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p. 28 Pourquoi « le vélo, ça ne s’oublie pas» ? p. 38 La découverte de l’acalculie
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Cette entreprise, c’est mon bébé ! endroits de l’encéphale. Selon les auteures de l’étude, l’analyse de son tracé peut alors révéler à quel point l’enfant est performant dans ces souscompétences et ainsi la vitesse à laquelle il progressera. Les chercheuses ont donc mesuré l’activité cérébrale d’enfants âgés de 5 à 13 ans pendant qu’ils lisaient en silence, puis ont suivi l’évolution de leurs performances sur plusieurs années. Elles ont découvert que cette activité n’était pas la même chez les élèves qui progressaient beaucoup que chez ceux qui progressaient moins. Et surtout, elles ont montré que les différences visibles sur le tracé électroencéphalographique permettaient de prédire un an à l’avance (voire deux, selon des données non encore publiées) la note obtenue en lecture à l’école. Il est aussi possible de distinguer assez finement les capacités impliquées. Par exemple, l’analyse d’un pic d’activité survenant 400 millisecondes après que les yeux se sont posés sur la ligne est riche d’enseignement : plus son amplitude est élevée, plus l’élève est performant pour extraire le sens des mots, et plus son vocabulaire s’enrichit deux ans plus tard. Les caractéristiques d’un autre pic, qui se produit un peu plus tôt, révèlent la qualité de la « conscience phonologique » – la capacité à extraire et fusionner les sons élémentaires correspondant aux lettres pour former des mots.
Cette technique réaliserait donc une sorte de photographie instantanée des compétences cérébrales impliquées dans la lecture. Les chercheuses espèrent ainsi mieux identifier les points faibles des enfants, afin d’adapter leur apprentissage en insistant plus ou moins sur tel ou tel aspect. Précisons que ces résultats ne sont pas la preuve d’un déterminisme inéluctable, puisque l’amplitude des pics électroencéphalographiques dépend de multiples paramètres, comme la fréquence à laquelle l’enfant lit en dehors de l’école. Cette technique identifie simplement les élèves qui, si rien n’est fait, risquent de connaître des problèmes en lecture. Par rapport aux méthodes de dépistage traditionnelles, elle serait en outre moins biaisée par des facteurs comme l’anxiété de l’enfant lors du test.
M.-L. Halko et al., Entrepreneurial and parental love – are they the same ? Human Brain Mapping, publication en ligne.
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ÉVITER LA STIGMATISATION L’avantage, selon Sarah Laszlo, serait aussi d’éviter que les mauvais élèves se sentent pointés du doigt : « Quand les enfants commencent à avoir des difficultés en lecture, ils ont besoin d’une aide supplémentaire, ce qui peut être vécu comme stigmatisant. En recourant à des prédictions à long terme sur leurs performances, nous pourrions leur donner cette aide avant même qu’ils ne soient à la traîne. » £
ans les stages de formation pour jeunes chefs d’entreprise venant de fonder leur start-up, on explique aux participants le principal danger extraprofessionnel qui les guette : leur famille va passer au second plan. Il leur est fortement conseillé de prévenir leur conjoint qu’ils n’auront plus le temps d’assumer leur part des tâches domestiques, de s’occuper des enfants, du ménage et des courses. Car il va y avoir un nouveau bébé. Un bébé exigeant, capricieux, qui ne dort pas la nuit, qui n’a pas encore fait son adaptation alimentaire, qui ne sait pas encore se débrouiller dans la jungle de la vie. Et ce bébé va réclamer toute leur attention. Le parallèle entre l’entreprise nouveau-née et le nourrisson n’est pas seulement une métaphore. Le cerveau des dirigeants de start-up fonctionne de la même façon que celui d’un jeune père qui dorlote son petit. C’est ce qu’ont constaté Marja-Lisa Halk et ses collègues de l’université de Helsinki. Lorsque les jeunes entrepreneurs voient le logo de leur firme, les centres du plaisir s’activent de la même façon que chez de jeunes pères voyant la photo de leur enfant. Et, comme chez le jeune parent, d’autres aires cérébrales s’éteignent, habituellement sollicitées pour évaluer nos semblables avec esprit critique. En d’autres termes, les dirigeants de start-up sont fous d’amour pour leur boîte, et incapables de voir ses défauts. Dans les séminaires qui leur sont destinés, les formateurs devraient donc préciser que bien éduquer, c’est aussi repérer ce qui ne va pas. Sinon, l’aventure parentale pourrait tourner court. £
Guillaume Jacquemont
Sébastien Bohler
N° 89 - Juin 2017