TROISCOULEURS #164 - octobre 2018

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ÉDITO Trois

ans après le somptueux Ida, Oscar du meilleur film étranger en 2015, le Polonais Paweł Pawlikowski nous revient avec Cold War, Prix de la mise en scène à Cannes cette année. Un trophée largement mérité : la mise en scène du film est époustouflante, particulièrement dans sa maîtrise de l’ellipse, cette façon d’occulter des étapes de l’intrigue en comptant sur l’imagination du spectateur pour combler les béances. À rebours du modèle dominant dans les romances, le cinéaste fait le pari d’éclipser un grand nombre de moments clés de l’histoire d’amour incandescente qui unit deux amants continuellement séparés par les tressauts de la guerre froide. De la Pologne communiste d’après-guerre au Paris bohème du milieu des années 1950, en passant par la Yougoslavie et l’Allemagne, une quinzaine d’années sont contées par touches, de retrouvailles expresses en baisers volés, dans un noir et blanc sublime qui tire tantôt vers le gris (lorsqu’il s’agit de retranscrire l’atmosphère de la Pologne stalinienne), tantôt vers le contraste (quand on suit le couple un temps réuni dans les clubs de jazz de Paris). C’est là toute la réussite du film : comme ses héros empêchés de s’aimer, il vibre tout entier de l’absence, du manque et du désir contenus dans la figure de l’ellipse. • JULIETTE REITZER


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