Trois Couleurs #97 – Hiver 2011

Page 14

NEWS BE KIND, REWIND

LE CINÉ DE LA PEUR

Dernière séance montre le quotidien d’un cinéma de quartier en fin de vie et de son projectionniste détraqué, serial killer nocturne. Derrière ses airs de giallo, le thriller de LAURENT ACHARD se veut aussi fable macabre sur la cinéphilie. Retour sur trois films-miroirs, directement cités à l’image comme sources d’inspiration.

© Epicentre

_Par Yann François

Dernière séance de Laurent Achard Avec : Pascal Cervo, Karole Rocher… Distribution : Épicentre Durée : 1h21 Sortie : 7 décembre

© 2005 Home Box Office

© Alain Venisse

© RDA/collection CSSF

Trois influences de Dernière séance

FRENCH CANCAN

FEMMES, FEMMES

LAST DAYS

Ce chef-d’œuvre haut en couleurs de Renoir fils est l’ultime film projeté dans le cinéma de Dernière séance. En décalage complet avec la noirceur du film de Laurent Achard, la féérie du Moulin rouge parisien s’y voit confier le rôle délicat de masquer la douleur du dépôt de bilan de la salle. Mais les apparences sont trompeuses : French Cancan reste aussi un drame sur la déchéance d’idoles éphémères (la fameuse Mimi Prunelle), aveuglées par les chimères du succès. Chez Renoir comme chez Achard, la morale du spectacle l’emporte malgré tout : face aux tempêtes d’un monde en crise, le spectacle continue, coûte que coûte. ♦

Adulé par Pasolini, ce film culte des années 1970 agit chez le projectionniste de Dernière séance comme un écho traumatique à son enfance chahutée. Comédie douce-amère, Femmes, femmes semble avoir inspiré la mise en scène fétichiste de Laurent Achard. Chez Vecchiali, Hélène et Sonia, actrices décaties et recluses, tapissent les murs de leur appartement de photos de stars des années 1930. L’assassin de Dernière séance fait de même avec des trophées prélevés sur ses proies… Si l’on ajoute une ressemblance troublante entre Pascal Cervo et Jacques Perrin dans L’Étrangleur – le premier long métrage de Vecchiali –, la boucle semble bouclée. ♦

Cité discrètement (en devanture du cinéma), le film de Gus Van Sant partage plus avec Dernière séance que la connotation sans espoir de son titre (les « derniers jours » de la salle). Toutes deux fables théoriques sur l’errance existentielle et la mort des icônes (Kurt Cobain / le cinéma de quartier), les deux œuvres semblent tirer le même constat sur le monde. De ses courts métrages (le beau La Peur, petit chasseur) en passant par Le Dernier des fous, le cinéma de Laurent Achard offre, à l’instar de la trilogie sur la jeunesse de Gus Van Sant, un spectacle exsangue, répétitif et terminal, aux airs d’apocalypse de chambre (noire). ♦

de Jean Renoir (1954)

14

hiver 2011

de Paul Vecchiali (1974)

de Gus Van Sant (2005)


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.