Sparse 19 (juin 2017)

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La Bresse, c’est un peu le midwest américain : c’est plat, les routes sont longues et droites et on y croise plein de bikers.

plumes dans le dos, façon carnaval de Rio. Elles s’arrêtent tous les deux mètres pour se faire prendre en photo aux côtés de motards et de familles. C’est d’ailleurs elles qui rythment véritablement la journée ; en 6 heures de temps nous les aurons vu trois fois, sur des échasses, lors d’un défilé de lingerie et pour finir en train de « laver » des motos. Pourtant, qu’elles soient en string sur scène, ou en t-shirt blanc mouillé et shorty sur une selle de moto, la blonde et la brune gardent toujours le sourire. Et alors que dans l’audience, leurs shows captivent aussi bien les hommes que les femmes, et même les enfants, on s’interroge sur le lien entre ces petites pépées et les grosses motos. Dans le genre cliché, on ne fait pas mieux. La moto et les filles. Nous tombons alors sur Mitou, ancien président et fondateur du club des Bress’Poulos en 1993. À 70 ans, il fait toujours de la moto avec les 80 autres membres du club et il se déplace encore régulièrement sur des concentrations (les motards parlent de concentration plutôt que de rassemblement). « Parce que la moto, c’est un way of life, c’est incomparable... Ride free ! Et puis il y a le mythe américain aussi. » Le retraité, qui est déjà allé plusieurs fois aux Etats-Unis en Californie, n’a jamais mis les pieds à Milwaukee (où se trouve le siège de Harley) : « Ah non les usines c’est pas mon truc, sinon j’irais à Amora ou chez Seb ! » En confiance, le vieux biker nous fait des blagues sur Dijon et se permet même quelques sous entendus, notamment quand on lui demande si les filles font partie du way of life. « Les filles, la moto et les groupes, c’est un package, ça va bien ensemble. Mais faut que ça pue sous les bras un peu... non ? Enfin, faut pas que ça sente trop la savonnette non plus. D’ailleurs on vous attend. » Comme on le sent à l’aise, on lui pose cash la question qui nous anime : « Et vous en pensez quoi des

Hells et des Bandidos ? » Interloqué, Mitou se renfrogne avant de nous répondre : « Si vous posez la question comme ça, personne ne vous répondra. Il faut savoir que la réussite d’un club dépend principalement des relations que celui-ci va entretenir avec les Hells et les Bandidos. Ce sont des MC (motos clubs) qui existent au niveau international et qui sont divisés en chapitre, leur réseau est impressionnant. Nous on a eu ce soucis là, il y a trois ans et on a réglé le problème en montrant comment on s’appelait, et en prouvant qu’on n’avait pas de velléités particulières avec eux. On pourrait passer une journée entière à parler de ça... Une soirée tant qu’à faire, c’est mieux. »

puisqu’on ne fait pas payer l’entrée. Il arrive que sur certains rassemblements payants, ces motos clubs imposent de faire la sécurité et récupèrent ensuite les entrées à leur compte. Leurs métiers, c’est le recouvrement de créances ou la sécurité, en général. En Saône-etLoire, un club a proposé à une commune et à la gendarmerie de faire la sécurité d’un commerçant qu’ils rackettaient régulièrement. Aux Etats Unis, c’est monnaie courante. Dans les grandes villes en France aussi, les Hells font des recouvrements. Ils font le travail que la police ne ferait pas de toute façon. Mais nous, on est à 100.000 pieds de ça, on a besoin de montrer qu’on est structuré et qu’on est costaud face à eux. On résiste. »

Bien que peu nombreux en France, les MC se différencient des simples clubs de motards notamment au niveau des règles qu’ils appliquent. Avec une organisation très pyramidale et des fonctionnements quasi militaires, les jeunes recrues des MC, appelés prospect, se voient mettre à l’essai parfois plusieurs années durant pour prouver leur loyauté au groupe. « Quand un prospect rejoint un MC, il lègue sa moto au club, ce n’est plus la sienne. Parfois même sa femme ou sa copine d’ailleurs... Ne me regarde pas comme ça ! Et si un membre tombe en panne à Valence, un prospect de Besançon peut être envoyé pour le dépanner. Il n’aura pas le choix. À la limite il va même lui donner sa moto et remonter autrement. Faire partie d’un MC, c’est contraignant et ça peut être très dangereux. Nous on a de la chance ici

LÉGION ÉTRANGÈRE. Mais tous les MC ne sont pas des clubs de bandits. Sur le rassemblement, on tombe notamment sur le stand des Brothers in Arms, un MC de bikers militaires ayant une portée humanitaire. Avec une trentaine de membres actifs en France, les bikers récoltent des fonds pour les blessés au combat. Pour l’ex-commandant en second d’un régiment de la légion étrangère avec qui nous discutons, et qui a perdu cinq hommes entre le Mali et l’Afghanistan, ce loisir a toujours été une évidence : « La moto c’est la liberté, la prise de risque, c’est l’engagement aussi. C’est un sport d’audace, ça nous parle en tant que militaire ». Il estime que les « méchants » MC sont ceux qui arborent l’insigne 1%, qui fait référence à tout un pan de l’histoire des Hells et des Bandidos. « Il faut remonter à la fin de la Seconde Guerre

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