PRESENTATION DU CONCERT DU 18 NOVEMBRE 2011 Le concert que nous vous proposons a été conçu comme une illustration sonore des thématiques débattues lors de la journée d'étude. Il vous permettra de prendre conscience de la polyvalence des timbres, élément essentiel de leur passage d'un type de répertoire à un autre. Il mettra aussi en valeur le rôle de l'accompagnement dans la perception du style d'un morceau. Il s'articule en deux temps : - Le premier temps sera consacré à l'interprétation traditionnelle de certains timbres, et à leurs variations. Nous avons choisi deux mélodies : "Le Carillon national", de Ladré, dont tout le monde connait la version révolutionnaire ("Ça ira") et "Vive Henri IV", dont vient de nous parler David Chaillou. Ces deux airs ont plus de rapports qu'il ne semble à priori. Le premier a été écrit à l'occasion de la Fête de la Fédération, en juillet 1790, pour célébrer l'alliance du roi et de la nation, l'union des Français. La formule "ça ira" est l'expression favorite de Franklin au plus fort de la Révolution américaine ; elle exprime la détermination et l'espérance des Insurgents. Adaptée à un air de danse, cette chanson devient l'un des symboles de la Révolution française. Son succès se mesure au nombre de variations qui l'adaptent à l'actualité (qui la font dériver vers la radicalité promettant la mort aux aristocrates, mais ceci est une autre histoire …). Le second est un air ancien, vantant le roi Henri IV, franc buveur et vert galant, air devenu sous la Révolution le chant de ralliement des royalistes. Vous entendrez successivement la version instrumentale, à la vielle à roue, puis la version chantée du "Ca ira" (le premier couplet seulement, car la chanson est très longue). Maxou Heintzen vous jouera ensuite "Vive Henri IV", dans la version traditionnelle, qui accompagne également une danse (un branle coupé). Puis Patrick Membré vous fera entendre des variations pour flûte traversière seule absolument inédites, été composées par Jean Bacquet, ancien professeur à l'IUFM de Douai et directeur du Chœur régional Nord Pas de Calais, à l'occasion de notre concert. Nous sommes très heureux de vous proposer cette création. Pour illustrer la fortune extraordinaire de l'air "Vive Henri IV", nous avons choisi dans les collections de la BNF plusieurs harmonisations, toutes différentes. Vous entendrez donc une chanson populaire ("Le pieux buveur"), accompagnée à la vielle à roue, une version soliste de la chanson sur les paroles de la fin XVIIIe, accompagnée au piano, puis ces trois versions harmonisées du XXe siècle pour choeur a cappella. Vous pourrez entendre les métamorphoses en résultant. Enfin, nous interpréterons pour vous un extrait du Voyage à Reims, de Rossini, sur le même thème. Cet opéra est une oeuvre de circonstance, écrite en 1825 pour le sacre de Charles X, à douze voix solistes. Dans une intrigue invraisemblable, truffée d'allusions à l'actualité, elle met en scène la clientèle internationale de l'auberge du Lys d'or, dont les convives se préparent à la célébration en question, sur fond de rivalités amoureuses. Il revient à la poétesse Corinne d'improviser la glorification du monarque. C'est un extrait de cette scène que nous interpréterons aujourd'hui : la "strette" de la fin de l'opéra, réduite en l'occurrence pour quatre voix et pour piano. La deuxième partie de notre concert est consacrée à un chansonnier célèbrissime du début du XIXe siècle, Pierre-Jean de Béranger, dont les chansons ont été chantées dans tous les milieux. Béranger a écrit toutes ses chansons sur des timbres. La plupart du temps, ceux-ci viennent de l'opéra-comique. Plus exceptionnellement, ils sont issus d'airs d'opéra proprement dits, notamment de compositeurs de la fin du XVIIIe siècle, en particulier Gretry, Méhul, Gossec. Nous avons choisi de vous faire entendre d'abord deux extraits d'opéras comiques : un air pour
baryton de Cherubini, tiré de l'oeuvre intitulée "Le porteur d'eau, ou les deux journées"puis un air de Gretry, tiré du "Rival confident" (1788) - une ronde, qui conclue le premier acte. Intitulée "Le coeur a la danse", l'air de Gretry est, dans la pièce originale, introduit par un protagoniste, puis repris par le choeur. C'est un air joyeux qui vante les plaisirs du vin et de l'amour, et sur lequel on danse. Béranger l'a choisi en 1819 pour porter l'une de ses chansons les connues, "Les Missionnaires", réponse au prosélytisme catholique de la Restauration. Dans sa chanson, c'est le diable qui s'exprime, exposant sa stratégie pour "éteindre les Lumières" et rallumer le feu de la guerre civile. Vous entendrez aussi sur ce timbre une chanson royaliste de 1818, "Le Zig zag dondon de la paix". "Guide mes pas, ô Providence", dans la pièce de Cherubini, est un air sur lequel le protagoniste se félicite d'agir de façon juste et humaine. Dans "Le vieux vagabond", chanson de l'âge mûr de Béranger (1831), le chansonnier l'utilise pour porter la plainte amère d'un vieux vagabond qui finit par haïr la société qui le maltraite et l'abandonne. Dans les deux cas, il a choisi des airs déjà populaires pour porter ses paroles nouvelles, et les a employés par antiphrase. Il les a en quelque sorte subvertis pour dénoncer l'hypocrisie cléricale et le mensonge de la philanthropie. Après ces deux chansons, accompagnées au piano par David Chaillou, Judith Fages vous chantera deux autres chansons de Béranger, accompagnée cette fois à la vielle à roue par Maxou Heintzen : "La Faridondaine" et "Vieux habits, vieux galons". La première est écrite sur l'air ancien "A la façon de Barbari", la seconde sur l'air du Vaudeville des deux Edmond, de Doche, le chef d'orchestre du théâtre du Vaudeville (l'un des compositeurs auxquels Béranger a eu le plus souvent recours). Nous les avons choisies pour mettre en évidence la proximité de caractère de l'air ancien et de l'air de vaudeville, et souligner le rôle médiateur du vaudeville entre les répertoires.
Nous espérons que ce petit concert rendra vivante la musique populaire du XVIIIe siècle et qu'il vous donnera autant de plaisir que nous en avons pris à le préparer pour vous.