QPD 71 L'éthique

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Philippe Cochinaux

Philippe Cochinaux 71

ISBN 978-2-87356-396-7 Prix TTC : 10,00 €

9 782873 563967

Collection « Que penser de… ? »

L’éthique

Morale et éthique ne sont pas synonymes. L’auteur situe d’emblée cette dernière dans la perspective de l’Évangile, qui est une invitation constante à vivre à la hauteur de l’amour. La personne humaine, contrairement à l’animal, a une capacité réflexive, un besoin de relation et une historicité. Il n’y a pas d’éthique sans liberté, mais l’exercice de celle-ci est nécessairement limité. La conscience et sa déclinaison dans le domaine de l’éthique, le mal, la violence et le pardon sont aussi traités. Enfin, l’auteur conclut en s’intéressant aux trois dimensions de l’éthique : la dimension universelle, la dimension particulière et la dimension singulière.

Philippe Cochinaux

L’éthique

Photo de couverture : Statue © M.-Norbert de Notre-Dame Jung / esprit-photo.com de Lourdes (Ch. Delhez)

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L’éthique



Philippe Cochinaux

L’éthique

Collection « Que penser de… ? »


Philippe Cochinaux, dominicain, est licencié en droit (Louvain), licencié (Oxford) et docteur (Louvain) en théologie. Depuis octobre 2002, il est le Vicaire général des dominicains de Belgique Sud. À l’Université catholique de Louvain, il est chargé de cours invité à la Faculté de psychologie. Il est également aumônier aux Cliniques universitaires Saint-Luc, à Bruxelles. Il est l’auteur, aux éditions Fidélité et Salvator, de Chemins vers le bonheur (2005), Fragments de bonheur (2006) et Promesses de bonheur (2007), trois recueils d’homélies pour les dimanches, ainsi que du « Que penser de… ? » sur le corps (no 65).

© Éditions Fidélité • 7, rue Blondeau • BE-5000 Namur info@fidelite.be • www.fidelite.be ISBN : 978-2-87356-396-7 Dépôt légal : D/2008/4323/07 Photo de couverture : © M.-Norbert Jung, esprit-photo.com Maquette et mise en page : Jean-Marie Schwartz Imprimé en Belgique


Introduction

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— depuis l’instant de son apparition sur la terre — l’être humain a cherché à utiliser son intelligence en vue d’améliorer sa condition ainsi que le milieu dans lequel il vit. Ces dernières décennies, ce processus s’est sérieusement accéléré. Grâce aux récentes découvertes scientifiques, aux évolutions des mentalités, aux transformations technologiques, de nouvelles possibilités s’offrent à tout individu. Celui-ci se trouve confronté à de nouveaux enjeux éthiques vraisemblablement plus complexes qu’auparavant. En conséquence, face à certaines questions, les débats sont non seulement passionnants mais passionnés. Parfois d’ailleurs, les émotions prenant le dessus sur la raison, la discussion se réduit à des arguments du type « pour » ou « contre ». S’autoriser à simplifier ainsi les questions éthiques de manière si catégorique est d’une certaine manière faire fi de la complexité des situations et de la réalité des personnes qui les vivent. Afin de permettre une certaine sérénité au débat, il semble nécessaire de rappeler quelques fondements de E TOUT TEMPS

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l’éthique à partir desquels il sera possible de traiter de questions plus spécifiques telle que l’éthique médicale, l’éthique familiale, l’éthique sociale, etc. Les chapitres qui constituent cet ouvrage ont pour objectif de préciser ces fondements en vue de pouvoir ensuite les articuler aux situations concrètes. D’une certaine manière, ils sont les fondations à partir desquelles il sera possible de réfléchir et parfois de résoudre les questions auxquelles l’être humain peut être confronté dans le courant de son existence. Cette introduction à ces quelques concepts est également une invitation à poursuivre la réflexion par le biais de la discussion ou par le biais d’autres lectures qui approfondiront les thèmes abordés. Dans le premier chapitre, nous soulignerons la nécessité d’une morale pour régir les rapports entre les êtres humains. Celle-ci a comme finalité le bonheur de toute personne. Dans son processus de maturation, l’individu intègre la morale, puis il cherche, dans les situations auxquelles il est confronté, le choix qui apportera toujours le « plus d’amour ». Pour ce faire, il ne s’enferme pas dans une morale de l’action mais cherche à donner sens à une éthique de l’être. Le deuxième chapitre s’attardera sur la question de la personne humaine. Comment la définir ? Qu’est-ce qui fait spécifiquement notre humanité ? Quelques caractéristiques seront analysées telles que la capacité réflexive, le sujet incarné, la relation, 4


l’historicité, l’unicité, l’humour, l’amour ainsi que l’image divine. Cette liste n’est pas exhaustive et chacun est invité à y ajouter les caractéristiques qui lui semble essentielles dans son propre chemin éthique. Le troisième chapitre aborde la question de la liberté. Nous verrons en quoi le choix est essentiel à l’exercice de la liberté tout en rendant cette dernière profondément paradoxale. Elle s’exerce également à partir de qui nous sommes et doit dès lors tenir compte des limites qui nous constituent. De plus, la liberté s’inscrit dans une éthique de l’être et l’individu pourra être confronté à certaines entraves qui auront des conséquences sur la manière dont sera appréciée sa responsabilité morale. Enfin, dans la foi, la liberté s’inscrit et se réalise en Dieu. Il n’est pas possible de réfléchir à des questions éthiques sans aborder le thème de la conscience qui fera l’objet du quatrième chapitre. Après avoir analysé la complexité du concept, nous nous attarderons sur la notion de socialisation puis sur celle du « sur-moi », car de nombreux travaux de psychologues ont aidé à mieux cerner le terme de conscience. Ensuite seront présentées les trois dimensions de la conscience ainsi que la formation de celle-ci. Enfin, nous verrons comment la conscience peut être éclairée par la foi. De tout temps, l’être humain a été confronté à l’existence du mal et de la souffrance. Il cherche à 5


donner sens à l’insensé et dans la foi, il se demande où se trouve Dieu lorsqu’il est confronté à cette réalité. Dès l’instant de la Création, l’être humain est une créature inachevée vivant dans un monde qui l’est tout autant. Il est co-créateur de cette Création et participe à sa réalisation. Pour réaliser ce projet, Dieu l’accompagne sur son chemin de vie. Il est à ses côtés par l’entremise de l’Esprit Saint qui œuvre avec le Père et le Fils. Dans cette perspective, Dieu démontre sa toute-puissance dans la douceur. Dans un sixième chapitre, nous proposons une réflexion sur la violence. Il ne nous est pas possible de l’éradiquer mais, grâce à l’anthropologie, nous avons quelques clés qui nous permettent de mieux la gérer afin de ne pas la laisser avoir le dernier mot dans les relations. Lorsque la violence prend le dessus, cela conduit immanquablement à l’élimination d’un des protagonistes, voire de tous. Il est donc essentiel de chercher à comprendre les mécanismes qui se mettent naturellement en place afin de mieux les canaliser. Une vie sans pardon est une vie amère. C’est pourquoi cette dimension est nécessaire et fera l’objet du septième chapitre. Le pardon est non seulement un acte de souvenir mais également un acte de foi. Les Écritures le rappellent sans cesse. Trois types de pardon seront proposés à la réflexion : le pardon altruiste, le pardon personnel et la réconciliation. 6


Au terme de l’analyse de ces quelques fondements de l’éthique, dans le huitième et dernier chapitre, sera abordée la question de savoir comment poser le débat éthique pour que celui-ci tienne compte de l’ensemble des paramètres en jeu. Trois dimensions (universelle, particulière et singulière) sont à articuler. Aucune n’a d’ascendance sur une autre. Elles sont toutes les trois à prendre en considération en vue de pouvoir prendre le choix éthique qui apportera toujours le plus d’amour. En conclusion, nous sommes invités à poursuivre et à approfondir cette réflexion. Le débat éthique n’est jamais clos puisque de nouvelles questions surgissent au gré de nouvelles découvertes.



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Le choix du plus d’amour

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sont celles et ceux qui aimeraient pouvoir se passer de morale afin de vivre leur vie en toute liberté. Toutefois, il y a lieu de constater qu’il est impossible pour un individu de vivre en société sans être régi par un ensemble de lois, de règles qui structurent les rapports humains. Tout groupe, toute société se donne des lois afin de permettre les rapports les plus harmonieux possibles entre les personnes qui les constituent. Dans certains systèmes, la morale est parfois très élaborée, fortement explicitée. Dans d’autres, elle est plutôt non dite. Le fait qu’elle ne soit pas dite ne retire pas à la morale son côté prégnant, bien au contraire. En effet, plus un système est précis, plus il est aisé de s’y situer, de l’analyser et parfois de prendre certaines distances et ce, éclairé par sa propre conscience. La finalité de la morale, lorsque celle-ci est bien comprise, est le bonheur, la réalisation et l’épanouissement de tout être humain toujours compris comme étant une personne en relation aux autres. OMBREUX

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Il ne s’agit nullement d’une aspiration individuelle mais plutôt d’un désir partagé avec celles et ceux qui constituent le groupe, la société auxquels nous appartenons. Une telle définition de la morale conduit à reconnaître que les objectifs de la morale chrétienne sont les mêmes que ceux qui s’inspirent de toute autre religion ou phiLa finalité est losophie. Nous partageons un le bonheur terrain commun qui est le bonheur de l’humanité. Toutefois, le chrétien vit avec cette conviction intime qu’il lit sa vie autrement lorsque celle-ci est liée à sa foi. Pour reprendre l’expression d’Adolphe Gesché, théologien belge, nous vivons notre vie humaine en étant des théographes. Par le fait même d’exister, nous sommes les biographes de nos existences mais lorsque nous acceptons d’écrire ces dernières avec l’encre de Dieu, alors nous devenons également les théographes de nos vies. Nous lisons notre vie autrement et l’évangile est un des prismes fondateurs de la lecture intérieure des événements que nous traversons.

Morale ou éthique Souvent, les termes sont utilisés de manière interchangeable comme s’ils étaient de simples synonymes puisque le premier vient du latin et l’autre du 10


« Le salut, au sens religieux du terme, apparaît comme le récit et l’écriture de notre vie avec Dieu. De biographie, elle devient, si l’on peut dire, théographie, invités que nous sommes par Dieu à le mettre dans notre texte. Mais cette écriture de vie avec Dieu, encore une fois, ne se fait pas sans nous. Elle est à la fois écriture de Dieu et écriture de l’homme. Un superbe et subtil commentaire rabbinique sur l’épisode du Veau d’or fait remarquer que, cette fois, Dieu intime à Moïse d’écrire lui-même les Tables : « Inscris ces paroles » (Ex 34, 27). Qu’est-ce à dire, sinon que l’offre d’alliance et de salut doit aussi être ratifiée par l’homme, écrite par l’homme de ses propres mains. Au fond, l’homme doit écrire lui-même la Loi de salut, pour qu’elle existe. Il faut que l’homme la fasse sienne, « l’écrive dans son cœur » — et c’est le chef-d’œuvre de la création de l’homme : le don de la conscience morale —, pour qu’elle devienne aussi sa propre écriture d’homme. Le passage de la vie encore animale de l’homme (le Veau d’or) à la vie qui est propre à sa dignité (les Tables de vie) est vraiment sa biographie, biographie écrite cette fois avec et devant Dieu. Le salut nous est proposé par Dieu, mais nous devons l’écrire de notre main. » Adolphe GESCHÉ, « Le salut, écriture de vie », dans Lytta BASSET, Lucien CASSIERS, Adolphe GESCHÉ, André WÉNIN, Quand le salut se raconte, Bruxelles, Lumen Vitae, 2000, p. 103-104

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grec. Les définitions proposées par le philosophe André Comte-Sponville (Question de…, Albin Michel) paraissent pertinentes et contribuent au débat de l’éthique chrétienne. Selon lui, la morale concerne le champ de la loi et des règles alors que l’éthique se situera plutôt au niveau du désir et de l’amour. Ces deux notions ne sont en aucune manière à opposer mais sont plutôt deux étapes d’un même processus de croissance que vit tout sujet moral. Par notre éducation et par une multitude d’interdits parentaux et sociétaux, nous intégrons au fil de l’enfance et de l’adolescence un ensemble de règles qui vont gérer nos conduites humaines. Ces lois et ces prescrits font partie du champ de la morale. Lorsqu’ils ont été convenablement intégrés en nous, vient l’étape suivante : inscrire la loi au fond des cœurs. Comme le Christ l’a fait, il n’est pas venu abolir la loi mais l’accomplir en l’inscrivant au fond des cœurs justement. Qu’est-ce à dire ? L’éthique est une invitation constante à vivre sa vie en faisant dorénavant par amour tout ce que nous avons appris à faire par devoir. En d’autres termes, nous pourrions dire, en paraphrasant le poète français Christian Bobin, que ce n’est pas l’événement qui fait la vie mais plutôt la manière dont nous le vivons. S’il en est ainsi, apprenons dorénavant à faire par amour ce que nous avions par le passé appris à faire par devoir. Agissant de la sorte, mon regard se transformera sur les actes que j’aurai posés. 12


Tout être humain commence donc par ce passage obligé de la morale pour ensuite s’en libérer afin d’entrer dans le champ du désir et de l’amour, c’est-à-dire celui de l’éthique. En ce sens, l’éthique serait la finalité de la morale, mieux encore la morale réalisée. Le jour où nous serons capables de vivre à la hauteur de l’éthique, il n’y aura plus de lois ni d’interdits puisque nos actes s’inscriront dans l’amour. Hélas, les événements de l’histoire ne nous permettent pas encore de pouvoir croire qu’un tel objectif est atteint. C’est la raison pour laquelle, puisque nous sommes confrontés au fait que l’amour brille parfois par son absence, il est encore et toujours nécessaire d’établir un ensemble de règles et de lois qui vont régir les rapports entre les êtres humains.

L’amour L’Évangile est une invitation constante à vivre à la hauteur de l’amour. Dans l’Ancien Testament, nous avons reçu des commandements. Certains pourraient s’en contenter et estimer qu’ils vivent de manière éthique. Qu’ils se détrompent, le Christ a choisi d’accomplir la loi en l’inscrivant dans le cœur de tout un chacun ; il nous pousse ainsi à aller audelà de ce que nous aurions pu imaginer. Le « tu ne tueras point » n’est plus suffisant et il se transforme 13


en Jésus par le commandement nouveau : « tu aimeras ton prochain comme toi-même » ou encore « aime tes ennemis ». Nous ne pouvons donc plus seulement nous contenter de respecter un ensemble de prescrits. Les exigences du Nouveau Testament prennent leur source et se réalisent pleinement dans l’amour. Aimer. Voilà un verbe bien étonnant dans la langue française. Il semble être le seul dont l’adverbe même positif diminue son intensité. Alors que pour Aimer, tout autre verbe, un adverbe un verbe qui positif renforce le contenu de ne se divise pas celui-ci, il n’en va pas de même pour « aimer ». Tout ce qui est ajouté à ce verbe en diminue sa force. Je t’aime beaucoup dit tellement moins que je t’aime. De plus, c’est un verbe qui ne se divise pas mais qui se multiplie en se donnant. Quel parent dirait à son aîné à l’occasion de la venue à la vie d’une petite sœur ou d’un petit frère : « Nous sommes désolés mais dorénavant nous t’aimerons de moitié moins. » Par ailleurs, il semble être un verbe dont aucune définition ne conviendra à tout un chacun tellement il recèle de possibilités et ce, en fonction des différentes relations que nous créons et vivons. Elles sont chacune unique et participent à l’épanouissement de l’être humain. Aucune relation d’amitié ou d’amour n’est identique. Pour expliciter cela, reprenons une définition pro14


posée par Timothy Radcliffe, théologien anglais : « Aimer, c’est prendre le temps de le perdre, mais ensemble. » Dans l’amour, le temps n’a plus d’heure et les minutes s’écoulent au rythme de nos sentiments envers celle ou celui avec qui je me trouve durant cet instant. Lorsque les sentiments se sont révélés et ont été partagés, il importe peu de savoir ce que nous ferons ensemble. Nous cherchons par-dessus tout à être ensemble. Très souvent, au début d’une relation, nous nous proposons de nous retrouver pour faire quelque chose : prendre un verre, se balader, aller au cinéma, faire du sport… puis, à un moment donné, lorsque cette rencontre est éclairée par l’amour d’amitié, ne se pose plus la question de l’activité à faire mais du moment à vivre. L’être ensemble a pris le dessus. Notre désir le plus profond est de pouvoir être avec l’être aimé et prendre le temps de le perdre ensemble. Il nous importe peu de savoir ce que nous ferons, nous recherchons le plaisir de vivre ces moments partagés et ô combien précieux. Il est également à souligner la pauvreté de la langue française à propos de ce verbe « aimer » puisque nous ne disposons que d’un seul alors que de nombreuses autres langues en utilisent plusieurs et ne peuvent être traduits en français que par « aimer ». La langue grecque, quant à elle, en propose quatre. Chacun apporte des nuances intéressantes qui permettront de mieux comprendre le 15


sens de l’éthique. Il s’agit des verbes éran, stèrgein, philein et agapan. Le premier, éran, duquel vient le substantif éros, concerne toute la tendresse physique existant entre deux êtres. Même s’il est absent du Nouveau Testament et peu utilisé dans l’Ancien, son existence souligne le fait que l’érotisme fait bien partie du plan divin. Pour s’en convaincre, il suffit de lire le Cantique des Cantiques, chant d’amour par excellence de l’Ancien Testament. Le deuxième verbe, stèrgein, absent de la Bible, même si nous trouverons une légère allusion à l’adjectif philostrogos (Rm 12, 10), signe de l’amitié fraternelle entre les chrétiens, concerne plus spécifiquement l’amour familial, c’est-à-dire l’amour des parents pour leurs enfants et vice versa, ou encore l’amour existant au sein d’une fratrie. Ensuite, il y a le verbe philein. Celui-ci a trait à l’amour des sentiments, l’élan du cœur, c’est-à-dire cette alchimie existant entre deux êtres et qui ne s’explique pas mais se ressent. Aristote et Thomas d’Aquin parleront à cet égard de l’amour d’amitié. Enfin, nous avons le verbe agapan qui désigne l’amour qui demande un acte de la volonté. Nous ne nous situons plus simplement au niveau du cœur mais plutôt de l’esprit. En ce sens, le verbe signifie d’abord et avant tout le respect. Il est intéressant de constater que l’entité du couple humain est la seule entité parmi les créatures qui peut vivre 16


ces quatre formes de l’amour en même temps. Parmi celles-ci, l’agapè est le socle à partir duquel les autres types d’amour peuvent s’épanouir. En effet, de l’éros sans agapè conduit à une relation physique dont le seul intérêt est le plaisir personnel ; de l’èstergéma sans agapè concerne la situation où, par exemple, des parents imposent L’éthique est à leurs enfants ce qu’ils désiune dynamique rent qu’ils deviennent plus tard de vie et ce sans aucun respect des souhaits de leurs enfants ; de la philia sans agapè conduit à aimer l’autre non pas pour ce qu’il est mais pour ce que je rêve qu’il soit ; il s’agit d’une forme d’amour fusionnel qui se meurt car il ne peut plus respirer librement. L’agapè est donc bien le fondement nécessaire à toute forme d’amour pour que celui-ci puisse s’épanouir. L’éthique n’est donc pas un ensemble de règles et de lois à respecter à tout prix, mais une dynamique de vie qui cherche toujours la solution qui apportera le plus d’amour. Nous pourrions parler d’éthique « théologale », c’est-à-dire une éthique fondée sur les vertus théologales qui sont la foi, l’espérance et l’amour et, comme le souligne saint Paul dans sa première Lettre aux Corinthiens (1 Co 13, 15), des trois, la plus importante est l’amour. Depuis de nombreux siècles, lorsque quelqu’un est confronté à une situation éthique complexe, l’argument du moindre mal est utilisé. Ce type d’ar17


gument a bien évidemment sa propre cohérence qui tient compte de la complexité de certaines situations éthiques. Une limite peut être celle de porter un jugement de valeur sur l’acte commis lorsque celui-ci est en contradiction avec les lois morales du groupe auquel nous appartenons. C’est pourquoi nous pensons que l’argument du « choix du plus d’amour » transcende cette réalité et, tout en reconnaissant la complexité de la situation, il cherche à trouver ce qui, dans cette situation spécifique, apportera le plus d’amour. Ce type d’argumentation peut conduire à trouver des solutions différentes aux mêmes situations et ce de par le simple fait des personnes concernées.

L’éthique de l’être Durant de nombreux siècles, la morale s’est principalement consacrée à l’éthique de l’action. Les manuels des confesseurs, qui proposaient les lignes de conduite à suivre dans le cadre des confessions, en sont la plus belle illustration. Toutefois, il est à noter qu’une éthique de l’action peut conduire à une certaine forme de désespérance. En effet, se focaliser uniquement sur les actes commis, c’est risquer de leur reconnaître une existence en euxmêmes, détachés des personnes qui les posent. Or, les actes d’une personne sont d’abord, qu’elle le 18


veuille ou non, qu’elle en soit consciente ou non, l’expression de celle-ci. Ils s’enracinent dans la personnalité des personnes qui les commettent et sont donc influencés par l’éducation ou par son absence, par le caractère, par les blessures intérieures, par la vision que l’on a de la vie et par bien d’autres facteurs encore. De plus, il y a lieu de reconnaître que certains actes peuvent être bons pour une personne et désastreux pour une autre. En conséquence, les actes n’existent pas par eux-mêmes et le moraliste doit tenir compte de cette réalité lorsqu’il émet des jugements. Plutôt que de s’enfermer dans une éthique de l’action, il est préférable de se tourner vers une éthique de l’être. Celle-ci ne se préoccupe pas d’abord des actions mais plutôt de la personne qui les pose. L’éthique de l’être cherche à donner une réponse à la question de savoir : « Qui ai-je envie de devenir ? » L’ayant trouvée, il en découlera un ensemble d’actions qui devront être menées afin de permettre à la personne de devenir ce qu’elle veut être. Dans le cadre de l’éthique chrétienne, la question se précise de la manière suivante : « En tant que croyant en Dieu, qui ai-je envie d’être ? » Ayant répondu à cette question, toute personne croyante, éclairée par l’Évangile et par la tradition, verra comment arriver à atteindre les objectifs qu’elle se sera elle-même fixée.


En lecture partielle‌


Table des matières Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8.

Le choix du plus d’amour . . . . . . . . . . . . . . . . 9 La personne humaine . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 La liberté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 La conscience . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49 Le mal et la souffrance. . . . . . . . . . . . . . . . . . 69 La violence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83 Le pardon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99 Les trois dimensions de l’éthique. . . . . . . . 113

Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125 Table des matières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131

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Achevé d’imprimer le 4 avril 2008 sur les presses de l’imprimerie Bietlot, à 6060 Gilly (Belgique)



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ISBN 978-2-87356-396-7 Prix TTC : 10,00 €

9 782873 563967

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Morale et éthique ne sont pas synonymes. L’auteur situe d’emblée cette dernière dans la perspective de l’Évangile, qui est une invitation constante à vivre à la hauteur de l’amour. La personne humaine, contrairement à l’animal, a une capacité réflexive, un besoin de relation et une historicité. Il n’y a pas d’éthique sans liberté, mais l’exercice de celle-ci est nécessairement limité. La conscience et sa déclinaison dans le domaine de l’éthique, le mal, la violence et le pardon sont aussi traités. Enfin, l’auteur conclut en s’intéressant aux trois dimensions de l’éthique : la dimension universelle, la dimension particulière et la dimension singulière.

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Photo de couverture : Statue © M.-Norbert de Notre-Dame Jung / esprit-photo.com de Lourdes (Ch. Delhez)

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