MCBTH | TNS

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NOTE DRAMATURGIQUE On dit souvent de Macbeth que c’est une histoire d’ambition et de déchéance. La pièce peut être lue comme le dernier et peut-être le plus original des drames de Shakespeare sur le thème du prince ambitieux, qui finit par être détruit. C’est un thème qui puise ses racines dans la préoccupation que portaient le Moyen Âge et la Renaissance à la tragédie de la chute d’hommes puissants et fortunés. Pourtant, ce n’est pas ce qui intéresse tant Guy Cassiers et Dominique Pauwels dans MCBTH. La profonde mutation spirituelle que subit Macbeth, comparé aux autres vilains de Shakespeare, fait que la pièce dépasse cette thématique : « Si Bolingbroke et Claudius éprouvent de la culpabilité, Macbeth est présenté comme celui qui crée son propre enfer. », écrit un chercheur. L’idée que Macbeth est l’artisan de son propre univers (négatif), de son propre « enfer » constitue un véritable défi pour Guy Cassiers et Dominique Pauwels. Ses actes – ses meurtres – mais surtout ses pensées, en sont responsables. Harold Bloom appelle la pièce à juste titre « une tragédie de l’imagination ». Par son imaginaire – ses intuitions de ce qui va se produire et sa réflexion à propos de ce qui s’est produit –, Macbeth aboutit dans un monde qui n’est plus à décrire en terme de bien et de mal, pas plus qu’il ne peut l’être en termes de réalité ou d’irréalité. Le questionnement de Hamlet, « être ou ne pas être », est tout aussi valable pour Macbeth. Le schéma ordre – chaos – rétablissement de l’ordre est à la base de toutes les œuvres de Shakespeare, tant ses comédies que ses tragédies ou que ce qu’on appelle les pièces historiques ou drames royaux. Shakespeare se fait l’avocat de l’ordre, de l’autorité et de la morale, semble-t-il à première vue. Pourtant, il consacre la plus grande partie de ses drames à la description du chaos, de la déchéance morale, du mal, du crime… Ce serait méconnaître son génie éthique que d’affirmer qu’il ne nous montre que ce qu’il ne faut pas faire, en nous donnant le bon exemple… en négatif. La plupart de ses protagonistes tragiques vivent dans une absence d’ordre, et contribuent même à le troubler. Leur existence se déroule dans la zone entre être et non être. Le philosophe William Desmond le formule comme suit : Le tragique expose l’esprit à l’expérience radicale de la perdition. En d’autres mots, la tragédie nous imprègne du fait que tout être est pénétré de perte : être signifie fondamentalement être perdu. Entre être et ne pas être : être perdu. Macbeth est sans doute la plus sombre étude de Shakespeare de la transgression de l’être en non-être et en être perdu. De même que les voyelles ont été effacées du nom – de Macbeth à MCBTH –, Guy Cassiers et Dominique Pauwels réduisent ainsi la tragédie de Shakespeare à sa quintessence. Malgré sa fonction de général, Macbeth se sent méconnu et abusé par son entourage. Sa femme nourrit son ressentiment et il va littéralement passer sur le ventre des gens pour renforcer son pouvoir. Avec cinq acteurs, six musiciens, trois chanteuses et une technologie visuelle surprenante, MCBTH raconte le drame d’un homme qui, à chaque meurtre qu’il commet, perd un peu plus de son emprise sur la réalité. Le spectateur est aspiré par le vortex des pensées de Macbeth. C’est au travers de ses sens que nous percevons un monde qui adopte des formes étranges et lugubres. Guy Cassiers et Dominique Pauwels sont en quête de nouvelles formes de théâtre musical. Outre les projections, la musique et le chant sont des protagonistes importants de l’histoire. Ils dévoilent une dimension qui demeure cachée et occultée dans le langage. C’est dans ce jeu d’ensemble de la parole, de l’image et du chant que MCBTH façonne la poésie cruelle de la tragédie de Shakespeare. Erwin Jans, dramaturge 6


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