Béarn 2030 numéro 2

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MERCREDI 17 OCTOBRE 2012

Faits et prospectives | III

BÉARN 2030

ENTRETIEN Jean-Michel Uhaldeborde, professeur en sciences économiques et ancien président de l’Université de Pau et des pays de l’Adour (UPPA).

« Béarn et Bigorre doivent nouer des alliances »

... et au réseau international avec la ligne Pau – Canfranc Section Pau – Oloron en service Projet de remise en service de la section Oloron – Bedous Réouverture de la section Bedous – Canfranc à l’étude

PAU

Gan

Oloron-Sainte-Marie Lasseubetat

Gurmençon

Ogeu Lurbe-St-Christau

Arudy

Escot

Vallée d’Aspe

Sarrance

Bedous Laruns

Accous

Pont de l'Estanguet

Lescun Etsaut Urdos

Tunnel ferroviaire du Somport

ESPAGNE

(7 850 m)

Canfranc

Gare internationale de Canfranc

5 km

... et plus au sud vers le tunnel du Somport Olo O

Quel visage pour le Béarn en 2030 ? Fin connaisseur des grands enjeux de territoire, l’universitaire Jean-Michel Uhaldeborde ouvre ici plusieurs pistes et pose des questions pertinentes.

A

ncien président de l’Université de Pau et des pays de l’Adour, le Bayonnais Jean-Michel Uhaldeborde,professeurdesciences économiques, plaide pour une stratégie d’alliance avec Tarbes. Le Béarn semble enclavé : peutil être un carrefour d’ici 2030 ? Ma première réaction sera de dire que cette perception d’enclavement est sans doute excessive. Raisonnons plutôt à l’échelle du Béarn mais aussi de la Bigorre qui sont tous deux des territoires adossés aux Pyrénées. Comment mieux les connecter à Bordeaux, au territoire national ? Comment peuvent-ils se trouver à la croisée des chemins, non seulement en termed’infrastructuresmaisaussi au plan stratégique ? Il faudra nouer des stratégies d’alliances, se projeter par-delà les frontières. Par ailleurs, si Pau est bien reliée vers le Nord, que ce soit par la route ou les airs, on bute en revanche sur un mur, au Sud. Ouvrons une nouvelle frontière, ce qui suppose des aménagements mais aussi une stratégie lucide.

N134 Ogeuu Asasp Asas sp Lurbe-St-Christau

N134

Escot

Sarrance

Osse-en-Aspe

Bedous Accous

Lescun

Cette-Eygun Etsaut

N134 Urdos

ESP. Sections réalisées Déviations d’Oloron et de Gurmençon– Asasp en projet Sections à étude

Tunnel routier du Somport (8 600 m)

5 km Canfranc

Lesinfrastructuresdetransport seront-elles le principal levier du développement ? On voit, sur une longue durée, que les villes se développent par le transport. Mais, après, il faut échanger. Les transports constituent un élément accommodant, importantpourseconnecter.Cela suffit-il ensuite pour assurer un bon développement économique au territoire ? Pas sûr. L’alchimie est assez compliquée... Ces questions touchant aux transports obnubilent élus et décideurs. À tort ou à raison ? Ils n’ont pas forcément raison. On entend effectivement beaucoup parler de LGV, du cadencement des TER... Mais il faut d’abord savoir ce qu’on veut transporter. Du fret, ce qui représente des enjeux colossaux ? Des passagers ? On touche là à un problème comportant plusieurs échelles. La première d’entre elles est celle de la quotidienneté, du trajet domicile-travail. Que veuton pour l’usager ? On voit que ce n’est pas si simple.

« Sur une longue période, les villes se développent par le transport. »

« Le Béarn et la Bigorre sont à la croisée des chemins. »

« L’axe Ouest-Est est un enjeu stratégique important. » © N.S.

A cause de leur coût, ces infrastructures ne vont-elles pas assécher les finances des collectivités ? C’est un problème de fond car on s’engage dans des choix politiques dont les effets ne se produisent qu’à moyen ou long terme. On ne pourra pas tout faire en même temps, ce qui fait rebondir le débat sur la question du coût. On voit que l’Etat, qui essaie de se défausser, est tenté par le transfert des charges et appelle les collectivités territoriales à mettre au pot. Cela crée déjà une première situation de tension et les collectivités se sentent piégées car c’est un peu le « pari pascalien ». On ne sait pas si la LGV, c’est la clé du développement. Mais si jamais c’était vrai et qu’on nefasserien... L’espérancemathématique de gains est incommensurable ! Il y a ensuite un autre risque pour les années à venir. En plus des dépenses obligatoires, celles qui sont liées au sanitaire, au social, à la dépendance vont continuer à exploser avec notre société qui vieillit. Côté recettes, il y aura un gel et même une baisse des dotations de l’Etat. La tension sera de plus en plus forte et c’est là que le fameux « effet de ciseaux » sera redoutable. Des arbitrages délicats devront être faits.

ver l’attractivité du territoire, il faudra amener la population à modifier des comportements. C’estdifficile,maisc’estlaresponsabilité de l’élu local. Il s’agit là de vraies questions alors que le processus de métropolisation, à l’œuvre, va s’accélérer. On le voit déjà pour Bordeaux qui est sur un positionnement de ville européenne avec la LGV, la créationd’unetrèsgrandeuniversité... Pour en revenir au Béarn, il faut donc essayer de préserver les atouts, le cadre de vie. Mais cela ne doit pas signifier que le territoire devient une réserve d’Indiens !

Les ingénieurs de Réseau ferré de France (RFF) évoquent la barre des 3 heures quotidiennes de temps de déplacement. A moins de 3 heures, le ferroviaire, dont la forceprincipalerestelevilleàville, récupère une grosse partie du trafic aérien. Ceci dit, je crois qu’il faut être prudent et raisonner en terme de systèmes de déplacements combinés. De quoi a-t-on besoin ? D’un mode de déplacement confortable, si possible respectueux de la planète. L’usager attend un service. Une structure à grande vitesse, c’est bien. Mais si, derrière, on ne peut pas prendre un taxi à la gare de Pau, comment faire ?

Quel sera l’atout déterminant : un territoire bien desservi ou un environnement préservé ? Il faudra essayer de concilier ce qui paraît contradictoire. C’està-dire améliorer les dessertes, mais également conserver ce qui estaussiunatoutpourledéveloppement économique : le cadre et lesconditionsdevie.Pourconser-

Partagez-vousl’analysedeceux qui disent que l’avenir du Béarn passera autant par le Sud que par le Nord ? Au-delà de cette question, il y a, pour moi, un autre enjeu stratégique important, c’est celui de l’axe Ouest-Est. Et surtout l’Est avec Tarbes et Toulouse. C’est pour cela que je reviens sur la question de la stratégie d’alliance avec Tarbes. On a pour l’instant un axe Nord-Sud qu’il faut continuer à privilégier car les gros marchés sont au Nord. Les responsables du Béarn et de la Bigorre sont un peu à la croisée des chemins. Est-ce qu’on continue avec nos jérémiades sur « les vampires toulousains » et les « arrogants bordelais » et on n’est pas capable de réunir nos forces ? Il ne faudrait pas que cette fascination pour le Sud serve d’alibi, qu’elle nous fasse oublier Toulouse. LGV, aéroport, voie rapide : y a-t-il complémentarité ou concurrence frontale ?

Le coût croissant de l’énergie ne va-t-il pas faire exploser tous les scénarios échafaudés ? Il faut déjà en envisager plusieurs et prendre conscience que nous évoquons là des réalisations à 15 ans. C’est, à mes yeux, une raison de plus pour exécuter d’ores et déjà les travaux d’expertise sur les différents tracés possibles, même si cela comporte toujours une part de pari. Ne perdons pas de vue que la réalité est parfois plus farceuse que tout ce qu’on peut intellectuellement imaginer. Les institutions qui portent ces projets ont-elles assez de voix pour se faire entendre ? Il faut un discours cohérent et ensuite jouer groupés. Pau n’est pasTarbesmaisleursdestinssont liés.Ya-t-ilquelqu’unàlamanœuvre sur ce territoire, en Béarn et Bigorre ? J’ai l’impression que les responsables économiques béarnaissontunpeutropinhibés par le risque d’enclavement. l RECUEILLI PAR GÉRARD CAYRON


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