Zibeline n°29

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Musique, philosophie et mysticisme L’adagio et fugue en ut mineur de Wolfgang Amadeus Mozart attendait les auditeurs du 26 mars dernier dans la nef toujours trop fraîche de la cathédrale Saint-Sauveur. Le quatuor à cordes d’Aix-en-Provence, composé de Sophie Baduel et Anne Mehat au violon, Magali Demesse à l’alto et François Baduel au violoncelle, livrait une belle interprétation, sensible, où la largeur du son servait la délicatesse du propos, même si la dispersion des harmoniques dilatait parfois à l’excès les notes tenues. Puis, le chœur régional Provence Alpes Côte d’Azur, sous la dynamique direction de Vincent Recolin, donnait l’œuvre de Haydn, Les sept dernières paroles de notre Sauveur sur la croix. Cette composition de commande (sept mouvements lents destinés aux fidèles de la cathédrale de Cadix pour

méditer sur les dernières paroles du Christ), d’abord écrite pour orchestre, connaîtra un tel succès que Haydn en proposera cette version en Oratorio. Une autre dimension était cependant accordée à l’œuvre ce jour-là. Le récitant, Jean-François Héron, lisait non les paroles de l’évangile, mais celles du philosophe Michel Serres, qui interprète les paroles du Christ, les resitue dans le jeu d’échos du monde, regard sur l’énergie gaspillée des guerres, des violences, approche humaine et mystique de l’être, dans toute la beauté d’une possible transcendance. Le chœur, aux pupitres équilibrés, et les voix solistes s’élèvent purs et vibrants, en sacrifiant parfois l’intériorité que réclament les paroles et la musique, au profit du brillant de l’interprétation. Mais l’exécution fut remarquable dans le

Vincent Recolin © X-D.R.

Terremoto, «Tremblement de terre» qui fut repris en bis pour notre plus grande joie. MARYVONNE COLOMBANI

Jeune tubiste à la fête Situé en plein cœur des vacances scolaires, le concert symphonique du 10 avril à l’Opéra de Marseille a tout de même fait recette, remplissant honorablement les travées étagées du temple lyrique, et ce malgré un programme sortant de l’ordinaire, ce qui tend à prouver que le mélomane massaliote fait preuve d’une ouverture d’esprit nettement supérieure à sa réputation ! Personne n’a eu d’ailleurs à le regretter, tant l’affiche a été bien pensée, glorifiant la danse et permettant de découvrir des œuvres festives autant qu’un formidable soliste. Drôle de biberon en vérité que cette énorme pompe à air que tète brillamment le benjamin de l’or-

chestre ! Dans une incroyable cadence improvisée, en bout d’une création de Jean-Philippe Vanbeselaere, opus coloré, à l’impact rythmique puissant et faisant parfois penser à des musiques de film, le jeune Thomas Leleu pétarade, virevolte et swingue sur sa machine comme un jazzman sur son sax. Mais ce n’est pas dans un instrument soliste habituel que souffle le virtuose depuis le début du concert. Déjà dans le Concerto de Vaughan Williams, le tubiste (car c’est bien d’un tuba qu’il s’agit, pachyderme des cuivres condamné d’ordinaire aux basses-pompier de l’orchestre) enchaîne des gammes en guirlande et des sons feutrés comme

sur une mécanique davantage destinée aux envols virtuoses. L’acclamation qu’a reçue Thomas Leleu fut à la hauteur de son talent ! On ajoute aussi que la direction exaltante de Tarcisio Barreto Ceballos, dans une Suite foisonnante de Castellanos et les émouvantes Danses symphoniques tirées de West Side Story (immense Bernstein !), a transmis une belle fougue à l’Orchestre Philharmonique de Marseille et contribué au succès de la soirée. JACQUES FRESCHEL

Café Zimmermann, What else ? Le Café Zimmermann de Leipzig fondé par Telemann et notamment dirigé par Bach était un lieu de création de musique instrumentale au XVIIIe siècle. Pour son concert médian de la XXVe Semaine Sainte en Arles, le Méjan invitait l’ensemble du même nom fondé par Céline Frisch (clavecin) et Pablo Valetti (violon). Ces derniers étaient accompagnés de Patricia Gagnon, Petr Skalka et David Sinclair (alto, violoncelle, contrebasse). Diana Baroni se joignait au groupe dans les emblématiques Suite et Concerto Brandebourgeois avec traverso agrémentés de la Sonate pour flûte, violon et basse continue bwv 1055 du grand J.-S. Bach. Semaine Sainte, certes, mais musique profane donc de la période de Cöthen inspiré par les styles nationaux :

français dans la succession de danses issues de la suite française pour la Suite n°2 en si mineur, italien dans le

style concertant en trois mouvements du 5e Concerto Brandebourgeois, allemand dans la trame contrapuntique Ensemble Café Zimmermann, Pablo Valetti © Petr Skalka

et universel dans la fusion de ces différents apports façonnés par le génie allemand. La tâche est rude pour notre ensemble qui s’en tire à merveille ! Les auditeurs pouvaient ressentir les relances constantes des différents pupitres dynamisés par le premier violon. Le clavecin achevait de nous convaincre avec la célèbre cadence du Brandebourgeois, quand la flûte confirmait sa maîtrise en négociant la Badinerie de la Suite avec brio. Quand le profane rejoint le spirituel, la Semaine reste Sainte ! P-A HOYET

Ce concert a eu lieu le 28 mars à la Chapelle du Méjan à Arles


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