"Songe d'une nuit de Walpurgis", Gérard Garouste

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05/09/11

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GĂŠrard Garouste

Walpurgisnachtstraum Songe d’une nuit de Walpurgis

Galerie Daniel Templon



Exposition du 8 septembre au 29 octobre 2011

GĂŠrard Garouste

Walpurgisnachtstraum Songe d’une nuit de Walpurgis

Galerie Daniel Templon


À Joachim, Marcel, Jasmine

« ... Et si par ce sentiment tu es heureuse, nomme-le comme tu voudras, bonheur ! cœur ! amour ! Dieu ! Moi je n’ai pour cela aucun nom. Le sentiment est tout, le nom n’est que bruit et fumée qui nous voile l’éclat des cieux. » “...And when you are blessed by the deepest feeling, Call it then what you wish, Joy! Heart! Love! God! I have no name for it! Feeling is all: Names are sound and smoke, veiling Heaven’s bright glow.” Johann Wolfgang von Goethe, Faust, 1808


Sommaire Content 4 Introduction | Foreword Bernard Blistène

6 L’homme avisé | The Real Man Henri Berestycki 14 Toutes les connaissances du monde | All the World’s Knowledge

Aurélie Barnier

18 Ironie du sort | Irony of Fate 20 Œuvres | Works Propos de Gérard Garouste recueillis par Aurélie Barnier Gérard Garouste interviewed by Aurélie Barnier

Biographie, Bibliographie | Biography, Bibliography

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Introduction    Foreword


L’homme avisé Bernard Blistène

The Real Man

« Chacun n’apprend que ce qu’il peut apprendre, mais celui qui sait profiter du moment, c’est là l’homme avisé. » “Every man learns only what he can, but he who grasps the moment, that is the real man.” Johann Wolfgang von Goethe, Faust, 1808

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Gérard Garouste | Walpurgisnachtstraum - Songe d’une nuit de Walpurgis

1.

« Entre mythologie collective et histoire individuelle, Garouste construit une œuvre complexe et tragique. » — “Between collective myth and individual story, Garouste constructs a body of work that is complex and tragic.”

Depuis quelque vingt années, Gérard Garouste entreprend une investigation des mythes fondamentaux de la culture occidentale à travers de vastes cycles de peintures qui sont autant d’étapes de sa recherche. Parallèlement, Garouste ne cesse de retourner à son histoire personnelle, de convoquer son enfance et son histoire familiale : Gérard Garouste est l’un des très rares grands peintres contemporains à faire de sa propre vie le sujet de son œuvre. Entre mythologie collective et histoire individuelle, Garouste construit une œuvre complexe et tragique : complexe parce que nourrie de multiples entrelacs et d’histoires sans fin. Tragique parce que ne dédaignant jamais une forme d’éloquence et le sens d’une certaine dramaturgie. Le temps passe et Garouste semble ne jamais être de son temps. Plus, les sujets qu’il emprunte aux mythes universels jettent un abîme entre son œuvre et la réalité du monde dans lequel nous vivons. Garouste serait-il à jamais rétif à être « peintre de la vie moderne » ? Serait-il à la recherche d’un langage défiant de raconter son temps  ? Le monde que nous habitons l’obsède-t-il moins que le monde qui habite sa tête ? Souvent, pourtant, des éléments de son vocabulaire iconographique – voire ce que Daniel Arasse appelle des « détails » – nous ramènent à aujourd’hui : là, quelques accessoires ou objets de la vie domestique, là le costume ou l’objet d’un décor à même de nous faire saisir que nous ne sommes pas hors le temps, mais que le peintre actualise le mythe. Alors, à l’invocation du passé répond la mise en scène de la vie quotidienne. À la pompe sans âge répond le vocabulaire d’aujourd’hui. Voyez ici le chemisier de Marguerite-Elisabeth, la montre d’Henri Berestycki de Dérive, la robe de Jean-Paul Gaultier du Bouc expiatoire, et j’en passe. Le présent du mythe tient aussi de son inscription dans la représentation de notre quotidien. Je veux ici insister sur ce point qu’au gré d’une étude sur de

1.

For some twenty years now, Gérard Garouste has examined the fundamental myths of  Western culture via huge cycles of paintings that are so many stages in his exploration. Parallel to this, Garouste returns persistently to his personal story, invoking his childhood and his family history. Gérard Garouste is one of the rare great contemporary painters to make his own life the subject of his work. Between collective myth and individual story, Garouste constructs a body of work that is complex and tragic: complex because feeding on multiple convolutions and stories without end; tragic because never averse to some form of eloquence and a certain sense of drama. Time passes and Garouste seems never to be part of his own time. Furthermore, the subjects he borrows from the universal myths leave a gulf between his work and the reality of the world in which we live. Is it that Garouste resists forever the idea of being a “painter of modern life”? Is he seeking a language that refuses to narrate his times. Does the world which we inhabit obsess him less than the world which inhabits his head? Often, however, elements of his iconographic vocabulary –or what art historian Daniel Arasse calls the “details”– bring us back to today. It may be some accessories or objects of domestic life, clothes or an object in a décor likely to remind us that we are not completely outside time, but that the painter is bringing the myth into the present day. Thus, a response to evoking the past is a mise en scène of daily life. To ageless pomp, the response is the vocabulary of today. Notice the blouse of Marguerite-Elisabeth (MargereteElizabeth), Henri Berestycki’s watch in Dérive (Drift), the dress by Jean-Paul Gaultier in Le Bouc expiatoire (The Scapegoat), and many more. The myth’s existence in the present derives also from being depicted in the representation of our daily life. I want to insist here on this point which, in the course of studying multiple themes and subjects that Garouste has treated, is constantly being raised. I want to insist on it

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Gérard Garouste | Walpurgisnachtstraum - Songe d’une nuit de Walpurgis

« Garouste est peintre de telle sorte qu’il fait de la difficulté d’être peintre maintenant le sujet premier de son œuvre. » — “Garouste is the kind of painter who turns the difficulty of being a painter today into the main subject of his work.”

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multiples thèmes et sujets que Garouste a traités on ne cesse de relever. Je veux y insister car, à ne pas bien regarder, certains ne veulent pas voir autre chose dans son œuvre qu’une peinture d’un autre temps. Ils condamnent en lui la nostalgie du passé. Garouste, d’ailleurs, ne se prive pas d’en rajouter. Plus l’art de l’époque semble vouloir coller à l’actualité, voire la documenter, plus il souligne l’histoire des techniques au point de les inclure dans un dialogue visuel avec l’œuvre réalisée et plus Garouste s’éloigne de toute forme de subordination de son travail aux techniques actuelles. Garouste est peintre. C’est avec la peinture qu’il se coltine et qu’il entend rester. Garouste est peintre de telle sorte qu’il fait de la difficulté d’être peintre maintenant le sujet premier de son œuvre. Garouste est ainsi peintre pour exhiber son combat et mettre en évidence les paradoxes d’une époque qui dénie largement à la peinture une possibilité autre que celle de se mêler au monde des images, de fusionner avec lui à l’âge des médias. Alors, Garouste répète à l’envi que ses tableaux ne sont et ne seront en rien composites, qu’on n’y trouvera guère de « corps étrangers » ou d’ajouts incongrus. Aucune hybridation. L’époque est loin où, nous rencontrant à la fin des années 1970, je voyais en son travail la volonté d’inventer la peinture en la détruisant, le primat de l’idée sur la technique, la volonté d’élaborer chacune de ses expositions tel un dispositif, l’association inévitable d’objets et de signes, d’images et de matériaux faisant de lui un « polylogue ». Depuis plus de vingt ans, il y a rupture ou, plus exactement, affirmation. Affirmation que seules les armes du peintre sont les siennes. Affirmation que tout le reste n’est que l’air du temps et que son œuvre doit se confronter à l’aune de la seule peinture et rien d’autre. N’en déplaise à ceux dont je fus, qui virent à cet instant-là, en Garouste, un peintre du passé. Ils ne sont pas nombreux, les peintres d’aujourd’hui qui agissent ainsi. Ils sont si peu nombreux qu’ils font figure d’exception. Garouste, plus qu’aucun autre, rejette désormais

because, by not looking at it correctly, some critics do not want to see anything else in his work but the painting of another era. They are condemning in him a nostalgia for the past. Garouste himself does not hesitate to lay it on. The more the art of the times seems to want to be in tune with current events, even to document them, the more it underlines the history of techniques to the point of including them in a visual dialogue with the work of art itself, and Garouste distances himself all the more from subordinating his work in any way to the latest techniques. Garouste is a painter. He is stuck with painting and he intends to stay that way. Garouste is the kind of painter who turns the difficulty of being a painter today into the main subject of his work. Garouste is thus a painter to exhibit his fight and highlight the paradoxes of an era which largely denies painting any possibility other than that of getting involved with the world of images, of merging with it in the age of the media. So Garouste says over and over again that his pictures are not and will in no way be composites, that we will not find in them “foreign bodies” or incongruous additions. No crossbreeding. It has been a long time since, when meeting him at the end of the 1970s, I saw in his work the will to invent painting by destroying it, the primacy of idea over technique, the will to develop each of his shows like a plan, an inevitable association of objects and signs, images and materials, making of him a “polylogue” communicating a multiplicity of ideas. For more than 20 years now, there is a break or, more precisely, an affirmation. An affirmation that his only tools are those of the painter. An affirmation that all the rest is just the spirit of the age and that the only criterion for considering his work should be that of painting and nothing else. With all due respect to those, including myself, who saw in Garouste at that time a painter of the past. There are not so very many painters today who act in this manner, so few, in fact, that they are real exceptions. Garouste, more than any other, now legitimately rejects what he considers


Gérard Garouste | Walpurgisnachtstraum - Songe d’une nuit de Walpurgis

« Teinté de problèmes politiques et sociaux, le deuxième Faust entremêle les mystères du Moyen Âge à la tragédie antique, les mythes du passé à la réalité du temps. » — “Tinged with political and social problems, Faust II mingles the mysteries of the Middle Ages with ancient tragedy, the myths of the past with reality of the times.”

de bonne guerre ce qu’il considère comme un maniérisme. Seule la peinture, dans l’ampleur de son histoire, l’interroge et lui fournit la matière du chemin à tracer. À quelles conditions peindre encore aujourd’hui ? Au prix de quel renoncement ? Au nom de quel enjeu ? Garouste raconte volontiers combien l’œuvre de Giorgio de Chirico lui sert de modèle. S’entend l’œuvre tardive, celle qui vient après l’époque métaphysique. De Chirico se confronte au passé et livre une suite ininterrompue d’œuvres pour le moins chaotiques. L’exégèse y voit une réflexion sur l’échec en peinture, une interrogation sur ses limites. De Chirico est moderne d’avoir raté son but. La peinture de Garouste postule autre chose. Ses glacis et empâtements ne tiennent pas de la citation maladroite mais d’une technique savamment maîtrisée : une façon pour lui d’allier l’art, la théorie et la science. Peindre ne suppose pas liquider la peinture, lui faire un pied de nez mais tendre toujours davantage à se mettre à l’épreuve d’un savoir entre connaissance et peur de l’ignorance. De ce point de vue, l’acte de peindre est faustien : le thème de Faust est ici bien trouvé.

2.

Le Faust de Goethe est une parabole de l’humanité souffrante. Accablé par l’insignifiance de son savoir et désespérant de ne rien découvrir, Faust s’en remet au diable pour chercher dans l’autre monde de nouvelles jouissances à même de le satisfaire. Mais une deuxième partie, publiée à titre posthume, met en scène une histoire toute différente. Faust retrouve son famulus, Wagner, en train de concevoir l’homonculus, l’homme artifice. L’œuvre entremêle alors passé et présent, plonge dans les arcanes de la Grèce antique pour nous ramener au monde féodal. Teinté de problèmes politiques et sociaux, le deuxième Faust entremêle les mystères du Moyen Âge à la tragédie antique, les mythes du passé à la réalité du temps. Faust est un conte populaire et un drame dont le mythe plonge ses racines dans l’histoire. Un trait commun unit ses différentes versions :

a mere mannerism. Painting alone, in the scope of its history, poses the question and provides him with the matter of the path to follow. On what conditions should he continue to paint today? At the cost of what sacrifice? And with exactly what at stake? Garouste readily tells how much the work of Giorgio de Chirico has served as a model for him. We are speaking, of course, of his later work, coming after his metaphysical period. De Chirico confronts the past and delivers an uninterrupted series of works that are chaotic, to say the least. Analysis sees in them a reflexion on failure in painting, an interrogation of its limits. De Chirico is modern for having missed his target. Garouste’s painting postulates something else. The glaze and impasto in his work are not just some clumsy painterly quotation but a knowingly mastered technique: a way for him to combine art, theory and science. To paint does not imagine liquidating painting itself, to cock a snook at it, but to tend more and more to test oneself with an artistic mastery between knowledge and the fear of ignorance. From this point of view, the act of painting is Faustian: the theme of Faust here is well chosen.

2.

Goethe’s Faust is a parable of suffering humanity. Devastated by the insignificance of his knowledge and despairing of ever discovering anything new, Faust turns to the Devil to seek new pleasures in the world capable of satisfying him. But Faust, Part II, published posthumously, stages a quite different story. Faust meets up with his famulus (laboratory assistant), Wagner, who is busy fashioning a homunculus, an artificial man created by alchemy. The work then combines past and present, plunges into the mysteries of Greek antiquity to lead us back to the feudal world. Tinged with political and social problems, Faust II mingles the mysteries of the Middle Ages with ancient tragedy, the myths of the past with reality of the times. Faust is a folk tale and a drama whose myth sinks its roots in history. A common trait unifies its various versions: it is a quest for truth which the Romantic condition

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Gérard Garouste | Walpurgisnachtstraum - Songe d’une nuit de Walpurgis

« Faust trace le destin d’un savant homme, déçu par l’aporie à laquelle le condamne son art. » — “Faust traces the destiny of a learned man, disappointed by the profound philosophical doubt to which his knowledge condemns him.”

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il est une quête de vérité que la condition romantique transforme en une incarnation de la condition humaine. Du fanfaron initial dont on sait peu de choses si ce n’est qu’il est un charlatan au Docteur Faustus de Christopher Marlowe, de La vie de J. Faust de Georg Widmann au Faust de Nikolaus Lenau, la vie devient légende et l’histoire, fiction. Goethe s’en empare pour en faire son grand œuvre. Son Faust est le héros de la quête du savoir. Dans la première version du drame, Faust fait un simple pari. Dans la version finale, Faust sera sauvé : un cortège d’anges escorte son âme vers la lumière : « Celui qui s’efforce toujours et cherche dans la peine, nous pouvons le sauver. » On sait le prix que Garouste accorde aux légendes et aux mythes. Faust vient à point dans son œuvre, telle une quête qui, après L’Ancien Testament, L’Ecclésiaste et Isaïe, La Dive Bacbuc, Kezive la ville mensonge, les Saintes Ellipses, L’ânesse et la figue et bien sûr sa lecture du Don Quichotte de Cervantès, ponctue son approche des grands textes. Faust trace le destin d’un savant homme, déçu par l’aporie à laquelle le condamne son art. Il y a sans doute là les fondements d’une réflexion que Garouste reprend à son compte. Goethe, on le sait, n’a pas inventé son sujet. Il lui a donné une forme et un sens. Le personnage issu de la légende porte avec lui plusieurs siècles d’histoire. Il est une matière « incommensurable » que l’écrivain travaille sans cesse. Faust a le sens que le lecteur lui prête, au point d’être soumis à toutes les interprétations. Il est l’humaniste de la Renaissance que Heine voit en lui. Il est le magicien imprégné de l’esprit de la Réforme. Il est le double du premier des Gnostiques. Il est le personnage prométhéen « génial et perverti » de l’œuvre de Marlowe. Il est tantôt rabelaisien, tantôt carnavalesque. Il allie la verve populaire et « la culture du rire ». Il est contemporain de Cagliostro, de Robespierre et des saint-simoniens. Il est, disent subtilement Jacques Le Rider et Bernard Pouderon, « cet homme du XIXe siècle en costume Renaissance que Nietzsche a persiflé malgré sa profonde admiration pour

transforms into an incarnation of the human condition. From the original braggart, of whom we know little except that he was a charlatan, to the Doctor Faustus of Christopher Marlowe, from The History of Johannes Faust by Georg Widmann to the Faust of Nikolaus Lenau, the life becomes legend and history becomes fiction. Goethe takes it up to create his masterpiece. His Faust is the hero of the quest for knowledge. In the first part of the drama, Faust makes a simple bet. In the final part, Faust is saved: a flight of angels escorts his soul towards the light: “ he who ever strives and seeks in pain, that man we can save.” We know the value Garouste places on legends and myths. Faust comes at the right moment in his work, like a quest which, after the Old Testament, Ecclesiastes and Isaiah, La Dive Bacbuc (Oracle of the Holy Bottle), Kezive la ville mensonge (The Town that is a Lie), the Saintes Ellipses (Sacred Ellipses), L’ânesse et la figue (The She-Ass and the Fig) and, of course, his reading of Cervantes’ Don Quixote, punctuates his approach to the great texts. Faust traces the destiny of a learned man, disappointed by the profound philosophical doubt to which his knowledge condemns him. There are doubtless the foundations here of a reflexion which Garouste applies to himself. Goethe, we know, did not invent his subject. He gave it form and meaning. The character derived from legend bears with himself several centuries of history. He represents material that has no limits, on which the writer works unceasingly. Faust has the meaning that the reader gives him, to the point of being subject to all interpretations. He is the Renaissance humanist that Heinrich Heine sees in him. He is the magician imbued with the spirit of the Reformation. He is the double of the first of the Gnostics. He is the Promethean character, “genius and perverted” of Marlowe’s work. He is sometimes Rabelaisian, sometimes a carnival figure. He combines popular eloquence and “the culture of laughter”. He is a contemporary of Cagliostro, of Robespierre and of the utopian socialist SaintSimonians. He is, according to the acute observation of Jacques


Gérard Garouste | Walpurgisnachtstraum - Songe d’une nuit de Walpurgis

Goethe : ne percevant que le personnage ballotté entre le Bien et le Mal, il a méconnu en Faust « le surhomme Renaissance ». Il est aussi, plus près de nous, tel que Garouste se plaît à nous le rappeler au travers de ses lectures d’André Neher « un subtil réseau de correspondances entre le charlatan originel et un autre homme de la Renaissance, Rabbi Loew, le Maharal de Prague, à qui la légende populaire attribue la fabrication du Golem, voyant en eux deux précurseurs des temps nouveaux en période de crise et de mutation ».

3.

« La légende prend forme au gré de figures que Garouste métamorphose à l’envi, suivant en cela la tragédie se transformant, au gré de chaque épisode, en poème cosmique. » — “Legend takes form through the figures on which Garouste performs a metamorphosis as he pleases, following in this the tragedy transformed via each episode into a cosmic poem.”

Faust incarne, tel que Goethe l’écrit en 1806, un dilemme dont on sait combien il nourrit l’œuvre de Garouste : « Une parfaite contradiction est aussi mystérieuse pour les sages que pour les fous. » Son histoire, ses vérités et ses métamorphoses, sa traversée du temps, son errance comme ses visions semblent à l’image de celles de tout artiste faisant de sa quête une aventure de l’esprit. Garouste ne s’y trompe guère et en fait son sujet : Faust ne serait-il pas son « prochain » ? Dès lors, il s’aventure dans l’œuvre et le mythe. Il reconnaît en Faust le charlatan de foire des obscurs rhapsodes, l’astrologue et le maître d’école aux mœurs que le Moyen Âge dit suspectes. Il puise dans les anecdotes de sa vie. Il lui accorde des pouvoirs magiques. La légende prend forme au gré de figures que Garouste métamorphose à l’envi, suivant en cela la tragédie se transformant, au gré de chaque épisode, en poème cosmique. Faust est une quête sans fin. Le texte donne corps à mille et un travestissements que la peinture met en scène. Le diable prend la figure de Jean-Michel Ribes. Un Belzébuth au faciès de singe offre une double pomme à la blonde Judith. De l’arrière-plan de L’harfang et la souris rouge, la belle Nathalie voit surgir une cohorte d’ectoplasmes. Marguerite prend les traits de la belle-fille du peintre. Le Walpurgisnachtstraum livre ses corpsfantômes aux allures de visages familiers. Garouste apparaît lui-même tantôt harnaché des attributs du fou, tantôt

Le Rider and Bernard Pouderon, “this man of the 19th century in Renaissance costume whom Nietzsche mocked despite his profound admiration for Goethe: seeing only the character buffeted between Good and Evil, he misconstrued in Faust “the Renaissance superman”. He is also, closer to us, as Garouste likes to remind us through his readings of André Neher: “a subtle network of concurrences between the original charlatan and another Renaissance man, Rabbi Loew, the Maharal of Prague, to whom popular legend attributes the fabrication of the Golem, seeing in them two precursors of modern times in a period of crisis and mutation.”

3.

Faust incarnates, as Goethe composes it in 1806 a dilemma of which we know how much it fuels the work of Garouste: “A perfect contradiction is as mysterious for the wise as it is for the mad.” His story, his truths and his metamorphoses, his journey through time, his wanderings like his visions seem in keeping with those of all artists transforming their quest into an adventure of the spirit. Garouste is not mistaken here and makes it his subject: is Faust perhaps not his “kindred spirit”? From there, he ventures into the work and the myth. He recognizes in Faust the fairground charlatan of obscure rhapsodes, the astrologer and the schoolmaster with manners that the Middle Age finds suspect. He draws on the anecdotes of his life. He gives him magic powers. Legend takes form through the figures on which Garouste performs a metamorphosis as he pleases, following in this the tragedy transformed via each episode into a cosmic poem. Faust is a quest without end. The text embodies a thousand and one travesties which are staged by the painting. The Devil takes the form of theatre director Jean-Michel Ribes. A monkey-faced Belzébuth (Beelzebub) offers a double apple to the blonde Judith. In the background of L’harfang et la souris rouge (The Snowy Owl and the Red Mouse), the beautiful Nathalie sees a cohort of ectoplasms. Margarete takes on the features of the painter’s

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Gérard Garouste | Walpurgisnachtstraum - Songe d’une nuit de Walpurgis

« L’art de Garouste mêle images et visions, malmène l’iconographie, transforme le désir latent qui hante son sujet en un désir de peindre sans pareil. » — “ The art of Garouste blends images and visions, manhandles the iconography, transforms the latent desire haunting his subject into a desire to paint without equal.”

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face au miroir, tantôt telle une anamorphose érectile nous laissant face à une image déformée. Enfin, La mandragore et le ricin, vaste toile de cinq mètres de long qu’un Rémy de Gourmont n’aurait pas démentie, livre son sujet telle une inversion violente et drolatique de l’iconographie classique : Wagner prend les traits du peintre pour être emporté sur un cochon. Méphistophélès, telle une instance psychique que chacun porte en soi, s’envole dans les airs, pareil à l’ange d’une Annonciation déchue. Marguerite séduite et bientôt abandonnée se disloque à ses pieds, telle une Vierge arrachée aux pages d’un texte de Nerval. Ici, l’art de Garouste mêle images et visions, malmène l’iconographie, transforme le désir latent qui hante son sujet en un désir de peindre sans pareil. C’est toujours de l’éveil du désir que procède l’action. Cette fois encore, l’art de Garouste me met face à moi-même. Les années passent et son œuvre revient, alors que celles de nombre de ses contemporains ont été oubliées. Elle revient aussi tel l’incompris qui ne cesse de faire retour. Elle revient, telle une contradiction fondamentale. Est-elle initiation ? Est-elle une suite de masques et de dédoublements pour tenter le sceptique que je m’acharne à être ? En se refusant d’user de ficelles qui seraient autant d’artifices pour satisfaire ses contemporains, Garouste nous met encore et toujours face à la querelle des Anciens et des Modernes. « Ah ! Dieu ! – s’écrie Faust – l’art est long, et notre vie est courte ». l Bernard Blistène est directeur du Département du développement culturel du Centre Pompidou, Paris

daughter-in-law. Walpurgisnachtstraum lends familiar faces to its ghost-bodies. Garouste himself appears sometimes endowed with the features of the madman, sometimes facing a mirror, sometimes like an erectile anamorphosis confronting us with a deformed image. Lastly, La mandragore et le ricin (The Mandrake and the Castor-Oil Plant), a vast canvas five meters long which a Rémy de Gourmont would not have rejected, delivers its subject like a violent and comical inversion of the classical iconography: Wagner takes on the features of the painter to be carried off on a pig. Mephistopheles, as a psychic image which we all carry within ourselves, flies off into the air like the angel of a fallen Annunciation. Margarete, seduced and soon to be abandoned, dislocates at his feet, like a Virgin torn from the pages of a text by Gérard de Nerval. Here, the art of Garouste blends images and visions, manhandles the iconography, transforms the latent desire haunting his subject into a desire to paint without equal. It is always from the awakening of desire that action emerges. This time again, the art of Garouste confronts me with myself. The years pass and his work returns, whereas that of a number of his contemporaries has been forgotten. It returns also like the misunderstood which never stops coming back. It returns like a fundamental contradiction. Is it an initiation? Is it a series of masks and dual personalities to tempt the sceptic that I insist on being? By refusing to persist with the tricks which would be just so many artifices to satisfy his contemporaries, Garouste confronts us again and again with the quarrel of the Ancients and Moderns. “Oh, God!,” cries Faust, “art is long and our life is short.” l Bernard Blistène is the director of the Department of Cultural Development of the Centre Pompidou, Paris



Toutes les connaissances du monde Henri Berestycki

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All the world’s knowledge


Gérard Garouste | Walpurgisnachtstraum - Songe d’une nuit de Walpurgis

Les trois aspirations dont l’entrelacement tisse « l’œuvre incommensurable » de Goethe : le désir de jouissance, l’effacement du vieillissement et de la mort, la volonté de connaître, constituent comme la définition de la condition de l’homme moderne. Le mythe de Faust est ainsi d’une actualité inouïe. Au début du romantisme, Goethe tel un prophète sonde au plus près les attributs, les questions et les éléments qui allaient marquer notre époque.

« Le premier problème de la connaissance est le pari diabolique de la science qui chevauche le terrain de Dieu en s’attaquant aux mystères de la vie elle-même. » — “ The first problem with knowledge is the diabolical wager of science which dares to overlap God’s own territory by grappling with the mysteries of life itself.”

Il n’est pas surprenant que Gérard Garouste, dont l’œuvre est traversée par la question lancinante et tourmentée de la vérité, s’inscrive dans cette tradition et porte en un point d’incandescence la représentation en peinture de la question de la connaissance. Garouste ne pouvait que rencontrer la figure de Faust, cet « intellectuel moderne » dont le rapport à la connaissance a fait un mythe emblématique de notre temps, l’un des rares inventés par la période moderne. C’est de cette rencontre que naît l’exposition Walpurgisnachtstraum. La peinture de Gérard Garouste parle tout particulièrement au mathématicien que je suis, soucieux du rôle et de la place de la science dans la cité. Le premier problème de la connaissance est le pari diabolique de la science qui chevauche le terrain de Dieu en s’attaquant aux mystères de la vie elle-même. Dans une analyse d’une grande profondeur, André Neher 1 a dressé un parallèle entre Faust et le Maharal de Prague, rabbin à qui est attribuée la création légendaire du Golem. On pourrait aussi faire le rapprochement avec le Dr Frankenstein2. Neher associe le Golem et la création de l’homoncule par Wagner, le famulus de Faust, recourant à la magie. L’homoncule comme métaphore de la cybernétique. L’intelligence artificielle, n’est-ce pas ce qui, à terme, pourrait accomplir le rêve du Dr Faust, ce à quoi rien ne résisterait dans le domaine de la connaissance ? Mais, comme le donne à voir Garouste dans un tableau saisissant, l’homoncule est aussi l’annonciateur d’un

The three aspirations interlocking in Goethe’s “boundless work” –the desire for pleasure, the denial of aging and death, the will for knowledge– constitute a definition of the condition of modern man. The Faust myth thus remains incredibly relevant to the present day. At Romanticism’s beginnings, Goethe as prophet examines intimately the attributes, questions and factors that would mark our own era. It is not surprising that Gérard Garouste, whose work is imbued with the nagging, tormented question about the truth, places himself at the heart of this tradition, bearing to the point of incandescence the representation in painting of the question of knowledge. Garouste could not but meet up with the figure of Faust, this “modern intellectual” whose relationship to knowledge has made of him an emblematic figure for our times, one of the few myths invented in the modern era. It is from this encounter that the Walpurgisnachtstraum was born. Gérard Garouste’s painting speaks all the more particularly to me as a mathematician concerned with the role and place of science in the city. The first problem with knowledge is the diabolical wager of science which dares to overlap God’s own territory by grappling with the mysteries of life itself. In a remarkably profound analysis, André Neher 1 draws a parallel between Faust and the Maharal of Prague, a rabbi to whom legend attributes the creation of the Golem. One might even make the connection with Dr Frankenstein2. Neher associates the fashioning of the homunculus by Wagner, Faust’s famulus (laboratory assistant) resorting to magic. The homunculus is perhaps a metaphor for cybernetics. Is it not artificial intelligence that could in the long run fulfil the dream of Dr Faust, to which nothing would resist in the domain of knowledge? But, as Garouste shows in an arresting picture, the homunculus is also the herald of a man emerging in some way from the brain of man. He thus prefigures the possibility of procreation without a womb 3. In his Promethean dimension, Faust the scholar is also a

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Gérard Garouste | Walpurgisnachtstraum - Songe d’une nuit de Walpurgis

homme en quelque sorte sorti du cerveau de l’homme. Il préfigure ainsi la possibilité de procréation sans utérus3.

« Il nous rappelle que la connaissance n’empêche pas les apports de la science et les progrès de la technologie de conduire dans leur hybris à des désastres terrifiants. » — “It reminds us that knowledge does not stop the contributions of science and the progress of technology from leading in their hubris to terrifying disasters.”

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Dans sa dimension prométhéenne, Faust, savant, est aussi un alchimiste, un nécromancien et un magicien qui s’adonne à la magie blanche et à la magie noire. Ainsi, dans une vision contemporaine, reliant Faust et Prométhée, le second problème de la connaissance dans Faust est cette interrogation inquiète de ce qui arrive par la science. C’est le monde que l’on voit parfois comme le manège emballé de L’inconnu du NordExpress. Le savant de Garouste semble perplexe devant le globe terrestre où la modélisation de la dérive des continents dessine un monde méconnaissable. Le singe, comme les animaux variés qui traversent tout le Faust de Goethe, figure la question fondamentale à laquelle la société humaine est confrontée aujourd’hui : que faisons-nous à la nature et au monde ? Toute l’acuité de la prophétie de Goethe se retrouve ici dans les tableaux qui conjuguent cuisines de sorcières, magiciens et savants joyeux ou inquiets. L’entonnoir que l’on retrouve dans nombre de tableaux de Garouste symbolise ce dérèglement. Il nous rappelle que la connaissance n’empêche pas les apports de la science et les progrès de la technologie de conduire dans leur hybris à des désastres terrifiants. Et que ceux-ci finissent par mettre en jeu la capacité même de l’espèce humaine à habiter notre planète, où l’on sait désormais que rien n’est acquis pour toujours, pas même les cartes du monde. Le dernier aspect que je voudrais évoquer est ce qui arrive dans la science. Une illusion qui a cours à différentes époques est que tout ou presque est désormais connu et que l’on dévoilera bientôt les derniers mystères qui subsistent encore. Certains des tableaux faisant la somme des connaissances d’une époque ont pu parfois donner le sentiment d’aller dans ce sens. Goethe, dans une attitude au fond très moderne, instille dans la mélancolie du savant la certitude que nous ne savons qu’une part infime des choses. « Si enfin, je pouvais connaître tout ce

practitioner of alchemy and necromancy and a magician dabbling in white magic and black magic. Thus, in a contemporary vision linking Faust and Prometheus, the second problem of knowledge in Faust is this anxious interrogation of what happens through science. It is the world occasionally seen as the merry-go-round out of control in Hitchcock’s Strangers on a Train. Garouste’s scholar seems perplexed by the earth’s globe in which the modelling of the drift of the continents pictures an unrecognizable world. The monkey, like the various animals that appear throughout Goethe’s Faust, poses the fundamental question with which human society is confronted today: what are we doing to nature and to the world? All the perspicacity of Goethe’s prophecy reappears here in the pictures which bring together witches’ kitchens, magicians and merry or worried scholars. The funnel which we see in several of Garouste’s pictures is a symbol here of disorder. It reminds us that knowledge does not stop the contributions of science and the progress of technology from leading in their hubris to terrifying disasters. And that the latter ultimately put in jeopardy the very capacity of human beings to inhabit our planet, where we now know that nothing can be taken for granted forever, not even the maps of the world. The last aspect I would like to evoke is what happens within science. An illusion that has been current at different times is that all or almost all is now known and that we will soon uncover the last remaining mysteries. Some pictures presenting the totality of knowledge of the times may have sometimes given the impression of going in this direction. Goethe, with an attitude that is basically very modern, instils in the scholar’s melancholy the certainty that we know only the tiniest part of things. “If only I could know all that the world conceals within itself.4” Faust’s despair at the transitional period between the 18 th and 19th century is also caused by the vastness of what is still unknown. Scholars today willingly project themselves into the unknown and know that what remains to be discovered is practically infinite. Another face of the scholar is also presented in a painting that


Gérard Garouste | Walpurgisnachtstraum - Songe d’une nuit de Walpurgis

que le monde cache en lui-même »4 : le désespoir de Faust à l’époque charnière entre le xviiie et le xixe siècle est également causé par l’immensité de ce qui n’est pas encore connu. Le savant d’aujourd’hui se projette volontiers dans l’inconnu et il sait que ce qui reste à découvrir est pratiquement infini. Un autre visage du savant nous est aussi proposé dans un tableau qui évoque Les Ambassadeurs (1533) de Hans Holbein le Jeune. Ici, pas de fatras d’instruments, pas de cabinet de curiosités, mais une légèreté aérienne. S’y dessine l’idée que la mathématisation du réel, en introduisant une méthode généraliste, permet d’alléger la connaissance. Les phénomènes ondulatoires, l’intervention du hasard, représenté par une toupie, comme source renouvelée de connaissances sont présents dans le tableau. Et il est vrai que la théorie des probabilités a fait du hasard maîtrisé l’une des plus nobles conquêtes de la science contemporaine 5.

« Goethe, dans une attitude au fond très moderne, instille dans la mélancolie du savant la certitude que nous ne savons qu’une part infime des choses. » — “Goethe, with an attitude that is basically very modern, instils in the scholar’s melancholy the certainty that we know only the tiniest part of things.”

Le salut in extremis de Faust au terme de la deuxième partie de l’œuvre lui confère comme un retournement optimiste. Ainsi, nous pouvons suivre dans les tableaux de Gérard Garouste cette constatation du mathématicien Henri Poincaré6 : « La pensée n’est qu’un éclair au milieu de la nuit, mais c’est cet éclair qui est tout. » En resserrant les symboles dans une grammaire essentielle, Gérard Garouste donne à voir cette vision moderne. À l’opposé du portrait célèbre de Luca Pacioli par Jacopo de Barbari (1495), où le mathématicien s’appuie, un compas à la main, avec une certitude tranquille, sur les pages des Eléments  d’Euclide, ici, le savant a devant lui un cahier aux pages blanches. Et il n’est pas franchement rassuré. Tout encore est à connaître. l Henri Berestycki est mathématicien, Directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), Paris

recalls The Ambassadors (1533) by Hans Holbein the Younger. There is no clutter of instruments here, no curiosity cabinet, just an aerial lightness. The idea is outlined to the effect that reducing reality to mathematical formulae, by introducing a generalist method, may serve to lighten the burden of knowledge. Appearing in the picture are wave phenomena, the intervention of chance, represented by a spinning-top as a renewed source of knowledge. And it is true that the probability theory has made of the analysis of random phenomena one of the noblest conquests of contemporary science 5. Faust’s salvation in extremis at the end of the drama’s second part offers him a kind of optimistic reversal of fortune. Thus we can follow in Gérard Garouste’s pictures the observation of mathematician Henri Poincaré 6: “Thought is only a flash of lightning in the middle of the night, but it is that flash that is everything.” By gathering together the symbols into an essential grammar, Gérard Garouste offers us this modern vision. Contrary to Jacopo de Barbari’s famous portrait of Luca Pacioli (1495), in which the mathematician, compass in hand, is leaning with tranquil certainty on the pages of Euclid’s Elements, here the scholar has a notebook with blank pages. And he does not look very reassured. Everything is still to be known. l Henri Berestycki is a Mathematician, Academic Dean at the School for Higher Education in Social Sciences (EHESS), Paris 1 André Neher, Faust et le Maharal de Prague, le mythe et le réel, PUF, Questions, Paris, 1987. 2 Sylvie Parizet, « Frankenstein, un nouveau Faust ? » in Faust ou la mélancolie du savoir, sous la dir. de J.-Y. Masson, Desjonquières, Paris, 2003, p. 117-125. 3 Voir Henri Atlan, L’utérus artificiel, Points, Essais, Paris, 2007. 4 Faust, La tragédie, Première partie, La Nuit, traduction Gérard de Nerval, Dondey-Dupré, 1828, p. 28. 5 Voir Henri Berestycki, « La conquête du hasard.» in Mathematics, Culture and Society 2004, CRM Series 1, Ed. Normale Sup., Pisa, 2005, p. 21-52. 6 Henri Poincaré, La valeur de la science, Flammarion, Paris, 1902.

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Ironie du sort   Irony of Fate

« Ses propositions creusent inlassablement le même terreau des grands mythes et, dans une atmosphère chaque fois changeante, les déforment sur le mode du dé-lire ontologique, pour laisser chacun libre de cheminer de l’universel à l’intime. »

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Une exposition de peintures à l’huile et de sculptures en bronze sur le thème du Faust de Goethe pourrait paraître aujourd’hui d’une nostalgie compassée. Certes ce sujet classique est traité dans des médias traditionnels, mais la jeune génération de critiques d’art ne reprenant pas à son compte les querelles des décennies 1980 et 1990 pour qualifier, mettre à mal ou isoler la peinture figurative, elle n’a désormais envers elle aucun préjugé, négatif ou positif, et la tient simplement pour une pratique parmi d’autres possibles. C’est ainsi débarrassé de toute injonction à choisir son camp, entre avant-garde et passéisme, que l’on peut à ce jour regarder les œuvres de Gérard Garouste, être agacé, déconcerté ou fasciné par ses propositions qui creusent inlassablement le même terreau des grands mythes et, dans une atmosphère chaque fois changeante, les déforment sur le mode du dé-lire ontologique, pour laisser chacun libre de cheminer de l’universel à l’intime. Son interprétation du Faust est toute personnelle en effet. Figurant le récit d’un homme au soir de sa vie, Garouste peint ses enfants qui ont eu des enfants et ses amis de longue date. Les femmes sont ses sorcières, éminemment présentes dans cette exposition, dont le titre,Walpurgisnachtstraum, tiré d’une scène aussi saisissante qu’insolite de la pièce de Goethe, leur rend un hommage littéral puisqu’il signifie « Songe d’une nuit de Walpurgis », fête de printemps en Europe du Nord et de l’Est souvent associée au Sabbat (à l’origine en l’honneur de sainte Walpurgis, ou Gauburge, en français, religieuse anglaise du VIIIe siècle qui vécut en Allemagne). Plus que les grandes scènes du texte, l’on découvre ici un bestiaire étonnant qui entoure ces belles sorcières. Les animaux sont valorisés en tant qu’ils sont précisément les attributs de ces femmes

Aurélie Barnier

An exhibition of oil-paintings and bronze sculptures on the theme of Goethe’s Faust may today seem like an act of stodgy nostalgia. Certainly, traditional media are used in the treatment of this classic subject, but since the young generation of art critics do not resort to the quarrels of the 1980s and 1990s to categorize, malign or isolate figurative painting, they no longer harbour any prejudice towards it, negative or positive, and consider it simply as one approach among many others. We are thus freed of any injunction to choose our camp between avant-garde and an attachment to the past when we look now at the works of Gérard Garouste. We can be annoyed, disconcerted or fascinated by his propositions, tirelessly working the same soil of the great myths. In an ever changing atmosphere, they deform them along the lines of an ecstatic ontological exegesis, leaving each of us free to make our way from the universal to the intimate. His interpretation of Faust is indeed entirely personal. Presenting the story of a man in the evening of his life, Garouste paints his children who have had children and his lifelong friends. The women are his witches, very much present in this exhibition, in which the title Walpurgisnachtstraum, taken from a scene as gripping as it is unusual, pays literal tribute to them since it signifies “Walpurgis Night’s Dream” (Saint Walpurga was an 8 th century English missionary to the Franks). The spring feast is celebrated in northern and eastern Europe, often associated with the Witches’ Sabbath. Rather than the great scenes in the play, we discover here an astonishing bestiary surrounding these beautiful witches. The portrayal of these animals is enhanced inasmuch as they represent precisely the qualities attributed to these powerful women, veritable sensual subjects and not ironically treated objects, in contrast to the men in this interpretation of the theme!


Gérard Garouste | Walpurgisnachtstraum - Songe d’une nuit de Walpurgis

“His propositions tirelessly work the same soil of the great myths. In an ever changing atmosphere, they deform them along the lines of an ecstatic ontological exegesis, leaving each of us free to make our way from the universal to the intimate.”

puissantes, véritables sujets sensuels et non objets ironisés, au contraire des hommes dans cette appréhension du sujet ! Leurs rituels ésotériques comme ceux de l’alchimie évoquent aussi bien le conte que la peur de l’inconnu. Cette question du secret n’est pas sans rappeler la peinture de Giorgione, dont seuls quelques humanistes initiés pouvaient saisir les multiples significations. Comme chez le Vénitien, certains tableaux réunissent plusieurs scènes en une (La guitare brisée ou L’élixir du pendu). Garouste ne s’intéresse manifestement pas au romantisme de l’opéra mais à l’origine populaire du Faust et aux liens connexes au mythe puisés à d’autres sources. Il choisit ainsi le versant de la tragi-comédie en passant par Kafka et sa vision d’un Golem alléchant ou en jouant sur l’absurdité de toutes ces bêtes affrontées aux portraits. Dans Partie de campagne, les corps de Marguerite et Faust reçoivent, comme chez Renoir, les ombres portées des feuillages, si bien que l’on pourrait les dire couverts de plumes et de goudron pour jouer cette scène de séduction prenant un tour burlesque ! De même, les silhouettes érotiques et les ectoplasmes à la Tintoret des arrière-plans sont aussi curieux que drôles. Marguerite enfin, dans La mandragore et le ricin, se rit de la malédiction de Méphisto en brandissant un doigt d’honneur ! L’on songe ainsi à Barthes dénonçant le caractère conçu comme figé du mythe, alors même que ses signes et significations fluctuent sans cesse, et affirmant que le sujet, crucial chez Garouste, relève tout autant de l’affect et de l’imagination que de la pensée, seule triade garante de l’accès à une vérité. l Aurélie Barnier est historienne d’art et critique

Their esoteric rituals like those of alchemy evoke both the legend and the fear of the unknown. This question of what is secret is not unlike the painting of Giorgione, whose multiple meanings could be grasped only by a few initiated humanists. As with the Venetian, some pictures bring together several scenes in one –La guitare brisée (The Smashed Guitar) or L’élixir du pendu (The Elixir of the Hanged Man). Garouste is obviously not interested in the Romanticism of the opera but in the popular origins of  Faust and in the related links to the myth derived from other sources. Thus he chooses the facet of tragicomedy, via Kafka and his vision of a delicious Golem or through the absurdity of all these animals confronted with the portraits. In Partie de campagne (Day in the Country), the bodies of Margarete and Faust are, as in the picture by Renoir, covered with the shadows of the leaves, but to the extent that they might seem to us tarred and feathered so as to add a farcical touch to this scene of seduction. In the same manner, the erotic silhouettes and ectoplasms à la Tintoretto in the background are as curious as they are funny. And Margarete, in La mandragore et le ricin (The Mandrake and the Castor-Oil Plant), laughs at Mephisto’s curse by giving him the finger! Thus we think of Roland Barthes denouncing the concept of a rigidly fixed character for the myth, when in fact its symbols and meanings are always fluctuating. He affirms that the subject, crucial in Garouste’s work, derives as much from affect and imagination as from thought, a triad which alone can guarantee access to a truth. l Aurélie Barnier is an Art Historian and Critic

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œuvres   Works


Les Ambassadeurs  |  The Ambassadors Les Ambassadeurs The Ambassadors 2008 Huile sur toile 200 x 260 cm Oil on canvas 78 3/4 x 102 3/8 in.

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« Le caractère romantique du thème faustien est esquivé pour tourner, comme le fait Goethe, autour des différents thèmes que sont la connaissance, l’intuition, l’alchimie… Et l’on procède avec humour, suivant l’origine de cette pièce populaire issue du théâtre de rue. Ce tableau appartient à la série dédiée à la connaissance. Ce n’est pas un hasard si j’ai choisi Henri Berestycki, l’un des chercheurs les plus reconnus dans le monde des mathématiques et plus précisément dans le calcul des probabilités, ne serait-ce que pour la manière dont celui-ci est présent en qualité d’auteur dans ce catalogue. Il est, de mes amis, celui qui évoque le mieux la quête de la connaissance par les moyens les plus abstraits, par une attitude quasi artistique, pour ne pas dire poétique. Il était important de traiter du thème de la connaissance au XXIe siècle comme Hans Holbein en son temps, en mettant en scène tous les outils des connaissances les plus pointues de cette époque rassemblés au sein d’une même œuvre, qui s’intitule Les Ambassadeurs (1533). C’est ainsi par complicité que ce tableau porte le même titre. À l’instar d’Holbein qui n’avait pas la science infuse, je ne connais pas les mathématiques et n’ai fait que retracer scrupuleusement l’une des équations d’Henri Berestycki, image virtuelle que j’ai également transposée en trois dimensions. »

“The Romantic character of the Faustian theme is sidestepped to approach, as Goethe does, the different themes of knowledge, intuition and alchemy. And we go about it with humour, picking up on the origins of this popular play that began as street theatre. This picture is part of the series dedicated to knowledge. It is not by chance that I have chosen Henri Berestycki, one of the most renowned researchers in the world of mathematics and more precisely in probability calculus, if only for his presence as an author in this catalogue. Among my friends, he is the one who best evokes the quest for knowledge by the most abstract means, by an attitude that is almost artistic, not to say poetic. It was important to treat the theme of knowledge in the 21st century as Hans Holbein in his age, by staging all the most advanced tools of knowledge assembled within one work of art, titled The Ambassadors (1533). It is as a nod to that work that this picture bears the same title. Following the example of Holbein, who did not possess the requisite science, I know nothing of mathematics and have only scrupulously retraced one of Henri Berestycki’s equations, a virtual image that I have also transposed in three dimensions.”



Dérive  | Drift Dérive Drift 2010 Huile sur toile 114 x 195 cm Oil on canvas 44 7/8 x 76 ¾ in.

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« On pourrait croire que les continents sont traduits selon des empâtements aléatoires, mais il n’en est rien. J’ai fidèlement reproduit, d’après une modélisation informatique, la dérive des continents dans plusieurs millions d’années. Que devient la connaissance face à cette échéance, ce temps incommensurable ? Fions-nous à l’intuition de la guenon dans son violet épiscopal ! » — “We might imagine that the continents are formed by random thickening, but nothing of the sort. I have faithfully reproduced, following a computer-programmed model, continental drift over several million years. What does knowledge become in the face of this time-scale, an infinity? Let’s put our faith in the intuition of the she-monkey in her episcopal mauve!”



Le Pacte  | The Pact Le Pacte The Pact 2011 Huile sur toile 130 x 195 cm Oil on canvas 51 1/8 x 76 ¾ in.

« Méphistophélès est ici mon ami Jean-Michel Ribes, sans doute parce qu’il me met régulièrement au défi, de façon générale et en particulier concernant mes pensées spirituelles au sujet desquelles nous sommes ostensiblement en désaccord. Si l’ontologie se définit comme la science de l’être, la spiritualité et la poésie de Goethe en sont selon moi un merveilleux exemple. Jean-Michel Ribes, par sa bienveillance tout autant que par son opposition à mon endroit, illustre ainsi parfaitement le couple Faust-Méphisto, ou les deux faces d’un même personnage, que j’ai souvent nommé “le Classique et l’Indien” – thème exploré chez Cervantès avec Don Quichotte et Sancho Panza, chez Nietzsche à travers l’apollinien et le dionysiaque, ou encore dans le duo du Clown Blanc et de l’Auguste. Tour à tour, chacun est toujours le Classique d’un Indien, et réciproquement. » — “In this picture, Mephistopheles is my friend, theatre director Jean-Michel Ribes, no doubt because he constantly challenges me, in general and in particular, about my thoughts on spirituality, about which we are very obviously in disagreement. If ontology can be defined as the study of the nature of being, the spirituality and poetry of Goethe are for me a marvellous example. Jean-Michel Ribes, by his benevolence as much as by his opposition to me, thus illustrates perfectly the Faust-Mephisto couple, or the two aspects of one person, whom I frequently refer to as ‘the Classical and the Indian’ –a theme explored in Cervantes with Don Quixote and Sancho Panza, in Nietzsche through the Apollonian and Dionysian, and again the duo of  Whiteface and Auguste clowns. In turn, each is always an Indian’s Classical and vice versa.”

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Vanité au miroir / Vanité au singe Vanity with Mirror / Vanity with Monkey Vanité au miroir Vanity with Mirror 2010 Huile sur toile 195 x 130 cm Oil on canvas 76 ¾ x 51 1/8 in. Vanité au singe Vanity with Monkey 2010 Huile sur toile 195 x 130 cm Oil on canvas 76 ¾ x 51 1/8 in.

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« Les vanités constituent des sujets fondamentaux de la peinture classique. Ici, je reprends le crâne des Ambassadeurs (1533) d’Holbein pour le glisser du côté des sorcières. Le thème même de cette exposition réside dans ces associations libres. » — “The vanities have always been fundamental subjects for classical painting. Here, I am returning to the skull of Holbein’s Ambassadors (1533) to slip it in beside the witches. The very theme of this exhibition dwells on these free associations.”



Le bouc expiatoire ou Marguerite en Gaultier The Scapegoat or Margarete wearing Gaultier Le bouc expiatoire ou Marguerite en Gaultier The Scapegoat or Margarete wearing Gaultier 2010 Huile sur toile 200 x 260 cm Oil on canvas 78 3/4 x 102 3/8 in.

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« Plusieurs tableaux de cette exposition concernent la notion d’image subliminale. Depuis les origines de l’alchimie en Occident, fruit de la Kabbale chrétienne, elle-même dérivée de la Kabbale espagnole, les animaux recèlent une valeur symbolique. Aussi, par association, l’image du bouc de la sorcière ne s’oppose-t-elle pas à celle du bouc expiatoire du Livre de l’Exode. Et ce bouc, porteur de tous les péchés du monde, s’encombre aussi de l’innocence de Marguerite. » — “Several pictures in this exhibition involve the notion of a subliminal image. Since the beginnings of alchemy in the western world, a product of the Christian Cabala, itself derived from the Spanish Cabala, animals have possessed a symbolic value. Thus, by association, the image of the witch’s goat is not in opposition to the scapegoat in the Book of Exodus. And this goat, bearing all the sins of the world, is also loaded down with the innocence of Margarete.”



Partie de campagne  | Day in the Country Partie de campagne Day in the Country 2011 Huile sur toile 200 x 260 cm Oil on canvas 78 3/4 x 102 3⁄8 in.

« Ma confiance dans la peinture et son caractère nécessairement rétinien me vient d’une référence à Roland Barthes lorsqu’il s’interroge sur la définition d’un mot dans le dictionnaire : chacune contient une cinquantaine de mots, qu’il faut donc connaître pour le comprendre, eux-mêmes définis par une cinquantaine d’autres mots, et ainsi de suite. Constatant dès lors l’absence de mot étalon dont découleraient tous les autres, il affirme que le dictionnaire est fermé sur lui-même, condition qui permet à l’écrivain d’inventer son roman. Il en va de même du champ artistique pour le peintre aujourd’hui : la peinture existant depuis la nuit des temps, de la main de l’homme apposée sur les parois des grottes préhistoriques jusqu’aux propositions les plus extrêmes d’originalité et d’iconoclasme, voire au non-art et à l’absence d’identité de l’artiste (le ready-made de Duchamp), l’art fonctionne maintenant en boucle, l’originalité n’étant plus de mise. L’invention de la peinture peut donc désormais commencer, débarrassée de sa forme. » — “My confidence in painting and its necessarily retinal character comes to me from a reference to Roland Barthes when he wonders about the definition of a word in the dictionary. Each definition comprises 50 words, with which we should be familiar if we are to understand it, themselves defined by another 50 words, and so on. Observing as a consequence the absence of one standard word from which all the others would follow, he affirms that the dictionary is a closed circuit, a state of affairs which permits the writer to create his novel. It is the same with the artistic field for the contemporary painter. Painting exists since the dawn of time, from the man’s hand stamped on prehistoric cave walls to today’s most extreme original and iconoclastic propositions, even non-art and the absence of the artist himself (Duchamp’s ready made), art functions now in a continuous loop, originality not mattering any more. The invention of painting can therefore now begin divested of its form.”

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La guitare brisée  | The Smashed Guitar La guitare brisée The Smashed Guitar 2009 Huile sur toile 160 x 195 cm Oil on canvas 63 x 76 5/8 in.

« C’est là l’un des rares tableaux qui est pour moi très proche d’une illustration du texte de Goethe. Étant prisonnier de l’aspect formel de la peinture, limitée par son cadre, sa toile tendue sur un châssis et sa croûte picturale, le sujet est la seule issue envisageable pour échapper à ce carcan qu’est ma propre culture. On ne peut fuir ni sa mémoire, ni son époque. Aussi, plutôt que de rechercher une attitude iconoclaste, une rupture absolue – la panacée au XXe siècle – , vouées aujourd’hui à l’impasse, je choisis la perversion des images. Celle-ci revient à jouer le jeu d’une amnésie collective, le jeu du peintre le plus classique qui soit, à la manière d’un Giorgio de Chirico. Car plagier le maniérisme est pour moi le comble de la perversion en peinture. » — “This is one of the rare pictures which is for me very close to an illustration of Goethe’s text. Prisoner of the picture’s formal aspect, limited by its frame, the canvas stretched over a chassis and its painted layer, the subject is the only imaginable way out from under this yoke which is my own culture. We cannot escape our memory nor our era. So, rather than seeking an iconoclastic attitude, an absolute break –the panacea of the 20th century– condemned today to a dead end, I have chosen the perversion of the images. This amounts to playing the game of a collective amnesia, the game of the most classical painter imaginable, in the manner of a Giorgio de Chirico. Because to plagiarize Mannerism is for me the height of perversion in painting.”

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Marguerite et Valentin Margarete and Valentin 2011 Huile sur toile 195 x 114 cm Oil on canvas 76 3/4 x 44 7/8 in.


Portrait d’Éléonore (sorcière) Portrait of Eleonore (Witch) 2011 Huile sur toile 116 x 89 cm Oil on canvas 45 5⁄8 x 35 in.


L’harfang et la souris rouge  | The Snowy Owl and the Red Mouse

L’harfang et la souris rouge The Snowy Owl and the Red Mouse 2011 Huile sur toile 130 x 162 cm Oil on canvas 51 1/8 x 63 3/4 in.

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« Du Faust de Goethe, la connaissance et les sorcières sont les deux thèmes que j’ai privilégiés, l’un étant, pour moi, indissociable de l’autre. Si les sorcières du Moyen Âge finissaient sur les bûchers de l’Inquisition, c’est précisément parce qu’elles possédaient la connaissance des secrets de la nature, si bien décrite par Virgile. Les pouvoirs politiques et religieux de l’époque nourrissaient en effet une jalousie haineuse, allant jusqu’à la calomnie, eu égard à ces intuitions ésotériques. Goethe, comme Rabelais, Cervantès et même le texte biblique ont souvent joué de secrets. Qu’est-ce qu’un secret ? Ce n’est pas un mystère, qui ne s’explique pas. Au contraire, un secret se transmet. Certes, il y a là un paradoxe car dès lors que l’on énonce un secret, il n’en est plus un. La seule et unique manière de révéler un secret est donc de tout mettre en œuvre pour que l’autre y accède, par un travail aux côtés des maîtres, allié à une quête personnelle. Quel est l’intérêt, aujourd’hui, de peindre à l’huile un portrait (ici celui de Nathalie Obadia, en jeux de hautes pâtes et transparences), alors que n’importe quel film ou photographie entretiendrait un rapport plus juste avec le réel ? Je dirais que le portrait à l’huile est à la photographie ce que le tir à l’arc est au bazooka ! Fut un temps où le portrait avait pour fonction nécessaire la ressemblance, en adéquation avec une commande. De même, le tir à l’arc fut longtemps tenu comme l’arme la plus efficace pour vaincre l’ennemi. Désormais, plus qu’un sport, il est devenu un art, qui, comme la peinture, est de l’ordre du mythe. Je n’ai pas l’envie de sortir de ce contexte mythologique et je dois même l’entretenir. Il s’agit là d’une notion essentielle à mes yeux, car je ne crois plus à la modernité telle qu’elle fut définie aux XIXe et XXe siècles. L’originalité n’est plus originale selon notre ami Ben ! À travers les sujets abordés par Goethe que sont la connaissance et la peur de la connaissance, figurée par les sorcières, un mythe se fait jour, lui-même souligné par un deuxième mythe, qui, lui, relève de la forme : la peinture. Tout autre médium nous entraînerait vers une autre aventure moderne, intéressante pour elle-même, mais qui m’encombrerait pour ce que j’ai à dire concernant le thème de Faust. »

“In Goethe’s Faust, knowledge and witches are the two themes to which I have given pride of place, the one being for me inseparable from the other. If the witches in the Middle Ages ended up on the Inquisition’s bonfires, it is precisely because they possessed the knowledge of nature’s secrets, so well described by Virgil. The political and religious powers of the age indeed nurture a hate-filled jealousy, culminating in calumny with regard to the witches’ esoteric intuitions. Goethe, like Rabelais, Cervantes and even the Bible often play with secrets. What is a secret? It is not a mystery that cannot be explained. On the contrary, a secret is communicated. Certainly, this is a paradox because from the moment a secret is stated, it stops being one. The one and only way to reveal a secret is therefore to put everything into action so that the other person can accede to it, through working at the side of the masters, allied to a personal quest. What is the interest today in painting in oils a portrait (in this case, of Nathalie Obadia, in a play of thick layers of paint and transparencies) when just about any film or photograph would entertain a more exact relationship to reality? I would say that a portrait in oils is to the photograph what archery is to the bazooka! There was a time when the portrait served the necessary function of a resemblance, in keeping with a commission. In the same way, archery was for long regarded as providing the most effective weapon for defeating the enemy. Now, more than a sport, it has become an art which, like painting, has a mythical quality. I don’t want to break out of this mythological context and I feel I must even sustain it. This involves, to my eyes, an essential notion, because I no longer believe in modernity as it was defined in the 19th and 20th centuries. Originality is no longer original, according to our friend Ben! Through the subjects treated by Goethe –knowledge and the fear of knowledge, as represented by the witches– a myth is born, itself emphasized by a second myth which involved form: painting. Any other medium would carry us off to another adventure, interesting in itself, but which would complicate things for me for what I have to say about the theme of Faust.”



Belzébuth  | Beelzebub Belzébuth Beelzebub 2011 Huile sur toile 195 x 160 cm Oil on canvas 76 3/4 x 63 in.

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« Ce tableau met en scène le mot “Belzébuth”, qui est en effet le nom de la race d’un singe, dont j’ai scrupuleusement traduit les traits, et il s’agit bien sûr également d’un personnage maléfique du texte biblique. » — “This picture provides a setting for the word ‘Beelzebub’, which is indeed the name of a species of monkey whose features I have scrupulously reproduced, and is also, of course, a malevolent figure in the Bible.”



Sorcière au bouc  | Witch with the Goat Sorcière au bouc Witch with the Goat 2011 Huile sur toile 195 x 160 cm Oil on canvas 76 3/4 x 63 in.

« Je cherche encore le sens donné par Goethe lorsqu’il associe deux pommes à Eve et aux sorcières… Une, je pourrais comprendre, deux, je ne comprends pas ! Je ne connais pas les sources de l’auteur, mais je sais en revanche qu’il n’a jamais été question de pomme, ni même de “fruits de la connaissance” dans le texte biblique. YHVH a seulement interdit à Adam de se nourrir de l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal – et ce n’est pas un hasard si l’on ne sait précisément de quel arbre il s’agit… Il n’est donc nullement question de fruit. Quant à Eve, elle n’existait pas encore à ce moment de la Genèse et ne peut par conséquent être tenue pour responsable de la Faute d’Adam ! Je suis toujours perplexe devant ces glissements de sens, qui sont autant de trahisons du texte. C’est ainsi que l’on passe de la connaissance d’Adam à la malédiction de la femme – largement entretenue par l’Inquisition –, jusqu’à une misogynie maintenant inscrite au plus profond de notre mémoire et que nous sommes incapables de remettre en cause… » — “I am still searching the sense Goethe is aiming at when he associates two apples with Eve and with the witches. One, I could understand, two, I don’t understand. I don’t know the author’s sources, but on the other hand, I do know that it was never a question of an apple, nor even of ‘fruits of knowledge’ in the biblical text. YHVH only forbade Adam from eating the food of the tree of knowledge of Good and Evil –and it is no accident that we do not know which tree is involved. So there is no question at all of fruit. As for Eve, she did not exist at this moment in Genesis and cannot consequently be held responsible for the Fault of Adam. I am always perplexed by these shifts in meaning, which represent betrayals of the text. Thus we pass from Adam’s acquisition of knowledge to the woman’s curse –largely sustained by the Inquisition– all the way to a misogyny now inscribed in the depths of our memory and which we are incapable of disputing.”

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Walpurgisnachtstraum (Songe d’une nuit de sabbat) Dream of a Witche’s Sabbath 2011 Huile sur toile 200 x 260 cm Oil on canvas 78 3/4 x 102 3⁄8 in.

« Ce Songe d’une nuit de Walpurgis ou Songe d’une nuit de sabbat selon Gérard de Nerval, encore appelé Noces d’or d’Oberon et de Titania, est une scène singulière, un intermède dans la pièce de Faust et fonctionne à ce titre comme un jeu dans le jeu. Il est en outre une allusion ironique de Goethe au Songe d’une nuit d’été de Shakespeare, par la musique des mots de ces deux intitulés à la fois très proches et radicalement opposés. L’on retrouve au sein de ces deux grands textes populaires les mêmes personnages que sont Oberon, roi des fées, Titania, protectrice de la nature – un couple qui n’est pas sans évoquer celui formé par Faust et Marguerite – ou Puck, esprit malicieux exécutant les volontés du roi, proche d’Ariel, quant à lui déjà présent dans La Tempête. Toute la quête de la connaissance passant à mon sens par les trois mots que sont “sabbat”, “kabbale” et “Judas”, j’emprunte par là un chemin divergent de celui de Nerval dans sa traduction. Penchons-nous en effet sur leurs définitions et les acceptions qui en découlent, dans le dictionnaire Le Petit Robert d’une part, et dans les commentaires de la pensée juive d’autre part. »

Dictionnaire Le Petit Robert :

Comment-taire (Lacan) dans la pensée juive :

Sabbat 1. Par interprétation malveillante des Chrétiens, assemblée bruyante de sorciers et sorcières au Moyen Âge. 2. Par extension : danse, agitation frénétique, chahut, tapage.

Sabbat 1. Quatrième Parole (Commandement). Le plus beau cadeau que le judaïsme a donné au monde par un jour de repos. 2. Selon Abraham Heschel : un temple dans le temps.

Kabbale 1. Science occulte prétendant faire communiquer ses adeptes avec des êtres surnaturels. 2. Par extension : manœuvre concertée contre quelqu’un. Complot, conjuration, intrigue.

Kabbale 1. Désigne, pour Guershom Sholem, les doctrines ésotériques du judaïsme et la mystique juive. 2. Au sens large, tous les mouvements philosophiques et ésotériques apparus au sein du judaïsme à partir de la fin du second Temple.

Judas 1. Personne qui trahit, fourbe, hypocrite et traître. 2. Petite ouverture (œilleton) dans une porte pour épier sans être vu (ex. : Radiguet : « des voisins malveillants derrière leur judas »). 3. Judas Iscariote trahit et livre le Christ.

Judas 1. Vient du verbe « LEHODOT » : remercier. Léa, femme de Jacob, en gage de reconnaissance envers Dieu, a donné le nom de Judas à son fils. 2. Dans le mot « Judas » se trouve le tétragramme YHVH, les quatre lettres signifiant l’Ineffable.

“This Walpurgis Night’s Dream or Dream of a Witches’ Sabbath according Gérard de Nerval’s translation, also called Golden Wedding of Oberon and Titania, is a peculiar scene, an interlude in the Faust drama and functions in this way as a game within the game. In addition, there is an ironic illusion by Goethe to Shakespeare’s Midsummer Night’s Dream through the verbal music of these two titles, at once very close and radically opposed. We find at the heart of these two great popular texts the same characters, Oberon, king of the fairies, and Titania, protector of nature –a couple not unlike that of Faust and Margarete– or Puck, mischievous sprite carrying out the wishes of the king, close to Ariel, himself already present in The Tempest. The whole quest for knowledge channelling in my opinion through the three words ‘sabbath’, ‘cabala’ and ‘Judas’, I take a path that differs from that of Nerval. Let’s take a look at their dictionary definitions and consequently accepted meanings – in Le Petit Robert French Dictionary and in commentaries on Jewish thought.”

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Le Petit Robert Dictionary:

Commentary on Jewish thought:

(Witches’) Sabbath 1. From the Christians’ malicious interpretation, raucous assembly of sorcerers and witches in the Middle Ages. 2. By extension, dance, frenzied agitation, furore, pandemonium.

Sabbat 1. Fourth Commandment. Judaism’s most beautiful gift to the world with a day of rest. 2. According to Abraham Heschel, a temple within time.

Cabala 1. Occult science claiming to enable its adepts to communicate with supernatural beings. 2. By extension, concerted action against someone. Plot, conspiracy, intrigue.

Kabbale 1. Designates for Gershom Sholem the esoteric doctrines of Judaism and Jewish mysticism. 2. In the broader sense, all the philosophical and esoteric movements emerging in Judaism from the end of the Second Temple.

Judas 1. Person who betrays, deceiver, hypocrite and traitor. 2. Small peephole in a door to see through without being seen (example, Radiguet: “malicious neighbors behind their judas”). 3. Judas Iscariot betrays and denounces Christ.

Judas 1. Comes from the verb “LEHODOT”: to thank. Leah, wife of Jacob, as a pledge of gratitude to God gave the name Judas to her son. 2. In the word “Judas” is the tetragram YHWH, the four letters signifying the Ineffable (name of God).



La Danse  | The Dance « Starck et Jasmine, dans l’orgie de cette même nuit de Walpurgis. » La danse The Dance 2011 Huile sur toile 195 x 160 cm Oil on canvas 76 3/4 x 63 in.

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— “ Starck and Jasmine in that bewitching Walpurgis orgy.”



Le Golem  | The Golem Le Golem The Golem 2011 Huile sur toile 270 x 320 cm Oil on canvas 106 1/4 x 126 in.

« Il est une très belle analyse d’André Neher établissant un parallèle entre le Docteur Faustus et le Maharal de Prague1, qui met notamment en exergue les similitudes entre le Golem et l’homonculus, créature de l’alchimiste Wagner, assistant de Faust. Le thème du Golem, comme celui de l’homonculus, évoquent l’apprenti-sorcier, savant démiurge créant une entité qui le dépasse. Le jeu consiste ici à découvrir les golems de notre temps ! Le Golem que j’ai choisi est celui décrit dans les moindres détails dans une nouvelle inachevée de Franz Kafka, autour duquel se tiennent le Maître et ses étudiants alléchés ! 2» — “There is a very fine analysis by André Neher drawing a parallel between Doctor Faustus and the Maharal of Prague 1, which highlights the similarities between the Golem and the homunculus created by the alchemist Wagner, Faust’s assistant. The theme of the Golem, like that of the homunculus, evoke the sorcerer’s apprentice, scholarly demiurge creating an entity beyond his control. The game here consists of discovering the Golems of our age. The Golem I have chosen is one described in the minutest detail from an unfinished story by Franz Kafka, surrounded by the Master and disciples with their tongues literally hanging out in anticipation 2.” 1

Rabbi Yehuda Loew ben Bazahel (c. 1525-1609). In Franz Kafka, Œuvres complètes, Tome II, Récits et fragments narratifs, La Pléiade, Paris, 1980, p. 388 et 389. 2

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La mandragore et le ricin  | The Mandrake and the Castor-Oil Plant La mandragore et le ricin (détail) The Mandrake and the Castor-Oil Plant (detail) 2011

« Jouant cette fois sur une image subliminale évidente, ce tableau fonctionne comme une Annonciation inversée, où le Bien devient le Mal – véritable sujet biblique, comme en témoignent les épisodes d’Adam et Eve chassés du Paradis ou de la Malédiction de Caïn, qui sont autant de bénédictions inversées. Ici, il ne s’agit donc plus de la Bénédiction de la Vierge par l’archange Gabriel mais de la malédiction de Méphistophélès s’abattant sur Marguerite, qui n’est plus vierge. Mon fils Olivier est tout à la fois Méphisto et Faust, responsable de cette faute de Marguerite. Mais Noémie Fansten, sa compagne, est une Marguerite inversée, loin d’être dupe et victime. L’image s’inverse parce que Marguerite est protégée par le ricin, comme l’a été Jonas dans le désert1. En peinture comme en littérature, la symbolique des plantes fait fonction de signe. Quant à la mandragore, elle est également extraite du contexte biblique (la plante permit à Léa d’attirer Jacob et d’enfanter de nouveau2), mais aussi alchimique. Par la ressemblance de sa racine avec le corps humain, les alchimistes l’utilisaient en effet comme modèle pour représenter l’homonculus. Ils affirmaient en outre qu’elle poussait aux pieds des pendus, grâce au pouvoir de leur semence. Si le ricin protège Marguerite, à qui la mandragore est-elle destinée ? »

“This time playing on an obvious subliminal image, this picture functions as an inverted Annunciation, where Good becomes Evil –a veritable Biblical subject, as testified by the episodes of Adam and Eve driven from Paradise or the Curse of Cain, which are in fact so many inverted blessings. In this case, it is therefore no longer the Blessing of the Virgin Mary by the Archangel Gabriel but the curse of Mephistopheles bearing down on Margarete, who is no longer a virgin. My son Olivier is at once Mephisto and Faust, responsible for this sin of Margarete. But Noémie Fansten, my son’s companion, is an inverted Margarete, far from being a dupe and victim. The image is inverted because Margarete is protected by the castor-oil plant, as Jonah was in the desert 1. In painting as in literature, the symbolism of plants functions as a sign. As for the mandrake, it is also taken from its Biblical context (the plant permits Leah to attract Jacob and have another child 2), but alchemic, too. By the resemblance of its root to a human body, alchemists used it as a model to represent the homunculus. Moreover, they affirmed that it grew at the feet of hanged men, thanks to the power of their seed. If the castor-oil plant protects Margarete, to whom is the mandrake destined?”

1

2

Jonas, 4.6. 2 Genèse, 30 : 14-18.

1

Jonah, iv, 6. Genesis, xxx, 14-18.

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La mandragore et le ricin The Mandrake and the Castor-Oil Plant 2011 Huile sur toile 280 x 500 cm Oil on canvas 110 1/4 x 196 7/8 in.

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L’élixir du pendu  | The Elixir of the Hanged Man L’élixir du pendu The Elixir of the Hanged Man 2011 Huile sur toile 195 x 130 cm Oil on canvas 76 3/4 x 51 1⁄8 in.

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« Puisque Goethe cite le pendu, cela m’amusait de reprendre ce thème dans le tarot, où il revêt une signification positive et donc inverse à celle du langage courant. Le balancement entre chance et malchance est un sujet récurrent qui se déploie à travers le Classique et l’Indien, dans ce jeu des extrêmes qui se rejoignent. » — “Since Goethe mentions the hanged man, it amused me to go back to this theme in the Tarot, where it takes on a positive meaning and so inverts that of common usage. Swinging between good luck and bad is a recurrent subject which comes up throughout the Classical and the Indian, in the play of extremes that meet.”



La plume de coq  |  Cock’s Feather « Symbole alchimique : une sorte de métaphysique à l’envers… » La plume de coq Cock’s Feather 2011 Huile sur toile 130 x 162 cm Oil on canvas 51 1⁄8 x 63 3/4 in.

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— “An alchemic symbol: a sort of inverse metaphysics.”



Le lit en portefeuille  | The Apple-Pie Bed Le lit en portefeuille The Apple-Pie Bed 2011 Huile sur toile 195 x 160 cm Oil on canvas 76 3/4 x 63 in.

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« La chambre de ma tante Éléo en Bourgogne, dans sa maison magique, a toujours été à mes yeux un lieu à la fois merveilleux et angoissant, à l’image des contes de l’enfance. Il était donc évident que la cuisine de sorcière de Goethe ne pouvait être pour moi que la salle de ma tante, où, près de sa cuisinière, son lit était toujours en portefeuille ! » — “In her magic house, my Aunt Éléo’s room in Burgundy has always been in my eyes a place at once marvellous and anguishing, like the tales of my childhood. So it was obvious that the witch’s kitchen in Goethe could for me only be my aunt’s room where, near to her stove, her bed was always an unholy mess.”



Cuisine de sorcière  | Witch’s Kitchen Cuisine de sorcière Witch’s Kitchen 2010 Gouache 124 x 170 cm Gouache 48 7/8 x 66 7/8 in.

« Je me suis toujours soucié de la transposition, en peinture, de certaines énigmes de la littérature, comme celles de Cervantès et Rabelais. Dans La Dive Bacbuc, d’après Le Quart Livre, il est des personnages qui communiquent entre eux par des figures incompréhensibles, dont la signification ne peut être saisie que par les complices initiés de quelques corporations seulement. Une manière pour l’auteur de traduire un langage “à plus haut sens”. J’ai repris cette gestuelle pour exprimer l’angoisse de Faust dans l’antre de la sorcière. De même que les personnages dans la peinture classique possèdent toujours des attributs afin que l’on puisse les représenter, puis les identifier, chaque détail dans un tableau livre une clé. Ici, quel serait le lien entre la vieille sorcière, la marmite dans la cheminée, la couronne et les mains placées en signe de détresse ? » — “I have always been interested in the transposition in painting of certain literary enigmas, notably those of Cervantes and Rabelais. In The Dive Bacbuc (Oracle of the Holy Bottle) from Rabelais’ Quart Livre (Fourth Book), there are characters communicating with each other by means of incomprehensible gestures whose significance can be grasped only by the initiates of certain fraternities. A way for the author to translate a language ‘with a higher meaning’. I have adopted this gesticulation to express Faust’s anguish in the witch’s den. Just as characters in classical painting always possess features enabling them to be depicted and then identified, so each detail in a picture provides a key. Here, what would be the link between the old witch, the cauldron in the hearth, the crown and the hands held in a signal of distress?”

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Faust Faust 2009 Gouache 120 x 80 cm Gouache 47 1/4 x 31 1/2 in.

« Si je ne m’aime pas beaucoup dans un miroir, je dois me plaire quand je me représente, même si je ne suis pas très beau en sorcière ou en vieux Faust ! Le sujet de la peinture par excellence, car le plus réduit, est le portrait. L’autoportrait redouble cette réduction en proposant un jeu de miroir entre l’auteur et son œuvre. Quand je suis face à un prestidigitateur ou un jongleur dont les instruments sont les plus simples et les plus limités possible (un jeu de cartes ou bien trois balles, à l’opposé d’une armoire à compartiments des plus sophistiquées ou de tout autre artifice), je suis fasciné, littéralement : c’est-à-dire dans une relation d’attraction et de répulsion tout à la fois. » — “If I don’t much like myself in a mirror, I still have to like the self I depict, even if I am not very handsome as a witch or aged Faust! The subject of the painting par excellence, because the most reduced, is the portrait. The self-portrait doubles this reduction by offering a play of mirrors between the artist and his work.When I am confronted with a conjuror or a juggler whose accessories are as simple and limited as can be (a deck of cards or else three balls, as opposed to an intricate cabinet with compartments or any other device), I am fascinated, literally: that is to say in a relationship that is at once one of attraction and repulsion.”

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Marguerite au miroir Margarete with Mirror 2010 Gouache 187 x 123 cm Gouache 73 5/8 x 48 3/8 in.


La noblesse du blason The Nobility of the Coat of Arms 2010 Gouache 180 x 125 cm Gouache 70 7/8 x 49 1/4 in.


Marguerite-Elisabeth Margarete-Elizabeth 2009 Gouache 149 x 123 cm Gouache 58 5/8 x 48 3/8 in.


Jeu de malin Devil’s Game 2010 Gouache 123 x 103 cm Gouache 48 3/8 x 40 1/2 in.


Méphisto Quichotte ou Le pied-bot Mephisto Quixote or The Club-Footed Man Méphisto Quichotte ou Le pied-bot Mephisto Quixote or The Club-Footed Man 2011 Bronze 85 x 105,5 x 44 cm édition de 4 + 2 EA Bronze 33 1/2 x 41 1/2 x 17 3/8 in. Edition of 4 + 2 AP

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« Le bronze, en tant qu’il est porteur de la totalité du mythe des arts plastiques, est le matériau classique par excellence pour l’expression d’un sculpteur. Je ne cherche pas à sortir de cette écriture classique, dépourvue d’originalité et, puisqu’il s’agit ici des trois dimensions, c’est la gestuelle qui est le sujet même de l’œuvre. » — “Bronze, insofar as it the bearer of the totality of the myth of the plastic arts, is the classical medium par excellence for a sculptor’s expression. I am not seeking a departure from this classical language, devoid of originality and, since it involves here the three dimensions, the gesture is the very subject of the work.”



La signature The signature 2011 Bronze 74 x 120 x 36 cm ĂŠdition de 4 + 2 EA Bronze 29 1/8 x 47 1/4 x 14 1/8 in. Edition of 4 + 2 AP

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L’écoute de l’homonculus The Homunculus Listening 2011 Bronze 64 x 67,5 x 45 cm édition de 4 + 2 EA Bronze 25 1/4 x 26 1/2 x 17 3/4 in. Edition of 4 + 2 AP


Sorcière et cochon Witch and Pig 2011 Terre, Êtat avant fonte Clay, before casting


Biographie Biography Bibliographie Bibliography

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Expositions personnelles Solo exhibitions _ 2010 Réalisation d’un ensemble de sculptures monumentales en bronze et de fresques en céramique dans le cadre de la réhabilitation du 23, rue de l’Université, Paris viie (Groupe Carlyle)

_ 2009 Rétrospective Gérard Garouste, Villa Médicis, Rome La Dive Bacbuc et Don Quichotte, Médiathèque, Argentan Le murex et l’araignée, Hôtel de ville, Aubusson

Gérard Garouste

Né à Paris en 1946. Vit et travaille à Marcilly-sur-Eure (Normandie) et à Paris. Born in Paris, 1946. Lives and works in Marcilly-sur-Eure (Normandie) and Paris.

_ 2008 Microspective Gérard Garouste, Mairie de Lille, Lille La Bourgogne, la famille et l’eau tiède, Galerie Daniel Templon, Paris

Gérard Garouste, La Dive Bacbuc, Festival de Saint-Denis, Chapelle des Carmélites, Musée d’art et d’histoire de Saint-Denis Gérard Garouste, château de Sédières, Clergoux

_ 2001 Gérard Garouste, La Haggada et œuvres gravées, Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, Paris Gérard Garouste, Musée des Beaux-Arts, Pau Gérard Garouste, Musée d’Évreux, Ancien Évêché, Évreux Gérard Garouste, Musée des Beaux-Arts, Tourcoing Gérard Garouste, Musée de l’Hospice Saint-Roch, Issoudun Ellipse, Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris Gérard Garouste, Rétrospective 1979-1991, Galerie Liliane & Michel Durand-Dessert, Paris

_ 2000

L’ânesse et la figue, Galerie Daniel Templon, Paris Les libraires aveugles, Fondation Mudima, Milan

Cervantès, Don Quichotte, Garouste chez La Fontaine, Musée Jean-de-La-Fontaine, Château-Thierry Don Quichotte, correspondances : Coypel, Natoire, Garouste, Musée national du château de Compiègne

_ 2005

_ 1999

Saintes Ellipses, Panthéon, Paris

Quixote apocrifo, Galerie Liliane & Michel Durand-Dessert, Paris Lo Clasico y las Indianas, Musée national des Beaux-Arts, Santiago du Chili Lo Clasico y las Indianas, Centre culturel Recoleta, Buenos Aires Quixote apocrifo, Le Rectangle, Lyon

_ 2006

_ 2004 Portraits, Galerie Daniel Templon, Paris

_ 2003 Saintes Ellipses, Festival d’automne, Chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière, Paris

_ 2002 Kezive la ville mensonge, Galerie Daniel Templon, Paris

_ 1998 L’œuvre gravée de Gérard Garouste, Artothèque de Vitré, Centre culturel Jacques-Duhamel

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La Dive Bacbuc, Fondation d’entreprise Coprim, Paris Gérard Garouste, peintures et gravures, Galerie de l’Ancien Collège, Châtellerault Don Quichotte, gouaches, Musée d’Ixelles, Bruxelles Marguerite au miroir Margarete with Mirror 2011 Gouache 65 x 45 cm Gouache 24 3/4 x 17 3/4 in.

_ 1997 Gravures 1989-1996, Passages, Centre d’Art contemporain, Troyes Espace Rachi, Paris Salle de la Dragonne, Saint-Juire-Champgillon Indiennes & œuvres récentes, Salle Saint-Pierre & salle de la Fabrique, Avallon L’œuvre gravée de Gérard Garouste, Château prieural de Monsempron Tal la Rosée, Musée des Beaux-Arts, Valence Gérard Garouste, schiderijen, werken op papier, Museum Commanderie van Sint-Jan, Nijmegen

Le Qohelet (gravures), Art, Culture et Foi, Saint-Séverin / Saint-Nicolas, Paris

_ 1992 Galerie Zacheta, Varsovie Neue Arbeiten 1987-1991, Kunstverein Hannover, Hanovre Œuvres récentes, Ernst Museum, Budapest Museum Moderner Kunst Stiftung Ludwig, Vienne

_ 1991 L’Ecclésiaste et Isaïe, série sur l’Ancien Testament (gouaches), Espace des Arts, Chalon-sur-Saône Galerie Liliane & Michel Durand-Dessert, Paris Œuvres récentes, Belvédère, Château de Prague

_ 1996

_ 1990

Abbaye Saint-André (avec Elisabeth Garouste et Mattia Bonetti), Meymac Couvent des Cordeliers, La Cassine Tal la rosée, Galerie Liliane & Michel Durand-Dessert, Paris Nouvelles lithographies et gravures originales, Galerie Fall, Paris

Gérard Garouste, Les Indiennes, Touko Museum of Contemporary Art, Tokyo Gérard Garouste, Les Indiennes, Santa Monica Museum of Art, Los Angeles

_ 1989

Galerie Raab, Berlin Galerie Raab, Londres Galerie Patrick Martin, Lyon

Malerei-Zeichnung, Städtisches Kunsthalle, Düsseldorf Neue Bilder, Galerie Rudolf Zwirner, Cologne Les Indiennes 1987-1989, Galerie Rudolf Zwirner, Cologne Stedelijk Museum, Amsterdam

_ 1994

_ 1988

Centre d’Art moderne, Espace Mira Phalaina, Montreuil Maison des Arts, Laon œuvres récentes, Musée Mandet, Riom Galerie Liliane & Michel Durand-Dessert, Paris

Les Indiennes, Fondation Cartier, Jouy-en-Josas Gérard Garouste, Musée national d’art moderne Centre Georges-Pompidou, Paris Musée Goya, Castres Obalne Galerije, Pira Leo Castelli Gallery, New York

_ 1995

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_ 1993


Tableaux, encres, gouaches, indiennes, Palais des Beaux-Arts, Charleroi

_ 1987 Hors du calme, Galerie Liliane & Michel Durand-Dessert, Paris Peintures de 1985 à 1987, CAPC - Musée d’art contemporain, Bordeaux

_ 1986 Le débat du cœur et du corps, Galerie Liliane & Michel Durand-Dessert, Paris Musée d’art contemporain, Montréal

_ 1985 Leo Castelli Gallery, New York

_ 1980 Cerbère et le masque ou la neuvième combinaison, Galerie Liliane & Michel Durand-Dessert, Paris La Règle du ‘Je’, Vereniging voor het Museum van Hedendaagse Kunst, Gand

_ 1979 Comédie policière, Galerie Travers, Paris La règle du ‘Je’, Studio d’arte Cannaviello, Milan

_ 1969 Dessins monumentaux, Galerie Zunini, Paris

_ 1984 Wagner et le cochon (autoportrait) Wagner and the Pig (Self-portrait) 2011 Gouache 123 x 170 cm Gouache 48 3/8 x 66 7/8 in.

Galerie Hans Strelow, Düsseldorf Galerie Cleto Polcina (en collaboration avec Gian Enzo Sperone), Rome La cinquième saison, Musée municipal de Bourbon-Lancy Nature contre-nature, Galerie Liliane & Michel Durand-Dessert, Paris

Théâtre | Theater

_ 1983

_ 1978

Paintings and drawings, Leo Castelli Gallery, New York Paintings and drawings, Sperone Westwater Gallery, New York

Le Classique et l’Indien, spectacle de Gérard Garouste, Festival Transthéâtre Libération, Paris

_ 2008 Le Classique et l’Indien, spectacle de Gérard Garouste et Joël Calmettes ; avec Gérard Garouste et Denis Lavant, Théâtre du Rond-Point, Paris

_ 1982 Dall’ Enigma del Canis Major, Museo civico d’Arte contemporanea, Gibellina L’Indien “héroïque ou idiot”, Galerie Liliane & Michel Durand-Dessert, Paris

_ 1981 Gérard Garouste, Etudes 1974-1981, Palazzo Ducezio, Noto

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Commandes publiques Public commissions

Bibliographie | Bibliography

2006 - Tapisserie Le murex et l’araignée, Aubusson

Gérard Garouste, préface de Michel Onfray, Ed. Flammarion, Paris (monographie) Le Classique et l’indien, Villa Médicis, Ed. Electa, Milan (catalogue d’exposition) L’apiculteur et les indiens, Michel Onfray, Ed. Galilée, Paris L’intranquille, autoportrait d’un fils, d’un peintre et d’un fou, Gérard Garouste et Judith Perrignon, Ed. L’iconoclaste, Paris

2006 - Sculptures à l’Hôtel de ville de Mons, Belgique 2000 - Frise dans la salle des Mariages de l’Hôtel de ville de Mons, Belgique 1999 - Plafond du foyer du Théâtre royal de Namur, Belgique 1996 - Installation de peinture et fer forgé pour la Bibliothèque nationale de France, Paris 1995 - Vitraux de l’église Notre-Dame de Talant en Bourgogne 1995 - Sculpture Vierge à l’Enfant pour la cathédrale d’Évry 1994 - Céramiques et sculptures monumentales au palais de justice de Lyon 1989 - Rideau de scène du Théâtre du Châtelet, Paris 1984 - Sculptures Le défi du soleil pour les jardins du Palais-Royal, Paris 1983 - Plafond d’une chambre de l’appartement présidentiel au Palais de l’Élysée, Paris

_ 2009

Kezive, la ville mensonge, Marc Augé, Ed. Galerie Daniel Templon, Paris (catalogue d’exposition) Le Grand Apiculteur, Gérard Garouste et Hortense Lyon, Ed. Bayard, Paris

_ 2001 La Haggada, Marc-Alain Ouaknin, Ed. Assouline, Paris Ellipse, Fondation Cartier pour l’art contemporain, Hortense Lyon, Ed. Actes Sud, Arles (catalogue d’exposition)

_ 2008

_ 2000

La Bourgogne, la famille et l’eau tiède, Hortense Lyon, Ed. Galerie Daniel Templon, Paris (catalogue d’exposition)

Gérard Garouste, Pierre Cabanne, Ed. Expressions contemporaines, Angers

_ 2006

Quixote apocrifo, Laurent Busine, Galerie Liliane et Michel Durand-Dessert, Paris (catalogue d’exposition)

L’ânesse et la figue, Hortense Lyon, Ed. Galerie Daniel Templon, Paris (catalogue d’exposition) Garouste à Talant, Ed. Ereme, Paris Gérard Garouste, Les libraires aveugles, Ed. Fondation Mudima, Milan (catalogue d’exposition)

_ 2004 Gérard Garouste, Peindre à présent, François Rachline, Fragments Editions, Paris Portraits, Marie-José Mondzain et Hortense Lyon, Ed. Galerie Daniel Templon, Paris (catalogue d’exposition)

_ 2003 Saintes Ellipses, Laurent Busine, Festival d’automne de Paris, Ed. du Regard, Paris (catalogue d’exposition) Dieu prend-il soin des bœufs ?, Patrick Modiano, Ed. de l’Acacia, Paris (livre d’artiste)

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_ 2002

_ 1999

_ 1998 Don Quichotte, Cervantès, préface Laurent Busine, Ed. Diane de Selliers, Paris La Dive Bacbuc, Guy Demerson, Gérard Garouste, Fondation d’entreprise Coprim, Paris (catalogue d’exposition)

_ 1997 Commedia, Anne Dagbert, Jacques Jansen, Ed. Daan van Speybroeck, Katholieke Universiteit Nijmegen, Nimègue (catalogue d’exposition) Gravures 1989-1996, Philippe Piguet, Libos/Troyes (catalogue d’exposition)

_ 1996 Gérard Garouste, Anne Dagbert, Ed. Fall, Paris


Tal, d’après Le livre des ressemblances, Edmond Jabès, Ed. Les Francs Bibliophiles, Paris (livre d’artiste) Tal la rosée, Daniel Sibony, Galerie Liliane & Michel Durand-Dessert, Paris (catalogue d’exposition)

Marguerite, Méphistophélès, l’âne et le bœuf Margarete, Mephistopheles, the Donkey and the Ox 2011 Gouache 56 x 76 cm Gouache 22 x 29 7/8 in.

_ 1994 Le trouble du regard, Riom/Laon (catalogue d’exposition)

_ 1992 Neue Arbeiten 1987-1991, Philippe Piguet, Gérard-Georges Lemaire, Kunstverein Hannover, Hanovre (catalogue d’exposition)

_ 1991 L’Ecclésiaste et Isaïe, série sur l’Ancien Testament (gouaches), Espace des Arts, Chalon-sur-Saône (catalogue d’exposition) L’Etat de disgrâce esthétique, Gérard-Georges Lemaire, Galerie Liliane & Michel DurandDessert, Paris (catalogue d’exposition)

_ 1989 Galerie Rudolf Zwirner, Cologne (catalogue d’exposition)

_ 1988 Le Palais de la mémoire, Ed. Fondation Cartier, Jouy-en-Josas (livre d’artiste) Gérard Garouste, Ed. Centre GeorgesPompidou, Paris (catalogue d’exposition) Les Indiennes de Gérard Garouste, Palais des Beaux-Arts, Charleroi (catalogue d’exposition)

_ 1987 Gérard Garouste, Peintures de 1985 à 1987, CAPC - Musée d’art contemporain, Bordeaux (catalogue d’exposition)

_ 1986

_ 1983

Le débat du cœur et du corps, illustration des poèmes de François Villon, Galerie Liliane & Michel Durand-Dessert et Lebeer-Hossmann, Paris (livre d’artiste) Gérard Garouste, Gérard-Georges Lemaire, Caffe Litterari, Ed. II Quadrante, Turin (publication française : Les Cafés Littéraires, Ed. Henri Veyrier)

Gérard Garouste, Paintings and Drawings, Bernard Blistène, Leo Castelli Gallery & Sperone Westwater Gallery, New York (catalogue d’exposition)

_ 1984

_ 1982 Gérard Garouste, Dall’ Enigma del Canis Major, Demetrio Paparoni, Museo civico d’Arte contemporanea, Gibellina (catalogue d’exposition)

Gérard Garouste, Le Classique et l’Indien, Bernard Blistène, Gérard-Georges Lemaire, Catherine Strasser, Galerie Liliane & Michel Durand-Dessert et Jacques Damase, Paris La Cinquième Saison de Gérard Garouste, Gérard-Georges Lemaire, Musée municipal de Bourbon-Lancy (catalogue d’exposition) Gérard Garouste, Carmine Benincasa, Gérard-Georges Lemaire, Ed. Leader/Arte, Rome (catalogue d’exposition réalisé par Cleto Polcina)

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Catalogue édité à l’occasion de l’exposition Catalogue published for the exhibition

Gérard Garouste

Walpurgisnachtstraum Songe d’une nuit de Walpurgis

Du 8 septembre au 29 octobre 2011 From September 8 to October 29, 2011

Remerciements | Thanks Pour leur patience, à tous les modèles, qui se sont reconnus ou ne peuvent pas se reconnaître… For their patience, all the models who have recognized themselves or who cannot recognize themselves… Henri Berestycki, Joël Calmettes, Francis Charhon, Jules Coutard, Olivier Coutard, Noémie Fansten, Elizabeth Garouste, Guillaume Garouste, Olivier Garouste, Alice Gavalet, Jean et Pascale Hamon, Amélie K., Eléonore de Lacharrière, Denis Lavant, Stéphane Magnan, Nathalie Obadia, Judith Perrignon, Alexis Ribes, Jean-Michel Ribes, Stéphanie de Santis, Catherine Simoni, Ara Starck, Jasmine et Philippe Starck.

Galerie Daniel Templon 30 rue Beaubourg 75003 Paris Tel : 33 (0)1 42 72 14 10 - Fax : 33 (0)1 42 77 45 36 info@danieltemplon.com - www.danieltemplon.com

Traduction/Translation : Jack Altman Photos : Bertrand Huet/Tutti Portrait de Gérard Garouste : Bertrand Rieger pour Artension Création, édition : COMMUNIC’ART 216 bd Raspail 75014 Paris Tel : 33 (0)1 43 20 10 49 E.mail : info@communicart.fr Directeur de la création/Creative director : François Blanc Design : Georges Baur Coordination : Pascale Guerre Imprimé en Italie/Printed in Italy © Galerie Daniel Templon ISBN : 978-2-917515-10-5



Garouste_couv_4.pdf

1

05/09/11

11:00

Galerie Daniel Templon 30 rue Beaubourg 75003 Paris

Tel : 33 (0)1 42 72 14 10 – www.danieltemplon.com ISBN 978-2-917515-10-5 35€


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