Artcotedazur N°20

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ART & CHARBON

Charlotte Pringuey-Cessac A R T IS T E

Daniel Buren S P OR T & C U LT U R E

Jeux de la Francophonie A R T IS T E

DOSSIER

KLEIN le grand bleu SUPPLémENT CULTUREL dES PETITES AffICHES dES ALPES mARITImES


Photos : Getty Image • Fotolia

c o u l e u r

F E S T I V A L INTERNATIONAL DES MUSIQUES D ’ AUJOURD ’ HUI

1 3 > 2 3 NOV. 2012 • NICE

Conception/réalisation

t a n g o / Phil.HURST

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TNN • VILLA ARSON • CNRR • UNIVERSITÉ DE NICE SOPHIA ANTIPOLIS OPÉRA NICE CÔTE D’AZUR • THÉÂTRE DE LA PHOTOGRAPHIE ET DE L’IMAGE Centre National de Création Musicale

Région Provence Alpes Côte d’Azur

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ours edito Art Côte d’Azur Supplément culturel des Petites Affiches des Alpes Maritimes Numéro 3611 du 21 juin 2012. Bimestriel ISSN 1962- 3584 Place du Palais 17 rue Alexandre Mari 06300 NICE Ont collaboré à ce supplément culturel : Rédacteurs Frédéric Altmann Alain Biancheri Rodolphe Cosimi France Delville Harry Kampianne Olivier Marro Céline Merrichelli Aurélie Mignone Directeur de la publication & Direction Artistique François-Xavier Ciais Conception graphique Maïa Beyrouti Graphiste Maïa Beyrouti Caroline Germain Henri Bouteiller Photographes Jean Charles Dusanter Isabelle Chanal Guillaume Laugier Photo de Couverture pour Art Côte d’Azur Yves Klein. Sculpture éponge sans titre (SE 90), 1959. 35 x 21 x 12 cm. Collection particulière. En dépôt au Mamac, Nice © Tous droits réservés Rédactrice en chef Elsa Comiot Tél : 04 93 80 72 72 Fax : 04 93 80 73 00 contact@artcotedazur.fr www.artcotedazur.fr Responsable Publicité Anne Agulles Tél : 04 93 80 72 72 anne@petitesaffiches.fr Abonnement Téléchargez le bulletin d'abonnement sur : www.artcotedazur.fr ou par tél : 04 93 80 72 72 Art Côte d’Azur est imprimé par les Ets Ciais Imprimeurs/ Créateurs « ImprimeurVert », sur un papier 100% recyclé. La rédaction décline toute responsabilité quant aux opinions formulées dans les articles, cellesci n’engagent que leur auteur. Tous droits de reproduction et de traductions réservés pour tous supports et tous pays.

Un matin, l’un de nous manquant de noir, se servit de bleu : l’impressionnisme était né. Pierre-Auguste Renoir

Le 6 juin 1952, disparaît Yves Klein, figure emblématique de l’Art, un des plus importants protagonistes de l’avant-garde. Connu pour son bleu IKB, et ses performances nous avons souhaité lui rendre hommage à travers ce numéro pour la commémoration du 50ème anniversaire de sa disparition. Nous évoquerons également l’artiste Charlotte Pringuey Cessac, dont le travail sur la base du charbon de bois est tout à fait exceptionnel. Yves Klein en 1961 avec la série des Peintures de feu, cherchait déjà à maîtriser l’action du feu. Nous parlerons de l’artiste « graveur » James Coignard, qui découvrit la Côte d’Azur à 23 ans pour ne plus jamais la quitter, et de l’atelier Schlomoff, qui exposera à Monaco une très belle série de portrait. Yves Klein avait réalisé des « portraits-reliefs, véritable moulage grandeur nature, semblant être gravé dans la feuille d‘or. Sport et Culture, mariage atypique et cependant intéressant, Nice accueillera très bientôt la 7ème édition des

Jeux de la Francophonie. Yves Klein était un sportif accompli, il fut l’une des premières ceintures noires de Judo (4ème dan), grade qu’aucun français n’avait atteint à son époque. Nous vibrerons au son des Nuits Carrées, déjà six années de direction artistique sous la houlette de Sébastien Hamard. Yves Klein était aussi musicien, il composa même la symphonie « monoton-silence » en 1949. Nous parlerons également de Sandra Lecoq et Aïcha Hamu, « pratiquantes » du support surface, libérant le textile de son canevas domestique. Yves Klein aussi s’intéressait au support surface, il avait mis en place la procédure des empreintes laissées par un corps sur une surface, les célèbres « anthropométries de l’époque bleue ». C’est donc avec les couleurs si chères à Yves Klein, Le Bleu de la mer, l’Or du soleil, et le Rose de la vie et de l’amour que nous vous laissons feuilleter ce 20ème numéro d’Art Côte d’Azur, et ouvrir votre été, paré de magnifiques couleurs. François-Xavier Ciais

Une bonne pêche Le temps d’une respiration et le combat reprend Gauche, Droite, Gauche, Droite Crochet Direct Uppercut Un trou noir Vertige de la vie Qui s’installe Round après Round Nous sommes tous debout sur le Ring Vacillant sous les coups de Blues De notre destin Knock Out Sonné pour le compte Compté par l’arbitre Rien ne va changer vraiment Rien n’est vraiment perdu Puisqu’il n’y aura plus rien à gagner Il nous restera toutes ces choses indispensables Qui plaisent à la plupart des gens Mais qui hélas me filent le tournis les cours de Salsa pour unijambistes les matchs de foot foutus d’avance les grands prix de kart à pédale les sirènes d’alarme à trois heures du matin les plages pour chiens les prothèses mammaires artisanales les sports d’été en hiver la bière sans alcool le jury sans voix de «The Voice» l’essence au prix du parfum les montagnes Russes en Amérique les familles nombreuses en jogging brillant les scandales sexuels d’un nain puissant tous les gogols de google tous nos téléphones portables insupportables les cigarettes à bout électroniques des produits équitables sur la table le régime d’un con la marche arrière sans rétroviseur

© J-CH Dusanter

la politique de comptoir les spams pour le Viagra les oeufs aux plats pas vraiment plats la fumée des barbecues cancérigène la douce menace d’Al Qaida Et tous ces amis virtuels Qui vous veulent du bien Alors que vous êtes là A vous planquer Derrière votre écran Pour les chiens Nous sommes tous des chiens Pour les poissons rouges Nous ne sommes rien Ils n’ont pas vraiment de mémoire quelques secondes tout au plus... Arnaud Duterque


EN VILLE 6 10

HORS LES MURS

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PORTRAIT DANIEL BuREN

HORS LES MURS BIENNALE DE LA HAVANE

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MONACO

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NICE

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ANtIbES

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JéRôME SCHLOMOFF FONDATION PRINCE PIERRE

LA FRANCOPHONIE SPORT ET CuLTuRE

NuITS CARRéES

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La vie des arts 22 CHARLOttE ARTISTE

PRINgUEy CESSAC

26 yVES KLEIN 35 ROLANd bOtREL 38 JAMES COIgNARd 40 ExPO VENtE CASSEgRAIN 44 SANdRA LECOq

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DOSSIER

COLLECTIONNEuR

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L’ART Du VERRE

ART GREC

FILLES à FIL

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© JCh Dusanter


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EN VILLE

ARtiste

En vrac

Daniel Buren Première exposition Plutôt première commande. C’est venu d’un hôtel aux Caraïbes. Ils m’ont demandé de leur réaliser une fresque. J’avais 22 ans (il est né en 1938) et ma peinture était très figurative à ce moment-là. Je voyageais depuis l’âge de 17 ans. En réalité, je ne savais pas vers quelle voie me diriger. J’hésitais entre le cinéma, l’écriture et les arts visuels. Le fait d’avoir travaillé in situ m’a permis de développer ma notion de l’espace et surtout d’effacer progressivement toutes les influences que j’avais pu emmagasiner pendant mes voyages.

Premières rayures

© D Plowy

Je me suis éloigné petit à petit de la figuration pour des choses plus abstraites avec de nouveaux matériaux tels que la pâte de verre et des objets de récupération. Je m’intéressais déjà au tissu industriel mais la véritable rupture a eu lieu en 1965 lors d’une visite au marché St Pierre à Paris. Je suis tombé sur une sorte de toile ou de

M on u m en ta C u v ée 2 0 1 2

Daniel Buren «Bulle» en Couleur La nef du grand Palais, c’est simple ! Elle est imprenable. Normal, elle est Monumenta(le). Pour la 5ème année consécutive, un artiste de renom a décidé de relever le défi. Le challenger n’est autre que Daniel Buren, créateur des «fameuses» colonnes de la cour du Palais Royal. Mais entre la théorie et le concret, la déception est de taille.

bâche, je ne sais plus, avec des bandes verticales blanches et colorées, d’une même largeur entre elles, c’est-à-dire 8,7 cm. Il y a eu comme un déclic, c’est devenu pour moi le support visuel idéal pour mener à bien mes recherches sur la peinture, l’architecture, la sculpture mais aussi sur l’environnement urbain et social.

Premier atelier La rue. La rue est devenue mon atelier. Je devrais dire la ville. J’ai pris conscience que ces rayures que j’appelais mon nouveau «outil visuel» me permettaient d’investir de nouveaux espaces. En 1967, j’avais déjà réalisé un tas de collages, de papiers rayés sur les murs ou les façades d’immeubles…la peinture était devenue accessoire voire inexistante. Nous avions formé un groupe avec d’autres artistes, Michel Parmentier, Olivier Mosset et Niele Toroni, pour nous détacher totalement de cette domination qu’exerçait encore à cette époque-là l’école de Paris, qui avait tout de l’arrière-garde confortablement

Ne jamais sous-estimer 13 500 m² de surface au sol pour une hauteur de 45 m vue du dôme. Tous les artistes précédents, en l’occurrence Richard Serra, Anselm Kieffer, Christian Boltanski et Anish Kapoor, se sont sans doute posés la question suivante: comment rivaliser avec un tel volume sans se faire dévorer ? L’intéressé du jour, Daniel Buren, a préféré écarter ce casse-tête inhérent à l’architecture des lieux : « La nef du Grand Palais est une architecture lumineuse et aérienne difficilement maîtrisable. Lorsque l’invitation m’a été faite d’investir ce lieu, j’ai compris qu’il était impossible de l’attaquer de front. On ne peut pas rivaliser avec une telle enveloppe. Cela a beau être un espace fermé, je le trouve très proche d’une place publique. Il y a tellement de verrières que vous avez l’impression d’être dans la rue. » Réponse judicieuse qui ne l’absoudra pas pour autant de toutes ces contraintes. Face à un tel mammouth d’acier, de verre et de fer, le sérieux est de mise. Certes Buren n’en est pas dépourvu pour affronter une telle structure. Reste que ce n’est pas en la contournant que l’on arrivera à la prendre par derrière ! Pardonnez-moi l’expression. Il lui faut bien plus que des avances. L’artiste n’a pas été


ARtiste

© D Plowy

installée. un certain art abstrait très tendance de cette période était devenue pour moi complètement académique. Je me suis vite rendu compte de l’intérêt de travailler in situ.

Première grande exposition Je dirais 1968, une exposition à Düsseldorf qui s’appelait Prospect. Elle m’a permis de

EN VILLE

© D Plowy

mettre le pied à l’étrier du monde de l’art international, de connaître les grands acteurs incontournables de ce milieu. J’avais noué de solides contacts avec des galeristes tels que Leo Castelli ou Konrad Fischer. Grâce à eux, j’ai pu monter plusieurs expositions personnelles dans des musées à l’étranger, ce qui poussa en quelque sorte le musée d’Art moderne de la Ville de Paris

© H Kampianne

à me consacrer une première grande exposition, en 1983.

Première polémique C’était en 1971 au musée Guggenheim de New York, une exposition collective aux côtés de grands noms à laquelle j’ai été convié. J’avais eu la fâcheuse idée d’envahir, avec une bannière rayée de 20 mètres

avare en propositions plus ou moins détaillées mais elles n’ont fait qu’effleurer le sujet, sur papier d’abord et sur projection en diaporama ensuite. Des croquis visionnés en preview (privilégiés que nous sommes !) dans un entrepôt de la banlieue parisienne où il était question d’un conglomérat de 377 cercles recouverts d’un film translucide jaune, vert, orange ou bleu et taillés dans des diamètres différents, le plus grand atteignant 7 mètres. Ce tsunami de cercles concentriques, apparenté selon notre hôte « à des cercles qui se font et se défont tout en sortant d’un système concentrique », serait soutenu par une forêt de 1500 poteaux en noir et blanc de 8,7cm de large chacun. A l’entendre, il aurait décidé de condamner l’entrée principale du Grand Palais qu’il trouve complètement disproportionnée voire trop kitsch avec l’architecture de la nef. « De plus l’accès est trop direct, cela risque de gommer l’effet de surprise. J’ai choisi l’entrée nord, beaucoup plus discrète, elle permet au visiteur d’accéder progressivement, sous une couverture de cercles accrochés à 2,60 m et 2,90 m du sol, au centre de la nef qui lui sera complètement vide. Le visiteur tombera brusquement sur un espace de 32 m de dia-

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© D Plowy

de hauteur, la rotonde du bâtiment de Frank Lloyd Wright, une première dans l’histoire du musée. Ce qui eut pour effet de déplaire fortement à Dan Flavin et Donald Judd, artistes très influents et en vogue à ce moment-là. J’apportais le mauvais goût et j’occultais surtout leurs travaux. une fois le scandale créé, j’ai été obligé de décrocher cette immense toile avant le vernissage. Le plus drôle dans cette histoire, c’est que le musée m’a rappelé en 2005 et m’a donné carte blanche pour monter une exposition personnelle. J’ai évité d’exposer à nouveau cette bannière de peur d’éveiller de mauvais souvenirs.

Premier affrontement avec le public C’est évidemment l’affaire des Deux Plateaux au Palais Royal (les Colonnes de Buren). Il faut se remettre dans le contexte de l’époque. Nous étions en 1985, l’avènement du Centre Pompidou, en 1977 avait fait exploser le nombre des musées d’art moderne et contemporain en France et en Europe. J’avais remporté sur concours ma première commande publique, j’étais naïf de croire que tout se passerait dans le meilleur des mondes. C’était sans compter le fossé, déjà légendaire qu’il pouvait y

avoir entre le grand public et l’art contemporain. J’eus droit à toutes sortes d’insultes et de menaces. Cette affaire s’est transformée pour le coup en débat national, ce qui m’a apporté paradoxalement la célébrité.

Première succès ou récompense La Biennale de Venise en 1986. J’ai obtenu le Lion d’Or. Je ne sais pas si les répercussions de l’affaire des Deux Plateaux y sont aussi pour quelque chose. HK

ne serait pas véritablement gênant si l’affect, que dis-je le vertige, n’était pas absent de ce programme. Certains y verront peut-être un joyeux feu d’artifice, d’autres seulement un feu follet. Adulé ou détesté, cet artiste emblématique des années 80 a toujours su provoquer des réactions, des questionnements, du chahut mais rarement d’indifférence. Là, ni consternation ni colère ni béatitude devant sa grammaire esthétique ultra institutionnalisée. Même pas chaud même pas froid, que du tiède et encore…une émotion aux abonnés absents. Excepté peut-être lorsque le visiteur s’extirpe de ce sas tendu de cercles et de rayures pour débouler au centre sur d’immenses miroirs ronds reflétant la coupole. C’est trop peu pour une Monumenta ! La cuvée 2012 manque décidemment de tanin. HK

mètre sans aucun obstacle, un peu comme s’il était aspiré malgré lui vers la coupole. C’est à vrai dire une sorte de clairière jouant avec la lumière changeante des verrières elles-mêmes entièrement tapissés de bleu et engendrant des nuances de couleurs sur la majorité de ces cercles agencés sur plus de 6500 m². » Bref, tel était le scénario vécu un mois et demi avant le 10 mai, date de l’inauguration. Hélas ! Au vu du résultat, le feu de notre imagination s’est plutôt attiédi. Bien qu’épaulé dans son travail in situ (mot qu’il préfère à installation) par l’architecture Patrick Bouchain, l’engouement d’après croquis, photos ou maquette s’estompe progressivement lorsqu’on pénètre dans la nef. Au fard du virtuel s’est substitué l’intransigeance du réel, même si celui-ci est l’affaire de chacun. Il en ressort une impression d’étouffement, sans doute souhaitée par l’artiste, d’aveuglement dû aux reflets de la lumière zénithale provenant des verrières et se reflétant sur le sol à travers les couleurs acidulées de ces dits cercles. Ce qui

Nef du Grand Palais © H Kampianne


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HORS LES MURS

l a H ava n e

La biennale de La Havane 2012 pratiques artistiques et imaginaires sociaux Une ambiance festive régnait dans la capitale cubaine en ce mois de mai 2012, avec la cinquième Biennale d’Art Contemporain qui a ouvert ses portes le 6 mai et imprègne toute la ville de son énergie. Aux grands lieux officiels s’ajoutent les expositions collatérales, les manifestations transversales et surtout les nombreuses performances qui drainent les foules dans les artères principales.

La Fondation CIFO présente, au cœur du centre historique de La Havane, « una mirada multiple », la sélection de la collection Ella Fontanals-Cisneros, axée sur les grands noms de l’art contemporain. Se côtoient ainsi les représentants de la photographie actuelle allemande comme Bern et Hilla Becher, Thomas Struth ou Andreas Gurky, les américains Dan Graham ou Stan Douglas, les installations vidéo de Nam June Paik ou celles, plus baroques de Yannis Kounellis ou de Michellangelo Pistoletto, et les œuvres minimalistes de Donald Judd ou conceptuelles de Joseph Kossuth, pour ne citer que les plus grands noms. Rebecca Horn, Sophie Calle ou Barbara Kruger imprègnent ces lieux avec des installations et des photos provocatrices dans l’esprit revendicatif qu’on a pu leur reconnaître. Ce clin d’œil aux grands noms de l’art contemporain permet de confronter à ces références incontournables l’art en train de se faire, proche de nous, dans les multiples galeries

Cette Biennale n’est pas en reste par rapport à ses homologues

annexes qui déploient des trésors d’imagination. C’est le cas par

de Venise ou d’autres pays du monde, puisque 112 artistes ont

exemple de la Galerie Galiano ou de l’espace d’Art Contemporain

été invités, venant de 45 pays différents, auxquels s’ajoutent dix

Factoria Habana, qui présente une série d’œuvres insolites et

projets collectifs ; la représentation cubaine reste évidemment

dépouillées dans

prépondérante, en relation avec les artistes latino-américains,

le cadre d’une

mais des artistes de nombreux autres pays sont invités à cette

performance so-

manifestation avec une reconnaissance particulière consacrée aux

nore de Nestor

pays émergeants, africains ou asiatiques.

Rodriguez.

Le lieu névralgique de toute l’organisation se situe au centre d’Art Contemporain Wifredo Lam dont le directeur, Jorge Fernandez Torres a été le moteur principal de la biennale. Vernissages, conférences et signatures de célébrités se succèdent dans cet espace consacré à l’artiste qui a représenté le mieux l’identité cubaine, Wifredo Lam, imprégné à la fois de culture latine et chinoise. Outre les expositions et installations au deuxième étage avec la « esquina caliente » de Rafael Ortiz - œuvre conceptuelle également installée sur les trottoirs

 Abel Barroso, Cuando caen las fronteras

de la vieille Havane -, les performances de Maria Magdalena Campos Mons (« Fefa ») et de Steven Cohen, l’artiste sud-africain, ont marqué l’inauguration de ce centre par  Maria Magdalena Campos Mons, Llegooo Fefa

une débauche de costumes et de couleurs à travers des problématiques liées à la quête d’identité. Le Musée des Beaux-Arts, habituellement consacré aux artistes cubains, accueille les installations de Sandra Ramos (les Puentes) avec un parcours ludique du spectateur sur la problématique de la pérégrination, et une grande exposition personnelle d’Abel Barroso : « Cuando caen las fronteras », où des constructions urbaines géométriques s’intègrent dans des jeux vidéo ou des flippers.

 Steven Cohen


l a H ava n e

HORS LES MURS

2012

la havane

 Eduardo Ruben, Combatientes

La « Fototeca » de la Place de la Cathédrale, non loin de là, expose une sélection de photos d’Andres Serrano, virtuosité technique au service du corps dans une mise en scène ultra violente. Le Fort « San Carlos » de la Cabana, vestige de l’époque coloniale consacré actuellement aux évènements culturels, prête ses murs aux artistes cubains contemporains à travers un espace qui n’a rien à envier aux grandes surfaces de l’Arsenal à la biennale de Venise. Le parcours se compose de salles multiples dans les murailles de la fortification qui domine les hauteurs de La Havane. Expositions personnelles ou collectives,

 Olazabal, Permanecer en la tierra

installations et vidéos permettent de découvrir le regard critique ou objectif d’une centaine d’artistes en relation

 Damien Aquiles, Caja de Palabras

avec leur époque et la culture qui soustend leur environnement immédiat. Les

 Installations du Pavillon Cubain de la Rampa, Creaciones compartidas

peintures ne sont pas absentes avec Alberto Lago, José Eduardo Yaque, ou Olazabal, et semblent renouer avec la grande tradition expressionniste. Eduardo Ruben, quant à lui, confronte les matériaux avec une technique proche de l’hyperréalisme. De grandes sculptures extérieures jalonnent le parcours du spectateur, comme la « Resistencia del origen » de Diana Almedia, le « Carbon surcity », et la « Caja de Palabras », gigantesque cube pivotant de Damien Aquiles qui s’impose dans cet environnement insolite. La Salle du Grand théâtre, au cœur de la ville et à proximité du Capitole, s’est elle aussi transformée en espace muséal avec les installations hypertrophiées d’Ivan Navarro ou d’Antonio Gomez. Un peu plus haut, sur les hauteurs de la Calle 23, le Pavillon Cubain de la Rampa présente les « Creaciones compartidas » avec une sélection d’artistes qui ont participé déjà à d’autres évènements internationaux, tels que Ivan Capote, Cristian Segura ou Nury Gonzales. L’exposition se présente comme un parcours ponctué de contrôles en référence avec les fouilles obligatoires des candidats à l’immigration dans les aéroports. Beaucoup d’humour dans cette déambulation, lié à la réflexion sur les différentes conditions de vie contemporaine in situ.

 Ilya et Emilia Kamakov, Barque de la Tolérance

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HORS LES MURS

l a H ava n e

la havane  Différentes scènes de la performance Las Cabezas, de Manuel Mendive

Le centre Hispano-américain de la Culture, le long du Malecon, propose un ensemble d’œuvres liées aux nouvelles technologies et aux effets cinétiques, avec des références lointaines aux créateurs de ces pays qui ont su développer cette forme d’art il y a quelques années ; et, sur le front de mer de grandes sculptures composent un parcours ludique en donnant une nouvelle lecture face à l’océan qui s’étend à perte de vue. Ce circuit du Malecon conduit le spectateur jusqu’au Castillo de la Fuerza où se déploie, toutes voiles dehors, la « Barque de la Tolérance », d’Ilya et Emilia Kamakov : une œuvre collective réalisée à l’aide d’une multitude de dessins d’enfants qui constituent l’essentiel de la structure de l’œuvre. Mais l’ambiance artistique ne se répandrait pas avec autant de fougue sans la présence d’artistes performeurs qui s’expriment dans les rues de la ville. « Las Cabezas » de Manuel Mendive met en scène un certain nombre d’artistes, danseuses et danseurs qui se déploient depuis le grand théâtre national et tout au long de l’avenue du Prado près de la mer, à travers rythmes  Los Carpinteros, La Conga Irreversible

et contorsions qui font revivre certains rituels primitifs en relation avec l’origine de nombreuses coutumes ancestrales, les références à l’esclavage et la soumission de la femme. Sur les mêmes lieux, « Los Carpinteros » jouent la « Conga Irreversible », performance ou se mêlent danse, musique et expression corporelle avec une participation directe des spectateurs. La performance reste très à l’honneur dans cette biennale, et les artistes invités participent directement à l’hommage qui leur est rendu ; la présence d’Orlan constitue un évènement privilégié, tout comme celle de Marina Abramovic, l’artiste serbe, au théâtre Miramar, à la projection du film « The Artist in Present » qui retrace l’histoire de ses principales actions. A cela s’ajoutent les conférences et « Aktion » d’Hermann Nitsch à

 Marina Abramovic au théâtre Miramar

l’Institut Supérieur des Arts, et dans de nombreux autres lieux différents se déroulent des performances multiples et variées. D’autres espaces sont aussi mis à la disposition des artistes, des lieux muséaux, bibliothèques, ou théâtres et cinémas, ainsi  Orlan invitée à la biennale

que des parcs et des institutions - dans et à l’extérieur de La Havane - pour multiplier les évènements quotidiens et faire circuler les spectateurs à la découverte de l’art contemporain. Un programme dense et complexe, dû peut-être à la courte durée de la biennale (celle-ci s’est terminée le 11 juin) mais qui oblige à ne pas ralentir le rythme et les rendez-vous artistiques.

aB


PARTENAIRE

OFFICIEL


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en ville

monaco

Pour Jérôme Schlomoff le portrait est un art de l’exigence, « le fondement des tous les regards ». il semblait naturel que l’exposition qui lui est consacrée au Quai Saint Antoine du 28 septembre au 21 octobre 2012 soit conçue autour du regard que le photographe pose sur son atelier, fabrique ouverte à tous les champs du « langage de l’œil ».

L’atelier Schlomoff 100 portraits et plus si affinités « Faire un portrait revient à adopter une certaine attitude envers le monde qui nous entoure et que l’on observe. Ce monde devient portrait car tous sujets est une recherche de vérité. Mon parcours part du portrait. Son développement m’a amené à avoir une démarche artistique » Ainsi plus qu’une simple reconstitution de l’atelier du photographe, l’espace d’exposition renvoie au propre itinéraire créatif de Jérôme Schlomoff « Si je parle d'atelier, plutôt que de studio, c'est parce que je ne fabrique pas seulement des images dans mon studio... J'y fabrique des appareils photos ou caméras sténopés de tous genres en carton, fer, bois ; je fais de la reliure pour les livres d'artistes ; je fabrique des maquettes pour mes projets » Mais des images, il y en aura ! Des images à tous les stades de fabrication comme dans un atelier : Tirages argentiques, épreuves, photocopies de travail, sténopés. le catalogue de cette exposition hors-norme, c’est le visiteur qui sera convié à le faire lui même en puisant dans les photocopies des 100 portraits mis gracieusement à sa disposition. Ces propositions qui déplacent l’idée de l’exposition sont à la mesure de son auteur qui ne s’intéresse pas à la photographie en tant que technique mais en tant que langage. Une grammaire du visible que Jérôme (né en 1961 à vincennes) qui vit et travaille à Amsterdam, explore depuis une trentaine d’années, seul ou parfois même « accompagné »

Le portrait, une enquête sur la vie « C’est autour de 20 portraits réalisés depuis 2005 pour la Fondation Prince Pierre de Monaco que j’ai construit cette exposition. Cela me semblait légitime de montrer la raison de ma présence à Monaco et ma façon de témoigner de la création actuelle » Ainsi Jérôme Schlomoff donne à voir 100 figures du monde de l’art « portraitisées » au fil de ses rencontres : Basquiat, Gilbert & Georges, Daniel Buren, Keith Haring, Christian Boltanski, Jonas Mekas, Didier Arnaudet, écrivain et commissaire d’exposition, leo Castelli, marchand d’art, des écrivains ou compositeurs de la série faite pour la Fondation Prince Pierre de Monaco présidée par Son Altesse Royale la Princesse de Hanovre. Une Fondation qui soutient depuis plus de 40 ans la création contemporaine dans les domaines, littéraire, musical et artistique. On y verra également des portraits d’inconnus. Un travail partagé avec d’autres artistes. « les sans abri de nancy que j’ai photographié alors que François Bon faisait son atelier d’écriture pour le théâtre de la manufacture. Des portraits d’habitants d’un village de ligurie à 1h de Monaco où j’ai passé cinq étés. ». « Faire le portrait de l’Autre…c'est tenter l'approche la plus fine d'une vérité inatteignable ». Ainsi pour le photographe sa complicité avec le sujet ne souffre d’aucun parasitage « Un minimum de


monaco

en ville

moyen pour un maximum d’effet. Je suis parti de cette définition de la modernité de l’architecte Mies van der Rohe pour me débarrasser de la technique dans un souci d’unité.» Pas de mise en scène, non plus : « C’est une imitation de la vie, alors que le portrait est une enquête sur la vie. Je m’efforce au contraire d’évacuer toute forme de mise en scène que le sujet serait tenté de m’imposer. Je photographie les gens debout, libres de leurs mouvements, sans maquillage,

Roquebrune-Cap-Martin etc.). l’écriture, la musique, la peinture, la poésie, tous ces arts qui viennent se mêler à ses projets sont le plus souvent le fruit de rencontres. Des rencontres qui lui permettent d’ouvrir la photo à d’autres champs du possible. Un partage lisible au fil de l’exposition. Ainsi chacun des portraits est accompagné d’un texte écrit par l’écrivain Didier Arnaudet. Quand aux films sténopés présentés, ils furent réalisés en complicité. « Babel babil »

avec une seule source de lumière à la face. les séances n’excèdent pas 20 minutes. Au-delà, il y a une perte de concentration… il est important de faire oublier tout ce qui est autour de la relation qui se joue entre le sujet et le photographe » Seule une telle exigence peut permettre de capturer cet instant fragile que traque Jérôme. « Une vérité inatteignable car il est impossible qu’une photo prise au 60ème saisisse dans une expression la vie entière de la personne. Ce serait prétentieux ! Mais un bon portrait doit tenter d’englober les trois temps de notre passage sur Terre : le passé, le présent, le futur. Ces photos que l’on dit parfois touchées par la grâce répondent à « la notion de constat ». Un instant qui convoque la vie mais aussi l’idée de la mort, du masque funéraire. C’est la conjonction de tous ces états qui nous approche le plus de la vérité ».

fixe sur la pellicule un moment privilégié entre le peintre transalpin leonardo Rosa et le poète Bernard noël. Deux autres témoignent de ses affinités avec le peintre et cinéaste hollandais Henri Plaat et l’artiste Marc Couturier. le compositeur Smooth one à qui Jérôme confia la musique de ses films réalisera la bande-son d’une installation sténopé qui place le visiteur à l’intérieur de l’appareil photo. « Cette chambre sténopé qui clôt le parcours tisse un lien entre le portrait de l’humain et celui de la ville. Cela sera un très beau portrait de Monaco dans lequel les visiteurs pourrons pénétrer » en effet cette chambre noire juste percée d’une fenêtre/obturateur renverra l’image du port et de la ville à l’envers et sur tous les murs de la pièce. Une expérience unique à vivre, empreinte de cette lumineuse poésie qui peut parfois nous faire douter du réel. om

Et plus si affinités « la photographie étant souvent un art solitaire, il m’est apparu vital de faire dialoguer mon langage avec d’autres créateurs mais aussi parce que toute discipline se doit d’être perméable » commente Jérôme Schlomoff qui commença par transformer les lieux d’architecture en appareils photographiques via le sténopé (le Pavillon Mies van der Rohe à Barcelone, le cabanon du Corbusier à

De gauche à droite : " Je souris, moi ? Désolé, je vais tâcher de me contrôler. " - Didier Arnaudet - Poète 2008 © Schlomoff - Texte Didier Arnaudet 2012 " Que penser de celui qui a intégré la grâce sans la vouloir ? " - Jean-Michel Basquiat - Artiste 1988 © Schlomoff - Texte Didier Arnaudet 2012 " la balle écorche le bord de la colonne, derrière son épaule, et s’encastre dans le mur. il lâche son livre et se plaque au sol. l’exercice du regard n’est-il pas lié à une insistance, presque une obligation de forcer, de pénétrer ? " - John Cale - Compositeur/Musicien 2003 © Schlomoff - Texte Didier Arnaudet 2012 " vous tiendrez votre parole, j’espère ? vous voulez bien faire quelques pas ? Peut-être subsiste-t-il encore dans le jardin quelques échos de cette étrange conversation avec la pluie ? "Helena Tulve - Compositrice 2006 © Schlomoff - Texte Didier Arnaudet 2012 Peut-on s’affranchir des significations ordinaires et s’ouvrir à des perspectives particulières ? - Guido van der Werve - Artiste 2010 © Schlomoff - Texte Didier Arnaudet 2012

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FESTIVAL

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Violons de Leg ende 07 > 15 sept.

LES PLUS BELLES “ÂMES” DE LA MUSIQUE Nemanja Nemanja RADULOVIC RADULOVIC •• Trio Trio BRANCUSI BRANCUSI •• Jean-François Jean-François ZYGEL ZYGEL Laurent Laurent KORCIA KORCIA •• Orchestre Orchestre Philharmonique Philharmonique de de NICE NICE

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l’Art et la Culture au cœur des Jeux de la Francophonie en 2013 Du 6 au 15 septembre 2013, la France accueillera la 7e édition des Jeux de la Francophonie à nice. Rencontre avec Muriel Marland-Militello, adjointe au Rayonnement Culturel, aux Affaires européennes et à l’Organisation des Jeux de la Francophonie. Du Sport oui, et de l’Art aussi. les Jeux de la Francophonie feront la part belle à la Jeunesse, aux Arts et aux Sports. Des jeunes entre 18 et 35 ans seront en compétition « fraternelle » autour de disciplines sportives (Athlétisme, Basket-ball, Football, Handisport athlétisme, Judo, lutte libre et lutte africaine, Tennis de table et cyclisme sur route « en animation ») et culturelles (Arts visuels, Chanson, Conte, Danse de création, littérature, Photographie et – nouveauté dans la programmation officielle cette année – les Arts de la rue, incluant hip-hop, marionnettes géantes et jonglerie). Concrètement, les présélections sont réalisées par chaque pays, puis l’Organisation internationale de la Francophonie (OiF) envoie des délégués pour trancher : les sélectionnés viendront concourir à nice. en moyenne tous les quatre ans, les 75 États et gouvernements membres ou observateurs de l’OiF peuvent participer aux Jeux de la Francophonie, véritable reflet de la solidarité et du partage exercés au sein de la communauté francophone. Comme nous l’explique Muriel Marland-Militello, le rôle de la ville d’accueil est de gérer la sécurité et la logistique en mettant à dis-

© CiJF/ Jean-Yves Ruszniewski

position des lieux artistiques et sportifs pour les performances (nice Stadium, Stade Charles-ehrmann, Acropolis, Palais des expositions, mais aussi les lieux publics comme la Place Garibaldi ou la Place Fontaine du Temple). Accessible à tous, cet évènement égayera la ville et ses habitants : nice sera rythmée et décorée aux couleurs de la Francophonie et des Jeux, la Francophonie sera le thème 2013 du Carnaval et les établissements scolaires sont d’ores et déjà invités à travailler sur le thème de la Francophonie. les meilleurs projets seront valorisés pendant les Jeux. Un événement pour et par les jeunes « nous souhaitons favoriser l’émergence de jeunes artistes. les Jeux de la Francophonie leur donnent un lieu d’exposition international et l’occasion de se rencontrer, d’échanger entre eux », nous explique Muriel Marland-Militello. Des ateliers seront organisés en marge des expositions et spectacles pour s’ouvrir au grand public. les ateliers « création » seront ouverts et chacun pourra y voir l’artiste travailler seul ou en synergie collaborative. les ateliers « animation » permettront aux artistes de présenter leurs productions,

© Patrick lazic


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© CiJF/ Jean-Yves Ruszniewski

leurs techniques, leur démarche artistique sous forme de conférences, démonstrations, projections de films, de spectacles, etc. Concernant les arts plastiques et la photographie, l’atelier fera partie intégrante des épreuves des Jeux et donneront lieu à la création d’une œuvre individuelle ou collective. l’objectif de ces ateliers est également de fournir l’occasion aux professionnels de venir rencontrer les étoiles montantes. nice, ville d’arts et de sports « Par sa tradition, la ville de nice est une ville d’art. nous avons de nombreux musées et établissements culturels, un opéra, un théâtre national. le Maire donne parallèlement une grande impulsion au sport et à l’événementiel pour faire vivre la ville. la Francophonie correspond tout à fait à ses projets en tant que Maire de nice […] A travers nice, c’est une image de la France que nous renverrons. la qualité humaine de notre accueil est importante. Ainsi, j’ai l’intention de solliciter des élus […] et je demanderai à ceux qui animent les quartiers de participer. la ville montrera qu’elle aussi, est unie », souligne Muriel Marland-Militello. la réunion des 75 États et gouvernements de la Francophonie au bord de la Méditerranée exprimera les valeurs la Francophonie, les aspirations de la jeunesse, son énergie,

sa diversité et ses talents. Cette rencontre exaltera les raisons d’espérer et le désir de paix pour les peuples du nord et du Sud, unis dans une compétition où l’important est réellement de participer et de partager une émotion sportive et culturelle. Les prochaines étapes : focus sur les concours culturels les sélections aux concours culturels s’échelonneront jusqu’à la fin de l’année 2012. Du 30 juin au 31 octobre, des jurys régionaux constitués par la Direction du Comité international des Jeux de la Francophonie (CiJF) et la Direction de la langue française, de la diversité culturelle et linguistique de l'OiF (DlC) se rendront dans les etats ou gouvernements ayant effectué les présélections. l’objectif sera de procéder à un classement des artistes présélectionnés et de garantir ainsi un haut niveau des productions artistiques. Une sélection finale sera effectuée ensuite par la Direction du CiJF avec l'appui de la DlC, du 10 novembre au 15 décembre. Pour le grand public, rendez-vous en septembre 2013 pour découvrir cette 7e édition des Jeux de la Francophonie, qui seront placés sous les signes de la solidarité, de la diversité et de l’excellence.

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panoraMa des événeMents annUeLs cULtUreLs et sportifs MajeUrs cULtUre Carnaval international de nice (février) Mars au Musée (mars) Printemps des poètes (mars) nuit des musées (mai, événement national) Festival du livre (juin) Fête de la musique (juin, événement national) les concerts du cloître, Monastère de Cimiez (juillet-août) nice Jazz Festival (juillet) Journées du patrimoine (septembre, événement national) Septembre de la photographie (septembre) Festival MAnCA, Musiques Actuelles nice Côte d’Azur (novembre) « C’est pas classique ! » (novembre) Festival des arts russes (décembre)

sport Prom’Classic (janvier) Paris nice cycliste (mars) Semi-marathon international de nice (avril) Open de tennis nice Côte d’Azur (mai) ironman France nice Triathlon (juin) europétanque et Masters de pétanque (juillet) Aquathlon de nice (septembre) Coupe internationale de patinage artistique (octobre) Marathon des Alpes Maritimes nice Cannes (novembre) Challenge international de lutte Henri Deglane (novembre)


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Nuits Carrées, six ans de vibrations. Il y a de la magie à Antibes, au pied du Fort Carré. De la magie ou de l’idée, et des idées plutôt brillantes mêmes. Le Festival des Nuits Carrées dont ce sera la sixième édition cette année, promet de belles surprises, car il faut se réinventer en ces lieux inspirants. Un public toujours plus électrisé, transporté, une programmation musicale toujours plus ambitieuse placée sous le signe de la découverte et raisonnant à l’international. En somme, une ambiance chaleureuse, au carré, les 29 et 30 juin prochains ! Sébastien Hamard, Directeur artistique des Nuits Carrées © Guillaume Laugier

Six ans de Nuits Carrées, quand on regarde en arrière, à quoi pense-t-on ? En 2007 vous imaginiez une telle progression ? Finalement, c’est en regardant en arrière que je me dis qu’on a fait un sacré bond en avant ! En 2007, la première édition accueillait une compagnie de théâtre et trois groupes de musique pour le deuxième soir, cette année nous avons 7h30 de musique par soirée avec une programmation internationale. Ça a évolué, ça a grandi ! On s’est efforcé de proposer chaque année quelque chose de mieux. Quand je regarde en arrière, c’est que du bonheur : les gens ont répondu présents, le public est de plus en plus fidèle, on a réussi à installer l’évènement sur le département. Au départ, c’était assez flou, mais nous n’étions pas partis pour ne faire qu’une édition.

1800 personnes sur les deux soirs la première année, aujourd’hui c’est plus de 5000… Une belle récompense pour une programmation audacieuse, un peu en marge de ce que l’on peut voir dans les festivals en général, les Nuits Carrées c’est le pari de la découverte ? On propose des choses un peu en marge certes, en jouant la carte de la différence, c’est vrai que l’on n’a pas les « têtes d’affiche les plus commerciales »… La grande question était de savoir si le public serait touché par une programmation axée sur la découverte. Est-ce que le prix du festival va suffire à encourager les gens à se déplacer ? (ndlr : La place ne coûte qu’une dizaine d’euros). Ça ne veut pas dire qu’il faut se reposer sur ses lauriers. La première année je me disais « Dans cinq ans, on sera tranquille ça roulera… Non ! C’est de plus en plus dur d’installer l’événement, de conserver son identité, l’identité artistique et

puis celle de ce lieu. Un site exceptionnel au pied du Fort Carré au bord de la mer, dans ce vieil amphithéâtre… Il s’agit de fidéliser tout en se réinventant, c’est pour cette raison que théâtre et danse ont disparu du programme depuis le 5e anniversaire ? On a enlevé le côté pluridisciplinaire des Nuits Carrées pour les 5 ans, un choix important et difficile… Mais c’était un bon choix, bien qu’effrayant. C’était essentiel pour consolider notre festival et l’augmentation d’affluence confirme ce choix. Est-ce que quelques réinsertions de pastilles théâtrales ou d’happening danse sont envisageables quand même dans le futur ? Ce n’est pas vraiment prévu, mais ce n’est pas à exclure. Et si c’est le cas, ce sera probablement de la danse, le théâtre était vrai-


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Le carré, définition : (en relation avec http://mamevoy.pagespersoorange.fr/astrologie/TERRSYMB. HTM) terre, figure fixée sur ses quatre côtés, qui empêche l'écoulement de l'énergie, à l'inverse du cercle. Cela peut indiquer un arrêt, surtout temporel ; tentative de stabilisation, peur de l'inconnu, solidification, stagnation. Le carré c’est aussi le nom d’un fort antibois érigé par Vauban au XVIIème siècle, des têtes, des nuits, tout un symbole. Si la figure géométrique évoque la progression, Les Nuits Carrées sont l’incarnation même du festival équilibré, fixé. tout comme le carré, ce festival évoque le besoin de rendre parfait l'instant présent, le temps de deux soirs d’été.

ment un défi fantastique mais trop lourd, trop compliqué à mettre en place, rien que de trouver des metteurs en scène qui acceptent de jouer en extérieur. On garde ces belles aventures en tête, Sayag Jazz Machine, Cie Théâtre à Cru, Cie Clinic Orgasm Society, Cie l’Unijambiste, que nous avons reçu… On se souvient de la collaboration lors de la carte blanche donnée la deuxième année à Merakhaazan (alias le contrebassiste Jean-Christophe Bournine), qui avait invité Hervé Koubi, ce mélange d’arts était planant, rempli d’émotions, c’était fort, vraiment fort. En fait si on se relance dans ce genre de directions, il faudra que ce soit massif, comme une invasion grandiose de danseurs. La toute première volonté des Nuits Carrées c’est surtout ça, présenter des compagnies, des groupes peu ou mal connus, des performances inhabituelles, créer un événement pour répondre à la demande pré-festivals d’été, s’inscrire dans une démarche écologique ? Il y a quelques axes fondamentaux des Nuits Carrées qui sont le départ de l’aventure. C’est d’abord clairement le lieu, faire revivre un lieu qui n’existait pas culturellement, et qui s’avère être un vrai lieu de vie à ciel ou-

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Nous souhaitions revenir sur cette belle évolution tranquille, sur ce succès reconnu. Parmi tous les festivals d’été, « Les Nuits Carrées » tire son épingle du jeu de par son lieu, ses artistes, ses allures d’éco-festival responsable. Entre ciel, mer et terre, cette année 7h30 de concerts par soir. Pour retracer ce parcours, Sébastien Hamard, Directeur artistique des Nuits Carrées et Président de l’association Label Note (Programmation pluridisciplinaire, expert en éco-citoyenneté : un label de qualité unique dans la région. Festival les Nuits Carrées depuis 2007, Songes de Nuits Carrées 2010-2011, résidences de création à la fondation Hartung bergman).

L’été sera frais avec les Nuits Carrées ! © Guillaume Laugier

vert, ce que je défends de plus en plus. On peut y venir pour quelques heures, prendre un apéro en musique, y amener ses enfants. Ma plus belle reconnaissance c’est quand je vois des couples repartir avec poussettes et enfants, ravis de leur soirée qui en ont profité en famille au maximum jusqu’à l’heure d’aller coucher les plus jeunes. Et bien sûr au-delà du lieu, c’est une programmation différente, une politique tarifaire accessible, le côté ludique et responsable d’un festival éco-responsable, qui propose des produits locaux à sa buvette, instaure un système de gobelets consignés, imprime tous ses outils de communication sur du papier issu de forêts gérées durablement, trie ses déchets ou encore installer des toilettes sèches. En parlant d’artistes, s’il en est un, fidèle depuis ces six années, c’est le graphiste, votre créateur d’affiches, l’homme qui se cache derrière cette tête carrée : Tabas. Un grand bonhomme ! Et puis notre rencontre est assez anecdotique : pour la première année on avait organisé un concours d’affiches, je l’avais contacté pour lui proposer d’y participer, en ayant vu son travail sur le festival Marsatac, avec Tandem notamment. Il refuse ma proposition au téléphone : « Je ne participe pas aux concours, je ne réponds pas à des marchés, je suis

toujours partant mais mon travail coûte cher donc si vous êtes intéressé vous me rappelez ». Et puis j’avais vraiment envie de collaborer avec lui, je le rappelle, on s’est rencontrés dans un bar indien de Marseille, il m’a posé beaucoup de questions, cherchant à savoir ce qu’il y avait dans ma tête, mes envies et puis c’est comme ça que l’affiche de la première édition (collector car il n’en reste quasiment plus) est née avec cette photo des deux hommes à la tête carrée et en carton. Et cette année les cartons cèdent la place aux glaces carrées sur les affiches. La communication est lancée depuis un moment, mais à quelques jours de la première soirée on se sent comment ? On se dit qu’il reste encore pas mal de choses à régler, on est dans les problèmes techniques, on pense à l’installation sur laquelle une centaine de bénévoles s’active pendant une semaine, ce site est beau mais brut, sans eau, sans électricité, on amène tout. Et puis on a hâte aussi, on a prévu des surprises, une nouvelle scène « plongeante »… Même si le stress est toujours là, on est fiers de notre programmation, ça nous porte aussi. Un chantier gigantesque, mais avec le sourire, toujours. aM

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LA VIE DES ARTS

cHarBon de Bois

Charlotte Pringuey-Cessac une artiste à l’Art charbonneux C’est dans un atelier niçois que nous avons rencontré Charlotte Pringuey-Cessac. Cette artiste de 31 ans s’est passionnée depuis de nombreuses années pour un matériau étonnant : le charbon de bois. Rencontre avec une artiste aux multiples talents.

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our Charlotte Pringuey-Cessac, tout a commencé par la préparation aux Beaux-Arts à la Villa Thiole et par une rencontre – ce genre de rencontre qui marque un parcours – celle de Patrice Giuge. Alors professeur de croquis à la Villa Thiole, ce pédagogue a transmis sa passion et un bagage artistique à Charlotte PringueyCessac, tout comme l’aquarelliste Marc Lavalle avec qui notre artiste a travaillé. Forte de ces rencontres, Charlotte entrera ensuite à la Villa Arson où elle restera six ans. C’est avec « une éducation artistique extrêmement classique de part ses parents », selon ses termes, que notre artiste a voulu se frotter à l’art contemporain : un monde qu’elle ne connaissait pas, qu’elle a pu découvrir et apprécier tout au long de sa formation. Pendant sa quatrième année à la Villa Arson, elle part quelques mois en Chine à Hangzhou (à deux heures de Shanghai) pour un échange intégré à son cursus artistique. Son objectif était de se former à l’animation en 3D dans une école spécialisée. C’est selon elle, une discipline qu’elle avait repoussé de part son éducation classique et qu’il fallait qu’elle assume complètement. Mais cet échange ne répondra pas à ses attentes en termes de formation : elle reviendra à Nice à la Villa Arson et continuera à utiliser l’animation, comme une source d’inspiration. dessins muraux et charbon de bois C’est à son retour à Nice qu’elle fera ses premiers grands dessins muraux. « A force de trouver la feuille toujours trop petite, on arrive finalement sur le mur », en sourit Charlotte Pringuey-Cessac. C’est en 2005 qu’elle réalise son premier dessin mural de 15 m2, Scène n°1. « J’y travaillais la nuit, c’était quelque chose de l’ordre de l’énergie, du mouvement, de la respiration, de la danse. J’ai puisé mon inspiration dans

 Tapisserie de charbon. Charlotte Pringuey-Cessac

© Guillaume Laugier

les paysages de mon enfance », dévoile-t-elle. Ses souvenirs d’enfance dans la région d’Uzès sont rattachés à ses grands-parents. Le contexte qui l’inspire alors est extrêmement positif. C’est le grand-père de Charlotte Pringuey-Cessac qui lui a fait découvrir le charbon de bois, devenu son matériau de prédilection. Originaire de Corrèze, cet entomologiste et agronome était fasciné et passionné par la Nature. Il a toujours été d’un grand soutien au travail de sa petitefille. Elle a commencé à travailler avec des morceaux de branches carbonisées, très gras et veloutés, provenant du Parc des Bois Brûlés (Société La Forestière du Nord, basée à Igny). C’est cette société de charbon de bois qu’elle démarchera plus tard dans son cursus et qui deviendra son sponsor. Essentiellement axée sur du dessin mural avec ce matériau, c’est en cinquième année que Charlotte Pringuey-Cessac se mettra à la sculpture charbonnée. aux prémices de la sculpture L’artiste nous parle alors de Cage à oiseaux, cage à enfants, une sculpture qu’elle a réalisée avec du charbon de bois. Inspirée du dessin animé Le Roi et l’Oiseau [dessin animé français créé par Paul Grimault, avec des textes de Jacques Prévert d'après La Bergère et le Ramoneur de Hans Christian Andersen - 1980, ndlr], sa sculpture est la

 Cage à oiseaux, Cage à enfants-/ Sibylle. Charlotte Pringuey-Cessac © Guillaume Laugier


cHarBon de Bois

représentation des appartements privés du Roi ; une représentation carbonisée, détruite, en charbon. L’artiste s’est attachée à « voir dans ce matériau des qualités sculpturales. C’est un matériau qui contient déjà en lui-même du dessin », explique-t-elle. La recherche plastique de Charlotte Pringuey-Cessac consiste à toujours pousser plus loin l’idée du dessin dans l’espace, du dessin en volume. Ses réflexions intègrent la 3D, l’animation, le dessin animé : partir d’un espace plat et désirer y entrer, par le virtuel et le réel. Sa fascination pour la mythologie japonaise, les y_kai, constitue également une grande influence sur son travail. Hommage à matisse Après une parenthèse universitaire (Master II bilingue franco-Italien, Patrimoine Architectural, qui l’amènera de Nice à Gênes), Charlotte Pringuey-Cessac reprend son travail plastique : après deux mois de résidence à la Villa Arson, elle exposera à l’Atelier Soardi - le lieu qui fut, entre 1930 et 1933, l’atelier où Henri Matisse réalisa La Danse. Cette parenthèse artistique et historique a beaucoup inspiré notre artiste qui y a réalisé le dessin mural Flashhh sur 30 m2. Il s’agissait d’une exposition collective de dessin - Exposition « Hypothétiques » (novembre 2009 à janvier 2010). Charlotte Pringuey-Cessac nous remet dans le

 Paysage aquatique (en cours) . Charlotte Pringuey-Cessac © Guillaume Laugier

LA VIE DES ARTS

contexte : « C’est un hommage à Matisse que j’affectionne énormément, ainsi que son travail sur les papiers découpés colorés. C’est un dessinateur extraordinaire ; sa légèreté, sa douceur, cette sérénité, et en même temps sa liberté dans son travail, j’en suis fascinée. J’ai réalisé un travail de dix nuits sur ce dessin qui s’étendait sur quatre murs. En réponse aux dessins découpés colorés de Matisse, j’ai voulu faire un dessin découpant l’espace en ce lieu. Une bande coupe les quatre murs, crée une anamorphose et forme ainsi un M quand on se déplace. Chaque mur est un dessin à part entière ». Autre temps fort : sa résidence d’artiste à La Station à Nice. Elle y passera deux ans et demi, où elle cumulera les rencontres artistiques autour de son travail. Parallèlement, elle réalisera en 2010 une installation in situ au Château de Cagnes-sur-Mer, à l’occasion de l’exposition U.M.A.M. « Tout est clair et obscur à la fois ». Son installation baptisée Forêt sera récompensée par le Prix Bonnard. C’est dans cette idée toujours plus accentuée et ce désir de faire sortir le dessin de la planéité, que l’artiste cherche à travailler le dessin directement avec l’objet lui-même : non plus en volume dans l’espace, mais directement collé sur le mur.

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la vie des arts

charbon de bois

 Grand bac. Charlotte Pringuey-Cessac

© Guillaume laugier

du matériau aux Melancoliace le charbon. dans ce matériau aussi friable que le diamant est dur, Charlotte Pringuey-Cessac y a vu une inspiration pour en sculpter des pièces, semblables à des minéraux de dimensions variables, les Melancoliace. Cette appellation est une référence à la Mélancolie de dürer, gravure datant de 1514. l’artiste nous explique : « Cela fait appel au concret, au scientifique, autant que l’art n’est que questions et imaginaire. Ces éléments de petites, moyennes et grandes tailles – les Melancoliace – font référence à l’organique, à l’idée de monde et de pression du peuple, chacun représentant finalement une personne ». Gravures et dessins de calques Notre artiste mène actuellement un travail de gravure à la villa arson, dans l’atelier de Caroline Challan Belval (professeur de gravure), sur la thématique de l’eau. C’est au Musée Océanographique de Monaco qu’elle trouve ses modèles aquatiques : elle dessine des paysages marins et réalise des gravures de poursuites de poissons. Un travail tout en rapidité à la pointe sèche, sur plaque de cuivre ou de zinc. a côté de cela, elle travaille actuellement sur des dessins de calques, un matériau qu’elle affectionne particulièrement. de ce matériau « opalescent, très doux, sensuel, qui peut aussi paraître glacé » comme elle

aime à le décrire, il en ressort une série de dessin et de découpes, toujours inspirés du travail de papiers découpés de Matisse, qu’elle a nommé Percées. Notons que Charlotte Pringuey-Cessac met ce matériau et son travail en mouvement grâce à un travail d’animation, le dernier en date étant baptisé Nuages de calques (vidéo à visionner sur son site internet). cM http://www.charlotte-pringuey-cessac.com/

 Morceau de bois travaillé au charbon. Charlotte Pringuey-Cessac © Guillaume laugier

 série des Ghillie Ghillie numéro 1. Charlotte Pringuey-Cessac © Guillaume laugier


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17ème journée européenne du patrimoine

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la vie des arts

dossier Yves Klein

Les pionniers de l’art contemporain sur la Côte d’Azur en hommage à Yves Klein (1928-1962) 2012 : 50 ans après Yves Klein était un prophète. il a écrit en 1960 : «Je pense que l’ecole de Nice est à l’origine de tout ce qui se passe depuis 10 ans en europe » (Cat. de l’exposition Yves Klein au Centre Pompidou en 1982). Yves Klein restera dans ma trajectoire artistique, comme un phare... J’ai découvert pour la première fois ses œuvres, lors du vernissage du Festival du Nouveau réalisme, organisé par Pierre restany, le 13 juillet 1961 à la galerie Muratore, boulevard victor Hugo à Nice. des rencontres inoubliables lors de cette exposition : arman, andré verdet, Martial raysse, Pierre restany, raymond Hains, César, Jacques villeglé, spoerri, tinguely, Niki de saint-Phalle, rotella… Yves Klein était absent... C’était mon premier vernissage, j’en conserve un souvenir indélébile, car voir la tronche du public en découvrant un Klein, arman, raysse et consort. Cette petite bourgeoisie en était encore aux cadres en bois dorés et autres académismes... Pas un commentaire dans la presse locale, un désert d’indifférence... en novembre 1961, dans le numéro 113 bis de «sud Communications» sous la plume de sacha sosnovsky (sosno), qui pose des questions à Martial raysse sur la situation artistique sur la Côte d’azur :

sosno : si l’on excepte le groupe restreint de l’ecole de nice, existe-t-il, sur la Côte d’Azur un milieu pictural ? Martial raysse : Mis à part trois ou quatre peintres d’avant-garde dont l’activité est directement tournée vers l’extérieur. Nice est une ville qui dérive à cent ans au large de l’actualité. evidemment, on y discerne l’inévitable cloaque de peintres d’anges, qui malheureusement trouve encore le moyen de démarquer les plus mauvais figuratifs parisiens....vous savez toutes ces lignes qui se rejoignent...le puzzle... à l’époque de la physique nucléaire, il faut bien se

Portrait -relief de Claude Pascal, Martial raysse et arman. 1962/1963. Pigment pur, résine synthétique et bronze sur panneau de bois. 130 x 97 cm. Collection particulière, inv. d 990.1.4 dépôt à long terme, Musée d’art moderne et d’art contemporain, Nice

rattraper à quelque chose... J’ai d’ailleurs pour ces cosmonautes beaucoup d’attendrissement, car avec un bel optimisme ils rejettent toutes les perspectives de l’actualité internationale et retournent délibérément au folklore, ce qui est très attachant car je voudrais que Nice demeure une de ces villes privilégiées où la « Peinture de papa » mijotée et appréciée, se fixera en tradition comme les pipes du Jura ou la dentelle du Puy.

sosno : Mais quand même, il existe une critique d’art ? M.r : Oui, oui...il y a deux ou trois humoristes qui ont raté Corot, mais, croyez-moi, ne laisseront jamais échapper renoir.» Cette exposition fut la rampe de lancement de l’ecole de Nice... grâce aussi à l’action du critique d’art Jacques lepage... les niçois du Nouveau réalisme : arman, Martial raysse, Yves Klein, n’ont pas fait carrière à Nice, ils se sont envolés vers le nouveau monde, avec succès, chez léo Castelli à New York

et chez virginia dwan à los angeles... «Nul n’est prophète en pays »... le petit cimetière de la Colle-sur-loup, abrite pour l’éternité Yves auprès de sa mère, l’excellent peintre Marie raymond. le rôle de Ben fut d’une grande importance à cette époque avec sa boutique « le laboratoire 32 » au 32, rue tonduti de l’escarène à Nice à quelques pas de l’ecole des arts décoratifs. Mais il faudra attendre 1967 pour voir enfin des expositions sur l’ecole de Nice, à la galerie alexandre de la salle, place Godeau à vence, et à la galerie des Ponchettes (trois de l’ecole de Nice : arman, Martial raysse et Yves Klein) et en 2000, pour voir enfin une exposition personnelle d’Yves Klein au MaMaC. N’oublions pas Jacques Matarasso qui fut aussi un pionnier en accueillant, dans les années 50, arman et encouragea très tôt, Yves Klein, sous la forme d’un achat pour sa collection. FA

le MaMaC de Nice prépare actuellement une exposition - événement « Klein-ByarsKapoor » du 30 juin au 16 décembre 2012.


dossier

la vie des arts

victoire de samothrace bleue (s 9), 1962. Prototype sur copie du louvre de la victoire de samothrace. Pigment pur et résine synthétique sur plâtre. 50,5 x 25,5 x 36 cm

don de rotraut Klein-Moquay et daniel Moquay, inv. 999.2.2 Musée d’art moderne et d’art contemporain, Nice

Yves Klein

© droits réservés

Jean-Pierre M i r o u z e Yves a-t-il réussi comme Thérèse d’Avila à déchirer le voile du ciel ? en tant qu’ami et assistant d’Yves, je l’avais vu le matin même de ce 6 juin 1962, allongé et bien vivant sur la moquette bleue de son appartement tout blanc lui aussi, sans incidences de couleurs ou d’aspérités mobilières. le nécessaire, inévitable mais gênant pour sa concentration, était caché dans les armoires. il faisait des exercices de rétention de souffle et parvenait ainsi à ralentir son cœur, j’en témoigne, à quelques battements par minute. Je m’inquiétais un peu car je le savais, depuis notre travail sur le théâtre de Gelsenkirchen, fragilement cardiaque. il me dit alors que c’était la seule façon de parvenir à se léviter, ce qu’il comptait faire après le «vide» pour sa prochaine exposition chez iris Clert à Paris.

© Frédéric altmann

Jean-Pierre Mirouze Mai 2012. réalisateur. assistant d’Yves Klein au théâtre de Gelsenkirchen. Membre de l’i.K.B avec arman et Claude Pascal

« et quel bonheur c’est que s’assujettir le corps à l’esprit» (le chemin de la perfection, par sainte thérèse d’avila), spécialiste avérée de la transe et de la lévitation. Ces jours-là, je travaillais avec lui sur l’argument de notre ballet en préparation : «le combat de la ligne et de la couleur» dont la grâce de sa conviction, il était facile de préjuger du vainqueur. les danseurs représentants de la couleur rose, or et bleu de Klein dans une écriture en forme de fugue, venaient successivement dominer et effacer les pauvres entrechats des tenants de la ligne. Bien qu’encore inédit, ce ballet avait une particularité musicale, il était accompagné d’une «symphonie Monoton». a ce propos, l’interprétation de cette symphonie n’a jamais été comprise ni respectée depuis ses nombreuses interprétations en concert. Yves, dans ses monochromes, veillait soigneusement à la vibration de la couleur. Pour cela, il prenait un rouleau spécial à longs poils où il mettait du grain dans le pigment liquide, sable, gravier, débris d’éponges... ainsi le pouvoir différencié de réflexion de la lumière créait une intense présence lumineuse. Pour la musique sur une seule note, comme la pierre philosophale de la béatitude, il est d’abord malaisé de déterminer laquelle va vous transmuter. ensuite ce qui différencie

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l’émotion provenant d’un tambour, d’un violon ou de la voix humaine, ce sont les harmoniques d’une même tonalité fondamentale. alors monoton, pourquoi pas? Mais avec «le grain», par exemple avec l’intensité sonore et spirituelle des moines tibétains. le lendemain, le 7 juin 1962, en pleurs, mêlé aux amis qui accouraient, je me suis demandé si je vivais l’échec précoce d’un désir inassouvi, d’une tromperie ou bien l’ascension réussie du chantre de l’immatériel. « Comme quoi nous ne sommes guère en sécurité tant que nous vivons dans cet exil, même si nous avons atteint un degré élevé et qu’il sied d’avoir crainte.» sainte thérèse d’avila. tout au long de notre amitié et devant son époustouflante confiance, ai-je vécu le voyage et la révolte d’un enfant perdu au pays merveilleux de la naïveté ou bien Yves a-t-il réussi comme thérèse d’avila à déchirer le voile du ciel pour apercevoir et partager l’expression de la vérité ? FA

sculpture éponge sans titre (se 90), 1959. Pigment pur et résine synthétique sur éponge naturelle, tige de métal et socle en pierre. 35 x 21 x 12 cm Collection particulière, inv. d 990.1.16

en dépôt au Mamac, Nice

sculpture sans titre (s 18), non daté. Pigment pur et résine synthétique sur fil de métal. H : 73,5 cm

Collection particulière, inv. d 992.8.2dépôt à long terme, Musée d’art moderne et d’art contemporain, Nice

Edouard Adam, marchand de couleur à Montparnasse et Frédéric Altmann

Jacques Renoir Il ne décoléra pas de tout le film qui par ailleurs enchaînait des séquences trashs et gore. Il devait décéder 2 semaines plus tard Yves Klein, je le voyais épisodiquement au Haut de Cagnes. Il était mon aîné de 14 ans, mais avait de bonnes relations avec les gamins du village dont je faisais partie. Il avait une attitude «grand frère» et nous l’admirions, nous gamins, parce qu’il était ceinture noire de judo. Il nous donnait des leçons bénévolement dans une salle du village, la maison commune, mais cela n’a pas duré. Je partis faire mes études à Paris à l’école Louis Lumière, école nationale de cinéma. C’est en tant qu’étudiant que j’ai eu mon accréditation pour le festival de Cannes de mai 1962. Yves qui avait deux places, pour un film sélectionné auquel il avait participé, Mondo Cane, me proposa de l’accompagner. Il n’avait rien vu de la séquence qui le concernait et je me rappelle de sa fureur en découvrant la scène où on le voyait travailler avec des modèles badigeon-

Frédéric Altmann : te souviens-tu, edouard, quand tu as rencontré Yves ? © Frédéric altmann

Jacques renoir arrière-petit-fils d’auguste renoir. Cinéaste photographe. Collaborateur sur la Calypso de Cousteau. ami d’enfance d’Yves Klein.

nés de bleu se roulant sur de grands tissus ou papier blanc. Scène ou il était tourné en ridicule et prétexte au voyeurisme. Il ne décoléra pas de tout le film qui par ailleurs enchaînait des séquences trashs et gore. Il devait décéder 2 semaines plus tard. Cela me fait penser au destin tragique de Boris Vian qui mourut dans une salle de cinéma parisienne en pleine projection de «J’irai cracher sur vos tombes» adapté de son roman éponyme, adaptation qu’il désavouait, ce qui l’avait mis hors de lui.

edouard adam : dans les années 54/55, Yves a commencé à fréquenter mon magasin de «Marchand de couleurs» pour y acheter des rouleaux à peindre «roulor», en peau de mouton et d’une largeur de 17 cm. Ceci, parce que ce type d’achat m’avait particulièrement frappé par la consommation inhabituelle qu’Yves en faisait. il ne passait pas trop de temps à les nettoyer ! l’interrogeant là-dessus, c’est ainsi que je suis entré dans son travail. dans sa recherche «d’absolu», si je puis dire, Yves voulait que l’aspect originel de la couleur soit respecté le plus possible. le medium que je lui ai fourni tendait vers cela. Mais rien n’est parfait. C’est avec un ingénieur de rhône Poulenc qu’il a pu résoudre ce problème. Finalement, de ces expérimentations, j’ai retenu comme base du futur médium i.K.B, le rhodopas M60a en solution alcoolique et non en dispersion aqueuse comme certains ont pu le rapporter ou l’imaginer.....restait


Bernard Moninot, Antichambre © Photo : André Morin - Infographie : Benjamin Adgnot

du 23 juin au 3 décembre 2012 ouvert tous les jours de 10 heures à 18 heures s a u f l e s m a r d i s e t l e s j o u r s f é r i é s 2 , Q u a i d e M o n l é o n – 0 6 5 0 0 M e n t o n

www.museecocteaumenton.fr

Bernard Moninot

Dessins dans l’espace


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la vie des arts

dossier Yves Klein

il avait peur que les réalisateurs n’aient déformé l’élan lyrique qu’il avait insufflé à ce ballet. sa confiance habituelle avait fait place à quelque anxiété. Un comble... le pigment. Je parle du bleu. Pas des autres couleurs que j’ai aussi fournies à Yves. J’ai été aussi le fournisseur d’éponges qui ont servies au théâtre de Gelsenkirchen. tiens parlons de rotraut. Comment parler d’Yves sans évoquer «traut-traut». elle venait souvent faire les courses pour Yves. a la belle saison, sur son vélo, habillée d’une légère robe de cotonnade, belle, rayonnante. rare, mon vieux, des clientes comme cela dans une vie de marchand de couleurs ! F.A : As-tu assisté à leur mariage ? e.a : Je n’aurais pas voulu rater cela. d’autant qu’Yves, quelques jours avant, m’avait fait part du cérémonial qui se déroulerait.

Peinture Feu sans titre (F 55), 1961. Papier brûlé marouflé sur toile.158 x 220 cm achat avec l’aide du FraM, inv. 999.1.1. Musée d’art moderne et d’art contemporain, Nice

F.A : Comment et quand as-tu appris la mort d’Yves ? e.a : le jour même. et je ne sais plus précisément par qui. J’ai vécu ce moment d’une manière adoucie. Pourtant, cela a mis Montparnasse en ébullition ! Je savais Yves malade du cœur. d’autant que quelques jours avant, il m’avait dit «Mon toubib me demande de peindre des miniatures parce que j’ai le cœur malade». tu te rends compte, edouard, ai-je une tête à peindre à peindre des miniatures ? Je préfère continuer à faire ce que je fais. et voilà, Frédéric, peu de temps après, son fils est né. la continuité. la vie assurée encore une fois. Georges Braque a écrit dans ses cahiers «le tableau est fini quand il a effacé l’idée». Peut-être, est-ce pour cela qu’Yves nous a quittés, sur un « Klein d’œil ».

André Verdet Un tableau d’eau et de feu

© Frédéric altmann

edouard Adam Marchand de couleurs d’Yves Klein, à Montparnasse. le livre Marchand de couleurs à Montparnasse est publié aux editions du Chêne (2011).

le 6 juin, après une attaque cardiaque. Yves Klein était de passage à saint-Paul. il passa une nuit dans ma maison sur les remparts. sa participation au film italien : Mondo Cane où s’exhibait sous forme de ballet la présentation ses «anthropométries», cette participation le hantait, il avait peur que les réalisateurs n’aient déformé l’élan lyrique qu’il avait insufflé à ce ballet. sa confiance habituelle avait fait place à quelque anxiété. Un comble... le producteur et les réalisateurs avaient oublié de l’inviter pour la première du film au Palais du Festival à Cannes ! en mai 1962, andré verdet, lui envoie ce poème. Yves Klein sera si content qu’il décide d’en graver l’empreinte dans un tableau d’eau et de feu....l’œuvre figure en bonne place dans la donation andré verdet

action au Centre d’essais du Gaz de France, la Plaine saint-denis, 1961 © Pierre Joly – véra Cardot

© Frédéric altmann

André verdet, ami d’Yves Klein

au Centre international d’art ContemporainChâteau de Carros, alors sous la direction de Frédéric altmann. Ô foudres planètes et fusées Par le feu et par l’eau Yves Klein le croisé Envers et contre tout D’un seul jet purifie L’espace du tableau Par le feu et par l’eau Dans le grand flamboiement Du vide sidéral Yves Klein reconstruit L’iris vierge de l’œil Par le feu et par l’eau Yves Klein le croisé Passe au bleu de la flamme Lessive originel L’histoire du tableau Ô foudres soleil et rosées


dossier Yves Klein

la vie des arts

elena Palumbo Mosca dans l’interview filmée par France delville le 27 mai 2012 chez elle en italie anthropométrie (aNt 84),1960. Pigment pur et résine synthétique sur papier marouflé sur toile. 150 x 360 cm.

achat avec l’aide du FraM, inv. 989.2.1 Musée d’art moderne et d’art contemporain, Nice

M i c h e l G a u d e t

E l e n a Pa l u m b o M o s c a

Yves Klein et Cagnes.

Modèle favori d’Yves Klein Passant des Monochromes aux anthropométries, Yves Klein dit :

Il y vécut avec ses parents de 1935 ou 1936 à 1942. Il y revint souvent pour y séjourner, après la guerre. Il adorait ce village enfant pour ses mystérieuses venelles ; adulte pour la liberté qu’il y rencontrait. Les jeux de gendarmes et voleurs, le théâtre de gnomes qu’il créa à peine sorti de l’enfance, les fêtes du pays et des artistes furent pour Yves les premiers dialogues avec la vie. Des Anthropométries furent réalisées à Cagnes. Il les exposait sur les murs de la Place du château, et notamment, bizarrerie du hasard, sur la façade de la Maison qu’avaient achetée avant la guerre Conrad Slade et son épouse Gabrielle, le fameux modèle de Renoir. Un matin Yves me demanda de l’aider à réaliser un tableau. La salle de bains d’Anita Granier, la propriétaire du Restaurant le Jimmy’s donnait sur la rue Paisobran. Du second étage on pouvait, avec une douche «téléphone» arroser une toile qu’il présenterait à bouts de bras. Je manipulais le tuyau et Yves orientait la toile ruisselante, préalablement enduite de bleu I.K.B. « Plus fort, disait-il, moins vite’’… Il semblait exécuter une danse. Un paysan qui passait nous fit des signes de commisération : Sont fonduti aquei ! La toile étant ainsi préparée, il la fixa sur le toit de sa 2 CV et accomplit un parcours d’une cinquantaine de kilomètres. L’eau, le soleil, le vent, la vitesse furent les éléments de cette splendide trouvaille. II dort avec sa mère Marie Raymond au joli cimetière de la Colle sur Loup. Entretien avec Frédéric Altmann

« Je comprends à présent que la marque spirituelle de ces états-moments, je l’ai par mes monochromes. la marque des étatsmoments de la chair, je l’ai aussi par les empreintes arrachées au corps de mes modèles ». dans le catalogue de l’exposition « Yves Klein, Corps, couleur, immatériel » du Centre Pompidou Ci-dessus: elena Palumbo dans « Peintures de feu », Plaine saint-denis, 1961, Centre d’essai de Gaz de France en 2005/2006, Camille Morineau Yves Klein et elena Palumbo réalisant une anthropométrie écrit : « … à peine la nudité ren(ant111), 14, rue Campagne Première à Paris (1960) (Photos Catalogue Beaubourg 2006) due ostensible a-t-elle cessé de faire scandale que l’instrumentalisation du corps féminin prend le relais. entre le début des années 60 et leur fin, Yves Klein est malgré lui, de son vivant comme après sa mort, la bête noire des bien-pensants comme des féministes. (…) le témoignage de sa compagne, puis épouse, et des modèles féminins sont en effet on ne peut plus clairs : il aime les femmes et il les respecte. » Camille Morineau poursuit avec l’idée que l’érotisme relevait pour Yves Klein du domaine privé, bien que restany ait donné sa propre interprétation tendancieuse du déroulement des anthropométries, « tandis que personne ne pensait à donner la parole aux modèles ». en ce qui concerne elena Palumbo Mosca, un petit miracle a voulu que JeanPierre Mirouze nous invite, Frédéric altmann et moi, à aller recueillir le précieux témoignage d’elena dans un village d’italie, près d’imperia, où elle passe une

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la vie des arts

dossier Yves Klein

Photo de shunk-Kender du saut d’Yves Klein, en Une du numéro unique du journal «dimanche» (dimanche 27 novembre 1960)

Princesse Héléna, 1960

(Photo Catalogue Beaubourg 2006)

partie de l’année. Jean-Pierre Mirouze est musicien, et le cinéaste qui a tant filmé les Nouveaux réalistes. il a connu elena à l’époque où celle-ci se trouvait chez arman à Nice, et où lui-même fréquentait Yves Klein. Jean-Pierre Mirouze et elena se sont retrouvés à l’exposition Klein de Beaubourg. dans le numéro unique du journal « dimanche » (27 novembre 1960) d’Yves Klein - avec photo de celui-ci se jetant dans le vide - le « Projet de ballet sur aspect de fugue et choral » a été écrit par Yves Klein en collaboration avec Jean-Pierre Mirouze (sic) en 1959. dans ce faux journal, Yves explicite la nécessité d’avoir des corps nus de femme dans son atelier pour accompagner sa création. très long texte, dont cette phrase : « avec moi, elles comprenaient, elles faisaient quelque chose, elles agissaient ». et de citer une chanson qui se termine par : « viens avec moi dans le vide » (1957). le 5 juin 1958 Klein réalise une première séance publique chez robert Godet, où un modèle agit « comme un pinceau vivant » (terme qu’elena n’aime pas beaucoup), mais il aura fallu toutes ces séances où les « modèles » se promenaient nues dans l’atelier. Non pas des modèles professionnels mais rotraut, et des amies communes, Gil langlois et elena Palumbo. dans « dimanche », cette précision : « et puis mon œuvre n’est pas une recherche, elle est mon sillage ». devant notre caméra, elena Palumbo Mos-

ca suggère que certaines anthropométries ressemblent au saut dans le vide de Klein : une calligraphie de corps, une sorte d’aile. elle-même a fait des sauts de l’ange en tant que plongeuse acrobatique. et la photo montrant Yves Klein et elena Palumbo réalisant une anthropométrie (aNt 111), 14, rue Campagne Première à Paris, en 1960, est exactement ce mouvement de traction, de glissement, recourbé… est-ce l’anthropométrie « Princesse Héléna », qui est produite ce jour-là ? difficile à dire, sur la photo le geste n’est pas achevé. ecouter elena Palumbo Mosca raconter sa participation aux anthropométries et autres Peintures de feu d’Yves Klein, c’est être sommé d’entrer dans la prudence concernant toutes les interprétations livrées autour de cette tranche mythique de l’art Contemporain. Car elena se cantonne dans ce qu’elle a vu, dans ce qu’elle a vécu, en toute rigueur. Née à turin, jeune femme elle partit à londres apprendre l’anglais « et quand je suis revenue en italie, je me suis rendue compte que je n’avais pas envie d’y rester, et que je voulais continuer à connaître le monde, apprendre le français comme babysitter, j’ai mis une annonce dans Nice-Matin, l’offre qui m’a paru la plus sympathique était celle d’arman, qui habitait à la Californie, tout près de l’aéroport. au moment de l’annonce, je ne savais pas qui était arman, mais ensuite j’ai vu qui ils étaient, lui et eliane radigue, et j’ai compris que c’était là que je voulais être. il y avait trois enfants, le petit Yves, anne et Françoise. J’ai dû res-

ter un an, et puis rotraut est arrivée pour prendre ma place, pendant un temps nous sommes restées ensemble, il y a eu une passation de pouvoirs, et je suis partie à Paris vivre chez Yves rue Campagne Première. On n’a pas fait d’anthropométries tout de suite, je travaillais ailleurs pour gagner un petit peu ma vie, Yves donnait des cours de judo au Centre américain. et puis il est allé à Gelsenkirchen pour la décoration du théâtre, avec rotraut, ils m’ont laissée à Paris. Puis celui qui allait devenir mon mari, que j’avais connu à villefranche, est venu me rejoindre, et nous sommes allés nous installer ailleurs que chez Yves et rotraut. Mais quand ils avaient besoin de quelqu’un pour des anthropométries, ils me téléphonaient. la première que j’ai faite, c’était rue Campagne Première, j’étais très curieuse, j’ai trouvé ça bien, cela m’a paru beau. Ce qui m’a toujours plu, chez arman et Yves, c’est que ce qu’ils faisaient était beau. Je n’étais pas là quand ils ont signé le Manifeste du Nouveau réalisme, par contre il y a mon empreinte dans le store-Poème (*) où j’ai signé mon prénom, Pierre (restany) était très content que je m’appelle « Héléna » plutôt que Pénélope, parce que, dans la beauté, Héléna a un sens. Mon nom est elena sans h, mais Yves m’appelait Héléna avec h. » Ceci n’est qu’un bref extrait de l’interview d’elena Palumbo Mosca, mais il faut savoir qu’aujourd’hui elle travaille la question du corps qui l’a toujours passionnée dans une discipline japonaise appelée Waraku, dont le Maître, sensei Hiramasa Maeda vient régulièrement en europe depuis 2006. elena est fière d’avoir participé à la venue en italie de cette pratique. sans faire un lien direct entre sa propre rencontre avec le Japon et celle d’Yves Klein, elena regrette qu’Yves ne soit plus là pour discuter avec elle de l’implication très fouillée du Waraku dans le développement humain. France Delville 29 mai 2012

*en mars 1962, Yves Klein réalise le store-poème avec arman, Claude Pascal et Pierre restany, œuvre qui réunit des allures d’objets. arman, des anthropométries de Klein, un poème en prose de Claude Pascal et un texte de restany (http://www.lesartistescontemporains.com/artistes/arman.html) (www.lesartistescontemporains.com/artistes/ arman.html)

NDLR : Ce dossier sur Yves Klein a été réalisé à quatre mains par Olivier Marro et Frédéric Altmann.


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LA VIE DES ARTS

collectionneUr

Roland Botrel Passeur d’œuvres

Pour chaque pièce il a une anecdote qui le lie à son auteur. La voix portée par la passion n’est pas pour autant dénuée de douceur, de mesure et d’empathie. Plus qu’un collectionneur Roland Botrel est un passeur d’œuvres.

C

ombien de fois l’a-t-il répété de peur que l’on se méprenne sur son statut de collectionneur : « Même si je les ai achetées, ces œuvres ne m’appartiennent pas. J’ai toujours aimé

© JCh Dusanter

rencontrer les artistes. Je n’ai pas l’esprit d’un possédant, plutôt celui d’un accompagnateur. C’est ainsi que je conçois cette collection, non

pouvez venir ! On a appris plus tard que Sartre et Foucault avaient écrit

pas comme un trésor de guerre, mais comme une histoire en marche,

sur lui. Si je l’avais su je n’aurais pas eu le courage d’aller le voir comme

dont je serais l’un des rouages. D’ailleurs ces pièces sont toujours à la

ça. On est devenus amis. On l’a emmené à Vérone chez son fondeur,

disposition de leur géniteur et rien ne me fait plus plaisir que de les

passer des vacances chez lui. Rebeyrolle nous a quitté en 2005, mais

prêter pour une exposition. C’est un peu égoïste car cela me permet à

nous étions si liés que Gaétane est toujours secrétaire de l’association

chaque fois de les redécouvrir. »

qui gère l’espace Rebeyrolle »

rebeyrolle, le ver est dans le fruit… Entre deux prêts, les œuvres de la collection Roland Botrel se reposent dans trois appartements. Deux, dans le vieux Nice, un autre à Monaco. C’est à trois que cette collection s’est constituée sur une vingtaine d’années. « J’ai commencé à acheter des œuvres avec Gaétane, mon épouse quand nous avions fini de payer notre appartement. Il y a 5 ans Laurence une amie qui était une de nos clientes et que nous avons convertie à l’art contemporain nous a rejoint. Nous ne sommes pas rentiers, alors nous partageons nos achats. Si j’en parle c’est pour dire aux jeunes collectionneurs qu’ils peuvent acheter une œuvre à petit prix en payant en plusieurs fois », explique celui qui fit de même. Issu d’un milieu modeste, Roland exerça la profession d’étalagiste. Une petite entreprise qui permet au couple de vivre entre Nice et Paris tout en visitant les galeries, les musées et les ateliers d’artistes. C’est comme cela que le ver est entré dans le fruit. « Après avoir acquis ma première œuvre, un dessin de Velikovic, nous avons rencontré Rebeyrolle. J’avais vu un entrefilet dans un journal qui annonçait l’ouverture de sa

Un cabinet de curiosité contemporain Une brèche est ouverte en 1987 dans laquelle Roland va s’engouffrer en s’intéressant d’abord à la figuration narrative dont une partie des toiles occupe le trois pièces situé dans le même immeuble où il vit. « Je loue cet appartement à condition que les occupants ne repeignent pas les tableaux ». Un Mao de Yan Pei Ming vous y accueille, puis s’enchaînent des toiles d’Arroyo, Rancillac, Erro, Monory et Adami. Heureusement que le loyer n’est pas indexé sur le prix des œuvres exposées. Dans son appartement un étage au-dessus, là aussi les murs sont doués de parole. Une soixantaine de pièces s’interpellent sur 120 m2 sans que l’on ne croule sous le poids de l’art. Les œuvres forment une bande de convives affables, un cabinet de curiosité à la langue bien pendue « On réfléchit sur la cohabitation des œuvres. Car les artistes qui me touchent ne se ressemblent pas, ils ont une vision humaniste soit plus formelle qui relève de l’esthétique duchampienne. Nous avons commencé à nous intéresser aux talents qui travaillent ici, il y a cinq ans, quand Laurence

galerie. J’appelle, c’est lui qui me répond : Etes-vous galeriste, journa-

nous a rejoint ». Il nous montre

liste, artiste ? Je lui dis non, rien de tout ça ! Comment me situez-vous

ici une coulure de Cédric Teis-

dans l’histoire de l’art ? Je n’avais vu qu’une ou deux de ses toiles. Je lui

seire, là un monochrome au

dis timidement : vous avez dû regarder Dubuffet, Courbet… Bon vous

scotch transparent de Marc Chevalier, « un peintre post support-surface qui travaille sans peinture ni toile et en s’arrêtant devant une œuvre de Pascal Pinaud à base de

 Erik Dietman. « Scie Coréenne » 1991. Bronze, fer.

 Pascal Bernier. Série « Butterfly – Papillon » 1996-1998. Insectes naturalisés, cocardes, acrylique.

peinture automobile. Trois ar-

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collectionneUr

LA VIE DES ARTS

tistes qui occupèrent largement le terrain de l’ACCA (L’Art Contemporain et la Côte d’Azur, un lieu pour l’expérimentation, 1951-2011, ndlr),

 La collection comprend deux Mao de Yan Pei Ming, dont un rouge qui baigne dans la lumière de l’appartement sous les toits et qui semble s’amuser de la contrepèterie visuelle des sculptures d’Erik Dietman.

du MAMAC au Musée Chagall via L’Espace de l’art concret où Roland fut invité en tant que collectionneur. Que des bonnes pioches ! Mais

l’image du niçois Thierry Lagalla, du belge Pascal Bernier signant une

encore une fois Roland Botrel se défend de sacrifier à la mode ou à la

boîte de sardines surmontée d’une petite croix (funeral fish) ou des sol-

cote. D’ailleurs pas question pour lui de revendre une de ses pièces.

dat de plombs fondus dans une poêle (le combat du chef). Quant à Erik

Quand Yan Pei-Ming a fait la bascule il fut un des rares à ne pas céder

Dietmann, ce fut aussi une amitié prolongée par l’acquisition de plu-

au diktat du marché. Pour lui une collection ne se fait pas plus à la

sieurs œuvres dont « la scie coréenne » prêtée à la Fondation Maeght

calculette qu’au coup de cœur « Certains artistes peuvent être perti-

pour une rétrospective sur ce sculpteur « qui traversa le dadaïsme, le

nents sur une période courte. Ce qui m’importe c’est que l’œuvre soit

surréalisme et Fluxus et partagea à Nice un atelier avec Venet. »

à un moment donnée en phase avec la société, qu’elle permette de

La liste des quelques 150 pièces que compte cette collection serait lon-

voir comment le créateur se positionne, réagit. Cette phase créative aussi courte soit-elle, perdure, continue à faire sens au-delà du temps ».

gue, d’autant que Roland est intarissable. Ceux qui pourront se rendre du 10 au 23 juin au Château de Chambord y découvriront une grande

Ainsi ce féru d’histoire a-t-il bâti pièce après pièce, son propre récit

toile emblématique de Rebeyrolle prêtées par le trio niçois. L’an pro-

dans la grande l’histoire de l’art, naturellement porté vers les artistes

chain à Saint-Restitut (près de Montélimar) c’est une grosse partie de

engagés comme Rebeyrolle, Buraglio, Dolla ou le groupe BP qui chan-

cette collection atypique et cosmopolite, souvent sollicitée - une quin-

gea l’or noir en menaçante fontaine monochrome. Des artistes qui

zaine de pièces voyagent chaque année- qui sera dévoilée. A quand

posent un regard aigu sur la société comme sur la comédie humaine à

une exposition à Nice ? Il n’est pas interdit de rêver à voix haute ! om



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artiste

James Coignard Une aventure poétique gravée C’est à Tours que James Coignard voit le jour, en l’année 1925. Le public a souvent tendance à croire que la plupart des artistes connus et reconnus internationalement ont baigné dans l’art depuis leur plus tendre enfance. Ce n’est pas toujours le cas.

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avant que l’art ne devienne une passion, une vocation, un style de vie, certains démarrent des carrières ou des métiers classiques mais ils ne tiennent pas longtemps face à l’appel irrésistible de l’art. C’est le cas de l’artiste James Coignard qui mène d’abord une carrière dans l’administration. Il découvre à 23 ans la Côte d’Azur, ses paysages, ses lumières, son inspiration et se décide alors à suivre des cours du soir à l’école des Arts Décoratifs de Nice. Quatre ans tout au plus et il quitte cette administration, franchit le cap de l’amateurisme pour s’adonner entièrement à l’artistique. L’appel a été fort, immanquable. Les rencontres sont nombreuses dans le milieu de la création artistique et picturale qui est avant tout partage. Pour l'artiste, l’une d’entre elle va être décisive dans son choix de faire connaître ses peintures et ses céramiques au monde entier. En 1950, Paul Hervieu, un galeriste situé rue Pastorelli à Nice ouvre un carton empli d’œuvres que l’artiste porte sous le bras. C’est alors le début d’une fabuleuse aventure. Ces œuvres sont ensuite exposées en Suède deux ans plus tard. Matisse, Braque, Chagall, autant de rencontres encore qui marquent un début de parcours prometteur. D’abord installé à Paris, rive gauche, le jeune artiste décide de créer avec Hubert Herzog un atelier de céramique. Puis c’est avec Max Papart avec qui il partage une forte amitié, qu’il se lance à corps perdu dans la production d’œuvres. 1956, James Coignard a tout juste trente ans. Accompagné de son épouse, il prend la route du sud pour venir s’installer à Nice puis à Beau-

 Immobile, 2002, Murano glass

lieu-sur-Mer, conservant toutefois son atelier de céramique dans la capitale. Cette pratique devient alimentaire car les temps sont durs et Coignard, comme de nombreux artistes, connaît des périodes difficiles qui l’obligent à travailler dans d’autres domaines. Mais il tient son cap coûte que coûte pour enfin se consacrer exclusivement et à partir de 1958 à la peinture. Ses premières œuvres, comme le dira Michel Gaudet, sont «figuratives déterminant une lisibilité poétique, volontairement quelque peu primitive».


artiste

Sa première exposition aux Etats-Unis à la Collector’s Gallery à New-York a lieu en 1957. Et comme les rencontres, les voyages sont aussi une ouverture sur les autres et une révélation intérieure. L’Espagne va fortement inspirer l’artiste qui y découvre une histoire de l’art riche et passionnante, mais aussi un environnement propice à la création. Antoni Clavé sera d’ailleurs l’un des artistes qui deviendra l’une de ses références. Il portera un intérêt tout particulier à son œuvre dont on peut aujourd’hui encore trouver les échos. Une première exposition au musée Ripagarden en Suède a lieu puis, par l’intermédiaire de son ami Paul Hervieu, les expositions personnelles vont se multiplier dès 1960. La célèbre collectionneuse Peggy Guggenheim va même lui acheter plusieurs pièces qui rejoindront sa riche collection. Le succès est au rendez-vous. L’œuvre de James Coignard est aisément reconnaissable. Son goût et son engouement pour la matière vont résonner dans les fameuses gravures au carborandum, technique qu’il va maîtriser à la perfection et qui devient sa recherche personnelle. Son ami Henri Goetz le met sur la voie en 1967. Coignard et sa femme Mireille vont alors trouver un champ infini de possibilités expressives dans cette technique de gravure.

va lui permettre de voyager et d’exposer dans de nombreux pays comme l’Italie, Israël, la Suisse, le Canada… C’est la grande période des collages, des gaufrages, des pochoirs qui s’associent étroitement avec une sémantique de signes, de flèches, de lettres d’imprimeries, de silhouettes, de profils. C’est en 1970 enfin qu’il rencontrera Antoni Clavé avec qui il se liera d’amitié. Rien ne semble plus arrêter Coignard dans sa lancée, que ce soit en France ou aux EtatsUnis. D’autres artistes comme Kijno, Barcelo, Clavé lui-même, Messagier viennent travailler à l’atelier qu’il crée à Paris. Les œuvres de l’artiste vont sensiblement aussi à cette période s’orienter vers de plus grandes dimensions. Une sensibilité qui s’exacerbe dans le geste, dans la matière et son espace. Et comme il l’exprimera lui-même «Je peux aussi balafrer

Ces possibilités se traduisent par une façon plus spontanée de graver et de permettre une expression plus «directe» de la part de l’artiste. Celui-ci ayant acquis une presse, ses recherches vont alors se succéder, les tirages, les éditions, tout est mis en œuvre pour dépasser les contraintes traditionnelles et obtenir un véritable vocabulaire qui marquera la «signature Coignard». Les gravures vont être souvent, et à partir de ce moment, destinées à l’édition de livres. Il n’en oublie pas pour autant la pratique de la peinture sur laquelle cette nouvelle technique de gravure acquise va influer. La matière va prendre corps sur ses œuvres peintes, épaisse, tourmentée, articulée, avec des ajouts de toutes sortes, colle, résine, grains de sables… Les années 70 verront d’ailleurs l’abstraction lui ouvrir le champ des expériences. Le succès est confirmé par l’acquisition de nombreuses œuvres dans des musées comme celui de San Francisco ou encore Sans Diego. Sa notoriété assise dans le monde de l’art contemporain

 Face a Face, 2005, Murano glass

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une toile comme je pose un doigt frémissant sur un visage aimé». Cette notion d’espace d’ailleurs va devenir prédominante dans toute son œuvre. Tout comme la couleur pour laquelle il sera considéré comme un remarquable valoriste. Entre l’Europe et les Etats-Unis, Coignard fait rayonner son travail, ses recherches, mais se réinstallera toutefois à Antibes en 1995. Il y travaillera et y peindra jusqu’à sa disparition en mars 2008. Cet atelier (qui voit en deux ans éditer 47 nouvelles gravures, sur un total de 1261 !) que l’on peut visiter encore aujourd’hui, respire les interrogations, les élaborations et les constructions d’un peintre et graveur, considéré comme le plus grand de notre époque. rc

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vente

Le 23 juin aura lieu à Nice sous le marteau de Patrick Rannou-Cassegrain une vente exceptionnelle de tableaux de l’école grecque. Une collection unique rassemblée par deux éminents collectionneurs grecs.

Une collection unique venue de Grèce

L’Hôtel des ventes Nice Riviera s’est taillé une réputation internationale. Point d’orgue : une vente prestigieuse qui fit couler beaucoup d’encre et rassembla en 2009 des pièces historiques de 40 artistes de l’école de Nice (César, Ben, Arman, Raysse, etc). Mais avant d’intégrer il y a une quinzaine d’années cet ancien temple vaudois bâti en 1958 rue Gioffredo, l’Hôtel des ventes œuvra rue Pertinax. C’est à cette adresse que Patrick Rannou-Cassegrain, arrivant de Paris, fit ses premières armes de commissaire-priseur dans les années 80. Depuis il a participé avec son associé Yves Wetterwald à de nombreuses ventes exceptionnelles où furent mises aux enchères des œuvres signées Degas, Matisse, Buffet, Utrillo, Picabia.

Cinquante peintres emblématiques Sa dernière découverte vient du berceau de notre civilisation. Une collection unique de 180 pièces « constituée dans l'après guerre par deux frères Georges et Yannis. Yannis, l'amateur d'art éclairé, connu dans le milieu artistique grec pour sa clairvoyance et son expertise de la peinture, a su donner une âme à cette collection par ses choix judicieux. D'une richesse incroyable, elle réunit les grands noms de la peinture grecque de la moitié du XIXème siècle qui concorde avec l'indépendance de la Grèce, jusqu'au milieu du XXème siècle » explique Patrick Rannou-Cassegrain qui est allé, il y a quelques semaines évaluer cette collection dans un pays secoué par la crise. « La plupart de ces artistes ne sont plus. Et si leurs œuvres se font rares dans nos musées, elles demeurent très cotées en Grèce. » C’est donc un pan peu visible de l’histoire de l’art que cette vente dévoilera le 23 juin (visite le 22 juin). D’ailleurs qui sont-ils donc ces artistes grecs ? Alors qu’un trio d’experts venus de Grèce et de la National Gallery de Londres opère, afin de délivrer les certificats d’authenticité, Patrick Rannou-Cassegrain a bien voulu nous dévoiler, deux œuvres de la collection. L’une est signée Gysis « Une peinture sur bois, dont la patine lui confère un aspect de fresque ». L’autre est un nu de Parthenis, dont le style libre renvoie au cubisme. Kostas Parthenis qui enseigna aux Beaux-arts en Grèce, fut le premier qui ouvrit les portes de la peinture grecque à l’art du XXème siècle et aux évolutions européennes « Parthenis m’a initié au sens des recherches de Manet, aux réussites de Seurat, aux concurrences de Cézanne, et à la gloire qui s’appelle El Greco. […] Parthenis a attiré mon attention sur l’art byzantin. L’art « byzantin » est la forme de l’art qui est plus proche de nous », soulignait Engenopoulos un de ces peintres grecs connus pour lui sa griffe surréaliste. L’un des rares à avoir flirté de près avec un mouvement européen. Car si aucun de ces courants majeurs ne peut vraiment caractériser l’école grecque moderne, bon nombre de ses acteurs méditerranéens firent dans les années 30 leurs études à Paris ou à Berlin, ramenant


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des influences qui vinrent s’entremêler à leur patrimoine esthétique séculaire « C’est ce qui fait toute l’originalité de cette collection qui rassemble une cinquantaine de ces peintres grecs emblématiques d’une période d’ouverture et de métissages culturels. Des pièces rares mises à prix entre 300 et 60 000 euros qui devraient attirer la diaspora grecque établie entre Londres, la Suisse, New York et Monaco ainsi qu’une clientèle internationale d’amateurs éclairés, de galeristes et de marchands » commente P. Rannou Cassegrain. Un commissaire-priseur qui, s’il est le seul en province à pouvoir opérer à la Salle Drouot (il y réalisa la vente Vasarely) avoue préférer exercer au 54 de la rue Gioffredo : « Il y règne une atmosphère, propice aux enchères grâce à des fidèles du lieu venus de toute l’Europe ».

Quand la Grèce s’ouvrait à l’Europe La collection réunit 180 tableaux dans leur jus d’origine qui, au delà de leur valeur intrinsèque, racontent une belle histoire de fraternité, d'amour, de passion ainsi que tout un pan de l’art moderne par la bande. A partir de 1832, sous le règne d'Othon, fils de Louis 1er de Bavière, les peintres se tournent vers l'Allemagne, l'Angleterre, l’Autriche, l’Italie et la France. Une période qui voit l'éclosion de différentes écoles dont celle de Munich, le réalisme, l'orientalisme, l'impressionnisme. Les chefs de file de l'école de Munich : Nikiphoros Lytras, Nicolaos Gyzis, Georgios Iakovidis, Lembessis, Chatzis sont aujourd’hui considérés comme les fondateurs de la peinture grecque moderne. Cette époque coïncide avec la consolidation d’une bourgeoisie grecque liée à ses racines rurales. Ainsi les sujets récurrents sont-ils les paysages, les portraits, le folklore et les natures mortes.

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Sous la poussée de l’orientalisme quelques peintres opèrent un retour aux racines d'Asie Mineure. Quand à l'impressionnisme, « peinture de plein air », son influence arrive en Grèce dans le dernier quart du XIXème siècle. On trouve sa trace dans les peintures de Chatzis, Economou, Altamouras. La lumière grecque y dessine les volumes et les formes avec précision sans la gradation qui caractérise l'atmosphère des paysages français. A la fin du XIXème, en réponse au réalisme le symbolisme s'étend en Europe. L'un de ses ambassadeurs est Gysis dans ses œuvres de maturité. Le début du XXème siècle, voit lui l'émergence du grand politicien grec Elefterios Venizelos et le renouveau des courants artistiques. Ainsi des peintres comme Parthenis, Maleas, Nikolaos Lytras s'inspirant des post-impressionnistes français vont rechercher une palette spécifique à la lumière grecque, s’éloignent de la troisième dimension pour privilégier l’épure des formes définies par le groupe « Omas Techni ». Marqué par le conflit gréco-turque, l'entre deux guerres conduit à un renforcement de la « Grécité », à un retour à la tradition souligné par la résurgence de l'art byzantin. Ses représentants qui intègrent volontiers les préoccupations de l'Art moderne s’appellent Engonopoulos, Tsarouchis, Vasileiou et Parthenis. L'expressionnisme est peu présenté en Grèce. Jusque dans les années vingt, les grecs devaient lutter pour leur indépendance et ignoraient encore les problèmes des sociétés industrielles inhérents aux autres pays Européens. Son représentant le plus authentique demeure Georgios Bouzianis qui vécut en Allemagne de 1906 à 1935 et dont l’univers pictural est traversé par les passions humaines.

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Filles A fil

sandra lecoq et aïcha Hamu : deux parcours qui se croisent, de la villa arson aux ateliers spada. deux pratiques en mode support-surface qui libèrent le textile de son canevas domestique. de son côté, virginie Broquet, dessinatrice, lauréate du Prix alph-art érotise la toile de Jouy. le tissu aurait-il la fibre artistique ?

En dé c oudre , en d o u c e ur. sandra Lecoq a orienté très tôt sa pratique picturale vers l’objet. Elle tresse et coud ses chiffons d’atelier, les tissus multicolores prenant lieu et place du châssis et de la toile.

Ci dessus : Portraits de sandra lecoq ©JCh dusanter

a droite: «Penis Carpet» exposition villa arson 2002, Nice Photo J.Brazil

Je suis née en 1972 à Penja (Cameroun) au moment où à los angeles l’exposition «Womanhouse» montrait 24 artistes femmes. la maison, espace domestique, devenait espace d’exposition » explique celle qui fut une des premières à intégrer les ateliers de la Halle spada. elle y peaufine ses dernières créations présentées en juillet prochain à la galerie Martagon à Malaucène. « la Pintura in forma di rosa » annonce la couleur « dans un montage qui va jusqu’à l’écœurement » de tissus éclatants, récupérés,

cousus, tressés. là sur le mur dans un ring solaire deux coqs flamboyants s’affrontent sur un parterre fleuri, motifs au charme suranné, dénichés dans une brocante. Une œuvre dévoilée en mars à la galerie Marlborough (a l’origine, Nice) « J’adore la récup, la couture libre. Cela me plaît de donner une seconde vie à ces matériaux rebus. Je pense à toutes ces femmes qui tricotent, cousent souvent pour remplir leur temps. Ce travail domestique fait dans l’ombre, j’aime le mettre en pleine lumière ! ».


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dolla, de retour de New York a vu le résultat il m’a dit : tu fais des bites ? et cette forme phallique faite d’une tresse de différentes matières (fourrures, chiffons, etc) en spirale puis cousue est devenue : Penis carpet ». les premiers furent exposés à la villa arson. depuis la famille s’est agrandie avec notamment la fourreuse heureuse (7 m) présentée en 2006 au dojo pour compter aujourd’hui huit membres. d’autres sont en gestation. Car c’est une œuvre de patience saluée par la commissaire d’exposition Catherine Macchi dans son article « Pénélope la salope ou l’âme de la femelle sauvage ». d’aucuns pourraient voir dans ce travail de longue haleine, celui d’une épouse détricotant le désir homérique du mâle. « Mais les bites, c’est plutôt des fleurs ! » révèle sandra qui ne respecte rien pas même les vanités qu’elle traite avec légèreté et qui, lentement mais sûrement, échange, à l’aune de la dérision, nos tabous contre des objets familiers.

P rofil ag e Le textile dans l’œuvre d’aïcha Hamu opère tel un rite de passage entre deux mondes, Eros, thanatos et sert de filage à une imagerie féminine qui y joue au théâtre de la plasticité de ses représentations incarnées/ désincarnées.

©JCh dusanter

sans titre, 2011. Cuirs rouges, polystyrène, tissu. dimensions variables. La Peinture autrement, volet 3 : Aïcha Hamu, du 26 juin 2011 au 5 mars 2012. Musée national

Pablo Picasso, la guerre et la paix, vallauris ©aH

lorsqu’elle intègre la villa arson en 1998, aïcha, native d’avignon, a d’autres visées « Je suis entrée en montrant mes croquis de mode. Je pensais rester un an puis aller à Paris pour travailler dans la haute couture. Puis je me suis rendu compte que tout ce que je voulais faire je pouvais le faire à la villa arson avec plus de liberté. » en 1ère année elle travaille encore sur patrons, mais son premier exercice « deux jambes de pantalons qui se déroulent sur le sol en partant du mur » s’inspire déjà de support/surface. « C’est à partir de là que mon travail a débouché sur la 3d et que je suis intervenue sur des installations dont certaines à base de textiles » la plus importante, elle la réalisa l’été dernier à la Chapelle Picasso dans le cadre de l’aCCa (ndlr l’art Contemporain et la Côte d’azur, un territoire pour l’expérimentation, 1951-2011). 100 m2 de cuir rouge taillé, coupé, cousu, rembourré, pour former

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©JCh dusanter

a la villa arson, sandra peint sur d’immenses affiches arrachées dans la rue, elle s’intéresse à Peter Halley et à Niki de saint-Phalle qui, elle, peint au fusil, fait saigner la couleur. sandra pratique la démesure en mode intimiste, confronte la provocation avec la pudeur. et si elle dessine, peint, elle revient souvent au tissu « C’est facile à ranger, à transporter. la seule vue d’un châssis m’angoisse ! ». Une phobie qui l’a conduite à s’intéresser très tôt au mouvement support-surface puis auprès de l’un de ses mentors et compagnon : Noël dolla. « le tissu, c’est un accident ! Quand j’ai vu mon premier fils gambader dans l’atelier, je me suis dit il faut que je travaille avec des choses plus douces, moins nocives. C’est comme ça que je me suis mise à tresser mes chiffons d’ateliers » ainsi naquirent les « Penis carpet » en 2000 d’abord comme une cible au mur puis travaillés au sol pour obtenir des formats plus importants et affiner le motif. Foulé au pied, le male emblème ? « Quand Noël

un étrange corpus organique suspendu sous une voûte de 10 mètres. Une immense toile rouge arachnoïde tissée par un alien en ovulation, ou l’antre de « leather face », le zélé garçon boucher de « Massacre à la tronçonneuse » ? Car le cinéma comme la musique inspirent cette plasticienne qui monta sur scène avec le groupe rock underground alpha 60. aïcha (représentée par la galerie Catherine issert) aime autant jouer avec les corps incarnés qu’avec ceux immatériels. des femmes fatales apparaissent puis disparaissent par intermittence sur du satin. « Pour la série eleven dreams, je dessinais sur la soie avec une aiguille créant par l’usure des zones mates et brillantes ». Un effet négatif/positif qui évoque la lanterne magique comme notre précarité, d’autant plus que sur ces 11 coussins sont représentés 11 cris de cinéma dont celui de Janet leigh dans « Psychose ». Qui a parlé du cri de la soie ?

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Shooting (The Single Bullet) 2008 Broderie sur skaï, capitons, mousse, bois. 70 x 167 x 15 cm. Collection privée ©aH

Vi rg i n i e da n s de beaux draps !

sur le même principe, aïcha invoqua via des psychés dont le miroir avait été remplacé par du satin blanc (idéal Chorus), les fantômes de divas : la Callas, Nico, Nancy sinatra. autre lieu, même matière, aïcha joue les scénographes au Château d’avignon. elle déploie dans une chambre baroque, du lit baldaquin à la rue via une fenêtre sur cour, une longue rivière carmine « Pour all that money can buy, le tissu fut utilisé comme de la peinture, une coulure qui sort de la façade » Une cataracte d’hémoglobine qui

renvoie aux premiers épanchements en couleurs du dracula de la Hammer film. son aïeul expressionniste eut droit à un autre traitement. au dojo c’est en dentelles noires que l’ombre du Nosferatu se profila sur un mur. « sans avoir recours aux paroles le meurtre s’exprime avec une merveilleuse éloquence » disait shakespeare. Pour sa série « shooting » aïcha travailla la broderie sur banquette de skai faisant apparaître le visage de J.F.K. percé de capitons qui reprennent l’emplacement exact des balles qui le criblèrent à dallas. la même « cabalistique couturière » fut réservée au couple Bonnie and Clyde. disparition violente ou annoncée, dans l’œuvre d’aïcha Hamu, le tissu fait corps - en regard aux anthropométries de Klein - avec ses projections, opérant avec cette cinématographique distance qui permet à nos fictions d’atteindre la toile.

Elle fut en 1992 lauréate du prix alph-art d’angoulême, puis croqua le globe imposant sa griffe de dessinatrice dans les galeries de paris à New York via rio de Janeiro ou Bruxelles, Virginie Broquet vient d’érotiser la toile de Jouy… Née en 1968 à Nice, virginie fit ses beaux-arts à strasbourg à la fin des années 80 puis ses premiers croquis pour la mode avec isabel Marant et le styliste malien Xuly Bët. toujours à l’écoute des turbulences qui agitent la grande ruche, l’illustratrice prête son talent à la presse (libération, Nova, le Monde, vogue etc.) à la Bd (seuil, Casterman) avant de se consacrer à ses carnets de voyages : destination istanbul, Brasilia, Bollywood, et le sénégal en 2007 sur des textes de richard Bohringer. des grandes artères insomniaques de tokyo aux marchés africains, du vieux Barcelone aux tours de Brasilia, des bains turcs aux sushi-bar, des danseuses Balinaises aux « desperate housewives » virginie voyage et dessine, marche et rêve. son univers est fait d’une matière composite, d’une technique mixte qui invite dans ses dessins des traces prélevées in situ : Flyers, tickets de

cinéma, et... bouts de tissus. Un présage ? virginie voyage dans sa planète et dans sa tête. Ces projets la conduisent à prendre volontiers la tangente y compris avec sa pratique. ainsi après avoir créé des chars pour le Carnaval de Nice, illustré un livre de recettes de sabine Cassel, la mère de vincent, la « globe-croqueuse » vient encore d’élargir sa palette. « depuis toujours je suis fascinée par la toile de Jouy. l’été dernier j’ai eu envie de retravailler ces motifs qui firent le renom de la manufacture fondée au Xviiième siècle à Jouy-en-Josas et d’artistes comme Jean-Baptiste Huet. J’ai d’abord dessiné au marqueur à main levée sur des toiles grands formats des égéries manga dénudées puis des scénettes de la vie des courtisanes ». elle détourne éga-

lement du droit chemin des épisodes de la mythologie, imagine même un motif gay inspiré du david de Michel ange. Un exercice qui a tôt fait de séduire Émilie dujat, directrice de la Galerie libertine, spécialisée en art érotique de l’antiquité à la période contemporaine qui l’invite à exposer en avril dernier aux sablons Bruxelles. l’aventure prit un nouveau tour lorsqu’emilie associée avec la créatrice de Pollen design, créa « lady libertine », une collection de linge de maison matières et façon Franco-Belge : lin tissé dans le plat pays, soie ou coton épais etc. « la galerie libertine a décidé de transférer ses dessins sur tissus pour créer une ligne baptisée Badinage » Cette relecture d’un bastion de notre patrimoine décoratif valut à virginie d’être conviée en avril aux Galeries lafayette dans le cadre d’une exposition sur le savoir-faire français. les niçois purent découvrir le nouvel univers de « la toile de Joui ! » comme elle aime à dire : draps, coussins, matelas, plaids ou pashminas aux motifs lestes, disponibles en marine ou grenat sur fond blanc et en couleurs inversées sur fonds bistre ou violine. et dire qu’elle a commencé en dessinant des charentaises ! oM


Gasiorowski XXe - peintre

« Vous êtes fou Gasiorowski, il faut vous ressaisir… » 30 juin > 26 septembre 2012

Fondation Maeght, 06570 Saint-Paul de Vence Téléphone : +33 (0)4 93 32 81 63 E-Mail : contact@fondation-maeght.com Internet : www.fondation-maeght.com

Ouvert tous les jours, sans exception : Juillet-Septembre : 10h-19h Octobre-Mars : 10h-13h / 14h-18h Avril-Juin : 10h-18h

© www.fgmedias.com

Gérard Gasiorowski, Sans titre « Autoportrait », 1977 © Tous droits réservés


MUSÉE MATISSE

23 • 06 > 23 • 09 2012

Le ciel découpé

Maquette pour la bourse blanche (Chapelle de Vence), 1950-1952, papiers gouachés découpés, Musée Matisse, Nice. © Succession H. Matisse. Photo François Fernandez.


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