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L’actualité immobilière Chronique juridique de M

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Patrick Blaser

Loi Zacharias

Le Grand Conseil au secours des locataires Même si l'opposition s'empresse de proclamer le contraire, il faut admettre que grâce à l’actuelle majorité, le Grand Conseil multiplie les modifications législatives permettant d’accroître les droits des locataires. En dernier lieu, le Parlement genevois vient d’adopter la loi dite Zacharias - du nom du député MCG auteur du projet de loi -, qui permet à des locataires qui le souhaitent de pouvoir devenir, à des conditions avantageuses, propriétaires du logement qu’ils occupent.

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l s’agit là d’une bonne nouvelle pour les locataires, qui pourront enfin bénéficier des avantages d’être propriétaire de leur logement sans être confrontés aux inconvénients de payer un loyer «dans le vide». Dans ce cadre, il convient de rappeler que le Canton de Genève est le canton suisse qui comprend le pourcentage le moins élevé de propriétaires, soit 17%. Or force est de constater que les cantons qui comptent les plus grands pourcentages de propriétaires sont aussi ceux qui sont financièrement les plus sains. Par ailleurs, la loi Zacharias s’inscrit parfaitement dans les objectifs prioritaires fixés par la nouvelle Constitution genevoise, à savoir faciliter l’accession à la propriété. Concrètement, en quoi consiste cette loi par le Grand Conseil ?

La loi Zacharias La loi votée par le Grand Conseil vise à obliger le Département compétent (actuellement le DALE, soit le Département de l’aménagement, du logement et de l’énergie) à autoriser la vente d’un appartement au locataire qui l’occupe, aux conditions suivantes: • le bailleur a manifesté son intention de vendre l’appartement; • le locataire a exprimé, librement

(sic!), son souhait d’acheter l’appartement en question; • le locataire doit occuper effectivement l’appartement depuis au moins 5 ans; • le bailleur a notifié au locataire la disposition légale (art. 271a al.1 lettre c CO), qui prévoit que le congé est annulable lorsqu’il a été donné dans le but d’amener le locataire à acheter l’appartement loué; • le prix de vente ne doit pas dépasser 6900.- frs le m2 PPE (soit par exemple pour un appartement de 100m2, un montant de 690 000.-); • les autres locataires restant dans l’immeuble doivent avoir obtenu la garantie de ne pas être contraints d’acheter leur appartement ou de partir. Les autres motifs d’autorisation de vente d’appartement déjà prévus par la LDTR (loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation) ne sont pas modifiés par la loi Zacharias. Pour rappel, la LDTR actuelle stipule que le Département doit autoriser la vente d’un appartement si celui-ci: a) a été dès sa construction soumis au régime de la propriété par étages ou à une forme de propriété analogue; b) était, le 30 mars 1985, soumis au régime de la propriété par étages ou à une forme de pro-

priété analogue et qu’il avait déjà été cédé de manière individualisée; c) n’a jamais été loué; d) a fait une fois au moins l’objet d’une autorisation d’aliéner en vertu de la LDTR. Si la loi Zacharias est adoptée en votation populaire (puisqu’un référendum a été lancé contre celle-ci), l’acquisition d’un logement par son locataire pourra en outre se faire aux conditions mentionnées plus haut.

Le droit du locataire d’acquérir son logement est-il nouveau? La réponse est d’emblée: non! En effet, la LDTR dans sa teneur actuelle prévoit déjà qu’un locataire peut acquérir son logement dans la mesure où: • le locataire occupe effectivement son logement depuis 3 ans; • 60% des locataires en place dans l’immeuble ont formellement accepté l’acquisition; • les locataires restants ont obtenu la garantie de ne pas être contraints d’acheter leur appartement ou de partir. Cela étant, la jurisprudence cantonale, avalisée par le Tribunal fédéral, a largement verrouillé l’application de cette possibilité offerte au locataire d’acquérir son appartement en la subor-

TOUT L’IMMOBILIER • NO 791 • 30 NOVEMBRE 2015

donnant à des conditions en réalité impossibles à remplir. En effet, les juges ont fini par exiger du locataire qu’il établisse qu’il avait un intérêt privé à acquérir son appartement qui soit prépondérant par rapport à l’intérêt public au maintien de l’affectation locative de l’appartement. Inutile de dire que cette condition est effectivement impossible à réaliser. Les seules exceptions prévues par la loi qui permettent à un propriétaire de vendre l’appartement à ses locataires résident dans le fait que celui-ci: • doit liquider un régime matrimonial; • doit liquider une succession; • doit satisfaire à un plan de désendettement; • doit prendre un nouveau domicile en dehors du canton de Genève. Comme on le constate, aucune de ces exceptions n’est liée à la personne du locataire.

Une injustice à l’égard des locataires Il en résulte qu’en réalité la LDTR, qui est pourtant censée protéger les locataires, une fois revisitée par la jurisprudence, ne fait plus aucun cas des aspirations légitimes des locataires à pouvoir devenir propriétaires de leur appartement.


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