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RÉFORME FISCALE OCDE LES ENJEUX POUR FRIBOURG

La Suisse doit à nouveau réformer sa fiscalité des entreprises. Peuple et cantons sont appelés à voter le 18 juin prochain sur un article constitutionnel instituant que les entreprises dépassant 750 millions d’euros de chiffre d’affaires (CA) soient soumises à un impôt sur le bénéfice de 15% au minimum.

Cette réforme, menée au niveau de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dont la Suisse est membre, comprend deux volets : le pilier 1, qui concerne le transfert des droits d’imposition vers les États du marché, n’est pas encore abouti. L’impôt minimal de 15% constitue le pilier 2. Explication des enjeux et de la nécessité d’adopter cet objet avec JeanPierre Siggen, conseiller d’État en charge des finances.

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QUE CHANGERA CONCRÈTEMENT L’IMPÔT MINIMAL OCDE POUR LE CANTON DE FRIBOURG ?

Concrètement, seules les sociétés qui remplissent les critères définis par cette réforme seront soumises à une imposition minimale de 15% et par conséquent touchées par les changements. Les PME ne seront pas concernées. La loi d’impôt ne sera d’ailleurs pas modifiée.

LA TAXE SOCIALE, PRÉLEVÉE AUPRÈS DES ENTREPRISES QUI RÉALISENT DES BÉNÉFICES ET ACCEPTÉE EN 2019 DANS LE CADRE DE LA RÉFORME FISCALE DES ENTREPRISES, EST-ELLE INCLUSE DANS LE TAUX MINIMUM DE 15% ?

Le taux d’imposition minimal de 15% est calculé à partir des impôts totaux dont la société s’est acquittée en Suisse. Cela inclut par conséquent les impôts sur le bénéfice et le capital, mais également les impôts ecclésiastiques et la taxe sociale, calculée comme un centime additionnel au niveau de l’impôt sur le bénéfice.

COMBIEN D’ENTREPRISES SONT CONCERNÉES DANS LE CANTON ? ET QUELS SERONT LES REVENUS FISCAUX SUPPLÉMENTAIRES ?

De nombreuses incertitudes subsistent encore quant à cette réforme notamment en raison du fait que ni l’actionnariat, ni le chiffre d’affaires total, ni la profitabilité des groupes concernés ne sont connus par l’autorité fiscale. Il en va de même pour les sociétés qui s’inscrivent dans un contexte intercantonal. On peut toutefois considérer que 30 à 70 sociétés du canton devraient être touchées par cette réforme.

La Confédération estime que l’impôt complémentaire suisse pourrait générer des recettes supplémentaires de l’ordre de 1 à 2,5 milliards de francs environ et ce pour autant que le comportement des contribuables ne change pas. Deux approches sont envisageables pour évaluer les retombées fiscales pour le canton de Fribourg : la première, que je considère comme particulièrement optimiste, où l’on se fonde sur le PIB. Celui de Fribourg représente environ 2,7% du PIB suisse. Dès lors, les recettes fiscales supplémentaires pour le canton pourraient être de l’ordre de 27 à 68 millions de francs. Selon la seconde approche, plus prudente, les rentrées fiscales découlant de la réforme seraient comprises entre 5 et 10 millions de francs. Toutefois, les estimations pourront être affinées au moment où mon administration procédera aux premières taxations suivant la réforme, c’est-à-dire au plus tôt en 2026.

LES DÉBATS AU PARLEMENT ONT SURTOUT PORTÉ SUR LA CLÉ DE RÉPARTITION DES REVENUS FISCAUX SUPPLÉMENTAIRES ENTRE LE CANTON (75%) ET LA CONFÉDÉRATION (25%). LES OPPOSANTS À LA RÉFORME CONTESTENT PRIORITAIREMENT LE MÉCANISME RETENU. QUELS SONT VOS ARGUMENTS EN FAVEUR DE CE MÉCANISME ?

La répartition des recettes telle que proposée résulte d’un compromis qui tient compte de l’abandon, par les cantons, d’une partie de leur compétence fiscale au profit de la Confédération. Il me paraît juste que ceux qui génèrent des profits doivent également pouvoir bénéficier des retombées financières qui en découlent. Par ailleurs, l’augmentation des recettes fiscales cantonales sera prise en compte dans le potentiel des ressources en matière de péréquation. Dès lors, les cantons contributeurs ainsi que la Confédération devront payer davantage dans le « pot commun ». Il me semble donc légitime que cela soit pris en considération dans la clé de répartition entre les cantons et la Confédération.

CETTE RÉFORME AURA-T-ELLE UN IMPACT SUR LES REVENUS QUE TIRE LE CANTON DE FRIBOURG AU TITRE DE LA PÉRÉQUATION FINANCIÈRE (RPT) ?

Les règles de la péréquation ne sont pas modifiées dans le cadre de la réforme. Le Conseil fédéral devra examiner, lors du rapport sur l’efficacité de la RPT 20262029, si la mise en œuvre de l’imposition minimale aura eu pour effet d’augmenter les disparités entre les cantons. La Confédération devra, le cas échéant, envisager d’adapter la péréquation.

Comme mentionné, la dotation minimale du fonds péréquatif sera augmentée en raison de la pondération du potentiel de ressources. Fribourg, en tant que canton bénéficiaire, devrait percevoir plus au titre de la péréquation. Cependant, en raison du décalage dans le temps entre les bases de calcul de la RPT et les années de versement, les premiers effets devraient se faire sentir en 2028.

AVEC CETTE RÉFORME, FRIBOURG PERD L’AVANTAGE D’UNE FISCALITÉ ATTRACTIVE PAR RAPPORT À D’AUTRES CANTONS. VOUS ATTENDEZ-VOUS À DES RÉPERCUSSIONS AU COURS DES PROCHAINES ANNÉES ?

La fiscalité du canton de Fribourg ne va pas être modifiée. Il n’y aura pas d’augmentation du taux d’imposition pour toutes les sociétés. Certes, la compétitivité en matière de fiscalité s’amenuisera, mais les conditions-cadres et différents critères sont aussi décisifs pour attirer les grandes sociétés et stimuler l’attractivité économique de Fribourg. Je constate enfin que, d’une manière générale, les sociétés s’adaptent aux circonstances.