universitas nr. 2 | 2013/14

Page 27

dossier pour aller plus loin > T. Busset, C. Jaccoud, «Violence et extrémisme dans le football : Perspectives européennes», in T. Busset, , C. Jaccoud, J.P. Dubey > D. Malatesta, (Eds), Le football à l’épreuve de la violence et de l’extrémisme, pp. 5-29, Editions Antipodes, 2008 > L. Kahn, «Discrimination in professional sports: A survey of the literature», in Industrial and Labour Relations Review, 44, 3, pp. 395-418, 1991 > L.Rhodes, J. S. Butler, «Sport and racism: A contribution to theory building in race relations», in Social Science Quarterly, 55, pp. 919-925, 1975 > J.Stone, Z. W.Perry, J. M. Darley, «"White men can’t jump": evidence for the perceptual confirmation of racial stereotypes following a basketball game», in Basic and Applied Social Psychology, 19, pp. 291-306, 1997 > S. Szymanski, «A market test for discrimination in the English professional leagues», Journal of Political Economy, 108, pp. 590603, 2000 > J. R. Woodward, «An examination of a National Football League college draft publication: Do racial stereotypes still exist in Football ? », Sociology of Sport Online, 5(2), 2002 Pascal Wagner est lecteur au Département de psychologie. pascal.wagner@unifr.ch Pascal Gygax est lecteur au Département de psychologie. pascal.gygax@unifr.ch

n

n

28 UNIVERSITAS / DECEMBRE 2013

a trouvé que les clubs ayant une proportion de joueurs noirs plus élevée que les autres ont un meilleur rapport performance/budget, ce qui suggère fortement que ces joueurs noirs ont été, en moyenne, moins bien payés que les autres. Au niveau de l'organisation des clubs, on ne compte vraisemblablement toujours qu'une minorité de Noirs dans les positions hautement stratégiques de management et de prise de décisions, alors que leur nombre sur le terrain a augmenté ( Rhodes & Butler, 1975 ). Ne pouvoir citer que peu d’entraîneurs de clubs européens connus d'origine africaine ( par exemple Ruud Gullit ) représente un signe révélateur que cette hypothèse est toujours actuelle. Selon Kahn ( 1991 ), les athlètes noirs feraient l’objet de discrimination, non seulement, comme on l'a vu, au niveau de leur salaire, mais encore de leur position dans le jeu, qui serait rarement stratégique. En effet, une recherche de Woodward ( 2002 ) sur le football américain a mis en lumière que les joueurs afro-américains sont effectivement moins souvent placés dans les positions stratégiques ou « pensantes » du jeu et officient plutôt comme quarterback ou au centre offensif. Dans nos têtes La dernière influence du racisme dans le sport que nous allons considérer concerne la façon dont les arbitres et les spectateurs, notamment, émettent des jugements sur le jeu et les joueurs. Stone, Perry et Darley ( 1997 ) ont montré que les stéréotypes influent sur leur perception. Dans une de leurs expériences, ils ont fait entendre à des étudiant-e-s un extrait radiophonique d'un match de basketball universitaire impliquant des joueurs inconnus. Ils leur ont ensuite demandé de juger la performance de l'un de ces joueurs, présenté soit comme blanc, soit comme noir, sur la base d'une fausse photographie. Le même joueur, lors du même extrait, présenté comme noir a été jugé plus athlétique et ayant réussi une meilleure performance globalement, tandis qu'il a été considéré comme ayant fait preuve de plus d'intelligence de jeu et de mobilité quand il était présenté comme blanc. Plus récemment, nous avons, nous-mêmes, étudié l'impact de la couleur de peau sur la perception des actes agressifs liés au football en présentant de courtes séquences de tacles impliquant des joueurs noirs et blancs à des joueurs, arbitres et spectateurs de football. Chaque participant devait, dans un premier temps, juger, le plus rapidement possible, s’il y avait faute ou non et, dans un second

temps, estimer la gravité de cette faute. Les résultats ont montré que les participants ( tous blancs ) ne jugeaient pas plus d'actions fautives lorsqu'elles étaient commises par un joueur noir que par un joueur blanc. Néanmoins, les jugements de faute étaient plus rapides quand l'agresseur était noir et la victime blanche, même si la faute ellemême n'était pas jugée plus sérieuse. Cette plus grande rapidité, si elle ne conduit pas forcément à des jugements racistes, renvoie à une forme de racisme « automatique » qui serait dû à la simple connaissance des stéréotypes, comme nous l’avons montré dans notre article «Racism in soccer? Perception of challenges of black and white players by white referees, soccer players, and fans», paru dans Perceptual & Motor Skills ( Wagner-Egger, Gygax & Ribordy, 2012 ). Tous concernés Rhodes et Butler ( 1975 ), prenant comme exemple les Etats-Unis, soulignaient que le racisme a toujours été présent dans le sport. A son apogée, durant les années de ségrégation raciale, on ne permettait même pas aux Noirs de pratiquer un sport en compagnie des Blancs. A notre époque, une telle discrimination ouverte n'est heureusement plus de mise, mais il semblerait toutefois que le racisme subsiste sous d'autres formes : de façon grossière – bien que, peut-être, parfois un peu « folklorique » – dans les stades de la part des supporteurs et, de façon plus cachée, au sein des institutions sportives. Finalement, notons qu’au niveau psychologique, les stéréotypes peuvent affecter notre jugement à tous, aussi bien en tant qu’arbitres, joueurs ou spectateurs. n


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.