet de développement national réhabilitant la chose publique et le développement des activités productives. La Grèce pourrait alors progressivement retrouver le chemin de la croissance et réduire alors son déficit et l'endettement public sans diminution de la dépense publique ni hausse de la pression fiscale. Le problème principal est que cette voie nécessite du temps alors que la pression financière qui s'exerce sur le gouvernement grec est immédiate et considérable. De la même façon qu'est admise la perspective d'un moratoire ou d'un rééchelonnement des dettes pour une entreprise (ou une banque !), cette perspective ne peut être contestée à un État souverain. -------------[1] L'Allemagne, en particulier, a, à de nombreuses reprises, insisté pour dire que la Grèce devra exécuter le plan d'austérité prévu «à la virgule près». [2] Germanos signifie Allemand. Ce nom est une ruse ou une ironie de l'histoire quand on connaît le rôle qu'auront joué la Prusse, plus tard l'Allemagne –sans oublier l'Autriche– à cette époque comme plus tard. [3] Il y avait en effet une forte opposition entre deux catégories de dirigeants potentiels avec deux types de légitimité tout aussi valables. D'un côté, se trouvaient les notables marchands issus de l'administration ottomane du continent et de la bourgeoisie maritime des îles. De l'autre, il y avait les chefs de guerre issus de la classe «para-sociale» des klephtes, armatoles et brigands, souvent en fait réellement issus de la paysannerie comme Kolokotronis et espérant donner un rôle politique plus important aux paysans (Wikipédia, Guerre d'indépendance grecque) [4] Il semble que la doctrine du FMI soit en train de changer. Après avoir suggéré que les États interviennent pour soutenir la croissance et venir au secours du secteur financier (en absorbant une partie de ses risques), le FMI considère aujourd'hui que la demande est plus soutenue et que le risque a changé de nature, se situant désormais du côté des États. Il leur recommande donc de se concentrer sur les nécessaires ajustements budgétaires... L'heure semble donc avoir sonné de faire payer aux contribuables et aux usagers des services publics le coût de la crise. Surtout, le moment semble être arrivé de bouleverser les équilibres sociaux liés à l'âge des départs à la retraite. [5] Les prêts annoncés correspondent assez exactement au montant des remboursements que la Grèce devra effectuer dans les trois ans à venir. [6] Les agences de notation, en dégradant la note de la Grèce (de A- à BBB+ puis BBB- pour l'une d'entre elles), ont contribué largement à attiser les pressions spéculatives. A terme, la dégradation de la note de la Grèce pourrait compliquer davantage encore la situation en posant la question de l'éligibilité à l'avenir des emprunts d'État grecs comme collatéral des opérations de refinancement de la Banque centrale européenne (BCE). On rappellera qu'en 2009, la BCE avait assoupli les conditions standards d'éligibilité du fait de l'acuité de la crise financière en acceptant des actifs dont la notation se situait a minima à BBB-. En principe, à


partir de janvier 2011, la BCE a prévu un retour à des conditions « normales » : pour être acceptés comme collatéral, les actifs présentés devront être notés A- au minimum, ce qui n'est pas le cas de la note grecque actuellement. [7] Les Échos, "Résignée, la Grèce attend le choc des réformes", 16 mars 2010 [8] "Le secteur public de la santé, unanimement décrit comme moribond, a-t-il un avenir en Grèce ?" s'interroge le Monde (4 mai) en donnant la parole à un médecin grec lequel lui répond : "Oui, pour les pauvres. Et pour les patients qui nécessitent des soins lourds ou très spécialisés". Peut-on exclure que cette réponse ne soit bientôt celle qui pourra être donnée en France comme dans les autres pays développés ? [9] Lire l'article de Charles Wyplosz, Professeur à l'Université de Genève, Le Monde, 28 avril 2010 [10] Certains observateurs de la société grecque ont pu dire que la Grèce était une société comprador, aucun investisseur grec n'ayant jamais eu confiance en l'État (relevé dans Rigasite). On rappellera que le terme "comprador" désigne le plus souvent un bourgeois d'un pays en développement tirant sa fortune du commerce avec l'étranger. Certains opposent la bourgeoisie comprador et la bourgeoisie ayant des intérêts dans la production des richesses nationales.


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