Zut Hors-série — L'artisanat dans l'Eurométropole de Strasbourg #2

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Michael Lorazo, forgeron et coutelier d’art.

Christophe Pille Affûteur itinérant

vivre sans téléphone mais pas sans son couteau. » En quelques semaines, il s’organise pour arriver à ses fins (« mon côté fonceur et impatient ») et postule en janvier 2018 à la Frémaa (Fédération des métiers d’arts d’Alsace) pour bénéficier du dispositif de transmission de savoir-faire rares et d’excellence. En juillet, son dossier est validé, mais il faut encore qu’il quitte l’armée et qu’il trouve une entreprise pour réaliser son apprentissage, en l’occurrence au côté de Thierry Stumpf, coutelier à Rosheim. Le 7 septembre, tous les feux sont au vert, il démarre trois jours plus tard. « J’ai commencé par des couteaux pliants qui nécessitent tout un tas de techniques, j’ai été fier lorsque le premier a été vendu. En apprentissage, j’ai réalisé 200 couteaux : 140 pour Thierry, 60 pour moi. » Ce qui l’étonne le plus ? La force de la matière. « J’ai découvert en forgeant que la matière avait toute sa place. On peut lui donner la direction à prendre

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mais c’est elle qui décide. » Partir d’une barre d’acier, donner sa forme à la lame, durcir la trempe puis l’assouplir, façonner l’ensemble, intégrer la lame dans le mécanisme… Il y a des règles que Michael Lorazo suit à la lettre et il y a celles auxquelles il déroge. Sa patte est reconnaissable : il travaille l’asymétrie : « La main n’est pas symétrique, pourquoi faire des objets symétriques quand on ne l’est pas ? » Que ce soit au cœur de sa série L’authentique, couteaux artistiques, L’original, des couteaux sur-mesure ou L’œuvre, travail plus artistique dédié notamment au glaive, la forme se fait précise mais étonnante. Des couteaux comme des bijoux qui ont quasiment tous été vendus lors du dernier salon européen des métiers d’arts Résonance[s] à Strasbourg. Il ne manquait plus qu’un atelier pour compléter sa production, c’est désormais chose faite, à Neudorf. www.lorazo.fr

À croire que Christophe Pille a réinventé la poudre… Venir à ses clients pour affûter couteaux, sécateurs et autres ciseaux n’a pourtant rien de nouveau. « Les affûteurs étaient nomades ! Ils passaient dans les villages pour affûter les couteaux des artisans. Historiquement, les gitans se chargeaient de l’affûtage et pouvaient proposer d’autres services de réparation. Avec le temps, le métier s’est perdu. » Lui, l’affûtage, il n’y pensait pas. Dans une autre vie, il a été conseiller en investissement. « Je ne me sentais pas utile, ça me gavait. » Il veut faire autre chose et dresse une liste de critères : l’indépendance d’abord, le travail manuel ensuite. Il voit un reportage sur un affûteur et se dit : pourquoi pas ? Il se lance en 2017 après une formation de trois semaines. Première étape, trouver un financement : 21 000 € pour une camionette et une machine. Il lui aura fallu 11 mois pour rassembler l’argent nécessaire, et quelques


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