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Des capteurs, un avatar… et une analyse des gestes et postures !

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80 % des maladies professionnelles indemnisées en France sont des troubles musculo-squelettiques (TMS). Ces TMS affectent de nombreux secteurs d’activité, postes et métiers. La prévention des TMS est une priorité des politiques publiques et du monde du travail. Pour mieux accompagner ses entreprises adhérentes, le CEDEST s’est doté d’une technologie de pointe : les capteurs CAPTIV, qui permettent d’analyser les mouvements réalisés en situation réelle de travail.

Ergonome au CEDEST, Emilie Lecaillez explique : « Pour réduire le risque de TMS, il faut agir à la source des expositions. Pour cela, l’observation en situation réelle de travail et les échanges avec les opérateurs sont essentiels et incontournables. Nous avons beaucoup de demandes d’analyses de la part de nos entreprises adhérentes qui souhaitent investir à bon escient dans la prévention des TMS. Les capteurs nous aident à objectiver nos observations et facilitent de ce fait le dialogue avec le collectif de travail ». Captiv est l’une des solutions logicielles existantes sur le marché.

Quelle démarche ?

« Nous utilisons cette solution après concertation entre l’entreprise et le médecin du travail, en accord avec la direction, l’encadrement, les salariés et leurs représentants. C’est la base de toute intervention en ergonomie ! », précise Marilyne Pattyn, technicienne en ergonomie au CEDEST. « Concrètement, une fois ces accords obtenus, nous réalisons une préanalyse pour connaître l’environnement de travail et objectiver les postes qui seront étudiés. Nous intervenons ensuite en situation réelle de travail. Les salariés qui l’acceptent sont équipés des capteurs et sont filmés, à leurs postes de travail, durant l’exécution de leurs tâches. De retour au CEDEST, nous analysons les données recueillies. Un « avatar » anonyme du salarié filmé apparaît à l’écran, avec indications par des zones colorées des gestes et contraintes à risque. Le logiciel identifie les postures contraignantes et mesure combien de temps le salarié y est exposé ».

Pour quelles utilisations ?

Pour Emilie Lecaillez, « l’utilisation de cette solution novatrice est efficace. Après un temps de formation, nous pouvons utiliser ce type de technologie dans tous les secteurs d’activités en toute simplicité. Les données recueillies sont extrêmement parlantes. Elles demandent un temps d’interprétation, comme toute analyse de situation. Le rendu des données est très visuel : il facilite le dialogue avec les opérateurs et l’entreprise lors de nos restitutions et de nos échanges. Cela facilite et consolide l’identification des mesures à prendre au sein du collectif de travail ». Rappelons que face aux risques de TMS, les mesures de prévention peuvent concerner des modifications de l’organisation du travail, des équipements, outils et matériels, voire des adaptations de processus de travail. Ces investissements vont de pair avec des améliorations de qualité de vie au travail et/ou de productivité.

L’intervention d’un ergonome au sein d’un collectif et d’une situation de travail réduit les risques professionnels, sur le plan humain, économique et social. A l’ASMIS, Association Santé et Médecine Interentreprises du département de la Somme, Nathalie Lachambre est psychologue du travail et ergonome depuis 20 ans. En liaison avec le médecin du travail concerné, elle est intervenue, dans plusieurs centaines d’entreprises, notamment des TPE et PME. Elle nous partage sa conviction : « l’entreprise a un retour sur investissement ! ».

Ergonomie

Vous ne proposez pas un aménagement en ergonomie, sans en aborder le retour sur investissement pour l’entreprise. Pourquoi ?

Nathalie Lachambre : « Bon… Déformation professionnelle ! J’ai commencé mon activité d’ergonome dans le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés, en apportant des aides financières conséquentes grâce à l’Agefiph1. La question de la pertinence de l’attribution de ces aides financières aux entreprises et au salarié a toujours été, pour moi, une évidence. Il nous faut utiliser ces fonds à bon escient ! Pour les médecins du travail et moi-même, nous devons partager la certitude que le ou la salarié(e) qui bénéficie de ces aménagements adaptés à sa situation, bénéficie aussi d’une amélioration de sa réalisation dans le travail. Et donc d’une amélioration du travail fait pour son entreprise, en préservant son savoir et ses compétences. »

Vous dites souvent qu’une aide financière est d’abord collective…

Nathalie Lachambre : « Oui. Soyons concret et imagé : si Germaine a mal au dos et le dit… Bernard ne dit peutêtre rien ! Pourtant, les problèmes de Germaine et Bernard sont les mêmes, à ce poste de travail. L’investissement pour améliorer la situation de travail, et l’aide financière éventuelle, doivent être bénéfiques à chacun. Une amélioration de situation de travail est toujours bénéfique au collectif. Avec l’aménagement réalisé grâce à l’ergonomie : Germaine et Bernard vont produire plus et mieux en moins de temps, en préservant leur santé mentale et physique. Dans ce cas-là, je sais que nous avons gagné. Une entreprise ne peut pas perdre de l’argent. C’est un principe de réalité ! Sinon, comment fait-elle »

Mais… Vous êtes là pour la santé ou pour les résultats économiques ?

Nathalie Lachambre : « Euh… Les deux ! La promotion et le développement de la santé en entreprise rejoint les résultats économiques. Il faut arrêter d’opposer les deux. Dit autrement et encore de manière imagée : ne suis-je pas un caméléon ? Peut-être… J’entends des interlocuteurs différents. Je dois les comprendre. Je dois parler leurs langages et comprendre leurs représentations. Une grande usine est différente d’une grande association, elle-même différente d’une PME ou d’une TPE. Je dois entrer dans la logique de l’autre et trouver le chemin commun à chacun, qui soit viable économiquement. En TPE et PME, l’employeur a « sa boite » à faire tourner ! Je l’aide, ainsi que son ou ses salariés. Je rends aussi de l’humanité. Trouver une solution technique, ce n’est pas un souci ! Atteindre l’amélioration de la production et de la qualité, c’est là que se situe la réussite. »

Avec un tel discours, vous ne choquez pas les salariés ?

Nathalie Lachambre : « Vous savez… Le salarié cherche à bien faire son travail. C’est ma conviction. Disons, pour au moins 97 % d’entre eux. Il y a aussi tous les métiers – et ils sont nombreux - où l’on ne badine pas avec la sécurité. Prenons un exemple concret : celui des bidons dans une PME. Quand je suis intervenue, avec mon œil neuf dans l’entreprise, j’ai développé une solution globale. Elle a été bénéfique à l’ensemble des salariés. Il fallait manipuler des bidons de 20 litres. C’est plus long que manipuler quatre bidons de 5 litres. C’est assez évident… Et on a un sentiment d’efficacité, que l’on n’a pas avec un bidon de 20 litres… qui est trop lourd. On peut aussi alors se retrouver à deux sur une distance donnée. Et retrouver chacun de l’autonomie… Le salarié, qui était en difficulté avec les bidons de 20 litres, n’est plus une " gêne ". La solution est globale. Chacun y gagne ! »

Comment abordezvous une entreprise ?

Quelle est votre spécificité, en tant que service de prévention et de santé au travail ?

Nathalie Lachambre : « Nous sommes dans le service concret à l’entreprise et dans son accompagnement désintéressé. Nous sommes sans but lucratif et nous ne faisons pas de recherche. N’avons pas de mission de contrôle, ni d’assureur. Le médecin du travail et l’équipe de santé au travail, mon collègue ergonome et moi, nous recherchons l’intervention efficace pour l’employeur et les salariés : cela doit marcher. Ai-je toutes les clés ?