Revue de presse

Page 9

Les Trois Coups 22 juillet 2010

« Richard III (ou presque) », de Timothy Daly (critique de Cédric Enjalbert), Off du Festival d’Avignon 2010, Théâtre des Halles à Avignon

« Richard III » puissance deux Elle a monté le très esthétisant « Bal de Kafka » de Timothy Daly, l’an passé au Théâtre des Halles. Isabelle Starkier revient cette année et poursuit son aventure avec le même auteur australien. Elle met en scène un délirant « Richard III (ou presque) » écrit sur mesure pour deux comédiens formidables. Bruit de missiles à la bouche, beuglés dans un micro. Dans le noir, les enceintes saturent. Attaque en règle façon guerre des étoiles, c’est York versus Lancastre ou la fin de la guerre des Deux-Roses, en Angleterre, vers 1485. À cette époque le vil Richard III, tyran laid et difforme, « mal façonné » (au-dedans), monte sur le trône d’Angleterre en assassinant frère, neveu et femme. Mais la lumière se rallume. Guy-Laurence Martin (alias Daniel Jean) lâche le micro et quitte la petite scène éclairée, recouverte de miroirs. Il laisse la place à Bernard Desmoulins (alias Pierre-Yves Le Louarn), son comparse. Tous deux répètent la pièce de Shakespeare dans une petite cellule, sous l’œil de caméras. À mi-chemin de la Shakespeare Academy (version Star Théâtre) et du S.T.O., Service théâtral obligatoire, Richard III (ou presque) a des allures de huis clos. Sur scène, les deux forçats des planches se prêtent à un jeu qu’ils ne maîtrisent pas : une sonnerie annonce fins et débuts d’entracte, une lumière rouge nimbe chaque séquence de jeu, et une appréciation leur est faxée par un jury invisible. Qui joue, qui dirige ? Motus. Quand commence le jeu, quand finitil ? Motus. Ou suspens. Car, dans ce jeu de mise en abyme, théâtre dans le théâtre donnant une perspective critique sur la pièce interprétée (Richard III), les codes de la représentation sont repris et vidés de leur signification. Ils sont détournés pour armer les ressorts d’un thriller. On approche lentement la raison de cet étrange jeu sous surveillance : les acteurs répètent Richard III à l’infini jusqu’à prendre conscience que le rôle du scélérat leur correspond.

9


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.