Zut Hors-série — L'artisanat dans l'Eurométropole de Strasbourg

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À priori, ces deux-là, rien ne les destinait à l’artisanat. Diplômés de l’INSA, ingénieurs donc, l’un en plasturgie (techniques de transformation du plastique, c’est Silvin Kutsch), l’autre en mécanique (Thomas Kieber), ils se retrouvent deux jours avant leur soutenance de mémoire autour d’une bière. Leurs cinq années d’études, notamment les stages, les ont tous deux convaincus d’une chose : l’ingénierie ultra-spécialisée dans les bureaux d’une grande entreprise où le lien avec le fruit de son travail est distendu, voire inexistant, c’est pas leur truc. « On veut une vision plus globale, être présent de A à Z. » De là naquit Manivelle. Les nouvelles mobilités et le développement d’une culture vélo, surtout dans les métropoles, les convainquent que c’est un marché d’avenir. Le prototype fabriqué à l’école en septembre 2017 devient le Fer de lance : un modèle urbain, rapide et confortable, inspiré par le vélo de piste pour le cadre, le vélo nordique pour le guidon. Le premier sort de l’atelier en mars 2018, il est commercialisé en juillet, en décembre ils en sont à 13 vélos. « On se limite à quatre vélos par mois, car on veut prendre notre temps. », rappellent-ils. Ce parcours est à la fois le récit d’une conversion à l’artisanat par quête de sens et une illustration de la manière dont ces parcours atypiques donnent un nouveau souffle à des métiers pourtant traditionnels, et de nouvelles formes à des objets usuels. La singularité de Manivelle, c’est de croiser sans scrupules artisanat, c’est-à-dire fabrication manuelle, et industrie. Un

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Silvin Kutsch et Thomas Kieber

cross-over qui permet des prix raisonnables sans transiger sur la qualité. Pour les haubans (qui relient la roue arrière au cadre) et le thermolaquage (particulièrement résistant) notamment, Manivelle travaille avec des partenaires industriels, idem pour certaines pièces dessinées par leurs soins et découpées au laser. La plupart sont locaux, travaillent à petite échelle et dans une communauté d’esprit. Certes, c’est plus cher, mais la coopération est facilitée, on réduit les coûts de transport et l’empreinte carbone. Le cadre en acier est soudé à la main, et les soudures brasées à l’argent, parce que la chaleur n’affecte pas le métal et que c’est plus lisse, ce qui empêche la corrosion et assure la durabilité. « Ça, c’est pas industrialisable ». L’idée, c’est que ce vélo à la

carte (on choisit l’inclinaison du cadre, la couleur, les options…) dure toute une vie. « On n’a pas révolutionné le vélo », reconnaissent-ils, mais leur connaissance des matériaux, leur capacité à créer leurs propres outils et leur culture d’ingénieur leur permettent aujourd’hui de rendre la qualité artisanale plus accessible… Cycles Manivelle entre 2 100 et 2 500 € Parc Grüber | 91C, route des Romains Strasbourg www.cyclesmanivelle.com


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