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La mini-jupe : une interview

Objet de fantasme, symbole de la libération sexuelle des sixties, accessoire absolu de la féminité, la mini-jupe habite notre imaginaire à tous. Mais connaissons-nous vraiment ce vêtement ? Votre rubrique mode vous propose d’aller découvrir l’histoire de cette icône de la mode. Rencontre avec la petite sœur de l’ancestrale jupe, qui provoqua le scandale sur le corps des jeunes filles à partir des années 60.

Bonjour mini-jupe, merci de nous accueillir chez vous. Tout d’abord, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ? Qu’est-ce qui vous définit en réalité ?

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MJ : Merci à vous de vous plonger dans l’historique de ma vie, ça me touche. Je suis un vêtement de la garde-robe féminine et il est vrai qu’on me confond souvent avec mes sœurs ou mes cousines. Pour me repérer c’est simple, moi je suis la petite jupe qui descend MAXIMUM en dessous de la moitié de la cuisse, je suis vraiment à vingt bon centimètres au-dessus des genoux.

Question assez personnelle mais parlons de vos origines, je sais que votre paternité est régulièrement discutée entre la France et l’Angleterre.

MJ : Qui est mon papa ou ma maman ? Eh bien Monsieur André Courrèges, grand nom de la mode française, affirme que c’est lui mon géniteur en 1965. Mais d’après des “tests” plus récents, ma maman serait l’anglaise Mary Quant. Elle m’a conçue au début des années 60 dans le contexte du Swinging London où des quartiers comme Carnaby Street étaient devenus les nouveaux centres de la mode pour la jeunesse.

Et comment expliquez-vous que vous ayez eu un succès aussi rapide ?

MJ : La jeune clientèle de ma maman est devenue absolument fan de moi et c’est comme ça que j’ai commencé à voyager dans tout l’Occident. Je pense que j’avais quelque chose de frais et de très transgressif, quelque chose que les adolescentes d’alors recherchaient désespérément. Je suis devenue un moyen d’afficher leur rupture avec la génération précédente.

Effectivement on sait que vous avez été très mal jugée à l’origine, comment est-ce que vous avez vécu cette période de votre vie ?

MJ : Oh je n’étais pas surprise d’avoir à vivre ça sachant que je dévoile très largement les jambes des filles et qu’à cette époque c’était très novateur et surtout hyper indécent. J’ai entendu de tout sur moi et venant de tout le monde vraiment : les vieilles dames comme les messieurs, les mères de famille comme les vétérans. Et je dois vous faire la confidence que les moins tendres étaient des femmes… Vous savez qu’on m’a même refusé l’entrée de la basilique Saint Pierre !? D’ailleurs il paraît que la religieuse en charge de contrôler les tenues a dû se mettre en arrêt maladie tant son travail devenait intense : elle refusait 2000 femmes par jour.

C’est fou !!! En effet, vous avez séduit tellement rapidement les gens qu’aujourd’hui on retrouve votre image partout, dans les publicités, les films, les séries, les clips… Qu’est-ce que ça fait d’être aussi connue ?

MJ : C’est arrivé très tôt dans ma vie et ça dure encore. Je suis très fière d’avoir connu cette popularité dès le début car j’ai pu apprendre à la “maîtriser”, à faire ce que je voulais de mon image, incarner des rôles de femmes plutôt sexy, des super-héroïnes, des versions plus classes, d’autres assez trash… Je n’ai pas une liberté absolue évidemment mais j’aime constater à quel point j’ai traversé les années. Tout le monde a forcément en tête une star ou un personnage de film quand il pense à moi, vous voyez ?

Oui, tout à fait. Justement, quelles sont les personnalités que vous avez préféré habiller ?

MJ : J’en ai énormément mais pour n’en citer que quelques-unes, je dirais Nancy Sinatra qui incarne la libération sexuelle des années 60 dans le clip de These boots are made for walkin’. J’aime aussi me voir dans Pretty Woman (1990).

Oh oui bien sûr, avec cette fameuse scène où Julia Roberts change de style et vous troque pour une jupe très conventionnelle, en dessous du genou.

MJ : Exactement. J’étais profondément mortifiée par ce choix scénaristique, je la trouvais tellement mieux dans sa tenue sexy…

Depuis les années 90, on vous voit particulièrement dans des productions japonaises, notamment dans le sous-genre des “magical girls” avec les guerrières Sailor dans la franchise Sailor Moon ou encore en Europe, avec les Winx qui ont bercé l’enfance de beaucoup de nos lecteurs. Qu’est-ce que vous retirez de ce succès exceptionnel dans la culture nippone ?

MJ : C’est vrai que de nos jours, on me voit beaucoup dans l’univers manga et anime japonais, notamment en tant que symbole de la jeune écolière en uniforme. Certaines de ces productions m’utilisent comme élément principal du scénario. Dans l’anime Kill la Kill l’héroïne doit porter un uniforme indestructible mais très très court et elle apprend petit à petit à aller au-delà de sa timidité pour combattre ses ennemis. Je trouve que c’est un choix scénaristique intéressant mais mon jugement est sans doute biaisé.

Ce que vous qualifieriez de pire époque pour vous ?

MJ : Les années 2000. Ça a été une descente aux enfers pour moi avec la mode de la taille basse. Comment est-ce qu’on a pu penser une mode aussi désastreuse pour la silhouette féminine sérieusement ??? 20 ans après, le retour de cette atrocité vestimentaire me fait faire des cauchemars la nuit.

Waaa, quand on vous entend en parler ça sert le coeur… Avant de se quitter : vous disiez tout à l’heure avoir essuyé de nombreuses critiques. Quelle était selon vous la pire ?

MJ : Facile ! Coco Chanel ! Aigrie au possible, elle s’est montrée j’aime bien les mollets, les genoux, les cuisses, je trouve ça génial de les montrer !!! Aujourd’hui, elle doit se retourner dans sa tombe en voyant les collections Chanel depuis 1983 : Karl Lagerfeld m’a justement utilisée pour rajeunir le fameux tailleur de la maison. détestable avec moi. Il faut dire qu’elle avait déjà 86 ans et n’était pas du genre branchée... En 1969, elle a dit de moi que j’étais (je cite) “affreuse” car c’était très moche de “faire voir ces genoux”. Mais moi j’aime bien les mollets, les genoux, les cuisses, je trouve ça génial de les montrer !!! Aujourd’hui, elle doit se retourner dans sa tombe en voyant les collections Chanel depuis 1983 : Karl Lagerfeld m’a justement utilisée pour rajeunir le fameux tailleur de la maison.

Mathilde Bailly, intervieweuse de vêtement à ses heures perdues

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