Les Cahiers Internationaux du Tourisme
N掳1
R
Centre International de Recherche Vatel en Tourisme et H么tellerie
1
e
v
u
e
S
c
i
e
n
t
i
f
i
q
u
Les Cahiers Internationaux du Tourisme
Centre International de Recherche Vatel en Tourisme et H么tellerie
e
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 1
PRÉFACE Alain SEBBAN, Président de Vatel et du CirVath Je me réjouis de l’aboutissement de cette revue scientifique, au terme d’un long partenariat entre Vatel, l’Université de Perpignan et beaucoup d’amis qui partagent nos convictions. Je félicite, d’ailleurs, les auteurs de ce premier numéro, la rédactrice en chef, Anne-Marie Mamontoff, ainsi que toute l’équipe technique. Mais je tiens à remercier très sincèrement, Jean-Michel Hoerner, Doyen de la Faculté “Sport, Tourisme, Hôtellerie Internationale” de l’Université de Perpignan Via Domitia, qui, depuis la constitution du CirVath a oeuvré avec beaucoup d’énergie et de volonté afin de faire émerger “sa” science du tourisme, aujourd’hui reconnue par beaucoup, et qui permettra de dynamiser notre profession et d’élever le niveau de nos étudiants. En créant ensemble le CirVath, nous avions l’ambition de soutenir les chercheurs désireux de mieux comprendre la complexité de l’industrie touristique et hôtelière. En diffusant Les cahiers internationaux du tourisme, selon une périodicité bisannuelle et sur la base de normes rigoureuses, nous voulons montrer que la professionnalisation des formations, à laquelle nous tenons beaucoup, demeure compatible avec une réflexion
c CirVath - Les Cahiers Internationaux du Tourisme N°1
-1-
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 2
sur nos métiers et les disciplines qui les préparent. Nous avons déjà la chance, comme nos collègues de l’université engagés dans la même voie que nous, d’offrir des emplois à nos étudiants et d’espérer, pour eux, d’excellentes carrières, mais nous ne serons pleinement satisfaits que si leurs niveaux, nourris par des recherches souvent appliquées mais aussi fondamentales, deviennent reconnus par tous. C’est le but du CirVath et de ces Cahiers Internationaux du Tourisme. C’est un objectif ambitieux mais réaliste, dès lors que nous aspirons à former des managers à Bac + 5. Nous savons que le tourisme et l’hôtellerie représentent aujourd’hui la première activité mondiale, et nous désirons être à la hauteur de cette réussite. Le monde change, les formations supérieures évoluent, le savoir-faire français s’impose partout dans le monde dans notre domaine, et nous sommes fiers de répondre à ces enjeux. Cependant, nous savons également que nous voulons innover et surprendre. Nous savons que les enseignements techniques doivent être améliorés et que le tourisme, en tant que phénomène de société, mérite une réflexion audacieuse. C’est pourquoi, je fais confiance à toute l’équipe du CirVath et de ces Cahiers Internationaux du Tourisme, pour relever les défis qui s’imposent à nous tous. La recherche en tourisme et en hôtellerie sera créative ou ne sera pas…
-2-
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 3
AVANT-PROPOS : UNE NOUVELLE REVUE Anne-Marie MAMONTOFF, Maître de Conférences en psychologie sociale à l’Université de Perpignan Via Domitia et Rédactrice en chef de la revue “ Les Cahiers internationaux du tourisme” Le tourisme est devenu la première activité économique mondiale et doit faire face aux mutations de la société. Plus que jamais, les entreprises hôtelières et touristiques doivent s’adapter aux évolutions profondes des environnements. La construction européenne, la mondialisation de l’économie, l’essor des technologies de l’informatique et de la communication, l’évolution des formes et des temps de travail, le développement des sociétés du temps libre et des loisirs sont autant de variables qui bouleversent les manières de vivre et de penser. Ces transformations ont une incidence capitale sur les entreprises et les activités liées au tourisme. Pour ces raisons, le tourisme mérite d’être placé au centre de recherches pluridisciplinaires permettant des regards croisés et des approches comparées. Il doit être soumis à l’analyse des processus de transformations sociales et à leurs répercussions dans un secteur particulièrement confronté à la compétitivité et à la modernisation. Cette optique pluridisciplinaire et/ou interdisciplinaire témoigne donc de la complexité du phénomène étudié. c CirVath - Les Cahiers Internationaux du Tourisme N°1
-3-
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 4
Or, depuis de nombreuses années, on constate la carence, en France, de revues de niveau international dans ce domaine. Notre objectif est de construire une revue scientifique marquée par le pluralisme des approches, dans laquelle le terrain devient prioritaire. En effet, la diversité des terrains permet des comparaisons, qui incitent à de nouvelles clés d’interprétation. Cette revue est alors conçue comme un instrument de travail et de réflexion, qui donne la liberté d’utiliser des schémas théoriques propres à certaines disciplines et des approches méthodologiques différentes. Elle permet également des analyses globales non cloisonnées par les chapelles disciplinaires. Ceci dans la perspective d’établir un lien entre chercheurs et praticiens, entre analyse et intervention. Cette ouverture pluraliste aux divers apports a le souci d’une véritable recherche appliquée. Dans cet objectif, les articles de la revue sont rédigés par des personnalités appartenant à plusieurs univers professionnels, à des cadres et des dirigeants d’entreprises, à des chercheurs universitaires, à des hauts fonctionnaires, rendant compte de leur expérience et de leur perception de l’évolution du monde économique et social. La création de cette revue aujourd’hui, son développement à l’avenir, sont rendus possibles grâce à l’association de deux institutions différentes : Vatel (Ecole Supérieure de Commerce et Gestion dédiée au secteur de l’Hôtellerie et du Tourisme) à travers le CirVath (Centre International de Recherche Vatel en Tourisme et en Hôtellerie), et la Faculté “Sport, Tourisme, Hôtellerie Internationale” de l’Université de Perpignan Via Domitia. Nous remercions Alain Sebban,
-4-
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 5
fondateur de cette association d’appui à la recherche, qui apporte son soutien financier à la revue, et Jean-Michel Hoerner, Doyen de la Faculté, Professeur de géopolitique et auteur de nombreux ouvrages sur le tourisme. Nous souhaitons que cette revue soit un espace de discussion, un support privilégié pour les praticiens et les chercheurs. Elle doit permettre l’élargissement et la diffusion des travaux, tout en les soumettant à des critères de sélection académiques, qui soient en conformité avec les règles de production scientifique internationale. Ce premier numéro s’inscrit dans la diversité, par l’approche de professionnels et d’universitaires, et par la pluralité des disciplines et des thématiques abordées.
-5-
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
-6-
02/07/07
16:50
Page 6
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 7
SOMMAIRE Préface, Alain Sebban
1
Avant-propos, Anne-Marie Mamontoff
3
L’importance de la recherche dans les programmes des Instituts Vatel”, Henri Magne
9
Emploi- formation-emploi, Alain Raluy
19
Le colonisme des classes moyennes, Jean-Michel Hoerner
39
Enjeux et limites des destinations “E-attraction” Laurent Botti, Andrès Guzman Sala, Nicolas Peypoch et Bernardin Solonandrasana
61
La démarche expérientielle en hôtellerie, une innovation, Saida Mérasli
77
Les découvreurs du tourisme, aux sources de la réflexion scientifique, Catherine Sicart
109
Créer avec succès son entreprise dans le domaine de l’hôtellerie et du tourisme : une stratégie en huit étapes, Christine Pagnon-Maudet
125
Note de lecture : La famille Fenouillard fait son tourisme, Une farce théâtrale de Jean-Michel Hoerner et de Laurent Prat.
139
Caractéristiques des “Cahiers internationaux du tourisme”
145
-7-
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
-8-
02/07/07
16:50
Page 8
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 9
L’IMPORTANCE DE LA RECHERCHE DANS LES PROGRAMMES DE VATEL Henri MAGNE, Secrétaire Général du CirVath et Directeur international du Groupe Vatel Quelle différence peut-il y avoir entre une école de niveau universitaire et une université ? Certains se plaisent à dire que les institutions font double emploi. Ils ont tort. Il s’agit en fait de deux formations complémentaires et d’un intérêt comparable, qui sont proposées aux futurs diplômés : le choix d’une orientation théorique de haut niveau qui est l’apanage de l’université et l’option plus pragmatique d’une formation de niveau équivalent, avec une orientation pédagogique axée prioritairement vers les applications et l’insertion dans le monde du travail. L’enseignement supérieur de type long, prépare les futurs cadres et futurs directeurs de l’hôtellerie et du tourisme à affronter concrètement une réalité économique de plus en plus dure et exigeante, sans pour autant négliger l’acquisition de bases théoriques solides indispensables à la compréhension de la complexité de l’environnement compétitif qui est progressivement devenu le nôtre. Dans ce contexte d’exigences multiples, la recherche appliquée s’avère indispensable. Certains problèmes sont trop ancrés dans le concret pour tenter à
c CirVath - Les Cahiers Internationaux du Tourisme N°1
-9-
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 10
priori les chercheurs universitaires, or ils se posent quotidiennement à nos concitoyens et nous trouvons dans la résolution de problèmes de ce type, une gamme étendue de sujets de recherche. En créant le Centre international de recherche Vatel en tourisme et hôtellerie – CirVath – le groupe Vatel a voulu se doter d’un outil performant visant à développer une recherche fondamentale et appliquée dans le domaine du tourisme et de l’hôtellerie. Prenant conscience que l’industrie du tourisme est un modèle à réinventer, que son modèle de gestion est inopérant et que le secteur a besoin à la fois d’un changement de culture et d’un mode d’exercice de son activité, le CirVath se propose donc d’être un pôle de réflexions et d’analyses touristiques qui contribue à redéfinir la culture du tourisme, à refonder l’industrie touristique et à requalifier les métiers et les emplois. En favorisant la recherche au sein du groupe Vatel : - Le CirVath favorise le développement professionnel du corps enseignant par l’élargissement des connaissances et des compétences, par une meilleure imbrication entre théorie et pratique et par la création d’une nouvelle identité professionnelle. - Il crée une dynamique nouvelle au sein du groupe : de nouvelles formes de contact, des échanges plus nombreux entre professeurs et chercheurs favorisent l’esprit d’équipe, motivent et apportent un esprit nouveau. - Il permet d’améliorer l’enseignement : à des questions issues de la pratique sont apportées
- 10 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 11
des réponses, des solutions, des évaluations, des méthodes, une compréhension théorique nouvelle qui retourne dans la pratique. - Le CirVath, enfin, met le groupe Vatel en contact avec d’autres institutions de formation ou de recherche, françaises et étrangères, favorisant ainsi l’interdisciplinarité, voire même l’internationalité. En se profilant comme centre de compétences, le groupe Vatel devient l’un des partenaires privilégiés de l’Université de Perpignan Via Domitia, mais aussi celui d’autres écoles et institutions spécialisées dans le monde. En outre, chacun reconnaît que l’on assiste de nos jours à la mutation profonde de l’enseignement supérieur concomitamment à l’évolution rapide et spectaculaire des métiers du tourisme et de l’hôtellerie. En signant en juin 1999 les fameux Accords de Bologne, les ministres européens de l’enseignement supérieur l’avaient bien compris et ils ont donc décidé de : - Mettre en place, en Europe, une harmonisation de l’enseignement supérieur visant à augmenter l’attractivité des études grâce à un système comparable fondé sur trois cycles d’études finalisés par un diplôme. - Faciliter la mobilité des étudiants et des chercheurs grâce à un système de transfert et d’accumulation de crédits qui permet des ajustements et des emprunts non disciplinaires. - Reconnaître les qualifications académiques grâce à un système de diplômes lisibles et comparables que l’on désigne communément L.M.D.
- 11 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 12
À l’échelle de la planète, l’enseignement supérieur européen est aujourd’hui en concurrence avec les autres modèles existants comme le modèle anglosaxon ou modèle asiatique, par exemple. Le tourisme occupe chaque jour une place prépondérante dans l’économie mondiale. Il ne connaît ni frontières ni cultures ni religions mais il est, en quelque sorte, une synthèse de toutes les attentes, de tous les désirs, de toutes les techniques. Si les emplois sont globalement en forte croissance, les métiers changent et se complexifient. Les nouvelles technologies de l’information s’imposent, la consommation touristique se modifie à travers les courts séjours, les voyages lointains et plus fréquents, les attentes des consommateurs évoluent vers des niveaux de forte exigence, la concurrence mondiale, enfin, devient impitoyable. Face à ce constat, le milieu enseignant ressent fortement la nécessité d’actualiser en permanence ses enseignements en imaginant et en concevant de nouveaux cours, de nouveaux programmes. Transmettre les connaissances acquises par d’autres ne le satisfait plus complètement car, pour être crédible et convainquant auprès de ses étudiants il a besoin aujourd’hui, de transmettre le résultat de ses propres recherches ou de celles auxquelles il a contribué. Il veut donc pouvoir trier l’information, la confronter avec d’autres et en dégager son utilité pour le milieu professionnel dans lequel les étudiants se destinent à évoluer. L’ultime étape consisterait donc à amener l’étudiant à faire ses propres recherches en équilibrant dans le cadre des cursus, les mémoires de recherche et les
- 12 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 13
mémoires professionnalisés et en considérant que la recherche est l’un des moyens de réinventer la réalité. L’enseignant chercheur, faut-il le rappeler, est celui qui marque et dont on se souvient toute sa vie d’adulte. Pour l’étudiant enfin, la recherche constitue une assurance “qualité” incontestable qui honore et valorise les établissements d’enseignement qui la réalisent. Elle lui permet d’aiguiser sa curiosité, développer son esprit critique, ses facultés d’analyse et son esprit de synthèse. Il peut donc, en toute sécurité, se remettre en cause, refuser l’acquis, avoir son propre jugement, innover, prévoir et se projeter dans l’avenir. Autant de compétences nouvelles qu’il devra nécessairement maîtriser pour conduire à bon port les entreprises de demain qui lui seront confiées ou qu’il aura lui-même créées. Précisons-le, l’enseignement de niveau universitaire que dispense le groupe Vatel n’a pas pour vocation de produire de purs intellectuels détachés des contingences matérielles, mais il ne peut pas non plus se contenter de diplômer des techniciens compétents prêts à se soumettre aux directives des patrons de l’industrie du tourisme et de l’hôtellerie. La spécificité de son enseignement réside bien dans la préparation des managers compétents, responsables, raisonnés et d’autant plus critiques justement qu’ils se savent responsables.
- 13 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 14
THE IMPORTANCE THAT RESEARCH PLAYS IN THE VATEL’S PROGRAMMES Henri MAGNE, CirVath’s General Secretary and Director of International Development for the Vatel Group What difference can there be between a university level school and a university? Some say that institutions are redundant. They are wrong. It is in fact it is a question of two complementary educations, and of a comparable interest, which are proposed to future graduates: the choice of a high level theoretical orientation which is a university’s prerogative and the more pragmatic option of an equivalent level education whose teaching methods are primarily orientated towards application and insertion into the workforce. Lengthy higher education prepares future hotel and tourism executives and managers to concretely face an increasingly harder and more demanding economic reality without neglecting the acquisition of solid theoretical bases essential to the comprehension of our complex and competitive environment. In this multiple requirement context, applied research is essential. Certain problems are too deeply anchored in the concrete to, at first glance, tempt university researchers, however these problems present themselves daily to our fellowcitizens and we find in the resolution of these types of problems, a wide range of research subjects. By creating the Center for Vatel’s International Research in the Tourism and Hotel industry– CirVath – the Vatel Group wanted to obtain a powerful tool aimed at developing a fundamental and applied research in the field of hotel and tourism management. In becoming - 14 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 15
aware that the tourism industry is a model to be reinvented, that its management model is ineffective and that the sector needs at once changes to its culture and exercise mode, the CirVath proposes to be a thinking and analytical pole for tourism and continues to contribute to the redefinition of tourism culture, the re-establishing of tourist industry and the re-qualification of trades and employment. By favouring research within the Vatel Group: - The CirVath favours the professional development of the teaching body by the widening of knowledge and competences, by a better overlapping of theory and practice and by the creation of a new professional identity; - It creates new dynamics within the group: new forms of contact, more exchanges between professors and researchers favour team spirit, motivate and bring new ideas; - It allows teaching improvements: questions resulting from practice find answers, solutions, evaluations, methods and a new theoretical comprehension which in turn improves practice; - Lastly, the CirVath puts the Vatel Group in contact with other educational or research institutions, both French and foreign, thus favouring interdisciplinary and even international exchanges. In becoming a center of competences, the Vatel Group has not only become one of the privileged partners of the UniversitĂŠ de Perpignan Via Domitia, but also a partner to other schools and specialized institutions throughout the world.
- 15 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 16
Moreover, everyone recognizes that today we are witnessing major changes to higher education, changes concomitant with the fast and spectacular evolution of tourism and hotel professions. By signing the famous June 1999 Bologne Accords, the European Ministries for Higher Education understood this and thus decided: - To set up, in Europe, a harmonisation of higher education aimed at increasing the attractivity of studies thanks to a comparable system founded on three cycles of studies and ending in the obtaining of a degree. - To facilitate student and researcher mobility by way of a credit transfer and credit accumulation system which allows non-disciplinary adjustments and the borrowing of ideas. - Upon the recognition of academic qualifications by way of visible and comparable degrees, commonly referred to as L.M.D On the international scale, today European higher education competes with other models existing throughout the world, such as the Anglo-Saxon and Asian models for example. Every day the world economy is dominated by tourism. Tourism knows no borders, cultures or religions but is, as it were, the summary of all expectations, desires and techniques. If overall, employment is in full growth, then the professions are changing and becoming more and more complex. New information technologies make their mark and tourist consumption changes by way of short stays, more frequent voyages to far-off destinations, more demanding consumer expectations, international competition until at last it becomes merciless.
- 16 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 17
Faced with these factors, necessity leads education to constantly update its teachings while at the same time imagining and conceiving new courses and new programs. The transmission of knowledge obtained by others no longer completely satisfies because, in order to be credible and convince students, it presently needs to pass on the result of its own research, or the research which it contributed to. It thus wants to be able to sort this information, to confront it with others and allow its utility in the professional environment, an environment in which students are destined to evolve in. Thus, the ultimate stage would consist in leading the student to conduct his or her own research at the same time as their studies and within the cursus’ framework; research and professional thesis by considering that research is one of the means of reinventing reality. It should be recalled that the teacher-researcher is the one that creates the strongest impression and by consequence, is the one that the student will remember throughout his or her adult life. Lastly, for the student research constitutes an undeniable assurance of quality which honours and valorises the educational establishments which conduct it. It enables the student to hone his or her curiosity and develop his or her critical thinking, analytical and synthesis faculties. Thus the student can, in full safety, question themselves, reject accepted facts, use his or her own judgement and innovate, anticipate and plan his or her future. In short, acquire and master as many new competences as necessary to lead and manage the companies of tomorrow which will be entrusted to him or her or which he or she will create.
- 17 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 18
To clarify, the role of Vatel Group’s university level teaching is not to produce pure intellectuals who are detached from material contingencies, however, neither can it, nor should it, be satisfied with awarding degrees to qualified technicians who are ready to follow the directives of Tourism and hotel industry managers. The specificity of Vatel’s teaching lies in the preparation of qualified, responsible and reasoning managers, managers who are all the more critical precisely because they know themselves to be responsible.
- 18 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 19
EMPLOI-FORMATION-EMPLOI Alain RALUY, Directeur du Cabinet Arthis Résumé : Les liens entre les trois phases de la vie d’un collaborateur sont intimement imbriqués et progressifs. Il faut rationaliser et donc professionnaliser les personnels ainsi que les employeurs du secteur touristique. Enfin, “les formateurs” doivent se mettre en position de vigilance, puis devenir de véritables acteurs de la fonction Recherche et Développement (R & D). Abstract : The bonds between the three phases of the life of a collaborator are closely overlapping and progressive. It is necessary to rationalize and thus professionalize the personnel as well as the employers of the tourist sector. Lastly, “the trainers” must be in position of vigilance, then to become true actors of the function Research and Development.
c CirVath - Les Cahiers Internationaux du Tourisme N°1
- 19 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 20
Lors d’un Forum AMFORHT, à Marrakech en 2002, les organisateurs m’avaient demandé de piloter un atelier portant sur la relation entre la formation et l’emploi. Le contexte de ce Forum, au tout début de la mise en œuvre par le pays hôte d’un vaste plan de développement touristique et hôtelier, rendait la question formation emploi essentielle. Comment organiser les ressources de la formation de telle sorte qu’elles puissent contribuer aux besoins du pays et accueillir les milliers de futurs professionnels ? Très vite cependant, nous nous sommes aperçus qu’il ne suffisait pas de développer des écoles, des instituts, des universités, mais qu’il fallait aussi faire se rencontrer les professionnels du secteur, les candidats potentiels et les institutions dédiées à la formation. Le fait générateur est l’emploi qui conditionne, entraîne, donne un format à la formation. Nous avons donc proposé d’inverser les termes et d’affirmer désormais que l’emploi précède la formation. Les descriptions de postes et de fonctions donnent aux “formateurs”, toute la “matière” ou les “matières” de l’enseignement, de l’éducation, de la formation. Il ne convient pas non plus d’ignorer que le tourisme n’est pas une activité qui vient de naître, ce n’est pas internet il y a quinze ans. Il y a des millions de collaborateurs dans le monde aujourd’hui qui travaillent dans les hôtels, les restaurants, les centres de loisirs, qui assurent l’interface entre le consommateur et le prestataire touristique, qui conduisent les touristes dans leur découverte, qui les transportent, animent leurs loisirs, les aident à prendre soin d’eux, les sécurisent. Les chiffres les plus récents prévoient que dans la tranche 2005 à 2020, le nombre d’emplois du tourisme va
- 20 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 21
s’accroître de façon considérable (OMT). Le perfectionnement, l’adaptation, le développement des connaissances, l’intégration des nouvelles méthodes, des nouveaux outils, des nouveaux clients (de tous les pays qui ont récemment ouverts leurs portes aux aspirants touristes out going ou in coming) sont aussi essentiels que la formation initiale. Nous avons donc bouclé notre formulation de départ par l’emploi. Nous avions donc ainsi calé le thème de travail sur lequel nous avons continué à travailler pendant 4 ans jusqu’au Forum de Prague en novembre 2006, où nous avons pu présenter nos conclusions… ou plutôt un point d’étape car la situation Emploi-Formation-Emploi reste perpétuelle, et doit en permanence mobiliser les équipes, qu’il s’agisse des entrepreneurs du tourisme, des “formateurs et enseignants” et des collaborateurs euxmêmes qui peuvent de plus en plus prendre eux-mêmes leur destin professionnel en mains. Apporter une contribution complémentaire et actualisée c’est aussi un acte d’engagement fort. Depuis près de dix ans, j’interviens régulièrement devant les étudiants de Vatel et je crois qu’il est indispensable de relier les positions des futurs professionnels avec les professionnels d’aujourd’hui. Où en sommes-nous aujourd’hui de nos réflexions et affirmations de propositions ? L’Etat des lieux du secteur CHR (Café-HôtelRestaurant) en France, d’après les dernières données disponibles (INSEE 2004) : - 195 967 entreprises - 864 693 en Equivalents Temps Plein
- 21 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 22
- Un CA de 60 milliards d’euros - 70 % des emplois de service aux particuliers - 59 % du CA correspondant aux services aux particuliers - Une progression des effectifs salariés de 3,1 % par an entre 1996 et 2004 (contre 1,6 % tous secteurs confondus Selon une enquête du FAFIH (Fonds d’assurance de l’Industrie Hôtelière), de 2002, nous disposons d’une image des principaux métiers du secteur dans les effectifs salariés :
Le client à nouveau au centre des préoccupations de tous les professionnels Cette tendance affirmée de plus en plus par la plupart des professionnels est accentuée aussi par l’accès de plus en plus aisé à un grand nombre aux technologies de l’information. Chacun, chez soi peut étudier,
- 22 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 23
comparer, se décider et acheter. Les messages sont donc “clientèle-centrés” et quittent petit à petit la seule logique des produits. Les incidences sont nombreuses sur les emplois. a) La compétition et la concurrence : - Les entreprises communiquent de plus en plus à propos de leurs équipes, de leurs personnels, de leur marge de décision (“satisfait ou remboursé” “Yes, I can”…) et tentent ainsi de prendre un avantage concurrentiel sur les seuls arguments produits ou services. - Le développement du tourisme, des destinations nouvelles, la bataille entre les destinations, les modifications des comportements d’achats conduisent les entreprises du secteur à un besoin de réactivité très important. S’adapter, adapter les structures, les effectifs, les services constituent autant d’impératifs. - Le développement aussi de la mobilité des collaborateurs qui n’hésiteront plus à quitter un emploi pour répondre aux sirènes de la concurrence. Une chasse impitoyable aux compétences est organisée par des employeurs ou des “chercheurs” d’expertises. b) Les engagements qualité, les engagements vers l’économie et la consommation durables : - Parmi les messages et les engagements pris par les entreprises, nous trouvons de plus en plus d’identification à des systèmes de références comme des certifications, des engagements sous forme de charte. Ces engagements suivent
- 23 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 24
souvent un long travail participatif avec les équipes pour définir les motus operandi ou les “promesses clients”. - L’engagement vers l’économie durable est aussi de plus en plus affirmé et recherché par le client consommateur. Il ne s’agit pas seulement d’un objectif de réductions des charges (“aidez-nous à économiser l’eau, éteignez les lumières quand vous sortez de votre chambre, placez dans la baignoire les pièces de linge que vous voulez voire changées et ainsi réduire les rejets de produits lessiviels…”), il s’agit aussi de sensibiliser les clients (et le personnel) à la défense des producteurs présentant des labels de qualité, des modes de culture. c) Fidélisation, fonds de commerce, zapping, modifications des comportements de consommation : - Afin de maintenir un niveau d’activité satisfaisant, la plupart des entreprises ont imaginé, développé, mis en œuvre des programmes de fidélisation de la clientèle. Chacun a bien compris qu’il convenait de tout faire pour s’attacher un fond de commerce. Les Compagnies aériennes ont mis en place leurs programmes de “frequent flyers”, et permettent l’attribution de billets gratuits ou à réduction. Les hôteliers et restaurateurs ont aussi souvent lancé leurs cartes de fidélité, qui permettent d’obtenir des nuits ou des repas gratuits. Les cartes de crédit ont-elles aussi développé des systèmes qui permettent de constituer des crédits cadeaux. Tous ces systèmes doivent être animés
- 24 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 25
par des collaborateurs compétents, se mettant à la disposition du consommateur, du client, du prospect. - Pendant ce temps et parce qu’il est très sollicité, le consommateur a développé une certaine forme d’infidélité à ses fournisseurs. Il est un zappeur passant d’un fournisseur à un autre. Les comparatifs de prix qu’il peut consulter sur internet développent aussi cette attitude. Le voyageur qui avait l’habitude de traverser la Manche à bord des ferries avec sa caravane ou son mobil home préfère de plus en plus utiliser les services d’une compagnie low cost, puis arrivé sur place de louer un véhicule. Il a gagné du temps et sûrement aussi engagé des dépenses inférieures. - Enfin il faut aussi bien comprendre que les clients ont modifié leurs manières d’acheter, de consommer : grignotage, multiplication des déplacements de courte durée, achat en direct depuis son ordinateur personnel, comparaisons de prix, recherche du rapport qualité prix, attrait pour l’éco tourisme. - Toutes ces modifications doivent aussi constituer une base de travail pour les entrepreneurs et leurs équipes, et développer le niveau des compétences de toutes les équipes. d) Le tourisme comme cible pour certains “destabilisateurs” : - Enfin et pour peaufiner ce tableau, il convient aussi de se rappeler que l’activité touristique constitue une cible pour bien des mouvements
- 25 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 26
qui veulent déstabiliser un pays, un gouvernement. La liste des attentats est longue, la liste des victimes est très longue. A chaque fois on a assisté à une période d’arrêt, puis de la part des autorités, à la mise en place de mesures de protection, d’encadrement. Les clients consommateurs reviennent peu à peu mais en attendant les professionnels du tourisme ont beaucoup souffert et l’emploi a été immédiatement réduit. L’OMT indique que près de 150 000 emplois ont été perdus après le 11 septembre… Quant au tsunami de 2005, il a aussi eu des effets énormes sur le tourisme en Asie. - Ces risques, qui ne peuvent être totalement réduits conduisent aussi les professionnels à devoir précariser l’emploi et à prévoir des solutions de repli, de redéploiement, et donc de gérer une économie à géométrie de plus en plus variable. Le champ des évolutions professionnelles a) Au niveau des attentes, nous avons conduit de nombreuses missions d’études et de conseils auprès des entreprises du secteur de l’hôtellerie, de la restauration, des loisirs et du tourisme. Depuis cinq ans environ nous observons des modifications essentielles : - “La pluri-compétence” devient une tendance lourde. Il ne s’agit plus de la polyvalence trop souvent considérée à juste titre comme un moyen de “remplir” un emploi du temps, mais plutôt de développer de vraies aptitudes et une
- 26 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 27
vraie maîtrise de plusieurs composantes d’une activité. La mobilisation vers le service client est très importante et il n’est plus rare de voir un collaborateur s’avancer vers le client pour lui proposer aide, assistance, vente, conseils… Avoir mieux aussi réfléchi aux équipements professionnels, avoir engagé de vraies réflexions ergonomiques, avoir mieux défini les postes de travail, les gestes et postures, tout cela conduit naturellement à d’autres emplois… (les exemples comme Ibis sont significatifs). - La composante “relationnelle” : il n’y a pas si longtemps, on conseillait aux étudiants des écoles professionnelles à rester à distance de leur client, et seuls les “cadres” disposaient de ce privilège… Aujourd’hui au contraire, chaque entrepreneur compte sur la proximité entre son collaborateur et le client pour développer une relation de confiance, faciliter l’acte commercial, tenter de fidéliser le client (les dispositions adoptées par des groupes comme Hyatt sont également très intéressantes avec leurs programmes corportate). - La composante “communication” : il s’agit là aussi de développer de manière déterminante les capacités de communication de chacun. Des séminaires nombreux animés par des acteurs donnent cette “spontanéité” nécessaire aux collaborateurs en contact avec la clientèle. La maîtrise de plusieurs langues étrangères est aussi indispensable. - La composante “technologie” : les technologies sont omniprésentes (ou peuvent l’être
- 27 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 28
aujourd’hui) et exigent de la part des personnels plus de rigueur, de précision, de contrôles, de régularité. Elles simplifient aussi une partie des activités et donnent donc plus de disponibilité à la relation clientèle. - La composante “qualité” : comme nous l’avons précisé plus haut, elle est un aspect très important de l’évolution des entreprises. Parfois considérée à tort comme un gadget, la dimension “qualité” constitue de fait un formidable moyen de fédération des équipes, un engagement de la firme vis-à-vis de son marché, une garantie pour le client. L’engagement “qualité” constitue aussi un vrai travail participatif, travail de réflexion, et touche aux méthodes de travail, à la productivité au climat général. b) Les points d’exigence économiques et les affiliations ou regroupements : - La contribution de chaque salarié ou collaborateur à la création d’un résultat doit passer par plus d’informations économiques, par plus de transparence sur les coûts, les profits, et chacun veut savoir mieux où il se situe, où il va. - Mobiliser ses collaborateurs autour des marges et plus seulement du chiffre d’affaires. Là aussi, il s’agira de développer des points de repère simples, des règles de calculs accessibles et actualisées. - Continuer à maîtriser les coûts par la recherche d’économies, par la centralisation des achats ou des moyens, par l’externalisation de certaines activités (d’administration, par exemple).
- 28 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 29
- Chercher par des regroupements ou affiliations à développer l’activité, à réduire des charges, à mutualiser des moyens. Dans certains cas le regroupement est le seul moyen de survivre (se rappeler qu’en France, le nombre d’hôtels est passé de 20 000 en 1980 à 18 100 en 2006, et que cette chute correspond principalement à la disparition de petits établissements indépendants qui n’ont plus de marché ou de candidat propriétaire… En revanche, la part de chambres est en augmentation, la capacité moyenne de chaque établissement s’adaptant aussi au marché. c) Les points d’exigence commerciaux et les affiliations ou regroupements : La répartition du parc hôtelier publiée récemment par l’INSEE et la Direction du Tourisme permet de bien poser les bases de cette nouvelle exigence.
- 29 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 30
d) Cette présentation montre plusieurs éléments structurels : - Développement de la part des chaînes intégrées, franchisées, volontaires ce qui confirme le besoin de cohésion, de réseaux de communication et de commercialisation, le besoin d’apparaître de manière plus pertinente aux yeux du marché et de porter des valeurs communes. La naissance dans un groupe comme Accor d’une nouvelle marque, qui pourra rassembler les hôtels non normés ou atypiques, est très intéressante. - La réduction progressive du parc indépendant qui ne peut lutter contre le professionnalisme des groupes. - La bonne résistance des affiliations volontaires qui, elles aussi, cherchent à développer leur professionnalisme (nous avons pu tester et apprécier il y a peu la réactivité commerciale de groupes comme Inter Hôtels, ou Logis de France). - Le développement par les sites internet de la présence et réactivité des professionnels qui animent de plus en plus leurs bases de données, les informations et ont appris à maîtriser le Yield Management et le revenu management. - Ces tendances ont d’évidentes contributions sur les exigences des emplois que nous avions identifiées dès le début de notre travail d’études (maitrise des technologies, maîtrise de la relation clientèle, réactivité, négociation commerciale permanente).
- 30 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 31
e) Les points d’exigence sociaux et les modes de rémunération, l’attractivité et le recrutement : - Les métiers de l’hôtellerie, de la restauration et du tourisme ont pendant longtemps souffert d’une image de marque difficile (conditions de travail, horaires, rémunération, stress client…). Cette époque semble révolue en grande partie. - La signature en France en février dernier d’un accord national entre les représentants de la profession et les principaux syndicats représentants les personnels donne bien clairement un signal fort. Les caractéristiques d’exploitation des établissements sont clairement identifiées et permettent la mise en œuvre de modèles d’organisation qui privilégient la modulation du temps de travail en fonction de l’activité, voire même l’annualisation du temps de travail. - Le temps de travail est défini, sa mesure imposée, son paiement clairement défini. - Dans cet accord, de nombreuses précisions sont apportées aussi pour tous les emplois à temps partiel, les emplois saisonniers et les extras, toutes variables d’ajustements des effectifs aux besoins de fonctionnement. - La dimension formation est clairement reconnue et le développement de la formation réaffirmé comme un besoin essentiel de la profession. - Les modes de rémunération sont aussi en pleine évolution et chacun peut en fonction de l’entreprise définir des méthodes, des clés, des systèmes qui associent les collaborateurs à la “bonne” marche de l’entreprise. Nous sommes
- 31 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 32
quand même assez loin encore d’une stratégie claire que l’on pourrait traduire selon trois méthodes différentes : 1) rémunération basée sur l’emploi ; coût fixe, salaire de base, retraite = valeur de l’emploi dans l’entreprise 2) rémunération basée sur la performance : bonus, “stock options” = contribution individuelle 3) rémunération sur l’environnement : opportunités = engagement employeur collaborateur. - Considérés souvent comme des activités d’insertion, les métiers de l’hôtellerie et du tourisme voient chaque année arriver de très nombreux jeunes qui et à juste titre peuvent trouver rapidement une activité d’appoint (job d’étudiant) ou d’insertion dans une ville ou une région. Faut-il continuer à vouloir fidéliser ses collaborateurs ? Une étude de Watson Wyatt (ce cabinet spécialisé dans les domaines de la rémunération a mené une étude en 2004, au terme de laquelle on a pu noter que 30 % des salariés européens envisagent de quitter leur employeur dans les 12 prochains mois : Allemagne 16 %, Pays Bas 20 %, Belgique 27 %, Suisse 29, Portugal 38 %, Italie 40 %, Royaume Uni 40 %, France 41 %, Espagne 44 %, Irlande 45 % et Suède 49 % !) Par conséquent, le positionnement vis-à-vis du monde de l’éducation et la formation continue. Après une longue période de cohabitation, les entrepreneurs et les enseignants ont compris enfin qu’ils devaient collaborer.
- 32 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 33
Le champ de l’éducation a) L’offre de formation présente les tendances suivantes : - L’élévation générale des niveaux de formation devrait permettre au secteur professionnel de disposer des mêmes niveaux de formation que n’importe quel autre secteur. La mise en place du LMD (dont Licence-Master) procède de cette démarche d’harmonisation. - La difficulté de recrutement de jeunes étudiants ou scolaires rend une partie des dispositifs de formation initiale inopérants, alors que le niveau d’exigence des postes progresse. - Les études sur l’emploi devraient permettre de mieux faire coïncider l’offre de formation (anciennetés, départs en retraite, turnover…). Un rapprochement entre entreprises, écoles et institutions devrait faciliter cette démarche. b) La compétition internationale : Il existe indéniablement une compétition entre les institutions, les écoles, les pays et des structures associatives internationales qui apportent une meilleure visibilité aux compétences de chacun. Au-delà, la réflexion et les colloques qui les réunissent, permettent aussi d’améliorer progressivement la relation EmploiFormation-Emploi. c) La formation professionnelle continue (FPC) : Elle est à notre connaissance en pleine évolution. La FPC s’appuie désormais de plus en plus sur la gestion par les compétences, en considérant que les aspects métiers sont maîtrisés et simplifiés.
- 33 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 34
- La coopération entre entreprises, universités, écoles, institutions, permet aussi de développer une plus grande pertinence des apports (nourris par les concepts et les approches théoriques, et mise au service des opérations et de leurs clients). - Les catalogues de formation sont en pleine évolution eux aussi et développent des accès à la formation à distance, à l’auto-formation, et à la progression individualisée, qui peuvent constituer des réponses intelligentes aux besoins des acteurs du secteur. d) Le positionnement vis-à-vis du monde professionnel : - La profession, nous l’avons dit, a pris depuis longtemps conscience de l’impérieuse nécessité de la formation, formation initiale calée sur les emplois d’aujourd’hui, formation continue destinée à mettre le personnel en permanence au niveau des exigences des postes et du maintien de l’emploi. - Les initiatives sont nombreuses et les groupes de travail se multiplient. Peut-être faut-il encore convaincre certains employeurs de cette nécessité. Le champ des collaborateurs a) L’attractivité des activités touristiques et l’image de ce secteur : Lors du colloque de l’AMFORHT à Prague, j’avais insisté sur le fait que certains emplois séduisent les étudiants (évènementiel, développement commercial, Yield Management, contrôles financiers et gestion…) - 34 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 35
mais nous savons tous qu’une armée “mexicaine” ne peut vraiment faire face à l’adversité et à la concurrence. Les postes de back office mobilisent aussi celles et ceux qui redoutent le contact client ou pensent à gérer aussi leur temps personnel. Nous savons bien que ce sont plutôt ces activités qui seront les premières externalisées, et que l’entrepreneur souhaitera d’abord développer son activité et réduire ses charges de structures. Une grande partie de l’encadrement des entreprises du secteur est composée de professionnels qui ont “grandi” dans ce secteur et qui, souvent, y ont été promus à des fonctions de responsabilité, d’encadrement d’équipes. On avait reconnu leur expérience au niveau N – 1. Est-ce suffisant pour devenir et rester un cadre ou un agent de maitrise chargé d’animer une équipe ? C’est sur cette population, que repose en grande partie la réussite des entreprises du secteur. Mais ont-ils les compétences nécessaires, sont ils assez disponibles aux autres ou bien cumulent-ils aussi des activités équivalentes à celles de leurs subordonnés ? L’encadrement souffre souvent d’un manque de reconnaissance mais aussi d’un manque évident de savoir faire managérial. b) La relation entre formation et emploi telle qu’elle est perçue : Nous avons exposé plus avant la structure des entreprises CHR en France. Si l’on observe l’effectif moyen en restauration on pourra constater que nous sommes principalement dans la TPE (très petite entreprise). - Pour les 152 273 entreprises qui constituent le secteur (source INSEE enquête annuelle 2004)
- 35 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 36
l’effectif moyen en restauration commerciale est de 3,5 - Pour les restaurants traditionnels, il est de 4,3 - Pour la restauration rapide, il est de 4 - Pour les cafés-tabacs, il est de 2,1 - Pour les débits de boissons, il est de 1,6 - Pour les hôtels, il est aujourd’hui de 8,4 (chiffre qui bien sûr confond de grandes disparités, mais les établissements français les plus importants ne dépassent jamais 1 000 Equivalents Temps Plein) Il existe de fait deux niveaux d’entreprise, les grandes ou celles qui sont organisées en réseaux (intégrés, franchisés ou volontaires) qui peuvent disposer de structures, de références formation par des programmes corporate, et les PME ou TPE qui en peuvent accéder qu’à des formations inter-entreprises à la programmation proposée par des centres de formation mais qui ne correspondent pas forcément à la simple disponibilité des aspirants formés. La formation proposée aux chefs d’entreprise n’est pas non plus toujours accessible et correspond souvent à des coûts qui ne peuvent être supportés par l’entreprise elle-même. Des initiatives menées par des organismes paritaires tentent de combler ces lacunes mais avec difficulté (trouver des participants en nombre suffisant et de niveaux cohérents pour le moins) Trop souvent enfin les formations sont perçues comme décalées ou déconnectées quelques soient les efforts d’adaptation.
- 36 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 37
Conclusion : Emploi-Formation-Emploi pour un prochain quinquennat 2007-2012 (Sans aucune référence à un quelconque calendrier présidentiel…) La Stratégie de l’Entreprise doit disposer d’un volet spécifique Stratégie du capital Humain : - Maîtriser les conditions de travail. - Développer une qualité de vie professionnelle. - Maîtriser l’organisation et la planification du travail. - Maîtriser la gestion du temps. - Mettre en œuvre une vraie communication, des méthodes de coordination et de concertation. - Développer la formation intégrée ou la formation emploi-compétences (donner une place à la formation à distance, à l’E@ learning, développer les formations manageriales, la formation des tuteurs, des formateurs internes, faire du stage un vrai moyen de formation et de progression. - Mettre en œuvre ces stratégies et les auditer de temps en temps. La Stratégie des Institutions de Formation : - Veiller à ce que les flux de sortie des Institutions correspondent aux besoins prévisionnels du secteur et cela par niveau en particulier pour l’enseignement supérieur. - Ne plus abandonner les formations de bases. - Internationaliser les formations, les référentiels. - Multiplier les spécialisations en fonction des modifications des emplois et des compétences. - Perfectionner les enseignants, actualiser et faire
- 37 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 38
actualiser leurs connaissances, les placer en entreprises. - Développer la formation continue à l’intérieur des entreprises. - Rendre lisibles les diplômes pour les étudiants, leurs parents et leurs futurs employeurs. - Développer une fonction R & D. Les pistes de progrès pour boucler harmonieusement le cercle Emploi-Formation-Emploi : - Des partenariats Entreprises-Institutions de formation Gagnant-Gagnant. - Des partenariats Etudiants-Institutions de formation Gagnant-Gagnant. - Responsabiliser les entrepreneurs à leurs responsabilités formation et management. - Développer le Droit et le Devoir à la formation des collaborateurs en place. - Mutualiser les moyens de la formation pour éviter le clivage entre grandes et petites entreprises. Se souvenir enfin des quelques citations suivantes : - “Les deux choses qui n’apparaissent pas au bilan d’une entreprise sont sa réputation et ses hommes” (Henri Ford). - “Former les hommes ce n’est pas remplir un vase mais c’est allumer le feu” (Aristophane). - “Ce n’est pas en perfectionnant la bougie que l’on a découvert l’électricité” (Anonyme).
- 38 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 39
LE “COLONISME” DES CLASSES MOYENNES Jean-Michel HOERNER, Professeur de géopolitique et de tourisme, Doyen de la Faculté “Sport, Tourisme, Hôtellerie Internationale” de l’Université de Perpignan Via Domitia Résumé : Les classes moyennes du Nord, incapables d’intégrer les immigrés chez elles, sont de plus en nombreuses à pratiquer le tourisme international au Sud. Or, en raison de nombreux problèmes interculturels et sociaux, ce mouvement Nord-Sud pourrait s’appeler le colonisme. En tout état de cause, l’homo festivus des classes moyennes, qui dominent la mondialisation économique sans la contrôler, symbolise le rôle majeur du tourisme international dans le monde, comme s’il s’agissait d’un phénomène de société. À ce titre, il devrait participer au développement économique et social du Sud, et ne pas creuser un nouveau fossé entre les nantis du Nord et les pauvres du Sud. Abstract: The middle class of North, incompetents to integrate the immigrants in their place, is moreover into many to practise international tourism in the South. But, because of many problems interculturels
c CirVath - Les Cahiers Internationaux du Tourisme N°1
- 39 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 40
and social, this North-South movement could be called the colonism. In any event, the homo festivus of the middle class, which dominates world globalization without controlling it, symbolizes the major role of international tourism in the world, as if it were about a social phenomenon. For this reason, it should take part in the economic and social development of the South, and not dig a new gap between the rich of North and the poor of South.
- 40 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 41
Lorsqu’on publie des livres1, ses articles s’en inspirent forcément. Or, parmi les nombreuses questions que l’étude du tourisme m’inspire, il y a l’invasion croissante des touristes du Nord dans le Sud émergent. Elle correspond à une double préoccupation. Celle, tout d’abord, entre mon ancienne spécialité, le sousdéveloppement et le tiers monde, et la recherche touristique qui accapare désormais beaucoup de mon temps. Celle, ensuite, entre le tourisme et les classes moyennes, que je situe désormais presque systématiquement au centre de tous mes ouvrages. La problématique est presque trop simpliste : 200 millions de touristes du Nord aujourd’hui, 500 probablement dans moins de quinze ans, séjournent et séjourneront dans les pays plus pauvres du Sud. Il en résulte une sorte d’affrontement qui situe le tourisme international au centre du questionnement de la géopolitique. Cette confrontation s’explique déjà par celle qui oppose les deux mondes qui survivent à la fin du bloc socialiste et le début de la mondialisation (années 198991). Elle implique l’abandon du concept de tiers monde et la résurgence de l’opposition Nord-Sud. Lorsque dans les années soixante-dix, le Président Valéry Giscard d’Estaing l’avait proposée, beaucoup la jugeaient très mièvre. Pourtant, elle devient de plus en plus cohérente. D’un côté, le Nord est riche et le symbole géographique, à quelques exceptions près (exemples antagonistes de l’Australie et de l’Europe de l’est), demeure juste. De l’autre, hormis ses États les plus émergents (l’Inde, le Brésil, et la Chine quoique déjà au Nord), le Sud est globalement pauvre malgré ses inégalités de développement. Plus rural, avec de fortes proportions - 41 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 42
d’analphabètes et le poids des traditions, les populations du Sud vivraient, selon Fernand Braudel, dans “d’innombrables puits hors du temps du monde”2. Ensuite, la confrontation entre les dizaines de millions de touristes du Nord appelés par les sirènes exotiques du Sud, et les millions de migrants du Sud désireux de s’intégrer à la prospérité du Nord, confirme le rôle des classes moyennes. En effet, dans leurs pérégrinations touristiques Nord-Sud, elles se comporteraient aussi mal que lorsqu’elles isolent les migrants Sud-Nord dans leurs ghettos urbains. Elles partagent souvent le même espace économique et social. Chez elles, il s’agit d’un rejet social de classe. Au Sud, il pourrait s’agir d’une forme de néocolonialisme, nourri par l’installation permanente de touristes-colons du Nord au sein de quelques pays du Sud. Toutefois, peut-on utiliser le terme de néocolonialisme, qui signifie la poursuite de la mainmise économique des colonisateurs sur leurs anciennes colonies lato sensu ? Je propose qu’on lui substitue le faux néologisme de colonisme3. La question des classes moyennes, qui ne définiraient plus un avenir sombre4, est donc au cœur de la réflexion, dans la mesure où elles sont à l’origine du tourisme de masse dans lesdits pays du Sud. C’est le troisième sommet du triangle, avec les migrations du tourisme et du travail. Certes, la nature des populations, leur genre de vie, leurs motivations bien sûr et souvent les moyens de transport utilisés, sont différents, mais les unes et les autres créent le même malaise interculturel, suscitent les mêmes déficiences d’intégration. En outre, les touristes internationaux concernés s’inscrivent dans
- 42 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 43
un mouvement circulaire, suggéré par le préfixe “tour” de tourisme : on part à l’étranger mais on revient toujours chez soi. Ce phénomène, qui ne se limite plus aux quelques voyageurs élitistes d’autrefois, pourrait créer un cataclysme à l’échelle planétaire. Les raisons sont simples. Les touristes internationaux des classes moyennes, dans leur grégarité, ont le comportement de colonies de vacances qui vont à l’étranger comme dans un lieu de loisir tout exprès organisé pour eux, d’où le colonisme. Les populations visitées du Sud estiment qu’elles doivent se mettre au service d’étrangers seulement privilégiés par leur origine, et subissent donc leurs caprices, sinon leur arrogance, sans avoir le sentiment d’en tirer un réel profit : c’est encore ce qui justifie le terme de colonisme. La géopolitique des touristes internationaux Dès la première page de son livre, Yves Lacoste laisse entendre que “l’attaque du 11 septembre 2001 est perçue par les Américains comme l’équivalent du raid des Japonais sur Pearl Harbor en 1941”5 et que, pour cette raison, elle devient sans doute le fondement de la géopolitique du 21e siècle. Or on peut lui adjoindre le commentaire du philosophe allemand, Peter Sloterdijk : “Soudain, l’irruption du voisin devient l’évènement le plus traumatisant pour les Américains (car) l’ennemi arrive sous le masque du visiteur. Le voisin hostile apparaît comme touriste, et le touriste devient une figure du mal. À partir de là, il faut repenser tous les concepts européens du passage entre l’état naturel et l’état civilisé, (c’est-à-dire) le remplacement de la guerre”6. Ces deux thèses, curieusement, apparaissent complémentaires, et
- 43 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 44
donnent un autre sens au tourisme international. Certes, les terroristes intégristes, qui ont commis l’attentat, sont des touristes particuliers mais les symboles demeurent. Ils se sont bien fait passer pour des touristes et ont utilisé des avions des lignes régulières pour commettre leur forfait. Mais, curieusement, ils auraient pu également faire partie du vaste flux migratoire Sud-Nord. Cette concomitance, qui n’est peut-être pas fortuite, me fait penser à un morceau d’anthologie d’Alfred Jarry, le père d’Ubu. Après avoir comparé “la mobilisation des touristes”, à “une force navale, (qui) couvre les flots d’une substance dont la formule est tenue encore secrète par le ministre de la Marine”, il ajoute avec humour qu’on ne prononcerait pas le terme de “touristes (…) dans l’intention évidente de dérober l’importance de cette manœuvre aux puissances étrangères, même alliées”7. On comprendra qu’on s’intéresse ici seulement au tourisme international et à ses quelque 800 millions d’arrivées chaque année, ce qui ne signifie pas autant de touristes, bien sûr, car chacun d’eux peut séjourner plusieurs fois à l’étranger. Pour autant, la qualité d’étranger des touristes n’est peut-être pas usurpée, malgré l’importance du domestic tourism interne aux pays. Dans un ouvrage déjà ancien8, René Duchet fait ainsi remarquer, qu’en Suisse alémanique, Ausländerverkehr (littéralement, “l’industrie des étrangers”), est le terme utilisé pour qualifier le tourisme. Dans ce même état d’esprit, on doit se souvenir que les États totalitaires socialistes, tels que l’URSS, ne favorisaient pas la venue de touristes étrangers et,
- 44 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 45
qu’auparavant, Mussolini disait que “nous ne sommes pas un pays pour voyage de noces”. Tous ces avertissements, qui ne pouvaient tout de même pas empêcher les attentats de 2001, montrent que les touristes internationaux, malgré leurs motivations pacifiques, peuvent créer du désordre. Celui qu’on perçoit n’est pas tragique mais il demeure très inquiétant. On a ainsi du mal à imaginer l’intrusion de millions de touristes étrangers dans le Sud, sans qu’il y ait des incidences dans la vie quotidienne des populations visitées et sur leur économie en construction. Une multitude d’images viennent en mémoire : celles d’habitants pauvres qui côtoient des touristes aisés ou seulement affichant leur supériorité, celles de la prostitution et parfois de la pédophilie des plus pauvres profitant d’un marché lucratif, et la honte qui en résulte, la détérioration des emplois traditionnels et les fréquentes déconvenues de travailleurs espérant en vain bénéficier de la manne touristique, les conséquences inflationnistes du marché de l’immobilier aux dépens des classes moyennes locales en voie d’émergence, les effets d’une inflation importée dans le registre des produits de consommation, le sentiment enfin que les pays visités vendent leur âme en même temps que leur peuple. Ce qui serait très répréhensible, c’est la propension des populations du Sud à s’adapter au phénomène touristique, voire à l’intégrer dans leur quotidien. À Tuléar, par exemple, dans le sud de Madagascar, des parents poussent leurs filles pubères à se prostituer car cela serait conforme au mariage à l’essai pratiqué encore dans certains villages… On peut rappeler également ces
- 45 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 46
nombreux touristes occidentaux, qui se font faire des prothèses mammaires, des liftings complets ou des implants dentaires, au Maghreb et ailleurs. Les médecins et les dentistes du Sud ne devraient-ils pas plutôt se préoccuper des populations locales évidemment mal soignées ? Pour résumer ce qu’il a de plus pernicieux dans ce type de tourisme international, je citerai la petite phrase de Mimoun Hillali qui, en bon observateur du Maroc où il réside, n’hésite pas à prétendre que “le tourisme risque d’être assimilé à un mouvement néocolonial”9. A posteriori, peut-être aurait-il parlé, lui aussi, d’un mouvement coloniste… La vague de fond du tourisme international Les voyageurs d’autrefois étaient peu nombreux alors que les touristes d’aujourd’hui sont innombrables. Le tourisme international s’est développé avec la mondialisation, qu’on fait donc remonter à “l’effondrement des blocs (et à) la chute des murs”10, en 1990, selon Paul Claval. Cependant, alors que ce géographe mentionne même la théorie de la fin de l’Histoire et Francis Fukuyama, jamais il ne suggère l’accroissement des entrées touristiques dans une grande quantité de pays du Sud, soit plus de 150 millions en 1995, 50 fois plus que le nombre d’arrivées de migrants qui, cette année là, sont allés du Sud au Nord. L’ouverture des frontières, la libre circulation des capitaux, la dérégulation aérienne et l’attractivité de destinations de plus en plus lointaines, expliquent cette évolution synthétisée dans le tableau suivant :
- 46 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 47
Tableau 1 : Entrées touristiques internationales par zones (source : Maison de la France, OMT11 et Jean-Michel Hoerner, Op. cit.) Ces données sont peut-être sujettes à caution mais expriment de réelles tendances. La formidable croissance entre 1970 et 1995 favorise les ex-pays de l’Est, tels que la Hongrie, la Pologne, l’Ukraine, la Tchéquie et même la Russie, mais surtout l’ensemble du Sud. Pour ce qui le concerne et sans tenir compte des Amériques, on constate ainsi une croissance annuelle de 39% de 1970 à 1995 et de 7% de 1995 à 2003. La prospective de 2010, pour l’Asie du Sud et surtout le Moyen-Orient (Turquie, Egypte et pays du Golfe), qui a été formulée à la fin des années quatre-vingt-dix, ne tient pas compte de l’expansion actuelle dans cette dernière zone, malgré l’état de guerre, d’où une donnée prévue à la baisse non justifiée : ne devrait-on pas compter 88 millions d’entrées en 2020, selon l’OMT ?12 D’ailleurs, les projections de 2020 pour le Sud laissent pantois. L’Asie de l’Est, le Pacifique, l’Amérique Latine, l’Afrique, le
- 47 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 48
Moyen-Orient et l’Asie du Sud, connaîtront une croissance annuelle de 6 à 7%, et recevront une arrivée sur 2 pour un total dépassant les 760 millions d’entrées ! Les pays traditionnels du Nord, auxquels on pourrait adjoindre la Chine, resteront bien sûr les principaux foyers émetteurs, mais l’ensemble conforterait l’ampleur du colonisme… Les classes moyennes occidentales vont donc déferler en plus grand nombre vers le Sud, probablement sans qu’on fixe des seuils de fréquentation à l’instar des Seychelles. Autrement dit, puisque toutes les conséquences fâcheuses déjà évoquées ne risquent pas de disparaître, voire de s’amplifier encore, y aura-t-il une compensation au colonisme pour le Sud ? Le pari engagé est considérable et demeure très incertain, ce qui me conduit à utiliser les quatre projections géopolitiques formulées par la CIA13 (National Intelligence Concil américain). D’emblée, on éliminera la dernière, “le cycle de la peur” car, si “la mondialisation risque d’être la vraie victime”, le tourisme international ne vaudra guère mieux. Cependant, un tel chaos est toujours possible… Selon la première hypothèse du “Monde selon Davos”, la plus favorable, l’Afrique et l’Asie seraient plus avantagées que le Moyen-Orient, et le tourisme pourrait faire réellement partie des facteurs de développement. Dans l’hypothèse de la “Pax americana”, les Américains sont pessimistes et imaginent la montée des communautarismes (un islam plus dur), une immigration déstabilisatrice au Nord et, malgré une certaine prospérité économique, l’arrêt de la démocratisation. Pour le tourisme international du Sud, ce serait donc la poursuite du processus actuel, avec une certaine
- 48 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 49
aggravation. Enfin, dans l’hypothèse plus aléatoire d’un “nouveau califat” inspiré par Al-Qaida, on assisterait à “la transmutation du terrorisme international”, doublée d’une “insécurité omniprésente”. Le tourisme du Sud se limiterait alors à l’Amérique latine et aux lointaines contrées d’Asie. Cependant, il est probable que toutes ces hypothèses, qui sont déjà visibles aujourd’hui sans acuité particulière, aillent de pair. Il est même vraisemblable que, malgré toutes les menaces, le Sud accueille, comme on l’a dit plus haut, de plus en plus de touristes internationaux. Or, même si le Nord en tire le plus grand profit, on créera des richesses et des emplois supplémentaires au Sud, bien qu’on ne puisse éviter les tensions sociales, sinon le pire au sein de l’oumma des peuples musulmans, c’est-à-dire l’extension des attentats terroristes. Certes, les métiers du tourisme et de l’hôtellerie seront mieux valorisés mais, pour conserver ses avantages comparatifs, le Sud risque de ne pas connaître un développement spectaculaire grâce à ses activités touristiques. Son éventuelle embellie résultera de la poursuite du tourisme de masse, de plus en plus conséquent, et ne dépendra que du comportement des classes moyennes du Nord. Autrement dit, le colonisme évoqué, plus patelin que le colonialisme ou que le néocolonialisme, ne fera que de banaliser les hiérarchies touristiques. Il pourrait même concrétiser un peu plus “le choc des civilisations” que promet Samuel P. Huntington, même si cet auteur américain se range de manière polémique dans le camp de la culture chrétienne14.
- 49 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 50
Les fondements du tourisme de masse Philippe Muray n’a sans doute pas tort de prétendre que “le nihilisme touristique ne veut pas la connaissance, (mais) l’instauration d’un nouveau paradis morbide à travers lequel (le touriste) puisse se déplacer en toute impunité”15. L’homo festivus qu’il imagine serat-il le vainqueur du Sud, comme il tend à ériger au Nord une société fondée sur l’uniformité et une gestion capitaliste, où les managers qu’il diligente éliminent le patronat après avoir beaucoup réduit la classe ouvrière ? L’enjeu est de taille. On a beau prévoir l’émergence de nouvelles puissances, telles que la Russie, la Chine, l’Inde ou le Brésil, les anciens pays riches ne s’effaceront pas aussi vite. Devant la montée des identités communautaristes et le risque d’un déclin, ils composeront alors avec leurs classes moyennes qui, de manière paradoxale, forment un mélange d’individualisme, de désacralisation et de mouvements collectifs de type populiste. Or ce sont elles qui portent le tourisme de masse, car il fait intrinsèquement partie de leur genre de vie. Comme le note encore Muray, “les touristes composent l’armée de métier chargée de faire régner par tous les moyens la nouvelle morale transfrontalière d’une post-humanité qui a chassé tout violence d’elle-même, au profit de la violence sans fin de sa propre vision du monde”16. On peut s’étonner du choix du terme colonisme, et pourtant il exprime fort bien le rôle réel des classes moyennes. Leur domination ou plutôt leur dominance n’a aucun intérêt financier, ni même quelque nouvel objectif colonial. En envahissant le Sud, elles croient
- 50 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 51
prolonger le rêve qui leur donne à croire qu’elles ont obtenu le droit de satisfaire tous leurs caprices. Leurs individus, apparemment soudés par des certitudes existentielles non démontrables, mus par des intérêts collectifs incontrôlables, murés dans des convictions formées dans le vécu, prolongent indéfiniment une sensation de fausse puissance. Aristote, qui s’est penché sur les déliquescences de la bonne démocratie en démocratie absolue (peut-être la dictature du prolétariat au 20e siècle), en oligarchie ou en tyrannie, a fait de la classe moyenne, avant l’heure, le deus ex machina aveugle de la société, simplement tiraillée sur ses extrêmes par les pauvres et les riches. Il s’agit d’un bloc fragile, puissant mais vulnérable, toujours à la recherche de son identité et comme tel, souvent méprisant et coupable du pire. Sait-elle qu’elle possède 60% du capital boursier mondial ? En Amérique, elle doute certainement du pouvoir des fonds financiers qu’elle alimente et en France, elle oublie que sa frange la plus aisée, celle qui dispose de la majorité de son capital, est issue d’une même culture qu’elle. Louis Chauvel17 considère qu’elle représente 50% de la population française, alors que je pense que ce taux est proche des deux-tiers18, mais le “ni riches ni pauvres” défini par Aristote et Nietzsche ne se quantifie vraiment : elle est l’expression de la société des pays occidentaux, l’héritière de la Neue Mittelstand allemande des années 20… Dans un récent essai19, j’étudie la bande dessinée de La famille Fenouillard, publiée en 1893 par un éminent botaniste qui a pris le pseudonyme de Christophe20. Bien sûr, puisque le genre est mineur,
- 51 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 52
personne ne s’est vraiment intéressé à cet album en théorie réservé aux enfants. C’est dommage. En effet, au terme de son analyse, on comprend que les classes moyennes d’alors, en voie de disparition à l’instar des bonnetiers que sont les Fenouillard, ressembleront aux touristes de masse actuels. Christophe a alors une vision prémonitoire : grâce à l’un de ses personnages, le docteur Guy Mauve, ils voyagent seulement dans leur sommeil, “on les voyage” dirait Nietzsche, et donc ce ne sont que des touristes. Cela rappelle les bandes dessinées du Suisse Rodolphe Töppfer, plus anciennes encore (Voyages en zig-zag, 1844) où, comme le fait remarquer Marc Boyer, il “distingue voyage et tourisme. Il vante le premier, voyage éducatif, libre, sac au dos sur la route. Il caricature les touristes… qui vont aux mêmes rites cent cinquante ans avant le guide du Routard”21. Les Fenouillard, lorsqu’ils vont chez les Sioux ou chez les Papous cannibales, croient à la domination absolue de leur civilisation. Tous les ingrédients d’une forme de colonisme sont rassemblés, ce qui est peut-être un pied de nez de l’auteur à son époque coloniale. Est-ce que le fait de voyager dans son sommeil innocente la responsabilité des classes moyennes ? Faute d’en faire une question de morale, on doit toutefois reconnaître qu’il s’agit là de la meilleure illustration du tourisme de masse. Il y a effectivement de l’inconscience chez ces touristes internationaux, qui ne représentent pas l’élite de leur société mais prolongent agréablement leur genre de vie, comme si leurs jardins traversaient les mers et baignaient le pied des monuments historiques des pays pauvres du Sud. Les classes moyennes du Nord ne sont pas seulement aisées, pour la plupart, elles intègrent
- 52 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 53
aussi les temps de loisirs dans leur temps de travail, ce qui leur donne une étonnante légitimité. Autrefois, la colonisation exigeait des expéditions militaires et, encore aujourd’hui, le néocolonialisme exprime la volonté politique des États et de leurs entreprises afin de mettre le monde en coupe réglée. Le colonisme paraît, au contraire, une tentative sans fondement véritable, qui confirmerait seulement la griserie de populations nanties qui ne veulent du mal à personne, en font sans le vouloir, et repoussent leurs frontières à l’infini. Le règne de “l’homo festivus” Il est assez rare, hormis l’essai de Philippe qu’une étude sur le tourisme aboutisse à une nouvelle perception de notre civilisation. D’une part, le phénomène touristique est largement sous-estimé et, d’autre part, la meilleure géopolitique du monde met plutôt en exergue la mondialisation des firmes multinationales, la crise des énergies et les dangers environnementaux, les fléaux nationalistes et terroristes, et le rôle particulier des Etats-Unis. Il n’est pas non plus très fréquent qu’on s’attache beaucoup aux ambitions des classes moyennes, voire à leur comportement de classe. Parce qu’elles épousent, sans l’exprimer, la fausse idéologie de “l’ère des managers” et balbutient leur volonté d’exister dans des courants politiques mal identifiés, on les assimile à une masse informe, dépourvue d’objectifs précis et au caractère moutonnier. C’est peut-être cela la “post-humanité” que certains avancent sans trop y croire. Pourtant, je n’oublie pas les signes précurseurs. Ni la thèse d’Aristote, au demeurant. Il s’agirait alors du paradoxe de la démocratie…
Muray22,
- 53 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 54
Je ne reviendrai pas sur la faillite de la Neue Mittelstand allemande des années vingt qui porta Hitler au pouvoir. C’est pourtant un signe fort, qu’on a tort de négliger. Mais où en serait-on aujourd’hui ? La campagne présidentielle française de 2007 est riche d’enseignements quant au rôle des classes moyennes. Tout d’abord, la question migratoire et ses relents d’insécurité y sont omniprésents. Plus que le problème souvent dramatique des délocalisations et la critique presque unanime de la mondialisation – qui évite sans doute de mieux comprendre l’évolution financière du libéralisme – l’ouverture des frontières demeure une obsession. Autrement dit, on voudrait qu’elle soit à sens unique : permettre aux touristes des classes moyennes d’aller où bon leur semble, même de manière quasipermanente pour les seniors fuyant les contingences fiscales, et restreindre l’entrée des migrants du Sud qui fuient la pauvreté de leurs territoires d’origine. Ensuite, la question du travail, a contrario celle des 35 heures et du faible taux d’activité de la population active en général, sont sur la sellette. Tous les professionnels du tourisme ne réclament pas autre chose pour leur clientèle, que de disposer de temps libre et de bons revenus. Enfin, beaucoup craignent l’élargissement du corps électoral, lié à l’inscription massive de jeunes sur les listes électorales. Seul le vote massif des classes moyennes aisées et plus aisées contrarierait cette nouvelle donne, car elles demeurent contrôlables en théorie. En conclusion, à l’instar de l’exemple français, la géopolitique des pays riches est fondée sur le rôle des classes moyennes…
- 54 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 55
Or le vieil adage romain, panem et circenses, s’il a les accents de la décadence, résumerait l’idéal démocratique qui prédomine. Augmenter les revenus des classes moyennes et accroître le tourisme de masse iraient de pair, et le colonisme apparaîtrait même comme la solution apparente d’associer le développement des pays pauvres à la richesse des pays riches. Ce ne serait pas le revers de la mondialisation, mais plutôt une mesure d’accompagnement. Dans cette perspective, le concept de “développement durable”, qui n’a pas vingt ans, apporte la caution nécessaire, comme la tragédie environnementale annoncée devient le carcan utile pour placer les populations des pays riches dans une situation de culpabilité. Je ne prétends pas, pour autant, que ces deux idées soient stupides, mais elles corroborent le vaste projet démocratique des pays riches. On peut penser que je vois le mal où il n’est pas, mais j’avancerai l’excuse qu’il ne s’agit, globalement, que d’une hypothèse générale. Le règne de l’homo festivus, plus inévitable qu’on ne le dit, ne peut pourtant pas s’imposer sans garde-fou. Mais, puisqu’il est le propre des classes moyennes des pays riches et qu’on a choisi de les étudier dans le contexte du tourisme international des pays pauvres (cf. le colonisme), il convient sans doute de montrer comment le Nord cherche à intégrer le Sud dans sa spirale de développement. C’est-à-dire comment il peut donner l’impression de se préoccuper de son avenir sans remettre en cause sa suprématie. Tout laisse à penser que les revenus en devises du Sud proviennent de plus en plus du tourisme international, qui représentent déjà quelque 200 milliards $ par an et sont en constante
- 55 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 56
augmentation. Ils deviennent, en tout cas, supérieurs au rapatriement d’une partie des salaires des immigrés du Sud au Nord (170 milliards $ par an, les remesas à Cuba), et plus élevés que les IDE ou investissements directs à l’étranger (165 milliards $), à divers financements privés, parfois liés au tourisme (135 milliards $) et à l’aide officielle internationale multilatérale ou bilatérale (80 milliards $). Cependant, au total, cela ne fait guère plus de 750 milliards $, soit 2% du PIB de la planète… Le tourisme international participerait donc de plus en plus au développement du Sud et sans doute à celui qui est le moins émergent. Cette observation renvoie à la problématique initiale fondée sur les courants migratoires et à l’opportunité, pour les classes moyennes, de changer de comportement. En effet, on peut se demander si un certain tourisme solidaire, concept plus fort que le tourisme durable, ne serait pas susceptible d’aboutir à des opérations de codéveloppement. Elles associeraient alors des touristes internationaux, des migrants exilés et les populations locales. Cette utopie vaut-elle mieux que l’hypothèse mondialiste évoquée ci-dessus ? Conjuguée au tourisme de masse, qui perdurerait, elle modifierait en profondeur les relations du binôme touristes-visités. Mais, une fois encore, elle supposerait que les classes moyennes, qui n’intègrent déjà pas les migrants du Sud chez eux, soient capables d’initier des programmes justes et structurants. Après avoir assombri le tableau, on peut rêver et demander, avec Aminata Traoré23, de “mettre un terme à cet état de dépersonnalisation absolue dont parlait Franz Fanon”, c’est-à-dire “le viol de l’imaginaire” selon le titre même de son ouvrage publié en 2002…
- 56 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 57
Conclusion En termes géopolitiques, il y a un lien fort entre le colonisme et le tourisme de masse des classes moyennes. Certes, en termes comptables, la contribution du tourisme international au développement du Sud est appréciable. Mais, sur le plan social sinon moral, le résultat n’est guère brillant. Ainsi, dès lors que les pays du Sud sont envahis par des cohortes de touristes occidentaux, curieux mais irrespectueux par manque d’éducation, mais surtout soucieux d’élargir leur sphère de loisirs à l’ensemble de la planète, il ne faudrait pas que le sacrifice des populations visitées n’ait aucune compensation. L’industrie touristique, n’en déplaise à certains de ses managers, doit devenir une activité économique lucrative pour tous, créatrice de richesses partagées, et pourvoyeuse d’emplois qualifiés et bien rémunérés. Hélas, dans l’extension du tourisme actuel, on pourrait croire qu’on assiste de nouveau à quelque “conquête de l’ouest”, où les migrants temporaires accompagnent des financiers souvent sans scrupule et où les populations visitées s’apprêteraient à vivre dans des réserves comme les Indiens d’Amérique du Nord. C’est le sens du terme de colonisme, que je propose… Tout dépendra pourtant de l’évolution des classes moyennes au sein des pays riches, et c’est pourquoi je n’ai pas dissocié leur attitude dans le Sud de leur mode de vie chez elles. Des ONG24 auront beau tenter de mettre en place un tourisme équitable, complice des populations locales, cela restera toujours confidentiel sans un engagement plus fort d’une partie des millions et des millions de touristes qui veulent séjourner dans le
- 57 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 58
Sud. On doit former de véritables professionnels dans le Sud mais on doit également mieux orienter les classes moyennes qui y déferlent. L’OMT et les États devraient enfin sérieusement songer à des opérations de codéveloppement qui, outre les questions touristiques, apporteraient aussi d’autres perspectives aux problèmes sans fin de l’immigration. La solution est donc politique et s’inscrit dans le cycle de la mondialisation. Sans réitérer mes craintes, que j’ai formulées sans ménagement, je prétends que ce sont les classes moyennes qui détiennent la clé d’un développement harmonieux du Sud. Or elles dominent sans réguler. Elles sont omniprésentes sans dessiner aucun contour sérieux dans leurs pays riches. Elles veulent jouir du bon temps sans consentir de sacrifices. Elles sont incontrôlables, comme le tourisme de masse…
- 58 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 59
ANNOTATIONS & BIBLIOGRAPHIE 1
Jean-Michel Hoerner, Géopolitique du tourisme, à paraître chez Armand Colin et Géopolitique du capital aux Éditions Ellipses.
2
Fernand Braudel, La dynamique du capitalisme, Paris, Ed. Arthaud, 1985.
3
Le terme “colonisme” a été utilisé lors de la conquête coloniale de l’Algérie, au 19e siècle, puis a été abandonné.
4
Jean-Michel Hoerner, Les classes moyennes dans la barbarie (Ed. Balzac, 2002).
5
Yves Lacoste, Géopolitique, Paris, Larousse, 2006.
6
Peter Sloterdijk, in Les battements du monde (Alain Finkielkraut et Peter Sloterdijk), Paris, Pauvert / Fayard, 2003.
7
Alfred Jarry, La chandelle verte, 1907.
8
René Duchet, Le tourisme, à travers les âges sa place dans la vie moderne, Paris, Vigot Frères Éditeurs, 1949.
9
Mimoun Hillali, Le tourisme international vu du Sud, Presses de l’Université du Québec, 2003.
10
Paul Claval, Géopolitique et géostratégie, Paris Nathan, 1994.
11
Organisation mondiale du tourisme.
12
OMT, Tourisme, horizon 2020, Madrid, 1999.
13
Alexandre Adler (présentation), Le rapport de la CIA, comment sera le monde en 2020 ?, Paris, Robert Laffont, 2005.
14
Samuel P. Huntington, Le choc des civilisations, Paris, Odile Jacob, 1997.
15
Philippe Muray, Après l’Histoire II, Paris, Les Belles Lettres, 2000.
16
Philippe Muray, Op. cit.
- 59 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
- 60 -
02/07/07
16:50
Page 60
17
Louis Chauvel, Les classes moyennes à la dérive, Paris, Le Seuil, 2006.
18
Géopolitique du capital, Op. cit. à paraître.
19
Jean-Michel Hoerner, Essai sur la famille Fenouillard, à paraître. Cf. l’article in fine sur la comédie La famille Fenouillard fait son tourisme, écrite par Jean-Michel Hoerner et Laurent Prat, et montée par la troupe “Le théâtre chez soi” (2007-2008).
20
Christophe, La famille Fenouillard, Paris, Ed. Armand Colin, 1893.
21
Marc Boyer, Histoire du tourisme de masse, Paris, PUF/Que sais-je ? n° 3480, 1999.
22
Op. cit.
23
Interview d’Aminata Traoré (une femme en colère), Le Monde 2 n°72 de juillet 2005.
24
Organisation non gouvernementale.
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 61
ENJEUX ET LIMITES DES DESTINATIONS “E-ATTRACTION” Laurent BOTTI, Andrès GUZMAN SALA, Nicolas PEYPOCH et Bernardin SOLONANDRASANA de l’Université de Perpignan Via Domitia Résumé : Il est désormais admis que le tourisme engendre des répercussions économiques, plus ou moins positives, sur l’économie locale. L’objectif de ce papier est d’analyser ces répercussions. Pour cela, l’article est basé sur le concept d’attraction touristique et notamment la notion de “E-attraction”. La connexion est établie entre différents éléments de l’économie du tourisme, durée de séjour et fréquentation, et ce type d’attraction. Ces connexions permettent d’identifier les enjeux et les limites pour une destination d’être perçue par les touristes comme une “E-attraction”. Plus précisément, il apparaît que le fait d’être considéré par les touristes comme une “E-attraction” permet à une destination d’augmenter la durée de séjour de ses touristes mais qu’un tourisme durable pour une telle destination nécessite une attention particulière en ce qui concerne son niveau de fréquentation.
c CirVath - Les Cahiers Internationaux du Tourisme N°1
- 61 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 62
La croissance du tourisme mondial et les avancées dans la théorie des externalités1 ont poussé, ou permis, à de nombreux chercheurs d’analyser les impacts de l’activité touristique sur une destination. Pourtant, il subsiste des zones d’ombre dans ce domaine de recherche notamment si l’on considère que l’activité touristique dépend principalement de “l’attractivité” de la destination en question. Cette hypothèse de travail n’est en rien étrange puisque, même si la fréquentation future d’une destination est liée à de nombreux facteurs comme la promotion, il est évident que la venue des touristes dans une destination dépend essentiellement de la manière dont ces derniers la considèrent en terme d’“attraction”. Certains auteurs soulignent même que sans attraction, le tourisme cesserait d’exister (Gunn, 1972, Pigram, 1983) tandis que d’autres y ont consacré une grande partie de leurs travaux (Lew, 1987, Leiper, 1990). Il apparaît ainsi nécessaire de relier l’étude des impacts de l’activité touristique sur une destination à son attractivité. D’autant plus que les sites les plus impressionnants de notre planète, ceux que l’on peut considérer comme les plus attractifs, sont souvent ceux qui doivent faire face aux externalités les plus difficiles à gérer. Les touristes arrivent quand ils le désirent, provoquant des retards et des encombrements, ce qui gâche une partie de la satisfaction qu’ils retirent du site, et ce qui risque de les décourager de réitérer leur séjour ou de recommander la destination à leurs proches. Cet article a pour objectif d’approfondir l’analyse des impacts de l’activité touristique sur une destination. Pour les raisons que nous venons d’évoquer, cette
- 62 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 63
analyse se fera à partir du concept d’attraction touristique. La première section y sera consacrée. Nous y présenterons plus en détail la notion de “E-attraction” instruite par Caccomo et Solonandrasana (2002) et nous montrerons que le fait que les touristes considèrent la destination comme une “E-attraction” peut influer sur leur durée de séjour. Nous étudierons ainsi les avantages pour une destination à être vues par les touristes comme une “E-attraction”. Au contraire, la section 3 présentera les impacts négatifs liés au fait que les touristes identifient la destination à une “E-attraction”. Dans la quatrième et dernière section, nous verrons dans un premier temps que les externalités négatives étant essentiellement liées au “tourisme de masse” il est nécessaire de prendre en compte la notion de “capacité de charge”. Dans un second temps, nous présenterons nos conclusions. Attraction touristique et durée de séjour L’attraction touristique est l’élément qui tire le touriste hors de son environnement habituel (Lew, 1987). Cette définition, très large, ne précise pas quelles formes peut prendre l’attraction touristique et il est utile de se pencher sur les nombreuses classifications pour mieux identifier ce qu’est, ou ce que peut être, une attraction touristique. Les classifications des attractions touristiques Mehmetoglu et Abelsen (2005) ont récemment résumé les différentes classifications proposées mais, parce qu’elles permettent de mieux cerner le concept
- 63 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 64
d’attraction touristique, il est toutefois pertinent de revenir sur les classifications de Leiper (1990), de Gunn (1994), de Wall (1997) et de Benckendorff (2006). La première dresse une classification à partir de l’intensité de la motivation à visiter l’attraction. Leiper distingue ainsi les attractions primaires, secondaires et tertiaires. L’attraction primaire est celle qui correspond au motif du voyage, elle est donc déterminante dans le choix de la destination. Au contraire, les attractions secondaires et tertiaires ne jouent aucun rôle dans ce choix. Ce qui permet de les distinguer est la connaissance que le touriste en a ou pas avant son arrivée sur le site. Il soupçonne l’existence des attractions secondaires alors qu’il n’a aucune idée de la présence des attractions tertiaires. La classification de Gunn (1994) propose de classer les attractions à partir de trois critères. Le premier critère repose sur le statut de l’organisation qui gère l’attraction : organisation publique, association ou entreprise commerciale. Le deuxième critère est la nature de la ressource sur laquelle repose l’attraction : ressource naturelle ou créée par l’homme. Le dernier critère cherche à identifier l’importance de l’attraction : est-elle l’unique raison de la venue du touriste sur la destination ou est-elle la composante d’un circuit touristique? La typologie de Wall (1996) suggère que les attractions sont de trois types en fonction de leur dimension spatiale : en dimension 0, un point (musée) ; en dimension 1, une ligne (plage) ; en dimension 2, une aire (station de ski).
- 64 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 65
La plus récente des classifications est celle de Benckendorff (2006). L’auteur propose une présentation ordonnée des différentes attractions touristiques à partir de la figure ci-dessous. L’axe vertical distingue les attractions suivant leur origine naturelle ou humaine alors que l’axe horizontal fait la différence entre les attractions permanentes et temporaires2. Figure n°1 Les différents types d’attractions
- 65 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 66
Les notions de “D-attraction” et de “E-attraction” En s’appuyant sur les touristes, sur leur façon de consommer l’attraction, Caccomo et Solonandrasana (2002) ont proposé une typologie originale des attractions touristiques. Pour ces auteurs, toutes les attractions peuvent être regroupées en seulement deux types d’attractions : les “attractions Découverte” appelées “D-attraction” ou bien les “attractions Evasion” appelées “E-attraction”. C’est le touriste qui détermine, en la consommant, à quel type d’attraction appartient l’attraction qu’il fréquente. Plus précisément, c’est l’étude de l’évolution de sa satisfaction (S) qui permet de qualifier l’attraction de “E-attraction”, si la satisfaction perdure, ou de “D-attraction”, si la satisfaction atteint plus ou moins rapidement un point de satiété3. Cette classification des attractions se distingue donc de celle présentée précédemment dans la mesure où le touriste est ici au cœur de la classification. Récemment, Peypoch et Solonandrasana (2007) ont prolongé ces concepts. Ils se sont focalisés principalement sur le concept de “E-attraction” en montrant que l’enjeu pour une destination touristique est d’être considérée par les touristes comme une “E-attraction”. En effet, la caractéristique principale d’une “E-attraction” étant son attrait permanent pour le touriste, le comportement de ce dernier à son égard peut être répétitif4. Cette répétition de la consommation peut se traduire concrètement par l’extension de sa durée de séjour. On comprend rapidement que l’enjeu est de taille dans la mesure où une nuitée supplémentaire effectuée par des millions de touristes représente des recettes appréciables pour l’économie locale.
- 66 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 67
Attraction touristique et fréquentation Pour une destination à prédominance “E-attraction” donnée, si chaque touriste peut allonger sa durée de séjour ou revenir fréquemment, alors la fréquentation touristique de cette destination sera déterminée en tenant compte de ses différentes externalités. C’est dans cette optique que nous aborderons l’étude de la fréquentation touristique avec la mise en avant de ses spécificités. Fréquentation touristique et externalités L’analyse du secteur touristique se trouve grandement enrichie par la théorie économique des réseaux. Cette théorie, développée dans les années 80 pour comprendre les processus de diffusion à l’œuvre dans le développement des nouvelles technologies de l’information, repose en grande partie sur le concept d’externalités. Ce concept est crucial pour mettre en évidence les phénomènes spécifiques à la fréquentation touristique. Les externalités de réseaux constituent un type particulier d’externalités dans lequel l’utilité d’un individu pour un bien dépend du nombre de personnes qui consomment ce bien5. A l’échelle internationale, espace de développement des réseaux d’informations, le réseau Internet a une plus grande “valeur” que le réseau Minitel puisque le nombre de personnes connectées et de services offerts y est plus important (Caccomo et Solonandrasana, 2001).
- 67 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 68
L’analyse de la fréquentation touristique peut être enrichie à partir de ce phénomène d’externalités de réseau. En effet, bien qu’une destination soit composée d’un patrimoine, d’un environnement spécifique ou de toute autre raison objective qui constitue son attractivité intrinsèque, elle n’a de la valeur que lorsqu’il y a des touristes. Un site, comme une station balnéaire ou une ville, est touristique parce que des touristes le fréquentent. C’est donc la fréquentation touristique qui confère une valeur touristique à la destination ; entre deux destinations présentant les mêmes caractéristiques, celle qui sera la plus fréquentée sera aussi considérée comme la plus touristique. Le phénomène de mode joue donc un rôle important dans le comportement des touristes. L’attrait d’un site historique, d’une réserve ou d’un parc à thème peut être partiellement influencé par le fait que d’autres personnes ont déjà choisi cette même destination. De même, il a été mainte fois observé qu’un restaurant vide exerce moins d’attractions aux yeux des chalands qu’un restaurant fréquenté ; et que sur une plage, les vacanciers ont tendance à se placer les uns à côté des autres plutôt qu’à rechercher un endroit complètement délaissé. Ce phénomène de mimétisme ou d’agglomération est intimement lié au problème, bien connu des économistes, de l’asymétrie d’information qui sévit lorsque le consommateur doit prendre des décisions par rapport à un bien d’expérience6. En effet, le fait qu’un restaurant soit plutôt bien fréquenté délivre une information précieuse aux yeux du touriste non informé : a priori, c’est un signe de qualité. Ainsi, le comportement
- 68 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 69
du touriste est influencé par le comportement des autres touristes car l’observation des autres apporte une information précieuse dans le cas de la consommation des biens d’expérience. De plus, les touristes ne consomment exclusivement le site que rarement. En effet, peu de touristes sont en quête de solitude et ceux-ci recherchent souvent un environnement sociologique pour accompagner le site. Cet environnement sociologique, lié à l’intensité de la fréquentation du site, entre alors dans la “valeur touristique” de la destination. La courbe de fréquentation touristique Traditionnellement, la courbe de demande indique le prix maximal que les consommateurs sont prêts à payer pour acquérir une quantité de bien donné. En présence d’externalités de consommation, nous savons que la “valeur” du bien dépend du nombre de personnes qui consomment ce bien. La figure ci-après représente une courbe de la fréquentation touristique d’une destination en fonction de la disposition à payer des touristes. Cette relation est caractérisée par l’existence d’externalités de consommation.
- 69 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 70
Figure n°2 La courbe de fréquentation touristique en présence d’externalités
La courbe ci-dessus est composée de deux parties illustrant l’effet de deux phénomènes. D’une part, dans la première partie de la courbe, c’est-à-dire pour tous les niveaux de fréquentation inférieur à F*, la fréquentation et la disposition à payer varient dans le même sens. L’augmentation de la fréquentation étant un indicateur de qualité, la destination prend de la valeur aux yeux des touristes. L’externalité de consommation est ici positive, c’est-à-dire que l’affluence envoie un signal positif et augmente la valeur du produit.
- 70 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 71
D’autre part, dans la deuxième partie de la courbe, c’est-à-dire pour tous les niveaux de fréquentation supérieur à F*, l’augmentation de la fréquentation entraîne une diminution de la disposition à payer des touristes. La fréquentation et la disponibilité à payer varient ici dans le sens opposé parce que l’externalité de consommation est devenue négative. Les phénomènes de congestion et d’encombrement liés à une augmentation de la fréquentation diminuent la valeur du produit. Au point F* qui représente le point de retournement, la disposition à payer des touristes, D*, est donc maximale. Au-delà de ce niveau de fréquentation, la disposition à payer des touristes commence à diminuer. Si la destination veut continuer à attirer des touristes, il faut que les prix diminuent parce que le dépassement de ce point est perçu comme une dégradation de la qualité du produit aux yeux des touristes. Les différents équilibres Afin d’analyser la dynamique du marché touristique en présence d’externalités, il faut introduire la courbe d’offre touristique. Cette courbe d’offre établit traditionnellement une relation entre la quantité offerte de bien et le prix. Pour un souci de simplicité et sans perte de généralité, nous allons supposer que la courbe d’offre touristique est représentée par une droite verticale à un prix égal au coût moyen (Varian, 2003).
- 71 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 72
Figure n°3 La dynamique du marché touristique en présence d’externalités
Par la confrontation de l’offre et de la fréquentation, la figure n°3 révèle l’existence de deux positions : ce sont les points d’équilibre E et E’. Au point E, l’équilibre est instable avec une faible fréquentation qui s’établit au niveau F. En ce point, les touristes considèrent cette faible fréquentation comme un signe de qualité insuffisante – peut-être n’est-elle pas encore à la mode – de sorte qu’ils ne sont pas disposés à payer plus pour s’y rendre.
- 72 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 73
Le point E’ traduit un équilibre stable qui correspond à une forte fréquentation donnée par le niveau F’. Un tel équilibre caractérise les destinations qui accueillent un tourisme de masse. Dans ce contexte, le prix est faible car les touristes supplémentaires n’attribuent pas une grande valeur au produit malgré la fréquentation élevée. Dans ce cas les externalités négatives l’emportent sur les externalités positives, donc la fréquentation est en relation inverse avec la qualité. On voit donc clairement, par l’existence du tourisme de masse, toute l’importance pour les destinations d’être caractérisées comme des “E-attractions” par les touristes. Cependant, bien que l’allongement de la durée de séjour et/ou la répétition de la consommation soient considérés comme bénéfiques en termes de retombés économiques, ce phénomène pose des problèmes quant à la gestion de la masse des touristes présents sur la destination. Conclusion et discussion Ce papier a mis en évidence les différents impacts économiques pour une destination touristique lorsqu’elle est considérée comme une “E-attraction” par les touristes. Nous l’avons vu, l’effet cumulatif de la fréquentation touristique dans de telles destinations, même s’il augmente les revenus touristiques, peut aussi générer des problèmes d’encombrements. Ces problèmes sont intimement liés à la “capacité de charge” de la destination7. Cette notion peut être définie comme le
- 73 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 74
nombre maximum de touristes que la destination peut tolérer sans que se produisent une détérioration de l’environnement et/ou une diminution de la satisfaction des touristes. Au regard de la destination étudiée, la capacité de charge peut avoir un caractère plus ou moins flexible. En effet, lorsque le nombre de visiteurs est excessif au regard de la capacité de charge matérielle, ou capacité d’accueil, de la destination, il est parfois possible de créer des capacités supplémentaires pour réduire les externalités négatives que produit un nombre trop important de touristes (augmentation des prix, bruit, problème de stationnement…). Il est donc important d’analyser la capacité de charge dans une optique dynamique puisqu’elle est conditionnée par un environnement plus ou moins modifiable. De plus, il faut noter que l’innovation peut jouer un rôle primordial dans l’augmentation de la capacité de charge d’une destination et on pourrait considérer que l’augmentation de la fréquentation touristique peut apparaître comme un stimulus pour les innovations permettant d’accueillir toujours plus de touristes. De futures recherches devraient tenter d’étayer ce point. Ainsi, la principale recommandation que notre papier permet de formuler est que les destinations considérées comme des “E-attraction” doivent contrôler la répétition de la consommation de leurs touristes afin de pouvoir bénéficier des retombées économiques qu’elle suscite tout en garantissant une offre de qualité sur le long terme.
- 74 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 75
ANNOTATIONS 1
Rappelons que les économistes utilisent ce terme pour décrire des situations dans lesquelles la consommation d’un individu influence directement l’utilité d’un autre individu.
2
Dans ce papier, nous ne ferons pas de distinction entre les attractions touristiques et le terme “attraction” représentera de manière indifférenciée l’un des éléments de la figure ci-dessous.
3
Afin d’illustrer ces propos, considérons l’exemple d’un touriste qui visite une grotte. Si ce dernier n’est pas passionné par la spéléologie, il ne vient que pour contempler le site et se comporte comme un simple spectateur. Une fois le site découvert et sa curiosité assouvie, la visite ne présente plus aucun intérêt pour lui et sa satisfaction décroît si celle-ci traîne en longueur. En revanche, si le touriste est amateur de spéléologie, le site présente un attrait permanent pour lui et sa satisfaction croit au fur et à mesure qu’il explore ce dernier sans atteindre de point de retournement.
4
Le comportement des touristes par rapport à une répétition de leur consommation permet donc d’identifier le type de l’attraction. Si l’effet de répétition est identifié, alors la destination est à prédominance “E-attraction” aux yeux du touriste ; dans le cas contraire, les touristes considèrent la destination comme une “D-attraction”.
5
La valeur d’un réseau de communication est, par exemple, liée au nombre de personnes connectées à ce réseau. Si personne n’a de téléphone, il n’est pas intéressant d’en acheter.
6
Rappelons qu’un bien d’expérience est un bien dont on peut difficilement juger la qualité avant de l’avoir consommé.
7
A ce sujet, voir Peypoch et al. (2005).
- 75 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 76
BIBLIOGRAPHIE Benckendorff, P., (2006), “Attractions Megatrends” dans Buhalis et Costa (eds), Tourism Business Frontiers, Elsevier, Butterworth-Heinemann, 200-210. Caccomo, J-L., Solonandrasana, B., (2001), L’innovation dans l’industrie touristique : enjeux et stratégies, Paris, L’harmattan. Caccomo, J. L., Solonandrasana, B., (2002), “Réflexions autour du Concept d’Attraction Touristique : analyse et taxonomie”, Revue de Recherche en Tourisme UQAM (Canada), 3, 68-71. Gunn, C., (1972), Vacationscape: Designing Tourist Regions. Austin, University of Texas. Gunn, C., (1994), Tourism Planning. London: Taylor Francis. Leiper, N., (1990), “Tourism Attraction Systems”, Annals of Tourism Research, 17, 367-384. Lew, A.A., (1987), “A Framework of Tourist Attraction Research”, Annals of Tourism Research, 14(3), 553-575. Mehmetoglu, M., Abelsen, B., (2005), “Examining The Visitor Attraction Product: A case Study”, Tourism Analysis, 9, 268-284. Peypoch, N., Robinot, E., Solonandrasana, B. (2005), “Which sustainable development perspectives for an E-attraction destination? An overview of the economic impacts”, Tourism and Hospitality Planning & Development, 2:3, p. 207-212. Peypoch, N., Solonandrasana, B., (2007), “Attraction Touristique et Durée des Séjours en Languedoc-Roussillon”, à paraître dans Région et Développement. Pigram, J., (1983), Outdoor Recreation and Resource Management. New York, Croom Helm. Varian, Hal R., (2003) Introduction à la Microéconomie, De Boeck. Wall, G., (1997), “Tourism attractions: points, lines, and areas”. Annals of Tourism Research, 24(1), 240-243.
- 76 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 77
LA DÉMARCHE EXPÉRIENTIELLE EN HÔTELLERIE : UNE INNOVATION NÉCESSAIRE Saida MERASLI, Professeur Agrégé à l’Université de Perpignan Via Domitia Résumé : En hôtellerie de nouvelles offres sont en train d’émerger où l’expérience de séjour devient le produit. Le service de base (la chambre) devient quasi accessoire face à la multiplication des services périphériques, l’offre d’un produit aux formats plus individualisés voire thématisés contribue à marquer le séjour touristique comme une véritable expérience. L’objectif de cet article est de proposer après une mise en perspective de l’hôtellerie aujourd’hui, une réflexion autour de la consommation touristique. Nous tenterons de montrer notamment à travers l’exemple du nouveau concept promu par le produit Novotel du groupe Accor que la démarche expérientielle est particulièrement en adéquation avec le produit hôtelier et son évolution.
Mots clés : produit hôtelier, expérience de consommation, démarche expérientielle, innovation.
c CirVath - Les Cahiers Internationaux du Tourisme N°1
- 77 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 78
Abstract : New formulas in hospitality are emerging where the stay experience becomes the product. The basic service (the room) becomes incidental, facing the multiplication of the peripherals services, the offer of a product to more individualizes formats, and indeed it contributes to mark the tourist stay as a true experience. This article is an attempt to propose after a placement in perspective of the hospitality industry today a reflection around the tourist consumption. We expect to show through the example of the new concept of Novotel of the Accor group that the gait experiential is particularly in appropriateness with the hospitality product and his evolution. Key words: hospitality product, consumption experience, experiential marketing, innovation.
- 78 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 79
L’hôtellerie1 est un maillon majeur de la chaîne du voyage, mais aussi un secteur d’activité en forte mutation et complexe. Ce secteur s’industrialise et se professionnalise face à des attentes du consommateur en pleine évolution dans un environnement fortement concurrentiel. L’idée de nouvelles formules émerge en hôtellerie, cette tendance est confortée par les propos de Gilles Larivière et Jocelyn Jussaume (2004), lorsqu’ils déclarent : “(…) on se rend maintenant bien compte que “l’expérience de séjour” est devenue “le produit” de ce secteur et que “la chambre” ne joue plus qu’un rôle accessoire. Ce sont ceux qui auront vu venir ce changement qui marqueront l’avenir”. L’offre en hôtellerie doit être repensée à l’aune de ces changements pour intégrer une démarche innovante, celle du modèle expérientiel. Nous proposons dans cet article après une mise en perspective de l’hôtellerie aujourd’hui et une réflexion autour de la consommation touristique, de montrer notamment à travers l’exemple du nouveau concept promu par le produit Novotel du groupe Accor que la démarche expérientielle est particulièrement en adéquation avec le produit hôtelier et son évolution. Le dynamisme du secteur du tourisme repose notamment sur sa capacité d’innovation, la démarche expérientielle participe à ce mouvement d’innovation. Cette nouvelle approche répond à une demande de plus en plus exigeante en attente d’une offre plus attractive en termes de prix mais aussi de formats plus individualisés et plus thématisés qui renforce l’idée que le séjour touristique est un véritable produit d’expérience. Cette démarche s’inscrit dans le cadre plus général du marketing expérientiel2.
- 79 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 80
L’hôtellerie et l’innovation Rappelons que l’hôtel est un établissement commercial qui offre des prestations d’hébergement et accessoirement de restauration, d’animation, à une clientèle de passage et l’innovation est un facteur d’accélération des mutations de l’industrie hôtelière. Innovation et dynamique de l’industrie hôtelière Dans son sens large, l’innovation désigne tout changement introduit dans le système productif. Le tourisme a longtemps était perçu comme un secteur d’activité utilisateur d’innovations technologiques mais pas comme un secteur porteur et catalyseur d’innovation. C’est ce que confirme les propos de François-Xavier Decelle (2004) : “Pourtant, on a longtemps pensé que le tourisme en particulier, et les services en général, étaient des activités peu productives, peu capitalistiques et incapable d’innover”. Le client étant considéré aujourd’hui comme le point de départ de l’innovation et non plus comme le point final, l’intégration très tôt du client qui est le destinataire de l’innovation est une approche nouvelle où la demande devient le moteur de la dynamique de l’offre. L’innovation part du client pour aboutir au client en instaurant une boucle itérative vertueuse. L’offre du “produit” hôtelier s’appuie de plus en plus sur les concepts de “séjour” et d’expérience. Dans cet article, dimension innovatrice l’industrie hôtelière. Ce création d’expérience,
- 80 -
nous nous interrogeons sur la du modèle expérientiel dans qui semble important dans une c’est d’insister sur le coté
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 81
dynamique de ce système d’offre. La “spirale expérientielle” mettant en interaction tous les leviers, repose sur les axes suivants : surprendre le consommateur, thématiser et théâtraliser l’offre et utiliser l’esprit de la marque ou enseigne. La recherche d’expérience gagne le consommateur touristique qui cherche à s’évader vers des expériences différentes, aujourd’hui la seule satisfaction des besoins n’est plus suffisante. Dominique Bourgeon et Marc Filser (1998) relèvent notamment que le comportement du consommateur de services dépend davantage de l’expérience vécue que des attributs du produit lui même : “(…) de variables qui gouvernent le comportement dans les domaines où l’expérience vécue peut être plus importante que les attributs du produit ou du service consommé.”3. Le consommateur de services touristiques ne déroge pas à cette règle. En effet, l’expérience vécue repose sur la relation co-productive entre les deux acteurs et dès lors que le service est impliquant, comme c’est le cas pour le produit touristique, cette expérience joue un rôle clé dans la perception de la prestation consommée et le degré de satisfaction du consommateur. La délimitation des attentes du touriste n’est pas simple, le terme d’attente convient d’ailleurs mieux que celui de besoin (qui est plus couramment admis en Economie), car les désirs et les souhaits sont pour une bonne part implicites voire tacites. Le rôle du personnel de front et back office, est de comprendre les attentes du client et de les traduire dans la prestation touristique offerte. Cet état, confère par conséquent un rôle clé aux acteurs en présence lors de la consommation du service,
- 81 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 82
à savoir, le client bien sûr mais aussi le personnel. Le concept de servuction permet d’éclairer les spécificités de la production du produit hôtelier (figure 1). “La servuction est l’organisation systématique et cohérente de tous les éléments physiques et humains de l’interface client-entreprise, nécessaire à la réalisation d’une prestation de service dont les caractéristiques commerciales et les niveaux de qualités ont été déterminés.” Pierre Eiglier et Etienne Langeard (1987)4. La servuction modélise le processus de production des services et formalise bien l’approche, centrée sur la participation du client au processus de production “customer involvement approach” selon Ronald Chase 5 (1995). L’output (le service produit) n’est pas du seul ressort de la firme mais dépend aussi du “professionnalisme” du client. L’efficacité de la coproduction dépend donc forcément de la capacité de la firme à piloter la participation du client. Le processus de servuction peut se schématiser au travers de trois niveaux mettant en interaction le front office6, le back office et le client : - l’entreprise en contact avec le client : personnel et environnement matériel (guichet, cabine d’avion, chambre d’hôtel…). Il s’agit des aspects visibles par le client, c’est-à-dire le personnel d’avantscène ou de font office et tous les éléments tangibles. - les moyens de l’entreprise inaccessibles aux clients (invisibles) mais nécessaires à la production des services. Ces moyens sont
- 82 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 83
invisibles aux yeux du client car ils appartiennent à la dimension dite back office ou d’arrière-scène. - les relations des clients entre eux qui se traduisent par les nombreux contacts qui se créent entre les individus au moment du service ou après la consommation du service. Ces relations ont un réel impact sur la perception du service par les clients à travers le “bouche-à-oreille” notamment. Dans le cadre de la prestation hôtelière quatre sous-systèmes en interaction peuvent être repérés (figure 1) : le premier sous-système celui du client (ses besoins, sa capacité à participer, ses ressources…), le deuxième sous système est constitué par le support physique (la chambre d’hôtel, le mobilier, les parties communes : bar…), le troisième comporte le personnel de contact (réceptionniste, femme de chambre, gouvernante…) et enfin le service lui-même. Grâce aux nouvelles technologies de l’information et aux outils qu’elles apportent, les hôteliers par exemple disposent de moyens de plus en plus performants pour mieux connaître leur clientèle et en tirer avantage afin de proposer une offre de plus en plus individualisée.
- 83 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 84
Figure 1 La Servuction de l’entreprise hôtelière La prestation de service est par essence hétérogène. L’hétérogénéité renvoie à l’idée que le service est difficile à standardiser, même si au cours de la
- 84 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 85
période de développement de l’activité touristique selon le modèle fordiste, le tourisme de masse s’est employé à homogénéiser l’offre. Le service touristique est fonction à chaque fois de l’expérience vécue par l’individu au cours de son séjour touristique. Cette caractéristique crée chez le consommateur un sentiment d’incertitude qu’il tente de réduire, notamment en ayant recours aux outils qui sont mis à sa disposition par le prestataire de services. Dans l’industrie du tourisme où les services proposés ont une haute intensité de main-d’œuvre, l’hétérocentrique encourage à la fidélité du consommateur lorsque ce dernier vit une expérience qu’il juge de grande qualité. Il faut enfin noter que le service a un caractère multidimensionnel en raison de deux de ses composantes. La prestation de service elle-même offerte au consommateur : transport, hébergement, animations culturelles ou sportives… et l’expérience ressentie par le client lors de la prestation. Même si la prestation est bonne, le consommateur peut ressentir une insatisfaction imputable à l’expérience vécue lors de l’achat de service (qualité de l’accueil, ambiance, temps d’attente, humeur des employés…). Cela doit conduire l’entreprise à maîtriser l’ensemble des composantes de la prestation de services. La participation active du consommateur au processus de production suppose qu’il existe comme préalable un climat de confiance7 entre le client et l’entreprise comme le confirme Franck Tannery (1997) : “L’offre de service forme un catalogue de possibles et requiert de bénéficier d’une confiance en l’effet qui sera obtenu (…) de même le client ne doute pas que les draps de la chambre d’hôtel ont été changés, en conséquence
- 85 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 86
l’entreprise doit jouer sur la croyance et l’espérance pour que le client accepte la prise de risques que constitue sa demande de service”, p. 66. Services de base et services périphériques au cœur de l’offre touristique Le tourisme, premier secteur économique mondial, est exemplaire du fait de la multiplicité des services de base ou périphériques composant l’offre. Cette offre est constituée par une chaîne de services qui renvoie à la nature composite du produit touristique. Le produit touristique en tant que produit de services composites comprend des services de base et des services périphériques ayant une vocation à différencier le produit selon le segment de clientèle mais aussi à positionner l’offre vis-à-vis des concurrents. En clivant les services offerts en services de base et services périphériques, cela nous permet de comprendre comment la firme peut agir pour différencier son offre de produits et de prix. Le service de base correspond à la vocation première de l’entreprise. Pour une compagnie aérienne, c’est le transport de voyageurs ou de frets ; pour un hôtelier, c’est l’hébergement. Les services périphériques peuvent être analysés en termes de services “facilitateurs” ou de services “différenciateurs”. Les premiers permettent la prestation des services de base, ils peuvent être indispensables comme la billetterie ou la réservation. Les seconds, les services différenciateurs sont des services complémentaires qui sont des “plus” pour les clients (exemples : service de restauration, téléphone, vente de revues, collations diverses…).
- 86 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 87
Les services de base et les services périphériques ne sont pas figés. Les services différenciateurs sont très rapidement copiés par la concurrence et doivent faire l’objet d’innovations constantes. D’autre part ce qui est considéré aujourd’hui, comme un service différenciateur peut devenir demain un service standard, devant figurer obligatoirement dans le service de base. C’est le cas du téléphone et de la télévision qui étaient considérés il y a une quinzaine d’années comme des services différenciateurs pour les hôtels deux étoiles. Aujourd’hui ils sont devenus un service de base dans ces hôtels. C’est ainsi que les offres en matière de confort ayant tendance à s’uniformiser, poussent les entreprises à être innovantes pour pouvoir différencier les prestations. L’exigence d’innovation en matière de service périphérique est impérative dans la mesure où peu à peu tout service périphérique tend à être absorbé dans l’offre de service de base. L’innovation produite tend à être imitée, reproduite par les concurrents. Aussi, les opérateurs touristiques sont contraints à poursuivre voire à renforcer leurs efforts en matière d’innovation pour garder une longueur d’avance et ainsi différencier leur offre sur le marché. Les différents éléments qui composent le produit touristique forment selon Jean Stafford (1996) le cœur de ce dernier. Ces éléments qui composent le produit touristique sont étroitement imbriqués les uns dans les autres: “En tourisme, il n’y a pas de cercle de services périphériques qui soit négligeable. Le moindre problème, à un niveau, se répercute sur les autres et nuit à la qualité globale de l’ensemble. Cette interdépendance étroite est à la fois un atout et une difficulté pour l’industrie - 87 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 88
touristique”. Jean Stafford 1996, p.45. Les services périphériques qui à priori peuvent être considérés comme moins importants jouent cependant un rôle déterminant soit pour permettre la réalisation du service de base, soit pour tenter de légitimer une différentiation des prix pour une même prestation. Ils ont, en outre, un impact tout à fait réel sur la qualité globale du produit touristique, donc sur la compétitivité. L’éventail de services périphériques fait l’objet d’une recherche permanente en terme d’innovation. Des efforts continus sont nécessaires pour proposer des nouveautés, différencier l’offre. La différenciation en renouvelant l’offre de produit permet de lutter contre le vieillissement du produit et permet de rallonger son cycle de vie. Le modèle expérientiel : la réponse aux nouvelles attentes de la clientèle touristique. Parler de la démarche expérientielle dans l’hôtellerie8, sans évoquer la clientèle hôtelière et l’évolution de la demande de cette clientèle, est impossible. Il s’agit, par conséquent de cerner les grandes tendances dans les attentes et le comportement d’achat de cette clientèle. Fondé sur un comportement historique des clients, la mise en œuvre d’une démarche de type expérientielle suppose une connaissance fine de la clientèle. Les données relatives aux réservations des clientèles dans l’hôtellerie doivent engendrées après traitement un cercle vertueux qui se traduira à la fois par une offre adaptée au comportement d’achat de chaque segment de clientèle mais aussi à une fidélisation de plus en plus sophistiquée.
- 88 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 89
Comportement du consommateur touristique ou le consommateur : à l’origine de la création du produit touristique L’acte de consommation occupe une place centrale dans la mesure où le tourisme est avant tout un fait de consommation. “C’est le comportement du touriste qui est la source de l’émergence du produit touristique” selon Jean-Louis Caccomo et Bernardin Solonanadrasana (2002, p.69). C’est le touriste qui confère un caractère touristique au produit qu’il consomme. En effet, le contexte de consommation fera qu’une dépense est d’ordre touristique ou pas. L’identification d’un produit en tant que produit touristique n’est pas vérifiable avant le moment où il est consommé (Sessa A, 1989). L’avis du consommateur est de plus en plus pris en compte. Alvin Toffler (1990) parle de prosumer, néologisme pour désigner de nouvelles interactions entre le consommateur et le producteur. Cette interaction, si l’on en croit Valérie Patin (2005) modifie la définition classique du produit touristique comme assemblage de prestations : “(…) La construction du produit qui était, il y a quelques années, du domaine exclusif du professionnel du voyage, appartient aujourd’hui, pour une très large part au client. Grâce à Internet, le voyageur peut s’informer, choisir les prestations qui lui conviennent le mieux, les assembler sous sa propre responsabilité (…). L’ensemble du système touristique se trouve ainsi remodelé.”9. La définition traditionnelle du produit touristique ne rend plus compte de la réalité d’aujourd’hui.
- 89 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 90
Le consommateur du produit touristique est à double titre un facteur clé dans la réussite d’une démarche expérientielle. Il est à la fois, comme on vient de le voir le “déclencheur” de l’activité touristique en tant qu’individu qui ressent le besoin de consommer du voyage (il va allouer des ressources pour satisfaire ce besoin : du temps et des ressources monétaires) mais également, il est le co-producteur du produit qu’il va consommer. En effet le service est “fabriqué” en présence du client, il se crée au fur et à mesure de la prestation. Le voyage se construit au fur et à mesure de son déroulement par le consommateur-touriste : souvenirs, relations avec l’Autre (personnels, autres visiteurs, visités…). A cet égard, il est un produit d’expérience comme le souligne C. Ryan (1991) : “Essentially, tourism is about experiences of place. The tourism “product” is not the tourist destination, but it is about experience of that place and what happens there: [which is] a series of internal and external interactions.” C’est ainsi que le produit doit maximiser la satisfaction10 et l’utilité du consommateur et minimiser les coûts, être rentable pour dégager de la valeur. Le culte du consommateur entraîne : écoute, anticipation, réaction rapide à ses besoins et à ses insatisfactions. Le consommateur en même temps évolue ainsi que ses attentes pour devenir de plus en plus exigeant. Son expertise va croissante et il est davantage vigilant en matière de qualité, de prix de l’offre qui lui est proposé sur un marché concurrentiel mais aussi d’expérience qui marquera son séjour. S’interroger sur l’essence du produit touristique, c’est mieux comprendre la nécessité de la démarche expérientielle et que cette innovation est particulièrement opportune pour ce produit.
- 90 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 91
La perspective de recherche expérientielle comme cadre d’étude du comportement du consommateur touristique Il fut un temps où le consommateur était qualifié de “caméléon” pour souligner ses facultés adaptatives. On l’a ensuite appelé “cocooner”, “zappeur” ou encore “entrepreneur”, les métaphores ne manquent pas. Mais les opérateurs touristiques se trouvent face à des consommateurs aussi imprévisibles qu’exigeants et complexes qui savent “lire” les offres proposées. Le but, dans cet article, n’est pas d’effectuer une synthèse de l’ensemble des comportements de consommation repérés depuis des décennies, mais de chercher à mettre en perspective quelques unes des caractéristiques qui semblent être originales et éclairer la demande touristique future. Le consommateur touristique est un individu poly-sensoriel comme le confirme Marc Filser (1996) quand il considère que le consommateur moderne se détermine de plus en plus sur des critères affectifs, sans pour autant abandonner les critères cognitifs. Pour Franck Oettgen (2004), “il s’agit d’une modification importante car elle implique une réelle adaptation en terme de marketing : il ne s’agit plus seulement d’évaluer un produit ou un service au travers de ses attributs intrinsèques mais de l’envisager dans un contexte d’appréhension globale selon son aptitude à éveiller les sens”. Ainsi, pour proposer une offre en matière d’hébergement touristique marchand il s’agit de solliciter tous les sens du consommateur : l’odorat, le toucher, l’ouie, la vue et le goût pour procurer émotion et plaisir.
- 91 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 92
Stimuler les sens du consommateur devient une variable capitale. On peut le comprendre, ce ne sont plus seulement les concepts traditionnels de besoin et de motivation qui nous permettent de comprendre les consommateurs. Le marché touristique est un marché asymétrique où les produits échangés sont à la fois des produits d’expérience et des produits de confiance. Ronald Nelson (1970) a défini trois groupes de produits selon leur sensibilité à l’asymétrie d’information (tableau 1). La perspective expérientielle introduit une nouvelle dimension dans l’acte d’achat opéré par le consommateur. Il y a une sorte de passage d’une valeur d’échange à une valeur d’usage au moment de la décision d’achat. La transaction n’est plus réduite de manière exclusive à l’acte d’achat via sa valeur d’échange mais elle porte aussi sur l’expérience voire sur la valeur que la transaction et donc la consommation vont procurer. En tant que produit d’expérience, la transaction qui porte sur le produit touristique doit prendre en compte cette idée que le touriste recherche une expérience à vivre voire des valeurs spécifiques.
- 92 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 93
Tableau 1 Groupes de produits et asymétrie d’information Les attributs de recherche correspondent à des propriétés des produits vérifiables par le consommateur avant l’achat dans une situation où l’information est symétrique entre le producteur et le consommateur. Alors, le problème de l’évaluation de la qualité du produit est déterminé “à l’inspection du produit avant l’achat” (Lancaster K, 1996). Or pour le produit touristique, les attributs de confiance et d’expérience l’emportent sur la dimension recherche. Ainsi, les
- 93 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 94
attributs d’expérience nécessitent d’expérimenter le produit. L’approche expérientielle s’attache à expliquer le comportement de l’individu en considérant la consommation de produit plus dans une recherche expérientielle plutôt que dans une recherche utilitariste. La consommation du produit touristique qui s’apparente à une véritable expérience où le consommateur a l’impression de vivre une expérience unique en séjournant dans tel ou tel lieu touristique. On passe ainsi d’une valeur d’échange à une valeur d’usage dans la mesure où on propose de l’expérience à un moment donné. Le comportement sur lequel s’appuie cette approche expérientielle est un comportement de type exploratoire (Berlyne D, 1960) et de type observatoire. En terme d’expérience touristique, nous pouvons penser que le consommateur imagine ex ante son expérience en la construisant sur des attentes, des souvenirs d’expériences déjà vécues et qu’il vit et consomme ensuite pendant son séjour une expérience à travers des événements qu’il va vivre, des sensations qui vont construire des souvenirs ex post. En tant que produit de confiance, le produit touristique s’appuie sur le concept de confiance12. La confiance est une “institution invisible” (Arrow K, 1974), un “lubrifiant” des rapports économiques (Lorentz E, 1988), “une condition préalable à la compétitivité” (Sabel C, 1992). Dans un contexte de limites cognitives dans lequel se trouve le consommateur touristique la confiance devient nécessaire pour permettre la réalisation de l’échange.
- 94 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 95
Mise en œuvre de l’offre touristique : la théâtralisation Pour prendre en compte cette dimension expérientielle recherchée par le consommateur, une offre doit être mise en œuvre via une certaine forme de théâtralisation. La théâtralisation de la prestation hôtelière suppose des acteurs (les clients et le personnel), un décor et une mise en scène, l’ensemble devant produire et stimuler des sensations et contribuer à créer une expérience unique. Les deux acteurs qui se trouvent sur le lieu (le théâtre) de l’expérience sont d’une part les clients bien sûr mais également le personnel de contact (personnel de front office que certains appellent le personnel d’avant-scène). La présence de ce dernier est un élément qui participe à la production du service mais aussi au décor, à la théâtralisation de l’espace commercial (l’hôtel). Le décor, l’environnement physique de l’offre donne une indication matérielle du positionnement de l’offre. A l’instar de Joseph Pine et James Gilmore (2002), nous pouvons parler à propos de l’organisation de la prestation hôtelière, d’une organisation de spectacle où le client participe au spectacle qui lui est offert. La présence ou l’absence du personnel de contact, son rôle, ses compétences sont autant de facteurs qui vont influencer le résultat de l’expérience sur le consommateur. Le personnel de contact personnalise en quelque sorte l’établissement hôtelier aux yeux du client. Il joue un rôle primordial dans la satisfaction du client et par la suite dans sa fidélité. Il participe à la consolidation durable de la relation avec la clientèle. On ne dira jamais
- 95 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 96
assez, que le personnel de front office qui est au contact du consommateur contribue fortement à la perception du produit donc du séjour touristique. Le client, quant à lui, participe directement à la production du service, donc à la création de sa propre expérience, il est “partie prenante” de la servuction touristique. La stimulation des sens, permet de contribuer à la création d’un voyage sensoriel. Réveiller les sens du consommateur, lui faire vivre des expériences sensorielles fortes, relèvent des ressorts incontournables du marketing expérientiel. Pour toucher un consommateur toujours plus hédoniste, il s’agit d’utiliser tous les facteurs de stimulation sensorielle. L’heure est aujourd’hui à la création d’ambiances qui vont transporter le consommateur dans d’autres univers pour créer une rupture avec ses espaces quotidiens et répondre au sentiment de “désirs d’ailleurs” (Michel F, 2000). La démarche expérientielle met l’accent sur des aspects sensoriels, cognitifs, émotionnels et relationnels de l’expérience plutôt que sur les seules caractéristiques fonctionnelles du produit. Pour stimuler le consommateur, certains nouveaux ressorts comme les émotions et les sensations qui répondent à une attitude plus prégnante aujourd’hui, celle de l’écoute de soi, sont à même de séduire le touriste. La “thématisation” des espaces a fait ses preuves dans le secteur de la restauration, elle est en passe de devenir un facteur clé de la réussite de l’hôtellerie du futur. Elle participe de la tentative de différenciation de l’offre qui permet un positionnement stratégique sur le marché. La différenciation versus thématisation passe
- 96 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 97
notamment par le développement d’expériences mémorables qui accentue la perception et l’identification de l’offre par la clientèle. L’objet de cette création d’expériences est de contrer la banalisation du produit en incitant le client à s’engager émotionnellement dans l’offre proposée. Les produits plus thématisés ont alors la capacité d’offrir des ambiances, des expériences qui séduisent aujourd’hui le consommateur. En offrant des imaginaires attractifs que l’on met en scène pour faire ressentir ou expérimenter des ambiances, l’offre devient plus subjective et répond au phénomène d’individualisation des pratiques de consommation qui caractérise l’univers du tourisme d’aujourd’hui. L’émergence de nouvelles offres en hôtellerie s’inscrit comme le soulignent Gilles Larivière et Jocelyn Jussaume (2004) dans de nouvelles approches et une nouvelle vision du client. “L’arrivée du client à l’hôtel où l’attend un valet qu’il ne connaît pas et qui, pourtant, s’adressera à lui par son nom, et où son café préféré, son journal habituel ainsi qu’une foule de petites attentions personnalisées lui seront offerts dans sa chambre, sans même qu’il ait à demander quoi que ce soit, ne fait plus partie de la fiction”. A l’avenir, l’expérience de séjour se trouve au cœur de l’offre des établissements hôteliers. L’étude du comportement du consommateur dans son environnement expérientiel de consommation, ce que certains désignent par “l’expérilogie” ainsi que l’art du design pour habiller cette expérience “l’expéritecture” doivent permettre de construire une offre plus en adéquation avec la demande qui ne cherche plus seulement à satisfaire les besoins traditionnels mais à éprouver des émotions diverses dans des cadres différenciés voire thématisés.
- 97 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 98
Le concept Novotel Novotel, marque emblématique du groupe Accor, a vu le jour à Lille en 1967, les innovations se sont succédées depuis ce jour : gratuité pour les enfants dès 1985 par exemple ou encore intégration de Lenôtre à la formation de l’ensemble des chefs de cuisine… En 2003, Novotel crée une nouvelle révolution avec la mise sur le marché d’une nouvelle chambre Novation et l’adoption d’une démarche résolument expérientielle. Le produit hôtelier et la création d’expérience Au premier abord, tout confirme qu’un établissement hôtelier est capable de faire vivre une expérience à ses clients. Le personnel de contact est partie prenante dans la création d’expérience pour le consommateur. Pour créer l’expérience, le personnel de front office ou d’avant-scène doit être fortement impliqué voire “passionné”, l’immersion du client et son accès à l’expérience passe par la satisfaction et l’implication du personnel. Le personnel revêt un rôle relationnel fondamental dont les caractéristiques selon Eiglier et Langeard (1987) comportent trois dimensions : le visible ou l’apparence globale des personnes (sexe, apparences), le gestuel et le comportement (disponibilité, écoute) et le verbal (expression, élocution). Ce personnel de contact est aussi une sorte de relais entre le back office et le client. Pour appréhender la démarche expérientielle en hôtellerie, on peut convoquer la théorie de la proxémie établie par Edward Hall (1966), bien connue chez les
- 98 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 99
architectes et qui met en exergue la relation entre les cinq sens et la perception de l’espace. Une relation entre les sens et l’appropriation spatiale permet d’établir une différenciation entre les “récepteurs à distance” et les “récepteurs de contact”. On distingue ainsi, les sens de l’éloignement qui sont la vue, l’audition et l’olfaction car le récepteur ou l’individu peut rester éloigner de la source. En revanche, le toucher et plus particulièrement le goût, sont des sens de proximité, des “récepteurs de contact”, car l’individu se trouve proche de la source sensorielle. On peut considérer que la consommation d’un séjour dans un hôtel relève d’une expérience de consommation caractérisée par “l’intensité des réponses émotionnelles suscitées chez le consommateur” dont les capteurs sensoriels jouent un rôle déterminant dans la perception du service offert. Approche mercatique de l’expérience L’expérience13 peut être définie en marketing comme la connaissance acquise après une pratique et une observation conjuguées dans le cadre de la consommation. Marc Filser (2002), répertorie plusieurs caractéristiques de l’expérience qui permettent de clarifier le concept. L’expérience est subjective, elle inclut aussi une composante non expérientielle et elle relève enfin d’une création individuelle. L’expérience est subjective, elle se caractérise par l’intensité des réponses émotionnelles positives ou négatives suscitées chez l’individu. L’expérience de consommation inclut une composante non expérientielle (fonction utilitaire) et une composante expérientielle. L’expérience de consommation peut relever d’une création individuelle,
- 99 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 100
elle s’appuie sur des interactions avec d’autres individus qui facilitent la production de cette expérience (il s’agit en particulier du personnel de contact qui joue un rôle déterminant dans ce processus, nous y reviendrons). Pour Morris Holbrook et Elizabeth Hirschman (1982), l’élaboration d’expérience dans la consommation est la stimulation des cinq sens, la création d’univers qui sortent le consommateur de son quotidien, le font rêver avec des concepts de plus en plus sophistiqués où l’ambiance et l’esthétique sont omniprésents. Satisfaire un besoin d’inattendu des consommateurs est une dimension importante. Ils sont désormais attirés par des concepts novateurs, qui révolutionnent un peu leur quotidien et qui, le temps de leur séjour, leur permettra de s’extraire totalement de leur quotidienneté. Le nouveau concept Novotel Expérience Novotel répond aux nouvelles attentes du consommateur en réconciliant espace de travail et de détente dans la même surface : bureau modulable et pivotant, branchements téléphone et ordinateur coté travail ; tête de lit ergonomique, canapé convertible pour les enfants, décloisonnement de la salle de bain, espace de remise en forme, éclairage adapté et matériaux utilisés coté détente. Ainsi, on peut constater qu’un Novotel distingue plusieurs univers avec pour chacun, plusieurs fonctions : le restaurant, le bar, le lobby, la chambre, l’espace forme. - un espace restauration avec une nouvelle approche : les concepts Novotel Café en France, Element Food en Grande Bretagne ou encore
- 100 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
-
-
-
-
02/07/07
16:50
Page 101
Clavaria en Espagne, donnent la possibilité au client de choisir le moment, le lieu, le plat et la quantité désirée. le lobby, est un espace d’accueil mais également un espace de détente avec la structuration en plusieurs espaces : lecture, télécommunication, jeux pour les enfants. la chambre, aux cotés des fonctions classiques de repos et de travail, la chambre d’hôtel renferme une dimension détente très étudiée (design, lit ergonomique, décloisonnement…) l’espace forme. Chaque hôtel dispose d’un espace remise en forme, bien-être ou spa. Cet espace répond aux besoins hédonistes du client où les notions de détente, de sérénité, d’apaisement et de ressourcement. La largeur des espaces, leur confort, l’ambiance lumineuse et élégante, flatte les sens. l’espace séminaire doté d’équipements modernes et pratiques et d’espaces modulables mis à la disposition de la clientèle selon ses besoins.
Cet ensemble constitue la nouvelle offre hôtelière qui invite à un voyage sensoriel qui stimule les sens à travers une ambiance non seulement sonore mais aussi visuelle (les couleurs et les lumières) ainsi que les choix esthétiques résolument tournés vers la volonté d’une démarche expérientielle. Cela contribue à créer une atmosphère propre et à se démarquer sur le marché.En somme, les espaces sont mis en valeur de manière spécifique, et les expériences “esthétiques” que va vivre “l’invité” seront différentes. Accor, dans ce nouveau concept Novotel, considère l’esthétique différemment,
- 101 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 102
c’est-à-dire non pas comme un attribut, mais comme une forme d’interaction avec le client. C’est une manière de montrer à ses clients que Novotel se soucie d’eux et prend en compte leurs nouvelles attentes : formes et fonctions se trouvent réunis pour le bien-être et la satisfaction du consommateur. L’esthétique est une voie à part entière pour séduire le consommateur en quête d’émotions et d’achats affectifs. Dès lors qu’elle fait partie de l’ambiance, l’esthétique contribue à la matérialisation de l’offre. Elle devient un langage et donne une image de celui qui s’en sert, elle remplit une fonction imaginaire et une fonction sociale à la fois. Novotel devient alors un espace de vie où l’on peut à la fois flâner, prendre son temps, ou au contraire aller très vite, c’est un lieu qui permet une “multi-temporalité” et des rythmes différents selon les individus ou selon les moments. Ce qui donne une identité propre au concept Novotel c’est la thématique du Natural living. Cette thématique que Novotel développe dans son nouveau concept, adopte un nouveau slogan “Novotel, designed for natural living”14. Le retour au naturel, dans la thématique Novotel a accordé une place importante aux éléments naturels : verre, acier, bois et céramique au niveau des espaces communs, mais aussi au niveau des chambres. La thématisation des espaces n’est pas quelque chose de nouveau, cependant pour créer une expérience, thématiser permet d’immerger et de toucher le consommateur et ainsi de marquer le séjour. Les ressorts de la thématisation sont nombreux, Novotel a choisi pour sa nouvelle stratégie de décliner celui du Natural living.
- 102 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 103
Le nouveau consommateur est multi-facettes, il est empreint et désireux d’affectif dans une volonté de changements. La variable cognitive et rationnelle qui caractérisait exclusivement le consommateur d’autrefois est insuffisante aujourd’hui pour cerner ses attentes et y répondre. Par une offre avec de nouveaux formats mettant l’accent sur l’expérience du séjour, l’industrie hôtelière sera en capacité de mieux satisfaire le consommateur. En effet, l’approche expérientielle est une réponse aux nouvelles attentes du consommateur où l’expérience de séjour est appelée à jouer un rôle déterminant dans les futurs développements de l’industrie hôtelière. Ainsi le nouveau concept Novotel propose aujourd’hui une offre nouvelle où le consommateur crée son expérience dans un contexte multi-rythmé. L’exemple de Novotel est emblématique de l’évolution de l’offre touristique en matière d’hébergement marchand autrement dit en matière d’hôtellerie.
- 103 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 104
ANNOTATIONS
- 104 -
1
Jean Stafford (2004) souligne que : “l’hôtellerie est au tourisme ce que la route est aux voitures : nécessaire, mais insuffisante”. L’évolution de l’industrie hôtelière peut freiner ou accélérer le développement du tourisme, en étudiant l’évolution de l’offre de l’industrie hôtelière, on éclaire les évolutions de toute l’industrie touristique.
2
Le marketing expérientiel est une révolution en rupture avec l’approche conventionnelle de la gestion de la clientèle particulièrement en phase avec la prestation hôtelière. La gestion des services a connu une trajectoire centrée sur les aspects opérationnels et sur une démarche mettant l’accent sur une gestion traditionnelle de la clientèle. Les solutions opérationnelles proposées par l’approche classique dénient une partie de la nature intrinsèque de la relation de service : sa dimension émotionnelle ainsi que la valeur expérientielle de l’offre.
3
Bourgeon D et Filser M. Les apports du modèle expérientiel à l’analyse du comportement dans le domaine culturel, une exploration conceptuelle et méthodologique. Recherche et Application. Vol 10, Marseille, 1998. P. 309-328.
4
Langeard E, Eiglier P. Servuction : le marketing des services. Mc Graw, 1987.
5
Chase R. The customer contact approach to service: theorical bases and practical extensions. Operation Research. N° 29, 1995.
6
C’est à Ronald Chase (1978) que l’on doit la dichotomie entre “front” et “back office”. Cette approche vise davantage à définir les moyens nécessaires pour réaliser le service qu’à définir le concept de service (le contenu du service)
7
La confiance est une notion polysémique, une sorte d’engagement tacite qui peut être définie selon D Gambetta (1988) “la confiance (ou symétriquement la méfiance) est un niveau de probabilité subjective avec laquelle un agent va évaluer la performance d’un autre agent ou groupe d’agents, avant qu’il puisse contrôler une telle action […] et dans un contexte ou cette action affecte sa propre action. Quant on dit qu’on fait confiance à quelqu’un, on signifie que la probabilité qu’il fera une action bénéfique ou au moins non nuisible nous paraît assez élevée pour nous engager dans une forme de coopération avec cette personne.»
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 105
8
Si un hôtel reste un lieu où dormir et où prendre des repas à l’occasion d’une mobilité touristique, une même prestation doit satisfaire des besoins différenciés. Selon le motif du voyage, le client n’a pas les mêmes attentes vis-à-vis des services offerts par l’hôtel où il séjourne.
9
Patin V. Tourisme et patrimoine. La documentation Française. 2005. P. 22.
10
La satisfaction du consommateur est un moyen d’évaluer la qualité de la prestation fournie par l’entreprise et des taux élevés de satisfaction des consommateurs laissent entrevoir des profits futurs importants (Kotler P, 1991).
11
Le mécanisme de “sélection adverse” est l’un des dysfonctionnements du marché mis en évidence par Georges Akerlof (1970). Ce mécanisme repose sur le phénomène d’asymétrie d’information qui existe entre le producteur et le consommateur. Certains biens comme le produit touristique qui ne peuvent être évalués qu’à posteriori font l’objet d’une décision d’achat par le consommateur qu’à partir d’une information imparfaite.
12
Ce concept de confiance fait l’objet d’une recherche assez féconde dans le domaine de la science économique et dans celui de la gestion. Malgré de nombreux travaux qui ont mis en exergue le rôle clé de la confiance dans la coordination des échanges, la notion de confiance reste ambiguë. La confiance peut avoir deux natures, la confiance personnelle et la confiance système.
13
La notion d’expérience vient du latin experientia, de experir “faire l’essai de”, elle résulte de la confrontation de l’individu au milieu extérieur.
14
“Novotel : conçu comme un espace naturel”.
- 105 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 106
BIBLIOGRAPHIE Akerlof G.A (1970). The market for lemons: quality uncertainly and the market mechanism. Quaterly Journal of Economics, 89. P. 488-500. Arrow K (1974). The limits of organization. New York, W.W Norton. Berlyne D (1960). Conflict, arousal and curiosity. New York, Mc Graw. Bourgeon D et Filser M (1998). Les apports du modèle expérientiel à l’analyse du comportement dans le domaine culturel, une exploration conceptuelle et méthodologique. Recherche et Application, Vol. 9. P. 309-328. Caccomo J.L et Solonandrasana B (2001). L’innovation dans l’industrie touristique. L’harmattan. Decelle F.X (2001). Innovation dans le tourisme. De vastes champs à cultiver. Revue Espaces, n°185. P.30-32. Eiglier P et Langeard E (1987). Servuction : le marketing des services. Paris, Ediscience International. Filser M (1994). Le comportement du consommateur, Paris, Dalloz. Filser M (1996). Vers une consommation plus affective ? Revue Française de Gestion, n° 110. P. 90-99. Filser M (2002). Le marketing de la production d’expérience : statut théorique et implication managériale. Décisions Marketing, n° 28. Franck M (2000). Désirs d’ailleurs. Paris, Armand Collin. Gambetta D (1988). Trust. Making and breaking cooperative relations. New York, Basil Blackwell. Hall E. (1966) The hidden dimension. Editions Doubleday. Hoerner J.M (1997). Géographie de l’industrie du tourisme. Paris, Ellipses. Holbrook M.B et Hirschman E.C (1982). The experiential aspects of consumption : consumer, fantasies, feelings and fun. Journal of Consumer Research. Lariviere G et Jussaume J (2004). Emergence des nouvelles formules en hôtellerie. Téoros, 3. Vol. 23. P. 10-16.
- 106 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 107
Kotler P (1991). Marketing, management analysis, planning, implémentation and control. Prentice Hall. Inc. Lancaster K (1996). A new approach to consumer theory. Journal of Political Economy. Vol. 74. P. 132-157. Lanfeard E et Eiglier P (1987). Servuction : le marketing des services. Mc Graw Hill. Lanquar R et Hollier R (2001). Le marketing touristique. PUF, Que-sais-je ? Lorentz E (1988). Neither friends nor strangers: informal networks of subcontracting in French industry, in Gambetta (1988) Pine J et Gimore J (2002). The experience Economy: work is theatre and every business a stage. Boston, Harvard Business School Press. Sessa A (1989). Characteristics of tourism, in Witt SF et Moutinho L; Tourism marketing and management handbook. Prentice Hall International, Cambridge. P. 43-45. Nelson R et Winter S (1982). An evolutionary theory of change. Belknap Press of Harvard University Press. Oettgen F (2004). Les mutations du consommateur français : comment s’y adapter ? Editions Management et Société (EMS). Pine J et Gilmore J (2002). Differienciating hospitality operations via experiences : why selling services is not enough. Cornell Hotel and Restauration Administration Quaterly. Vol. 43, n°3. P. 87-92. Ryan C (1991). Recreational tourism : a social science perspective. London Routledge. Sabel C (1992). Elaborer la confiance : de nouvelles formes de coopérations dans une économie volatile, in D Foray et C Freeman (Eds), Technologie et richesses des nations, Paris, Economica. Sessa A (1989°. Characteristic of tourism, in Witt S et Moutinho L. Tourism marketing and management handbook. Prentice Hall International, Cambridge.P. 43-45. Toffler A (1990). Les nouveaux pouvoirs. Paris, Fayard.
- 107 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
- 108 -
02/07/07
16:50
Page 108
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 109
LES DECOUVREURS DU TOURISME Aux sources de la réflexion scientifique sur le tourisme Catherine SICART, Enseignante en science du tourisme à l’UFR-STHI, Université de Perpignan Via Domitia Résumé : La démarche scientifique œuvre à la redéfinition du tourisme. Le tourisme qui apparaît en 1763 ne suscite guère la réflexion universitaire et profite à la haute société anglaise qui affirme sa différence de caste en cultivant la jouissance face à l’émergence d’une classe qui élève travail, productivité, réussite par l’effort et le mérite. Le tourisme au cours du XVIIe, XIXe siècles et jusqu’au début du XXe siècle, est une activité futile. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, l’industrialisation et l’apparition du chemin de fer rendent le tourisme beaucoup plus accessible. La recherche thérapeutique et médicale en hydrologie crée un tourisme de soins avec l’émergence des stations thermales qui permettent de développer l’économie locale. La réflexion scientifique interviendra avec la grande crise de 1929. Au seuil des années 1930 apparaît l’ouverture officielle du chantier scientifique du tourisme.
c CirVath - Les Cahiers Internationaux du Tourisme N°1
- 109 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 110
Abstract : The scientific step works with the redefinition of tourism. Tourism which appears in 1763 hardly causes the university reflexion and benefits the English high society which affirms its difference of caste by cultivating the pleasure vis-a-vis the emergence of a class which raises work, productivity, success by the effort and the merit. Tourism during the XVIIth, XIXth centuries and until the beginning of the XXth century, is a futile activity. In second half of the XIXth century, the industrialization and the appearance of the railroad make tourism much more accessible. Therapeutic and medical research in hydrology creates tourism of care with the emergence of the thermal spas which make it possible to develop the local economy. The scientific reflexion will intervene with the great crisis of 1929. With the threshold of the years 1930 appears the official opening of the scientific building site of tourism.
- 110 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 111
Le mode d’existence scientifique du tourisme se construit par élaboration de points de vues inédits sur un phénomène, certes déjà connu en tant que support de diverses fonctions et manifestations, mais, par là, recréé et ouvert à des possibles inexplorés. La démarche scientifique œuvre à sa redéfinition. Ce processus peut congrûment être qualifié de “découverte”, ou, selon l’épistémologie constructiviste, d’”invention”, car il met en lumière des attributs, principes et effets antérieurement inconnus. “La découverte ne désigne pas […] une identité entre “ce qui” préexistait et “ce que” l’on désignera en tant que découvert […]”1. Lors de l’avènement de sa forme moderne, dont la période instauratrice se situe “entre 1763 et la Révolution Française”2, le fait touristique, perçu comme un art relevant d’une culture aristocratique de l’inutile, sur lequel se superpose au cours du XIXe siècle une appréciation technico-commerciale de ses évolutions, ne suscite guère la réflexion universitaire3. Il bénéficie alors d’un unique éclairage scientifique, celui de la médecine, et plus particulièrement d’une de ses spécialités, l’hydrologie. Dans le premier tiers du XXe siècle, quelques lueurs académiques, discrètes et discontinues, émanant de points de vue autres, commencent à mettre en évidence des dimensions novatrices, essentiellement économiques et historiques, ce dans un contexte exclusivement européen. L’Europe de l’ouest en effet (Angleterre, France, Italie, Suisse principalement) constitue l’aire d’expression fondatrice du fait touristique.
- 111 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 112
Le Tour-ist fait son apparition sémantique outremanche, en 1780, attesté par New English Dictionary on Historical Principles4, et, en France, en 1803, introduit par Ferry de Saint-Constant dans Londres et les anglais5, où l’appellation désigne exclusivement l’anglais voyageur, avant d’être employée, hors particularisme britannique, en 1833, par Balzac dans Correspondances (p.392), en 1838, par Hugo dans Le Rhin (lettre 9), vulgarisée, en cette même année, par le scandale stendhalien de Mémoires d’un touriste. Elle est ensuite officialisée par Littré(1872)6, Larousse(1875)7, et, le Dictionnaire de l’Académie (1878) dont la définition passe sous silence la noble origine historique et fige la connotation dépréciative du touriste qui devient “ celui, celle, qui voyage en amateur”. Le phénomène, dont la représentation mentale est moins immédiate que celle du sujet, est substantivé sous la forme Tour-ism, en 1811, dans les colonnes de la revue anglaise Sporting Magazine, et, en France, en 1841, année où naît d’ailleurs l’industrie du même nom8, puis défini par Larousse en 18759. Les langues d’origine italique l’adoptent progressivement. En revanche, les langues d’origine germanique -nordique et westique déjà dotées de travel et Fremdenverker, lui opposent quelque résistance10. Outre-atlantique, l’absence de reconnaissance officielle de ce vocable concept, dont nulle mention n’est faite dans la 14e édition de Encyclopaedia Brittanica (1929) ni dans Webster’s New World Dictionary of the American Language (1952)11, reflète l’exposition différée du nouveau continent au fait touristique, et
- 112 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 113
participe à l’orientation initiale des recherches nordaméricaines vers l’étude du loisir. De l’art de l’inutile… Le substrat culturel de l’exclusion du tourisme de la sphère scientifique trouve racine dans l’avènement même du fait touristique dont Marc Boyer situe la période instauratrice “entre 1763 et la Révolution Française”12. Le tourisme en son acception moderne y naît dans un contexte élitiste. La haute société anglaise en invente les divers aspects et lieux. Tour ou grand tour éducatifs sur le continent, rite de passage par lequel le jeune noble devient cosmopolitan et gentleman, villégiature ou séjour estival de plaisance, thermalisme mondain balnéaire ou montagnard et migrations hivernales vers la Riviera génèrent un ensemble d’innovations qualifié de “révolution touristique”13, contemporain des révolutions industrielle, agricole, démographique, bancaire qui signent alors l’avance en tout secteur de la GrandeBretagne14. Le premier tourist(e), anglais de haute lignée, rentier désoeuvré au train de vie dispendieux, est censé s’instruire par le voyage et cherche à se divertir. Il affirme sa différence de caste en cultivant la jouissance face à l’émergence d’une classe issue de la
- 113 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 114
fabrique et du négoce qui élève travail, productivité, réussite par l’effort et le mérite, au dépend de la naissance, en système de valeurs et, par eux, s’élève. Il leur oppose le gaspillage de temps et argent érigé en mode (fashion) qui elle-même devient mode de vie. Une culture du superflu, dont participent le voyage, le jeu, le sport, l’attrait de la Rome ancienne et de la langue latine cessée d’être véhiculaire, signe la singularité et fonde une forme de domination symbolique, veille du déclin de la fonction sociale et du pouvoir politique effectifs de la noblesse15. Au XIXe siècle, ce modèle est imité par la classe montante qui lui succède. Si la bourgeoisie érige le labeur en vertu, elle donne à voir sa réussite sociale par l’investissement financier dans le temps libre, le lieu prisé et le bien coûteux16. Elle adopte les “emblèmes de “classe”, classés et classant”. L’appropriation matérielle ou culturelle est sous-tendue par l’appropriation de ces “signes distinctifs”, objets de luxe ou pratiques de même teneur qui situent dans l’espace social17. Le nouveau nanti affiche, par ces stratégies de différentiation, son statut. Dans ce contexte, “le tourisme est un art, l’art d’être touriste”18. Associé à la vie mondaine, récréative, badine, associé au ludique, au faste, à la débauche, le tourisme, aux cours des XVIIIe, XIXe siècles et jusqu’au début du
- 114 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 115
XXe siècle, activité futile ou inactivité, ne s’intègre pas dans les systèmes de pensée susceptibles de fonder une démarche d’élaboration cognitive. Par ailleurs, le glissement opéré, à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, vers les prémices d’un processus d’industrialisation - sous l’impulsion de l’évolution des transports, notamment l’apparition du chemin de fer qui rend le déplacement accessible au grand nombre, alliée aux mutations du système bancaire, de l’urbanisme, et aux bases de l’organisation du voyage élaborées par Thomas Cook19 - lui confère un aspect opératoire qui n’a pas alors atteint ses pleines dimensions et expressions, mais dont l’esquisse ne le situe pas dans l’aire d’investigation des sciences. La réalité des implications, inflexions et impacts sous-jacents qui préparent les conditions de profonds bouleversements des sociétés est d’autant moins perceptible que l’image hédoniste la masque. D’autre part, les outils susceptibles de forger un regard autre sur un objet de connaissance potentiel sont, eux-mêmes, en phase d’élaboration. Le XIXe siècle voit en effet l’émergence de deux puissants appareils de décryptage du social, la sociologie et l’économie, ce, sur fond de crise d’un monde en devenir, finissant de trancher ses liens avec l’Ancien Régime à travers les soubresauts révolutionnaires de 1848 et la force motrice de grands courants de pensée - le positivisme fondé par Auguste Comte, l’évolutionnisme transposé aux sociétés humaines par Herbert Spencer, le modèle démocrate promu par Alexis de Tocqueville, le matérialisme historique théorisé par Karl Marx et Friedrich Engels, la structuration internationale du mouvement ouvrier, la rationalisation du monde dégagée par Max Weber,
- 115 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 116
l’interrogation d’Emile Durkheim sur les fondements du lien social - autant d’apports au combat de la modernité en construction. En ce contexte de questionnements et tensions, de ruptures et recompositions sur le plan économique, social, politique, culturel, les productions écrites sur le tourisme sont majoritairement littéraires inscrites dans la tradition des récits de voyages réels ou imaginaires, reports précis de faits dans leur déroulement effectif, ou bien romancés, ou bien encore fictifs: Journaux de voyage, Correspondances, Mémoires. Le succès de librairie de Romans et de recueils de Nouvelles peut créer l’événement touristique, initier la vogue d’une station. Elles sont, d’autre part, pratiques de type Guides, Itinéraires, Descriptions ; Itinéraires et descriptions ferroviaires, par exemple, prospèrent à partir du milieu du XIXe siècle. Elles sont riches en Histoires, Tableaux et Statistiques à visée encyclopédique et autres études non académiques, ce à trois exceptions qui ouvrent le tourisme à son histoire d’objet de connaissance, en un temps de recomposition du paysage scientifique moderne. En effet, différenciée par la segmentation en secteurs et disciplines selon la loi du développement appliquée à la connaissance dont la croissance provoque l’éclatement, l’activité intellectuelle trouve désormais ancrage dans une typologie qui circonscrit les champs de compétence. Dans ce tracé de lignes de démarcation, le tourisme naît à la prise en charge de la réflexion scientifique dont les divisions détermineront les modes d’approche mis en œuvre.
- 116 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 117
… à l’objet de science La recherche thérapeutique, inaugurale et influente au sens où elle participe à fonder une forme spécifique de tourisme, conserve longtemps l’hégémonie de l’approche scientifique. Dans des visées d’hygiène, lutte contre la tuberculose - notamment sous sa forme de phtisie -, la recherche médicale analyse les vertus curatives des eaux minérales, de la qualité de l’air, et favorise les migrations de santé, thermalisme balnéaire, ou, sur son modèle, cure climatique en altitude, villégiature et hiver sous de clémentes latitudes. Elle prescrit le voyage, remède à la mode, façonne le tourisme de soins qui accompagne l’émergence des stations. Les recherches en hydrologie, dont les premiers résultats sont publiés dès la Renaissance, reçoivent une impulsion décisive au XVIIIe siècle au cours duquel sont produites les premières études, doublée, au seuil du XIXe siècle, d’une démarche de nature clinique donnant lieu à la rédaction de rapports dressés par des médecinsinspecteurs sur l’issue des séjours aux eaux et adressés à l’Académie de médecine qui en publie des synthèses. Des monographies médicales, manuels et traités d’hydrologie se multiplient au cours du XIXe siècle, non dénués, pour certains, de préoccupations mercantiles20. A la fin du XIXe siècle, l’introduction officielle de l’hydrologie dans les enseignements des facultés de médecine s’avère compromise, mais des cercles d’études médicales fondés à Montpellier et à Paris en poursuivent l’analyse, et, des thèses doctorales de pharmacie sont publiées21 - Delorme (1905)22, Revelli (1918)23, Richaud (1925)24 Pouvy (1932)25.
- 117 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 118
Parallèlement, l’engouement mondain galvanise la fréquentation croissante des villes d’eaux. La réputation d’une station repose bientôt davantage sur les atouts touristiques des lieux et autres effets de mode que sur des considérations d’ordre médical26. En termes de développement des infrastructures d’accueil et apports financiers pour les communes, établissements de bains, casinos et hôtels, les conséquences des flux de clientèles sont importantes ouvrant un nouveau marché immobilier et médical. Les travaux initiaux en économie apparaissent, en 1911, en Suisse, sous la plume de Schullern zu Schrattenhofen. Le tourisme est présenté comme “une activité économique destinée à fournir tout ce qui est nécessaire aux mouvements des étrangers”. Ce “mouvement des étrangers”, nommé Industrie des voyageurs, est par ailleurs analysé par Picard (1911)27. En 1917, Stadner, dans La percée du tourisme, observe “l’impact touristique sur les économies locales” et annonce “une théorie de la consommation touristique périphérique à partir de revenus gagnés dans les “centres créateurs””28. Ce n’est qu’en 1926 que la politique économique des stations thermales est étudiée par Werner Sombart29. La recherche en ce domaine reste ponctuelle et isolée L’importance économique du tourisme échappe conjointement aux autorités. Aucune structure administrative d’expertise ou réglementation des activités touristiques n’est envisagée30. Les formalités
- 118 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 119
aux frontières en matière de prescriptions douanières, passeports et visas, importation ou exportation de devises, mesures sanitaires, étant les premiers instruments d’évaluation, soulignons l’absence de limitation et contrôle de la traversée des frontières, notamment européennes, antérieurement à la Grande Guerre31. L’histoire, quant à elle, articule sa recherche autour de quatre axes majeurs : le voyage dans l’antiquité, le voyage aux XVIIe et XVIIIe siècles, l’histoire des stations balnéaires ou thermales et celle de l’alpinisme. Fridlander (1907)32 produit une oeuvre d’envergure, restée inégalée pendant plus d’un demisiècle, sur les mœurs et coutumes du Haut empire romain. Deux parties de cette étude – “Verkehrwesen” et “Die Reisen der Touristen” - sont consacrées à l’histoire du voyage à travers l’empire, ainsi qu’à l’émergence de la résidence secondaire aux abords de la Baie de Naples. L’étude du tour et grand tour focalise plus particulièrement l’attention. Les britanniques, Bates (1911)33, Mead (1914)34, Parkes (1925)35, Maxwell (1932)36 rendent compte des conditions de voyage et hébergement, des coûts et dangers, des pays visités, tandis que le point de vue français reflète, dans les travaux de Babeau (1885)37 ou Hallays (1929)38, le rôle réceptif de la France. L’Italie et les villégiatures romantiques sont observées par Bertaut (1925, 1927)39. Les villes d’eaux sont étudiées, dans un contexte britannique, par Barbeau (1904)40, dans un environnement français, par Porcheron (1911)41, et les
- 119 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 120
sommets par Joutard (1886)42, L’invention du MontBlanc, Lunn (1912)43, Histoire du ski, puis Raymann (1913)44 et Benson (1913)45, entre autres. La grande crise de 1929 intervient en tant qu’étape décisive dans la reconnaissance de l’intérêt de la prise en charge du tourisme par la réflexion scientifique46. Elle est en effet vectrice de la prise de conscience par la classe dirigeante de l’impact du tourisme sur la balance des paiements et de la nécessité de le mesurer. Action collective en faveur du Tourisme, thèse doctorale soutenue par Mouginet, situe le phénomène dans sa pleine dimension : “[Le tourisme est]…une industrie mère, une industrie clef. Son développement ne se présente pas comme un facteur isolé de la prospérité du pays, il se répercute sur toutes les branches de l’activité nationale dont il accroît le rendement” (1933)47
Mais comment procéder à l’évaluation des effets touristiques? La démarche appelle une opération définitoire liminaire. Recenser les touristes exige de déterminer ce que le terme désigne48. L’entreprise, peu simple dans la configuration disciplinaire instituée, marque, au seuil des années 1930, l’ouverture officielle du chantier scientifique du tourisme.
- 120 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 121
ANNOTATIONS & BIBLIOGRAPHIE 1
I. Stengers, L’invention des sciences modernes, Flammarion, 1995 [1993], p.110-113
2
M. Boyer, Histoire de l’invention du tourisme. XVIe-XIXe siècles, Editions de l’Aube, 2000, p.275
3
M. Boyer, Op.Cit., Idem., p. 9-10
4
New English Dictionary, suppl.2, ancêtre de Oxford English Dictionary
5
J.L. Ferry de Saint-Constant, Londres et les anglais, Paris : Colnet et Debray, an XII-1804, 4 vol., in. 8°, 1803, p.333-334, in Höfler Anglic.
6
Première définition de touriste : “Se dit des voyageurs qui ne parcourent des pays étrangers que par curiosité et désoeuvrement, qui font une espèce de tournée dans des pays habituellement visités par leurs compatriotes. Se dit surtout des voyageurs anglais en France, en suisse et en Italie – E. Angl. Tourist, de tour, voyage, qui est le français tour, 2”, Littré, 1872
7
“Touriste, personne qui voyage par curiosité et par désoeuvrement”, Larousse, 1875
8
Thomas Cook organise en effet le premier voyage à forfait le 05 juillet 1841
9
Première définition de tourisme : “Tourisme, passion, habitude de touriste. Exemple : “Ces heureux de la terre se sentent tout à coup piqués de la mouche du tourisme, contagion inévitable du monde élégant” in Guichard, Voyage d’un français en Angleterre, 1841, Larousse, 1875
10
M. Boyer, Le tourisme de l’an 2000, Presses universitaires de Lyon, 1999, p. 41
11
R. McIntosh, “Early Tourism Education in the United States”, Journal of Tourism Studies, vol.3, n°1, 1992, p.2
12
M. Boyer, Histoire de l’invention du tourisme, Ibidem, p. 275
13
M. Boyer, Histoire de l’invention du tourisme, Ibid., p.189,
- 121 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
- 122 -
02/07/07
16:50
Page 122
14
M. Boyer, “Le Tourisme, une épistémologie spécifique en quête de paradigmes”, Loisir et société/ Society and Leisure, 20 (2), 1997, p.455-477, p.455
15
M. Boyer, Op. Cit, Ibid., p.456
16
T. Veblen, The Theory of the Leisure Class, New-York; London: Penguin, 1994 [1899] (traduction française aux éditions Gallimard, Paris, 1979)
17
P. Bourdieu, La distinction, Paris, Editions de Minuit, 1979, p.278-279
18
M. Boyer, Histoire de l’invention du tourisme, Op.Cit., Ibid., p.9
19
Thomas Cook invente un système d’achat de billets groupés à prix réduits, crée la première agence de voyages dont les succursales se répandent de par le monde, adopte le voyage individuel à forfait incluant transport, restauration et hébergement, élabore les Cook’s circular notes , précurseurs du traveller’s cheque.
20
P.Gerbod, Tourisme et thermalisme en France au XIXe siècle, in Deux siècles de Tourisme en France, Actes du colloque tenu au Centre Duguesclin (Université Paul Valéry, Montpellier III), Ville de Béziers/ Presses universitaires de Perpignan, 2001
21
Banque de données du système universitaire de documentation www.sudoc.abes.fr
22
J. Delorme, Etude sur les eaux sulfureuses des Fumades, Ecole supérieure de pharmacie de Montpellier, Imprimerie Firmin, Montade et Sicardi, Montpellier, 1905, Thèse pharmacie
23
J. Revelli, Contribution à l’étude historique et chimique du bassin hydrominéral de Marseille, Ecole supérieure de pharmacie de Montpellier, Imprimerie régionale, Toulon, 1918, Thèse pharmacie
24
J. Richaud, Etude sur les eaux sulfureuses de Pietrapola-les-bains (Corse), Faculté de pharmacie de Montpellier, Imprimerie Frmin et Montane, Montpellier, 1925, Thèse pharmacie.
25
J. Pouvy, Les eaux minérales du Mazel des Laubies (Lozère), Faculté de pharmacie de Montpellier, Imprimerie Notre-Dame, Nîmes, 1932, Thèse pharmacie
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 123
26
J-D. Urbain, Sur la Plage, Payot, 1994 A. Rauch, Vacances en France de 1830 à nos jours, Hachette Littératures, 1996, p.15-40
27
E. Picard, “L’industrie des voyageurs”, Revue économique internationale, vol.4, 1911, p. 207-223
28
R. Lanquar, L’économie du Tourisme, PUF : Que sais-je ? 1987 [1983], p.5-6
29
W. Sombart, “Le problème des stations thermales sous leur aspect de politique économique”, Transports et Thermes, Berlin, n°38, 1926
30
M. Boyer, Histoire de l’invention du tourisme, Ibid., p.9
31
R. Lanquar, Le tourisme international, PUF : Que sais-je ? 1995, p.14
32
L. Friedlander, Roman Life and Manners under the Early Empire, translated by L.A. Magnus, reprinted edition (4 vols.), London: Routledge and Kegan Paul, [1907], 1965
33
L.S. Bates, Touring in 1600 : A Study in the Development of Travel as a Means of Education, London, Constable, 1911
34
W.E. Mead, The Grand Tour in the Eighteen Century, New-York: Houghton Mifflin, 1914
35
J. Parkes, Travel in England in the Seventeenth Century, London, Oxford, 1925
36
C. Maxwell, The English Traveller in France. 1698-1815, London, Routledge, IX, 1932
37
A. Babeau, Les Voyageurs en France depuis la Renaissance jusqu’à la Révolution, Paris, Firmin Didot, 1885
38
A. Hallays, Le voyage en France, Paris, Hachette, 1929
39
J. Bertaut, L’Italie vue par les français, Paris, Ann.Pol. et Litt.s.d., 1925, et Villégiatures romantiques, Paris, Descros, 1927
40
A. Barbeau, Une ville d’eaux anglaise au XVIII°. La société élégante et littéraire à Bath sous la reine Anne et sous les Georges, Paris, Picard, VIII, 1904.Thèse Lettres
- 123 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
- 124 -
02/07/07
16:50
Page 124
41
Dr L. Porcheron, Les villes d’eaux, Les stations climatiques françaises, Paris, Malani, VIII, 1911
42
P. Joutard, L’invention du Mont-Blanc, Collection Archives, Paris, Gallimard, 1886
43
A. Lunn, Skiing, 1912, traduit : Histoire du ski, Paris, Payot, 1953
44
A. Raymann, Evolution de l’alpinisme dans les Alpes françaises, Grenoble, Léon Aubert, VII, 1913
45
E.F. Benson, Winter George Allen, 1913
46
M. Boyer, Histoire de l’invention du tourisme, Ibid., p.9
47
Mouginet, Action collective en faveur du Tourisme, Bordeaux, 1933, Thèse économie
48
M. Boyer, Op.Cit, Ibid.
Sports
in
Switzerland,
London,
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 125
CRÉER AVEC SUCCÈS SON ENTREPRISE DANS LE DOMAINE DE L’HÔTELLERIE ET DU TOURISME : UNE STRATÉGIE EN HUIT ÉTAPES Christine PAGNON-MAUDET1,
Vice Doyen de la Faculté de Tourisme et d’Hôtellerie Internationale, Université de Perpignan, France Résumé : Créer une entreprise avec succès dans le domaine de l’hôtellerie et du tourisme induit de respecter une méthodologie proposée ici en huit étapes. Toutefois, la démarche serait inopérante si chaque créateur n’adaptait pas le processus à la spécificité de sa propre situation ainsi qu’aux nombreux paramètres pouvant avoir une incidence sur sa future activité. Abstract : To create a company successfully in the field of hotel trade and tourism induced to respect a methodology suggested here in eight stages. However, the step would be inoperative if each creator did not adapt the process to specificity of his own situation like to the many parameters which can affect his future activity
c CirVath - Les Cahiers Internationaux du Tourisme N°1
- 125 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 126
Qui n’a jamais désiré être le créateur de sa vie professionnelle et en maîtriser l’évolution ? Du rêve à la réalité, de l’idée au projet, du processus de création d’entreprise à son réel fonctionnement, à chacun(e) son parcours en fonction de ses paramètres spécifiques qu’il convient d’analyser avec pertinence et objectivité quand l’on désire s’investir dans l’aventure entrepreneuriale. Le secteur du tourisme, et particulièrement celui de l’hôtellerie-restauration-limonaderie, est porteur en la matière : il profite à la fois d’un accroissement de la demande d’activités touristiques de loisirs2 et d’une plus grande souplesse au niveau législatif3. Le phénomène d’expansion du secteur touristique et hôtelier est quasiment mondial malgré les mutations et les quelques crises sectorielles actuelles. Les flux économiques qui y sont liés constituent la première activité internationale en volume d’affaires, devançant en cela les autres industries. Les investissements touristiques et hôteliers ont un impact sur de plus en plus de populations, à la fois au niveau des zones émettrices de touristes que des destinations d’accueil. Il ne faut cependant pas occulter les risques économiques, socioculturels, géopolitiques et environnementaux qui agitent et perturbent certains pans de cette industrie de services fortement liée aux voyages, aux évolutions sociétales, aux standards de vie, aux modes de consommation et à l’imaginaire, sans pour autant que soit affectée sa croissance planétaire globale. Les chiffres communiqués régulièrement par l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) et les institutionnels du tourisme sont évocateurs à cet égard 4.
- 126 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 127
Se lancer dans l’aventure de la création d’entreprise dans ce domaine précis prédisposerait donc à la réussite. Toutefois, s’y engager sans respecter une méthodologie rationnelle et exhaustive relève de la gageure et pourrait mener à l’échec. Cependant, il ne faut pas s’imaginer qu’appliquer stricto sensu une méthode globale de création d’entreprise suffit pour réussir : chaque créateur devra adapter son processus créatif et bâtir sa propre stratégie en fonction de sa situation concrète d’environnement, de marché, de vie. En soi, il n’y a pas réellement de bonne ou de mauvaise stratégie de création d’entreprise mais plutôt des choix personnels à optimiser en fonction d’opportunités et circonstances particulières, différentes selon chacun(e). Quoiqu’il en soit, c’est fort de ses capacités d’imagination, analyse, méthode, rigueur, patience, modestie, réalisme, persévérance et goût du risque raisonné, que le créateur deviendra l’artisan de son avenir en respectant huit étapes incontournables qui le guideront sur le chemin du succès. Avant d’aborder la mise en place proprement dite des éléments fondateurs d’une nouvelle entreprise, quel que soit son type d’activité, il est impératif d’analyser la conjoncture dans laquelle la création est envisagée. Une fois ces paramètres bien établis et maîtrisés, le créateur pourra finaliser son projet et le concrétiser réellement. Certaines étapes seront menées successivement ; d’autres peuvent fort bien l’être simultanément afin de pouvoir les conforter, vérifier leur cohérence, les ajuster, les corriger, voire changer de cap !
- 127 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 128
Tout au long de son processus, le futur chef d’entreprise devra maintes fois se questionner : ses propres réponses lui permettront de moduler sa stratégie, faisant preuve ainsi de ses capacités à la remise en cause, à l’adaptation et à l’évolution dans ses prises de décisions5. 1re Étape : La définition du positionnement personnel du créateur Il lui faudra tout d’abord être parfaitement au clair à la fois avec ses propres motivations et avec les futurs composants de l’entreprise dont il rêve. Répondre avec objectivité aux interrogations suivantes lui permettra, d’emblée, de bien se positionner… sans aller à l’encontre de ses valeurs et désirs profonds.
- 128 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
1.1 1.2 1.3 1.4 1.5 1.6 1.7
02/07/07
16:50
Page 129
L’idée et le domaine de création ? Les objectifs poursuivis ? Les capacités du créateur (personnelles, professionnelles, financières) ? Le pays et la ville d’implantation ? L’emplacement désiré ? L’entourage du créateur ? Le positionnement global (marché touristique visé, clientèle cible) ?
2e Étape : La maîtrise de l’environnement de la future entreprise Il appartient ensuite au créateur de mesurer les conséquences de son environnement sur la nature même et la localisation souhaitée pour son entreprise. Bien connaître son futur champ d’activités permet de mieux maîtriser ses composantes et l’ensemble de ses évolutions politiques, économiques, sociales, sociétales et concurrentielles. 2.1
2.2 2.3 2.4
Le macro-environnement (politico-légal, climatique et naturel, culturel, monétaire,fiscal, démographique, économique, technologique, socio-culturel) ? L’environnement public (pouvoirs publics, syndicats et groupements d’intérêts, médias, institutionnels locaux) ? L’environnement immédiat (concurrents directs, prestataires de services, public local) ? Les facteurs de choix des futurs clients (personnels, sociologiques, psychologiques, motivations) ?
- 129 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
2.5 2.6 2.7
02/07/07
16:50
Page 130
Les influences subies par les futurs clients (religion, perceptions, processus mentaux, pertes de repères) ? Le rôle des évolutions actuelles (marché du travail, technologies, transports, modes de vie) ? Les nouvelles valeurs de la consommation touristique (impacts des socio-styles, modes et tendances touristiques) ?
3e Étape : L’analyse des atouts et des opportunités à valoriser Analyser ses atouts et les mettre en avant permettra au futur entrepreneur touristique de découvrir ses opportunités de conquête d’un marché potentiel. Sans client, le produit ou le service n’auront aucun sens… 3.1 3.2 3.3 3.4
Les atouts spécifiques du créateur ? Les opportunités du marché potentiel (positionnement géographique, activité propre, attributs de l’environnement, intensité concurrentielle) ? L’étude de marché (méthode et étapes : segmentation de clientèle et définition du marché utile, clientèle cible et couple marché- produit) ? Les méthodes d’enquêtes (techniques d’entretiens, sondage) ?
4e Étape : La prise de conscience des menaces et des faiblesses à affronter Une vision objective des risques et des diverses contraintes à subir au cours du processus de création d’entreprise est indispensable pour que le futur chef d’entreprise soit en capacité d’y suppléer.
- 130 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
4.1
4.2 4.3 4.4
02/07/07
16:50
Page 131
Les risques (risques globaux concernant le macro environnement, le micro environnement, les comportements des clientèles ; risques spécifiques concernant le choix de projet, les compétences nécessaires) ? Les contraintes (environnementales, légales, fiscales, sociales, de marché, de produits) ? Les barrières (à l’entrée et à la sortie du marché) ? Les faiblesses du créateur (techniques, psychologiques, financières) ?
5e étape : Les choix fondateurs à effectuer par le créateur Afin de pouvoir vendre une production touristique, il est impératif de mettre en place un plan mercatique adapté à la cible visée. 5.1 5.2 5.3
5.4 5.5 5.6
L’incidence du positionnement clientèle ? Les produit(s) ou services proposés (nom commercial, marque : protection en France, en Europe, hors Europe) ? Les prix (contraintes internes : nature de la production, gamme proposée, coûts, marge ; contraintes externes : demande, concurrence, canal de distribution, contraintes légales, stratégie et méthodes de fixation de prix) ? La “place” sur le marché (mode de distribution, critères de choix, service ventes) ? La promotion (communication interne, externe, promotion média, hors média, budget promotionnel, calendrier) ? L’incidence des 4 “P” complémentaires ?
- 131 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 132
6e étape : Les moyens financiers nécessaires pour concrétiser le projet Sans disposer de moyens suffisants, impossible d’assurer investissements et frais de fonctionnement. Un plan financier cohérent et viable, assorti de tableaux prévisionnels, constitue l’outil principal d’une gestion efficace. 6.1 6.2 6.3 6.4
Les besoins financiers (investissement, fonctionnement) ? Les moyens financiers (fonds propres, capitaux empruntés : capital de proximité, pratique des banques, garanties à fournir) ? Les aides à obtenir (fonds de garantie ; business angels et sociétés de capital-risque) ? Les tableaux financiers (plan de financement, compte de résultat, plan de trésorerie, ratios financiers : point mort ou seuil de rentabilité, capacité d’auto-financement, ratios de rentabilité commerciale ; bilan initial) ?
7e étape : Un montage juridique adapté Réaliser des choix juridiques, fiscaux et sociaux, parfaitement adaptés à la situation personnelle du créateur et à la nature même de son projet, va lui permettre d’optimiser la création et d’envisager avec sérénité le développement, voire plus tard l’éventuelle cession de l’entreprise. 7.1
- 132 -
Créer une structure civile (démarrage en solo, création d’une association) ?
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
7.2
7.3 7.4 7.5
02/07/07
16:50
Page 133
Créer une structure commerciale (choix d’une activité individuelle : statut d’entrepreneur individuel, constitution d’une EURL, option de la SASU ; choix de s’associer : statuts, critères de choix d’un régime juridique moins risqué) ? La portée de l’engagement (biens personnels, immeubles, régime matrimonial) ? Le choix d’un statut fiscal adapté (coûts fiscaux et exonérations) ? Le choix de la protection sociale du créateur (statut social, obligations sociales) ?
8e étape : Les démarches obligatoires à entreprendre Cette étape, vécue souvent comme la plus laborieuse, donnera à l’entreprise l’existence administrative indispensable pour démarrer légalement son activité. 8.1 8.2 8.3
La concrétisation de la création (entreprise individuelle, société, validation administrative) ? Les procédures d’agrément et de conformité (en matière d’hygiène, de sécurité, d’ordre public, d’information du consommateur) ? Conditions personnelles et obligations du créateur ?
Enfin, le montage d’un business plan réaliste, résumant prévisions mercatiques, économiques et financières, juridiques et administratives, va permettre au futur créateur de rassembler son travail en un document unique de présentation. Ainsi, il rassurera à la fois ses partenaires sur la qualité de sa future prestation et pourra obtenir des aides logistiques et pécuniaires
- 133 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 134
indispensables à la concrétisation de son projet. Peu importe en fait la façon de présenter un business-plan : les interlocuteurs apprécieront surtout un exposé logique et objectif, ainsi que le fait que leur soient proposés plusieurs scénarii détaillés (hypothèses haute, moyenne et basse), même si le porteur de projet est intimement persuadé que seul le plus optimiste ne peut qu’aboutir ! Imagination, organisation et innovation seront des ressources indubitables de développement et de profits pour l’entreprise nouvellement créée. Toutefois, la propre expérience de terrain du créateur est la seule véritablement formatrice et lui permettra d’atteindre son but : devenir “chef d’entreprise”, véritable praticien des affaires… sans omettre de rester philosophe et de savoir accepter les échecs ! 6 Ces quelques maximes peuvent stimuler un futur créateur… “Un pessimiste voit une difficulté dans toute opportunité. Un optimiste voit une opportunité dans toute difficulté”. Winston Churchill “Si tu n’espères pas l’inespéré, tu ne le trouveras pas”. Proverbe japonais “Il faut de l’audace, toujours de l’audace, encore de l’audace”. Danton “Le doute est la clé de toute connaissance. Qui ne doute de rien ne sait rien”. Proverbe persan
- 134 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 135
ANNOTATIONS 1
Christine Pagnon-Maudet vient de publier un ouvrage détaillant ce même thème aux Editions Ellipses : Stratégies de création d’une entreprise hôtelière et touristique, huit étapes pour réussir, Paris, 2007 (358 pages).
2
Des chiffres pour vous convaincre : en France, en 2006, près de 230 000 entreprises ont été répertoriées comme exerçant leur activité dans le tourisme. Ce secteur représente 2 millions d’emplois, directs et indirects (calcul en équivalent temps plein : ETP). Les créations d’entreprises touristiques y vont bon train : selon l’INSEE, en 2005, il en a été dénombré 37 213 et ce chiffre a augmenté d’environ 4% en 2006. Elles représentent 12 % des créations, tous secteurs confondus (315 538 créations en 2005). La part essentielle concerne les restaurants (64%), particulièrement la restauration rapide ; la création d’hôtels de tourisme se ralentit au profit d’autres modes d’hébergement ; celle des agences de voyages chute régulièrement depuis la généralisation des réservations en ligne. Le secteur des hôtels-cafés-restaurants (HCR) représente 92% de l’activité touristique globale et compte plus de 865 000 emplois salariés directs en France. Depuis 2003, l’emploi salarié de ce secteur croît régulièrement, signe de sa bonne santé : le tourisme est devenu le troisième secteur créateur d’emplois après les services aux entreprises et la construction Sources : Répertoire des entreprises nationales et des établissements(SIRENE et INSEE-Unedic 2006).
3
Les lois sur l’initiative économique, dites Loi Dutreuil (Août 2003 et Août 2005), ont particulièrement stimulé la création d’entreprise en simplifiant le processus, en améliorant la sécurité juridique ainsi que l’accès au financement, et en allégeant le quotidien administratif de l’entrepreneur.
4
Consulter le site de l’OMT : www.world-tourism.org ; Lire, entre autres : Le tourisme en France, INSEE, Edition 2005.
5
La stratégie de création d’entreprise hôtelière et touristique proposée dans cet article est largement illustrée d’exemples propres aux professions concernées dans l’ouvrage de l’auteur cité en référence 1.
6
Quelques ouvrages sont à conseiller au futur créateur dans les domaines de l’hôtellerie et du tourisme (voir bibliographie en fin de texte)
- 135 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 136
BIBLIOGRAPHIE 1 - Concernant la création d’entreprise en général Adetinet B., Dujoncquoy M., Sananikone S., Le guide de l’entreprise individuelle, Dalloz-Sirey, 2006 ; Agence pour la création d’entreprises, Financer votre projet d’entreprise, Editions d’organisation, 2006 ; Casteran S., Créer son entreprise : Le guide pratique, 2006 ; Cesbron C., S ‘installer à son compte, Delmas, 2006 ; Chambaud V., Créer son activité en solo, Dunod, 2005 ; Coste J., Lafond P., Mémento de créateur d’entreprise, Le Monde de l’Entreprise, 2006 ; Courrent J-M., Sammut S., Elaborer son dossier financier de création, Dunod, 2005 ; Cova B., Innover en marketing, Tec & doc-Lavoisier, 2006 ; Cram T., Optimisation prix, Village mondial, 2006 ; Darpy D., Volle P., Comportements du consommateur, Dunod, 2003 ; Ducreux J.M., Marchand-Touel M., Stratégie, les clés du succès concurrentiel, Editions d’organisation, 2004 ; Duplat Cl., Financer la création et le développement de son entreprise, Vuibert, 2005 ; Engrand S., Le grand guide pour se mettre à son compte, Maxima, 2003 ; Fayolle A., Devenir entrepreneur, Village mondial, 2006 ; Fayolle A. Introduction à l’entrepreneuriat, Dunod, 2005 ; Fayolle A., Le métier de créateur d’entreprise, Editions d’organisation, 2003 ; Greffe, Se mettre à son compte, Dunod, 2003 ; Groupe de recherches et d’études financières, fiscales et économiques, Se Mettre à son compte, Dunod, 2005 ; Juvenon A., Liard J.M., Roy E., Se connaître pour entreprendre, Dunod, 2002 ; Kotler P., Dubois B., Marketing, management, PubliUnion 2001 ; LegerJarniou C., Réaliser l’étude de marché de son projet d’entreprise, Dunod, 2004 ; Le Seigneur V., Tourisme, environnement, territoires, Ifen, 2000 ; Massol J-L., Trouver une idée de création d’entreprise, Editions d’organisation, 2007 ; Maoler H.P., Clef E., Comment manager un projet, Editions d’organisation, 2002 ; Merlin P., Tourisme et aménagement touristique, La documentation Française, 2001 ; Montebello, M., Création d’entreprise, Economica, 2004 ; Papin R., Stratégie pour la Création d’Entreprise, Reprise, Développement, Dunod, 2007. Paysant M., S’installer à son compte, Editions d’organisation,2005 ; Périer, C., Créer son entreprise, Jacob-Duvernet, 2006 ; Piganeau L., Le guide de la microentreprise, Editions d’organisation, 2006 ; Pialot D., Le guide complet de la création d’entreprise, Express éditions, 2005 ; Pierrat C., La gestion financière de l’entreprise, la Découverte, 2006 ; Potier F., Tourisme et innovation, La documentation Française, 2004 ; Sens R., Je crée mon
- 136 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 137
entreprise, Maxima 2003 ; Thiollet J-P., Créer ou reprendre un commerce, Vuibert, 2005 ; Trout J., L’essentiel de la stratégie, Village mondial, 2004 ; Yde V., Créer son entreprise, Vuibert, 2007.
2 - Concernant la création d’entreprise dans les domaines de l’hôtellerie et du tourisme Abric D., Briot J.C., Ouvrir une agence de voyages, ACFCI, 1996 ; Agence pour la création d’entreprises, Ouvrez un restaurant, Editions d’organisation, 2006 ; Amirou R., Imaginaire du tourisme culturel, PUF, 2000 ; Arnaud G., Réenchanter la France, La documentation Française, 2004 ; Caccomo JL., Solonandrasana B., L’innovation dans l’industrie touristique, L’Harmattan, 2006 ; Code du Tourisme, Les éditions des Journaux Officiels, 2005 ; Duprez G., Coudert, G., Gérer un camping : création, rachat, administration, législation, Editions Puits Fleuri, 2004 ; Durand A., Réussissez vos premiers pas dans l’hôtellerie, Editions CCI, 2005 ; Heumann B., Ouvrir un hôtel, ACFCI, 1994 ; Heumann B., Ouvrir un restaurant, ACFCI, 1993 ; Hoerner JL., Traité de tourismologie, PUP, 2002 ; Hoerner J.M., Sicart C., La science du tourisme, Balzac Editeur, 2003 ; INSEE, Le tourisme en France, Ministère délégué au Tourisme, 2005 ; Legoupil D. J’ouvre un café, CECOD, 1996. Leguevaques, Ouvrir un camping, ACFCI, 1994 ; PagnonMaudet C., La création d’une entreprise hôtelière et touristique, Editions Ellipses, 1999 ; Pialot D., Créer son entreprise, L’entreprise, 2006 ; Plasait B., L’accueil des touristes dans les grands centres de transit, La documentation Française, 2004.
3 - Concernant des aspects spécifiques de la création d’entreprise hôtelière et touristique 3 - 1 - Mercatique Balfet M., Marketing des services touristiques et hôteliers, Ellipses, 2001 ; Barma J.L., Marketing du tourisme et de l’hôtellerie, Editions d’organisation, 2000 ; Chétochine G., Le blues du consommateur, Editions d’organisation, 2005 ; Cova V., Cova B., Alternatives marketing, Dunod, 2003 ; Gicquel Y., Le marketing tribal, Le génie des glaciers, 2006 ; Gicquel Y., Le marketing polysensoriel, Le génie des glaciers, 2006 ; Gicquel Y., Le marketing ethnique, Le génie des
- 137 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 138
glaciers, 2006 ; Gicquel Y., Le street marketing, Le génie des glaciers, 2006 ; Gicquel Y., Le buzz marketing, Le génie des glaciers, 2006 ; Gicquel Y., Le marketing des juniors, Le génie des glaciers, 2006 ; Parenteau A., Le marketing pratique du tourisme réceptif européen, Jacques Lanore éditions, 1997 ; Tauran-Jarmelin V., Marketing du tourisme, Breal, 2002 ; Tocquer G. et Zins M., Marketing du tourisme, Gaëtan Morin, 1999 ; Tregner J.P., Seagti J.M., Les nouveaux marketings, Dunod, 2003.
3 - 2 – Gestion Falcoz J.L., Investir dans le tourisme, Collection Guides, 1999 ; Robinet J.Cl., Adam C., Le Management hotelier, Edition De Boek, 2003.
3 - 3 – Juridique Chambaud V., Guide fiscal et social du créateur d’entreprise, Dunod, 2003 ; Lafforgue A., Raffir R., Droit économique du tourisme, Edition Jacques Lanore, 2001 ; La revue financière, Cahier juridique : RF 951, RF 955, FH 3174, FH 3175, FH 3176, 2006.
3 - 4 - Ressources humaines C. Dejoux, Les compétences au cœur de l’entreprise, Editions d’organisation, 2001 ; M. Jolis, La compétence au cœur du succès de votre entreprise, Editions d’organisation, 2000 ; J. P. Lozato-Giotart, M. Balfet, Management du Tourisme, Edition Pearson, 2004 ; H. Mintzberg, Le manager au quotidien, Editions d’organisation, 1993 ; J.C. Robinot, C. Adam, Le management hôtelier, Edition De Boek, 2003.
- 138 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 139
NOTE DE LECTURE : “LA FAMILLE FENOUILLARD FAIT SON TOURISME”, Une
farce de Jean-Michel HOERNER et de Laurent PRAT “THÉÂTRE CHEZ SOI” Il n’est pas fréquent, dans une revue scientifique, de présenter une pièce de théâtre (la “première” est prévue début 2008). En outre, cette “note de lecture” est particulière, dans la mesure où l’œuvre susdite n’est pas encore publiée… Il a été rappelé dans l’introduction que les études sur le tourisme ont besoin de toutes les approches possibles. Pour autant, cette approche n’est pas pionnière : dans un ouvrage scientifique réputé1, Armand Frémont ne trace-t-il pas les limites d’une géographie de l’espace vécu à partir de Madame Bovary, le roman de Gustave Flaubert ? Ce qui est plus innovant, en revanche, c’est la nature de cette démarche théâtrale. En effet, les auteurs pensent que leur farce dessine, plus qu’aucun ouvrage savant, la problématique du tourisme de masse des classes moyennes au sein de nos sociétés, c’est-à-dire la remise en cause de leurs fondements démocratiques. Eugène Ionesco, lorsqu’il imagine la “rhinocérite” dans sa comédie, Le rhinocéros (1960), ne suggère-t-il pas, mieux que n’importe quelle thèse, le péril du fascisme ?
c CirVath - Les Cahiers Internationaux du Tourisme N°1
- 139 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 140
La famille Fenouillard au grand complet…
La farce présentée s’intitule La famille Fenouillard fait son tourisme et s’inspire largement de la première bande dessinée française, La famille Fenouillard de Christophe2, où cet éminent botaniste de la Sorbonne raconte l’étrange tour du monde d’une famille de bonnetiers de la Somme-Inférieure. Après une première partie, pendant laquelle ils se mêlent, de manière infructueuse, aux touristes anglais de la leisure class, de Paris aux plages normandes, les Fenouillard se retrouvent sur un paquebot transatlantique. À partir de là, Agénor et Léocadie, les parents, Artémise et Cunégonde, leurs filles, vont fréquenter des factions politiques à New York, des Sioux, des trappeurs canadiens, des Japonais, des Papous cannibales… Leurs aventures sont drôles et
- 140 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 141
souvent insolites. Elles sont parfois tendancieuses, dans la mesure où les Fenouillard affichent de manière ostentatoire la supériorité de leur civilisation, bien qu’ils n’apparaissent pas toujours à leur avantage. Parfois, on a même droit à des connotations racistes, plus tolérées à la fin du 19e siècle que maintenant. Enfin, on s’étonne de la présence de plus en plus prégnante d’un médecin de la navale, le docteur Guy Mauve, qui prend la famille Fenouillard comme cobaye en tant “qu’animaux hibernants”. Lorsqu’elle revient triomphante chez elle, n’apprend-on pas que ledit docteur est originaire de son village ? La farce de La famille Fenouillard fait son tourisme choisit d’interpréter la bande dessinée dans le sens d’une œuvre prémonitoire sur le tourisme de masse, en conservant les costumes de la fin du 19e siècle mais en se situant à notre époque. Autrement dit, puisque les Fenouillard voyagent dans leur sommeil (sic), ce sont des touristes incapables de vraiment voyager. Sur la base d’une critique courante selon laquelle le tourisme ne pourrait jamais s’assimiler à un vrai voyage, les touristes Fenouillard sont en fait hypnotisés par le docteur. Or la comédie ne se contente pas de l’hypothèse suggérée d’un traitement de la névrose résultant d’un goût exacerbé pour les voyages. En effet, si Christophe voulait déjà amuser les enfants, la pièce de théâtre est plus ambitieuse, même si la bande dessinée initiale porte en elle tous les ressorts utilisés dans cette farce. Avec le recul, on constate ainsi que la satire du tourisme naissant de l’époque, en tant qu’activité de “désœuvrement” (Littré), anticipe la vision du tourisme de masse actuel…
- 141 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 142
Le docteur Guy Mauve est alors présenté comme un démiurge fascisant, qui manipule les Fenouillard. Il n’a d’autre but que d’expérimenter le moyen de faire rêver les classes moyennes pour mieux les asservir, c’està-dire de pratiquer sur elles une sorte de tourisme hypnotique. Parce que l’état de touriste est le modus vivendi des classes moyennes, il les fait voyager dans l’imaginaire afin de leur faire comprendre qu’ils doivent dormir pour échapper, dans leur faux voyage, à la menace des voyous de tout acabit dans leur lotissement d’origine. En tant que touristes et faux voyageurs, les Fenouillard vivent donc de faux dangers, en oubliant le réel péril qu’ils courent dans leur environnement familier. Cette distanciation entre les deux réalités est obtenue par le recours au mode de la commedia dell’arte, avec l’utilisation de masques de cuir. Outre l’hommage rendu à la bande dessinée, l’artifice revêt un sens imaginaire qui répond à l’objectif du tourisme de masse : croire qu’il s’agit d’une exploration du monde, penser, en même temps, qu’il est le prolongement, par la mondialisation, de la domination sans limite de la civilisation occidentale, et exprimer dans la vie quotidienne le rôle des classes moyennes. Toutefois, le message de la pièce de théâtre demeure en filigrane. On rit beaucoup, on partage les aventures désopilantes de touristes à la limite de caricature et on sourit de la prétention diabolique du docteur Guy Mauve. Dans un contexte satirique, l’hypnose devient le prétexte d’une farce, pendant laquelle les Fenouillard visitent les Sioux, se rendent en Chine et sont prisonniers du pirate Barbe-Noire. Le docteur Guy Mauve, assistée de sa secrétaire dont la
- 142 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 143
présence échappe aux Fenouillard, apparaît comme un apprenti sorcier qui veut manipuler des touristes de la classe moyenne, et son déguisement final en Docteur Folamour de Kubrick laisse augurer l’enjeu politique. Finalement, le tourisme devient ici le comportement d’une classe qui croit dominer le monde alors qu’elle est menacée dans ses fondements. L’œuvre de Christophe serait donc portée à son paroxysme. L’universitaire percevait la fin d’un monde, qui se projetait dans l’illusion du tourisme, et la farce proposée, en s’inspirant peut-être de l’homo festivus cher à Philippe Muray3, suggère la lecture touristique du monde, y compris dans sa menace terroriste. C’est peutêtre aussi la version théâtrale du colonisme traité dans l’un des articles de cette revue. La confrontation d’une société de nantis qui, par centaines de millions de touristes, part à la conquête du monde le plus pauvre. L’incompréhension des cultures qui s’opère par le tourisme international. La vanité des classes moyennes, qui apprennent que leur domination est fragile. L’ampleur, finalement, du phénomène touristique qui n’accapare pas 10% des revenus mondiaux sans conséquences.
- 143 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 144
Résumé : Une pièce de théâtre, La famille Fenouillard fait son tourisme, écrite par Jean-Michel Hoerner et Laurent Prat, et montée par la troupe perpignanaise du Théâtre chez soi, exprime, aussi bien qu’un article savant, l’étrange phénomène de société qu’est le tourisme de masse. Elle s’inspire de la bande dessinée de Christophe (La famille Fenouillard, 1893), qui a sans doute un caractère prémonitoire. Abstract: A play, La famille Fenouillard fait son tourisme, written by Jean-Michel Hoerner and Laurent Prat, and produced by the perpignanaise company of the Theatre chez soi, expresses, as well as an erudite article, the strange phenomenon of society which is tourism of mass. This joke draw its inspiration from the comic strip of Christophe (La famille Fenouillard, 1893), who is undoubtedly premonitory.
ANNOTATIONS
- 144 -
1
Armand Frémont, La région, espace vécu, Paris, PUF, 1976.
2
Christophe, La famille Fenouillard, Paris, Armand Colin, 1893.
3
Philippe Muray, Après l’Histoire II, Paris, Les Belles Lettres, 2000.
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 145
CARACTÉRISTIQUES DES
“CAHIERS INTERNATIONAUX DU TOURISME”
Direction : - Rédactrice en chef : Anne-Marie Mamontoff, Université de Perpignan Via Domitia. - Directeur de la publication : Alain Sebban, Président du Groupe Vatel et du CirVath. - Secrétaires de rédaction : Claudie Carrère, Université de Perpignan Via Domitia, et Patricia Decret, Vatel. Partenariat : La revue est adossée au CirVath (Centre International de Recherche Vatel en Tourisme et en Hôtellerie). Structure générale : - Des articles en provenance de disciplines diverses, essentiellement des sciences humaines et sociales, qui abordent des problématiques du tourisme. - Des articles consacrés expressément à des approches comparatistes interculturelles. - Des articles émanant de professionnels du tourisme et de l’hôtellerie. - Une rubrique “Discussion” permettra un débat entre deux chercheurs sur une question vive en matière de tourisme.
c CirVath - Les Cahiers Internationaux du Tourisme N°1
- 145 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 146
- Une rubrique “Réponse” permettra à un auteur de réagir à un article précédemment publié dans la revue. - En outre, sera créée une rubrique “Notes de lecture”. Sélection des articles : Le mode d’évaluation des articles s’effectue sur le modèle des revues indexées internationales. Ils sont expertisés par deux rapporteurs. Le comité scientifique : Il est international et pluridisciplinaire. Parution : La périodicité de la revue est de deux numéros par an (1er et 3e trimestres). Des numéros spéciaux pourront être proposés ainsi que des numéros à thème. Organisation du contenu : La revue comportera un maximum de dix articles par numéro. Ils peuvent être écrits en français, en anglais ou en espagnol, et doivent comprendre un résumé en français et en anglais.
- 146 -
cahiers du tourisme n 1 25.05.07.qxd
02/07/07
16:50
Page 147
CIRVATH Centre International de Recherche Vatel en Tourisme et en H么tellerie
VATEL - 8 rue Duhamel - 69002 Lyon - France Imprim茅 par Papier Vert - Lyon
- 147 -
Les Cahiers Internationaux du Tourisme
N掳1
R
Centre International de Recherche Vatel en Tourisme et H么tellerie
1
e
v
u
e
S
c
i
e
n
t
i
f
i
q
u
Les Cahiers Internationaux du Tourisme
Centre International de Recherche Vatel en Tourisme et H么tellerie
e