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Couvertures Au cœur du cauchemar Du privé au public Oser dire non

Couvertures Du privé au public Contre les violences dans le couple revient sur l’évolution et l’histoire, dans trois cantons (Genève, Vaud et Zürich) des années 1970 à nos jours, de la prise en charge par l’État de ce qu’on appelle aujourd’hui les violences domestiques. Cette enquête menée par trois chercheuses met en lumière le rôle fondamental des associations féministes dans la visibilisation des violences faites aux femmes, ainsi que pour leur reconnaissance comme une problématique faisant partie intégrante de la société. L’institutionnalisation de ces questions illustre les convergences, mais aussi les ruptures discursives et les pratiques observées dans les réponses apportées à cet enjeu complexe. Un ouvrage qui s’adresse autant au public qu’aux militant·e·s et aux professionnel·le·s du domaine. Sabine Eddé Contrer les violences dans le couple – émergence et reconfiguration d’un problème public, Pauline Delage, Marylène Lieber et Marta Roca i Escoda, Éditions Antipodes, 2020, 205 p. Oser dire non Un film, quatre histoires et un Ours d’or 2020. Dans There is no evil, le réalisateur iranien Mohammad Rasoulof s’empare de la problématique de la peine de mort et en fait son sujet central, soulevant au passage la question du libre arbitre et de la force morale. Face à l’ordre reçu de retirer le tabouret sous les pieds des condamnés à mort par pendaison (souvent, des opposants au régime taxés de dangereux meurtriers), deux options s’offrent: soit obéir et continuer à mener une vie quotidienne paisible, soit refuser, et ce malgré les graves conséquences encourues. De l’avis de l’un des protagonistes, on a toujours le choix d’agir selon ses propres valeurs. En toile de fond de ces quatre courtsmétrages, un régime totalitaire toujours en vigueur. Paola Hürlimann There is no evil, Mohammad Rasoulof, 2020, 150 minutes.

Au cœur du cauchemar

Vingt et un ans avant le génocide rwandais, la haine raciste s’introduit dans un lycée catholique du pays. Dans Notre-Dame du Nil, le réalisateur et écrivain afghan Atiq Rahimi convoque le sacré pour incarner la perte de l’innocence. Par Aurélie Kohler

Après avoir adapté deux de ses romans dont les intrigues se jouent en Afghanistan, Atiq Rahimi (prix Goncourt 2008) pose sa caméra dans les vertes collines du Rwanda. Il porte à l’écran le roman Notre-Dame du Nil de Scholastique Mukasonga (prix Renaudot 2012). Les deux auteur·e·s exilé·e·s en France n’ont de cesse d’explorer les drames intimes et collectifs de leurs pays respectifs. Le titre du livre se réfère au nom fictif d’un pensionnat catholique, très semblable à celui qu’a fréquenté l’auteure rwandaise.

En 1973, ce lycée perché en altitude accueille les filles de l’élite politique et militaire du pays. Les adolescentes font des batailles d’oreillers, rêvent à leur futur d’épouses de hauts dignitaires et s’acquittent avec discipline des tâches journalières. Mais les rivalités ethniques n’épargnent pas l’établissement. Selon une loi, les élèves tutsies ne peuvent occuper que 10 % des places. Elles sont progressivement prises à partie et insultées par la majorité hutue, jusqu’à l’explosion de la violence, quelques mois avant que Juvénal Habyarimana ne prenne le pouvoir.

Atiq Rahimi se refuse à une reconstitution historique, il se concentre plutôt sur le ressenti et l’imaginaire des pensionnaires. Les scènes du quotidien se succèdent, obscurcies par une suspicion grandissante. De cet enchaînement surgissent de beaux moments de poésie. Les images en décor naturel baignent dans une douce lumière. La narration trop confuse rend cependant l’ensemble inégal, le propos est parfois noyé dans la multiplication des points de vue et les commentaires en voix off.

Le récit s’intéresse à deux duos d’amies, Gloriosa qui entraîne Modesta dans sa cruauté, ainsi que Veronica et Virginia, deux élèves tutsies. Ces dernières se savent menacées dès le début, mais réagissent différemment. La première se laisse admirer par un planteur de café blanc, Monsieur de Fontenaille. Colon du passé, il nourrit des fantasmes pour les Tutsi·e·s auxquel·le·s il prête des origines légendaires. Quant à Virginia, elle confronte la direction de l’institution catholique. La jeune fille dénonce les mensonges de Gloriosa à la mère supérieure, en vain. La religieuse s’arrange des rapports de pouvoir et finit par détourner le regard des décisions finales. Dans une ultime accalmie, l’entraide entre les femmes éloigne les inimitiés.

Notre-Dame du Nil, Atiq Rahimi, 2019, 93 minutes.