Quel avenir pour les jeunes européens ?

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Partir, plutôt que d’être déclassé Cette fois, c'en est trop : Paul Carroll plie bagage. En janvier, cet Irlandais de 29 ans va s'expatrier. Direction : Toronto, au Canada. Ingénieur civil, Paul a perdu son emploi il y a un an. « J’étais topographe pour une société de construction. Nous étions sur le point d’entamer la construction du métro dublinois. Mais la boîte a fermé. Tout le personnel s’est retrouvé au chômage. » Petites lunettes, sourire discret, Paul parle avec économie, d'une voix forte à l'accent irlandais encore rocailleux. En quelques mois, les chantiers d'immeubles de bureaux se sont arrêtés. Les lotissements qui avaient poussé comme des champignons pour satisfaire les rêves d'accession à la propriété se sont transformés en « villes fantômes ». « Depuis la crise, il m’est impossible de trouver un emploi dans mon secteur. J’ai donc accepté un job dans un centre d’appels. C’est loin de mes aspirations, mais je gagne 21 000 € par an, soit un peu plus qu’en restant au chômage. » L’Irlande a bâti une partie de sa prospérité récente grâce aux multinationales américaines qui ont installé, à Dublin, leurs call centers pour l'Europe, le MoyenOrient et l'Afrique. Certaines employant plus de mille personnes. « Au début, je faisais 35-40 heures, à la fin, près de 65 heures par semaine. Sans que les heures supplémentaires soient rémunérées », confie-til. « 60 % de mes collègues ont une éducation universitaire, mais touchent une rémunération inférieure à celle qu'ils peuvent espérer au regard de leur diplôme. » Et de poursuivre : « En fait, avec la crise, la logique de l’emploi s’est inversée : les entreprises ont a leur disposition des milliers de diplômés qui, dépités, acceptent des jobs déclassés. Résultat : en Irlande, la plupart des pauvres sont des salariés. » Pour Paul, l’avenir, c’est le Canada. « J’y ai décroché un boulot en tant qu’assistant arpenteurgéomètre, grâce à un ancien collègue. » Mission : la construction du métro de Vancouver. « Les conditions ne sont pas affriolantes. Je toucherai 20 dollars canadiens de l’heure, alors qu’ici, j’étais payé 40 € avant la fermeture des chantiers. Mais le projet est passionnant. Ça vaut le coup d’essayer. » Partir, ce n'est plus tout à fait mourir et beaucoup de ceux qui s'envolent, comme Paul, le cœur plus léger que leurs ancêtres, reviendront au nid un jour ou l'autre. Mais quelle sorte d'Irlande retrouveront-ils dans deux, cinq ou dix ans ? RN•

RAfAL NACzyk

Paul Caroll : « 60 % de mes collègues ont une éducation universitaire, mais touchent une rémunération inférieure à celle qu'ils peuvent espérer au regard de leur diplôme. »


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