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La folle odyssée de la vigne Par Gilles Demptos

Vine-Harvest in the region of Midi-Pyrénées, Photo: Département de Tarn-et-Garonne

Au commencement était la vigne. Cette famille de plantes grimpantes prolifère dans tout l’hémisphère nord depuis des millions d’années et recèle de nombreuses espèces. Seuls les fruits de la Vitis vinifera, originaire de la rive persane de la mer Caspienne, à l’Ouest de l’Europe, possèdent toutefois la teneur en sucre élevée qui - alliée à la puissante acidité des raisins – permet l’élaboration du vin. Dotée d’une capacité d’adaptation à une grande variété de climats, Vitis Vinifera est génétiquement instable. Elle a donc connu, chaque fois qu’elle a été transplantée dans une nouvelle région, d’importantes mutations d’où résulte la diversité actuelle de nos cépages. S’il est presque impossible d’établir la généalogie lointaine des principaux cépages français, il est en revanche captivant de suivre les progrès de leur récente carrière internationale sur presque tous les continents. Vous êtes-vous jamais demandé par quel mystère la carte des vignobles de France épouse-t-elle si fidèlement le cours de ses principales rivières et les rives de ses estuaires ? Les grandes appellations françaises se concentrent en effet sur les berges de la gironde, de la Loire, du Rhône, du Rhin, de la Moselle… Est-ce que ces fleuves – situés par ailleurs sous des climats très divers – réunissent tous, par l’effet d’une extraordinaire coïncidence, des conditions climatiques et géologiques particulièrement propices à la culture de la vigne ? Ou bien serait-ce - ainsi que Hugh Johnson le suggère dans sa passionnante « Histoire Mondiale du Vin » - que les villes détenant les clés du transport fluvial, ayant pris très tôt conscience de l’aspect lucratif du commerce du vin, se sont appliquées à en monopoliser la production ? Chemin faisant, elles auraient progressivement identifié les meilleures parcelles et les cépages les mieux adaptés à celles-ci…

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Dans les premiers siècles de notre ère, le succès des vins de Cahors - qui transitaient par la Garonne - inspirèrent le port de Bordeaux à développer son propre vignoble. Une fois celui-ci planté, les marchands bordelais s’empressèrent d’imposer des restrictions au commerce de leurs prédécesseurs, devenus concurrents… Et ayant ainsi assuré les débouchés de sa production viticole, Bordeaux pu se consacrer non seulement à agrandir son vignoble mais surtout à en approfondir sa connaissance et à perfectionner l’adéquation de ses cépages à ses sols et climats. C’est ainsi que le cépage malbec, qui demeure encore aujourd’hui le cépage de prédilection des vins de Cahors, céda peu à peu le pas dans le vignoble de Bordeaux au cabernet sauvignon et au merlot… La tradition face à l’innovation Les pays ayant commencé à produire du vin il y a un peu plus de 2000 ans, comme l’Italie, la France, l’Espagne ou le Portugal, sont couramment désignés comme le « vieux monde » du vin. Ils ont affiné la connaissance de leurs terroirs et cépages au fil des siècles… Et l’aboutissement de ce long processus de sélection a été généralement gravé dans le marbre des règlements d’une dénomination d’origine au cours du XXème siècle. Il en résulte, pour des appellations parfois distantes de quelques centaines de mètres seulement une définition rigoureuse des types de cépage, mode de culture et de vinification permises. Hors de question, par exemple, de planter dans les environs de Beaune quelques pieds de merlot, ne serait-ce qu’à titre expérimental ! Le pinot noir règne en effet seul en maître pour tous les vins rouges de Bourgogne… Par opposition au « vieux monde » les pays dits du « nouveau monde », tels que l’Amérique du Nord et du Sud, l’Australie ou l’Afrique du Sud, ont planté leurs premières vignes il y a à peine

August / September / October 2012


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