Certaines parties sont-elles particulièrement difficiles à mettre en scène ? Les difficultés musicales sont aussi liées à la mise en scène. Dans le 2e acte, l’orchestre est sur scène, il y a des voix au loin… Schrecker a déjà travaillé sur la spatialisation de la musique. C’est une nouveauté. Et dans ce genre de livret, il peut y avoir un côté kitsch qu’il faut dépasser. Quel est votre parti-pris ? La dimension autobiographique. Il faudrait qu’on puisse penser que Schrecker parvient à écrire l’opéra que le personnage du compositeur n’arrive pas à écrire. Ce qui est en jeu, c’est l’opposition entre l’art et la vie. Pour les costumes, la scénographie et les lumières, nous avons aussi travaillé sur une dimension réaliste et une autre plus onirique.
Diriger des comédiens et des chanteurs, est-ce le même travail ? Oui et non. Oui car ils faut les amener au meilleur d’eux mêmes. Diriger un chanteur, c’est le faire bien chanter. Mais les chanteurs ont un soutien fort qui est celui de la musique. Les comédiens doivent inventer leur propre musique, leur propre rythme. La musique contraint-elle la mise en scène ? On ne peut pas aller contre la musique. Si j’indique quelque chose qui va contre la musique, c’est que je me suis trompé. Mon principe est de faire confiance à ce qui se passe dans la fosse.
Vous avez présenté en Avignon Six personnages en quête d’auteur de Pirandello. Y a-t-il des liens à tisser avec Der ferne Klang ? Oui. Il y a aussi ce personnage de prostituée qui se décrit comme une victime, ce rapport à la pulsion sexuelle. Ce sont deux pièces qui travaillent autour de la même question : est-ce que créer c’est vivre ? Chez Pirandello, les personnages sont figés alors que les auteurs sont mobiles… Est-on figé dans l’art ou dans la forme et vivant dans la vie ? On retrouve ces thèmes chez Ibsen, c’est vraiment une problématique de l’époque. i
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