par Cécile Becker photo : Christophe urbain
À écouter un peu trop The KVB, la contradiction entre sons noirs et mélodie lumineuse est indiscutable. À passer une soirée surréaliste avec Klaus von Barrell et Kat Day, concert, interview, passage au Carrefour Market, blanquette de veau, fromage et vin rouge, l’on se rend compte que cette dualité rayonne dans leur intimité même.
Accord tumultueux Sur scène, elle observe le moindre de ses gestes. Elle suit sa guitare asséchée, acide, énervée, elle suit sa voix qui finit par guider ses doigts à elle, au clavier. Il a le regard baissé mais sent sa présence, s’en imprègne pour poser son chant chimérique. Les battements de la boîte à rythmes ne sont qu’une ligne qu’ils suivent, indifférents. Le tumulte dans leur musique est aussi évident que l’électricité entre eux, duo à la scène comme à la ville. Pas besoin d’y mettre les mots, les regarder suffit. Immaterial Visions, comme le nom de leur nouvel album : « Quand tu vois quelque chose qui n’existe pas et que tu peux vraiment le ressentir, c’est ça l’immatériel. Tout vient du corps », nous renseignera plus tard Kat. L’esthétique de The KVB « pour hypnotiser le public » est imaginée par Kat et complète l’univers monté en solo par Klaus, nom d’usage, dont nous ne connaîtrons jamais l’identité avérée, même au bout d’une soirée de discussions. Ils se complètent et se suffisent : « Nous avons tout à la maison, de quoi tout enregistrer. Nous faisons tout, seuls. C’est plus facile. », explique Klaus. Auto-suffisant, mais rêveurs. Shoegaze ? « On nous met dans cette case mais je ne sais pas vraiment si cela correspond, répond Kat. Si l’on devait choisir entre le krautrock et le post-punk, ce serait plutôt le second. Plus que la rêverie, on recherche l’immédiateté. » Un côté frontal qui se retrouve autant dans leurs paroles que dans leurs images. À la manière des surréalistes, ils collent des morceaux visuels et sonores pour former une imagerie autour de la sensualité. Klaus écrit automatiquement ses chansons : « Je me laisse guider par le stylo ou la guitare. Je sors ce qu’il y a dans ma tête. » Il parle peu mais va à l’essentiel. Elle est sa bouche. Il est sa musique. Ils tournent seuls, en train, accompagnés de leurs instruments et de deux grosses valises. Après le concert à Stimultania à Strasbourg, Hiéro qui
organise le concert nous confie les clés de leur hôtel avec pour mission de les y guider. Un enchaînement de situations fortuites nous conduira à les inviter à goûter la blanquette de veau cuisinée par Christophe, le photographe. Elle nous parle de The Soft Moon. Il opine du chef. Elle parle de vin rouge avec passion. Il fait maladroitement tomber son verre de whisky, elle le rouspète. Il la corrige sur l’orthographe d’un groupe à qui elle écrit sur Twitter, elle le taquine. Ils repartiront, ravis, bras dessus dessous. ❤
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