La musique, les musiques à l'exposition franco-britannique de 1908

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Musique et musiques à l’exposition franco-britannique de 1908 La musique a longtemps été considéré comme un art privé, et/ou comme une simple distraction populaire. Son statut est très différent de celui des arts visuels, et sa place dans les expositions internationales en témoigne. L’exposition francobritannique de 1908 en témoigne. Pourtant, s’intéresser à la place de la musique dans cette exposition permet d’approcher quelques spécificités nationales et historiques. Le statut de la musique dans l’exposition Alors que l’exposition franco-britannique de 1908 accorde aux beaux-arts un statut privilégié, il apparait clairement que la musique ne jouit pas de la même position. Cette situation est dans la continuité des expositions antérieures, dans lesquelles la promotion des arts résulte d’un processus long, particulièrement discret en ce qui concerne la musique. En effet, à l’exposition de 1851, la classe qui portait le nom de beaux-arts ne comprenait que les arts apppliqués à l’industrie. On n’y admit la peinture et la sculpture que comme auxiliaires de l’architecture et de l’industrie1. La musique n’y était pas du tout représentée comme art, mais cette exposition fut pourtant l’occasion du premier concert militaire du pays. L’exposition de 1855 comprenait pour sa part trois classes de beaux-arts (peinture, gravure et lithographie; sculpture et gravure sur médailles ; architecture), mais la musique n’y figurati que dans la catégorie des distractions. A l’exposition de 18622 , dans laquelle la peinture anglaise du XVIIIe fut officiellement mise en valeur, ainsi que les Préraphaelites, il y eut des fêtes et des soirées musicales mais ni commande ni concert. En somme, il fallut attendre la grande exposition de Paris de 1889 pour voir une exposition d’instruments anciens, dont certains sonnèrent, à l’occasion de deux concerts organisés par MM. Diemer et Delsart. Pourtant, si la musique n’avait pas officiellement droit de cité, elle était tout de même présente : il y avait un pavillon destiné à abriter les musiques militaires ; on pouvait assister à des concerts dans les théâtres, ou à ceux donnés par les orphéons, fanfares, et harmonies, “entendre à loisir force musique médiocre exécutée par beaucoup de gens à la fois” 3 selon les termes très péjoratifs de Julien Tiersot. A Londres, l’année suivante, la musique de la Garde républicaine fut enfin autorisée à se rendre à l’exposition pour faire entendre les instruments présentés dans le groupe 11. La question des manifestations musicales fait donc partie des préoccupations des organisateurs de l’exposition franco-britannique de 1908, mais elle est complètement subalterne, comparée à la question des expositions d’arts visuels, et ne comporte pas la même dimension politique. Au mois de mai 1907, se tient la conférence des représentants du Comité d’organisation, pour étudier la représentation des beauxarts français à l’étranger. Dujardin-Beaumetz, sous secrétaire d’Etat aux beaux-arts, Henri Roujon, secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts, sont mis à contribution, ainsi que Léon Bonnat (comité mixte). Ils envisagent l’union des deux 1. Cf. Rapport général par Yves Guyot et G. Roger Sandoz, Paul Bourgeois et Leo Claretie, Comité français des expositions à l’étranger, Paris, 1908, t. 2, vol. 1, p. 57. 2 . Les instruments de musique y formaient la classe 16 de la section II (orgues et harmoniums, pianos, instruments à vent et à cordes). Ils témoignaient du progrès de la facture, non de celui de l’art. 3 . Cf. Julien Tiersot, Musiques pittoresques, promenades musicales à l’exposition de 1889, Paris, Fischbacher, 1889, p. 5.


salons, avec la volonté explicite de “montrer à l’étranger que la prépondérance française n’existe pas seulement dans le passé” 4. Dans le rapport officiel, il est question de la “bataille artistique de l’exposition” 5, et le Palais des beaux arts est désigné comme “le joyau de l’exposition” 6, mais rien de tel n’existe en ce qui concerne la musique. Il y a pourtant un Palais de la musique, parmi les vingt palais édifiés. Il peut contenir de 1500 à 2000 auditeurs. Il est situé vis-à-vis des Palais des arts appliqués français et anglais et du Palais des travaux de la femme, au-delà des jardins à la française, à l’arrière de la cour d’honneur, avant le Palais des beaux-arts, les villages coloniaux et le village irlandais, qui se trouvent à l’autre extrémité de l’exposition et occupent une grande superficie (près du quart de la surface totale). On a aussi construit des kiosques à colonettes, dans lesquels se feront entendre “les musiciens de la Garde et les Highlanders en plaid et jupon (sic) écossais, avec leurs cornemuses”7. Celui du jardin de l’Elite est entouré d’un amphithéâtre pour amplifier le son et favoriser le spectacle8 . Les murs du Palais de la musique sont ornés de peintures décoratives consistant en figures symboliques personnifiant les arts, la musique, la danse et la déclamation9. Dans le pavillon de la ville de Paris, une peinture représente aussi la musique à travers les âges, et la danse idem10. Mais ce que l’on va y entendre ne semble pas du tout préoccuper les représentants des deux nations. Dans l’exposition elle-même, la musique d’ailleurs est étrangère au groupe II (beaux-arts), en partie présente dans le groupe III (éditions musicales, instruments de musique). Les formations musicales apparaissent dans la classe 108 du groupe XVI11, où sont notamment récompensés l’harmonie des chemins de fer de l’Etat, “Les enfants de Lutèce” à Paris, et “la Société populaire des beaux-arts”. Comme on le voit, tout cela montre bien la place faite à la musique dans l’événement : elle est là pour décorer, pour distraire le public, et il n’est pas question d’art. Musiques officielles En somme la musique est traitée dans l’exposition comme un objet tout à fait fonctionnel, et le caractère des formations impliquées confirme cette impression. Il s’agit en effet très majoritairement de musiques militaires (mais on verra par la suite qu’elles ne sont pas tout à fait de même nature que leurs homologues françaises). Ces formations sont sollicitées à toutes les étapes de l’exposition. L’inauguration des travaux, au mois de novembre 1906, se fait au son de la musique des Grenadiers Guards12. Le 8 mai 1908, le ministre français de l’industrie et du commerce, M. 4 . Cf. Rapport général par Yves Guyot et G. Roger Sandoz, Paul Bourgeois et Leo Claretie, Comité français des expositions à l’étranger, Paris, 1908, t. 2, p. 46. 5 . Rapport général ..., t. 2, p. 49. 6 . Rapport général ..., t. 2, p. 118. 7 . Rapport général ..., t. 2, p. 107. 8 . Cf. Irène C. Wodhwani, The White City, Center of Business Activity and Recreation (mémoire de l’Ecole polytechnique du centre de Londres, pp. 54-55. 9 . Rapport général par Yves Guyot et G. Roger Sandoz, Paul Bourgeois et Leo Claretie, Comité français des expositions à l’étranger, Paris, 1908, t. 2, p. 75. 10 . Rapport général ..., t. 2, p. 121. 11 . Groupe XVI : Economie sociale / classe 108 : institutions pour le développement intellectuel et moral des ouvriers. 12 . Rapport général ..., t. 2, p. 19.


Cruppi, visite l’exposition, accueilli par les enfants de troupe du Duc d’York, “aux sons de la Marseillaise chantée avec une grande perfection et sans aucun accent”13. L’inauguration officielle de l’exposition, le 14 mai 1908, est confiée à SAR le prince de Galles, dans les mêmes conditions. “Les trompettes de la Household Cavalry résonnent et les trois musiques des Grenadiers Guards (Grenadiers Guards, Scots Guards, Life Guards), accompagnés par un choeur de mille voix, attaquent le God save the King”14. Le prince déclare l’exposition ouverte, les cascades et les illuminations sont mises en marche. “La Marseillaise, chantée en français par les choeurs, retentit, vibrante et magnifique”15. Les journaux anglais font mention d’un madrigal16, chanté a cappella après les deux hymnes. Au son d’une marche composée pour l’occasion, les Altesses passent ensuite dans le hall du congrès, puis se dirigent vers le palais de la musique. Au moment où elles entrent dans la salle, l’orchestre, conduit par Sir Charles Villiers Stanford, attaque la Marche hongroise de Berlioz. Madame Albany, accompagnée des choeurs (Royal Choral Society) et de l’orchestre (London Symphony Orchestra), chante la cantate de bienvenue écrite pour la circonstance par le Duc d’Argyll, avant un échange de bons augures entre l’auteur des vers et le prince. On entend alors à nouveau la Marseillaise et d’autres morceaux (dont l’introduction du 3e acte de Lohengrin, sur lequel le cortège quitte la salle). Le cortège se rend alors au pavillon de la ville de Paris, puis au stade, où il est accueilli par des sonneries de fanfare. La musique et les choeurs (1500 choristes) jouent la Marche des gladiateurs, puis à nouveau le God save the King, et la Marseillaise, pendant que défilent les athlètes. Toutes les autres sections sont successivement inaugurées. Le feu d’artifice qui devait conclure la journée est reporté à cause de la pluie. Le voyage du président Fallières, le 25 mai 1908, se déroule selon des formes très similaires. A Douvres, il débarque au son des canons qui tonnent et de la Marseillaise17. Il en va de même à la descente du train à Londres18. Lors du dîner de gala, le soir, au palais de Buckingham, “la musique des Gardes irlandais ne cesse de se faire entendre”. On y joue à nouveau les hymnes, après les allocutions des chefs d’Etat. Le Figaro, qui d’une façon générale accorde beaucoup plus d’attention aux membres des délégations officielles et à leurs costumes qu’à la musique, mentionne les cornemuses des Highlanders, les fifres des Horse Guards, les tambours et fifres des Grenadiers. Le lendemain, lors de la visite de l’exposition, les hymnes nationaux sont encore éxecutés dans la cour d’honneur19. La visite se conclue par la découverte du pavillon des beaux-arts. Le soir, ont lieu le dîner privé et le bal (le Figaro mentionne un quadrille d’ouverture). Le surlendemain matin, le président de la République française reçoit les délégations, puis est reçu à son tour par le Lord maire et les 13 . Rapport général ..., t. 2, p. 69. 14 . Rapport général ..., t. 2, p. 74. 15 . Rapport général ..., t. 2, p. 74. 16 . Cf. Times, 12 mai 1908, “Arrangements for the Opening”, p. 13 ; Times, 14 mai 1908 ; Standard,, 15 mai 1908 ; Daily Telegraph, 15 mai 1908. 17 . Rapport général par Yves Guyot et G. Roger Sandoz, Paul Bourgeois et Leo Claretie, Comité français des expositions à l’étranger, Paris, 1908, t. 2, p. 85. 18 . Ibid. p. 86. 19 . Rapport général ..., t. 2, p. 90.


corporations de la capitale. Un nouveau banquet a lieu, pendant lequel “la musique se fait entendre”. Les trompettes introduisent les toasts portés, et l’on entend à nouveau les hymnes20. Le dîner a lieu au Foreign office. Il est suivi d’une représentation de gala à Covent Garden, lors de laquelle on donne le premier acte des Pêcheurs de perles, le second acte de Faust. Le Times du 28 mai donne une description poussée du décor et des toilettes, insiste généralement sur le caractère très mondain de la soirée, mais fournit peu de précisions sur l’interprétation musicale, sauf un vague éloge des chanteurs. Le Figaro pour sa part mentionne seulement le titre des oeuvres, et les noms de Mme Melba et du maestro Campanini. A la fin du spectacle, les hymnes nationaux sont repris par les spectateurs21. Pour les jours suivants, le rapport général ne donne aucune précision sur les musiques entendues, excepté en ce qui concerne la réunion du Comité français, le 27 mai, où l’on mentionne “un excellent orchestre de tziganes”, qui fait entendre “les plus brillants morceaux d’un répertoire où alternaient les airs français et anglais”22 . Là encore, les hymnes sont exécutés à l’issue de l’allocution officielle. Le 25 juillet, lors de la distribution des prix remportés par les sportifs, les athlètes défilent face au détachement des Grenadiers Guards irlandais23. Un roulement de tambour et une sonnerie de trompette introduisent chacun des vainqueurs, qui vient recevoir sa médaille et sa branche de chêne. L’hymne national , qui a ouvert la cérémonie, la clôt aussi24. D’une façon générale, il semble que toutes les manifestations sportives se fassent à grand renfort de musique militaire, et de forces de l’Empire25 . Le 31 octobre enfin, la fête de clôture est animée par les quatres formations qui ont assuré la musique pendant toute la durée de l’exposition et les deux qui ont joué sur le stade (Grenadier Guards, Royal Horse Guards, Royale Marine Light Infantry, 79th Cameron Highlanders, premier bataillon des Scots Guards Pipers, second bataillon des Grenadier Guards Drum and Fifes), une grande fantaisie militaire accompagnant les feux d’artifice et hymnes nationaux26. Au total, toute manifestation officielle dans le cadre de l’exposition met à contribution les meilleurs musiques militaires, accessoirement quelques orchestres civils, qui jouent essentiellement les hymnes nationaux, et quelques compositions nationales emblématiques. Les rapports officiels ne mentionnent en tous cas que ces éléments, mais c’est aussi qu’ils considèrent la musique comme une sorte de décor, dont le contenu importe peut, mais seulement la dimension symbolique. Le madrigal, genre national La seule originalité de l’inauguration, sur le plan musical, consiste en l’exécution d’un madrigal, sur lequel les chroniqueurs ne donnent aucun détail, mais dont le statut en l’occurence est identique à celui des hymnes nationaux. Certains auteurs 20 . Rapport général ..., t. 2, pp. 95-96. 21 . Rapport général ..., t. 2, p. 97. 22 . Rapport général ..., t. 2, p. 102. 23 . Rapport général ..., t. 2, p. 334. 24 . Rapport général ..., t. 2, p. 336. 25 . Cf. Times du 29 août 1908, mentionnant la marche au flambeau qui doit avoir lieu trois soirs de la semaine, avec défilé de 600 hommes. 26 . Cf. Donald D. Knight, The exhibitions. Great White City, Sheperds Bush London, 70 th anniversary 1908-1978, Barnard and Westwood limited, London, England.


n’hésiteront pas à écrire, dans les années 1920, que l’amour de la musique vocale caractérise “la race britannique” depuis cinq siècles27. Quelques détails sur l’histoire de ce genre en Angleterre permettent de comprendre ce fait original. Le madrigal, venu d’Italie, existe en Angleterre depuis la fin du XVe siècle. Au commencement du règne d’Elizabeth Ière, la musique était cultivée et étudiée dans les classes supérieures. On éditait des madrigaux étrangers, dont certains traduits en anglais, notamment à 1588 à Londres sous le titre Musica Transalpina. Thomas Watson et Thomas Morley proposèrent des versions anglaises de madrigaux italiens. Les premiers madrigaux anglais de Byrd et ceux de Wilbye (en fait des versions anglaises d’oeuvres italiennes) sont contemporains28. Cette musique émerge donc en même temps que la langue vernaculaire dans le drame et la poésie, sur des modèles italiens ; mais dans le recueil The Fair Oriana, l’arrière plan national est important. L’intellectualité des madrigaux anglais est plus prononcée que celle des madrigaux italiens, ce qui vient de la culture de leurs auteurs. La specificité tient surtout à l’intention dédicatoire, l’hommage à la reine qui incarne la communauté civile et religieuse29. En tout état de cause, le madrigal anglais fait partie du patrimoine glorieux de l’école de musique Tudor ; pièce maîtresse de l’éducation des gentilshommes, il incarne un âge d’or de la musique anglaise, âge d’or de courte durée en raison des péripéties politiques du XVIIe siècle anglais, qui expliquent son déclin après 1615. Tombé en désuétude pour des raisons politiques et culturelles (la guerre civile, le goût français de la cour de Charles II), le madrigal n’est plus au XVIIe ni chanté ni édité. Sa résurrection au XVIIIe marque la volonté de résister à la tyrannie de la mode30, mais aussi de remettre au goût du jour un patrimoine authentiquement national. Ce revival est essentiellement le fait de la Madrigal Society, fondée à Londres vers 1745. Selon Thomas Oliphant, le premier procès verbal de la société porte la date de 1744 et le nom de John Immyns. C’est à ce membre de l’Academy of Ancient Music que “revient le mérite d’avoir sauvé de l’oubli nombreuses oeuvres de valeur”. Il s’était épris de l’ancien chant polyphonique et s’était déterminé à fonder un club dans le seul but de cultiver ce genre de musique. “Sa dévotion était si grande qu’il regardait Bononcini et Haendel comme de grands corrupteurs de la science”31. La société comptait une trentaine de membres, qui se réunissaient chaque vendredi soir pour souper et chanter, dans des pubs. On ne pouvait y participer que si l’on était apte à chanter sa partie dans un concert. Selon Hawkins, plusieurs membres de la société étaient des artisans, même des tisseurs, qui avaient pratiqué la psalmodie, la solmisation, et pouvaient déchiffrer à vue. Certains étaient aussi en mesure de jouer 27 . Edmund Horace Fellowes, The English Madrigal Composers, Oxford, 1921. 28 . Il s’agit d’éditions en parties séparées, sans clef, ni altération à la clef, parfois accompagnées de principes de composition, faits pour être dansés éventuellement, et qui peuvent se prêter à un accompagnement instrumental. 29 . Cf. James Day, Englishness in Music from elizabethan Times to Elgar, Tippett and Britten, Thames publishing, London, 1999. 30 . Cf. Thomas Oliphant, A short Account of Madrigals, from their commencement up to the present time, with some remarks on Chambermusic in the nineteenth Century, London, Calkin and Budd, 1836. Oliphant plaide, non pas contre la musique de ses contemporains, mais contre la volonté absurde d’exécuter en privé une musique trop difficile ; selon lui, les Anglais gagneraient beaucoup à chanter dans leur propre langue des mélodies plus simples, et y gagneraient aussi sur le plan moral. 31 . Cf. Thomas Oliphant, A brief Account of the Madrigal Society, from its institution in 1741 up to the present périod, London, Calkin and Budd, 1835, p. 3.


de plusieurs instruments. On exécutait lors de chaque soirée huit madrigaux, avec une interruption au milieu du concert, des catches, rounds et des canons. On y accueillait gratuitement des auditeurs, pourvu qu’ils aient chanté ou chantent dans un choeur ou à l’église, ainsi que les membres de l’Academy of Ancient Music introduits par un membre de la Madrigal Society, exceptionnellement les autres invités personnels, pour une somme modique. On pouvait y emprunter des partitions et des livres. La société organisait de petites excursions en dehors de Londres et même un festival annuel dès les dernières années du XVIIIe siècle. A partir de 1811, on y donna des prix pour la composition de madrigaux dans la manière ancienne. Au XIXe siècle, d’autres sociétés se fondent pour propager le genre madrigalesque, notamment la Musical Antiquarian Society, mi XIXe. La diffusion de nouvelles éditions contribue à la popularité renouvelée du genre, ainsi que les concerts philanthropiques de la Magpie Madrigal Society, fondée en 1885 sous le nom de Magpie Minstrels. Devenue Magpie Madrigal Society en 1896, cette association se consacre surtout à encourager la composition pour choeur a cappella parmi les étudiants du College et de l’Académie de musique. Elle exhume beaucoup de pièces du XVIe et du XVIIe, mais pas uniquement des pièces anglaises, et interprète aussi des compositeurs post romantiques. Les concerts font alterner madrigaux et pièces contemporaines, mélodies, et “chants de plantation”. Il n’est donc pas surprenant que le madrigal anglais joue un rôle dans les festivités officielles liées à l’exposition franco-britannique : il symbolise la grandeur artistique de l’Angleterre et l’une des périodes les plus prestigieuses de sa culture. Compositions de circonstance A côté du madrigal, il faut dire un mot de la principale composition de circonstance , la Cantate de bienvenue écrite par le Duc d’Argyll, mise en musique par Charles Villiers Stanford32. préciser qui est ce compositeur Il s’agit en vérité d’un pièce très conventionnelle, aussi bien par le texte (un éloge de la fraternité des nations, du travail humain, de l’oeuvre du Créateur) que par la musique. Que ce soit dans la succession des mouvements (ouverture et première partie andante con moto giojoso ; deuxième partie tranquillo ; troisième partie allegro, quatrième partie andante maestoso), dans le choix des tonalités (sol majeur, avec variations et tonalités relatives, fa majeur, conclusion en do majeur), dans les dynamiques (montée crescendo dans l’ouverture jusqu’au double forte précédant l’entrée du choeur ; première et troisième parties forte, encadrant une deuxième partie plus piano ; conclusion fortissimo), on n’y trouve absolument rien qui ne soit attendu. Il en va de même en ce qui concerne l’harmonisation (unissons, homophonies lorsque l’on célèbre l’accord des nations) et la répartition des interventions entre les différentes voix et l’orchestre (interventions “aériennes” des sopranes sur “Now science learns to dare the paths of air” ou sur “Peace, like sun on alpine glows” ; passages réservés aux basses, précédant les ténors, pour évoquer la rivalité des nations ou clamer : “Jolly Brittons, advance” ). D’ailleurs cette cantate n’a pas été enregistrée, et n’a sans doute pas été entendue en dehors de l’exposition. A l’occasion de l’inauguration officielle, une grande marche a également été composée spécialement par le Docteur Williams sous la titre “Ich Dien” pour 32 . “A Welcome Song” for chorus and orchestra, the Words by the Duke of Argyll, set to Music by Charles Villiers Stanford, op 107, price one shilling, written and composed for the Opening of the Franco-British Exhibition, Boosey and Cie, London, 1908.


accompagner la procession jusqu’au palais des congrès33. Ce lieutenant Williams, chef de musique des Grenadiers Guards, est également responsable de l’organisatiion de la fête nationale française dans le cadre de l’exposition le 14 juillet34. Dans le programme musical prévu pour toute la journée, prédominent les airs français, interprétés par les quatre formations militaires majeures du royaume. Les musiques militaires Les musiques militaires britanniques ont une histoire assez semblable à celle des musiques françaises à l’époque moderne35 : elles sont instituées dans la plupart des cas au XVIIe siècle, en général à la Restauration de Charles II. Elles comprennent au moins des trompettes et des tambours (drum and fifes bands dans l’infanterie, trumpets and kettledrums dans la cavalerie), puis d’autres instruments, en particulier hautbois et clarinettes, auxquels s’adjoignent au XVIIIe siècle des instruments plus exotiques (bass drum, tambourin, cymbales, triangle). Elles sont à la fois des organes de la vie militaire, de la vie urbaine (elles participent aux processions, jouent à l’église 36) et de la vie de cour. A l’origine, ces musiques sont tolérées, mais non réglementaires, excepté en ce qui concerne l’artillerie royale et la Garde. La musique des Life Guards, mentionnée dès la fin du XVIIIe siècle, est probablement antérieure. La première unité à engager des musiciens est celle des Grenadiers (premiers Gardes à pied), en 1749. Beaucoup des musiciens de ces formations sont des professionnels, d’origine étrangère (italienne ou allemande), polyvalents (en termes d’instruments), et plusieurs font partie de l’élite des musiciens. Les fanfares se standardiseront et la musique deviendra une unité indépendante dans les régiments dans les années 1920 seulement. Le statut des musiciens s’améliore lentement au cours du XIXe siècle. Le rôle du chef, plus fréquemment autochtone (music major, souvent un hautboiste) se précise. Les premiers journaux de musique militaire paraissent dès les années 1840, et favorisent une certaine standardisation du répertoire. Mais c’est surtout la fondation de Kneller Hall, une institution entièrement dévolue à la formation des chefs de musique, en 1857, qui entraîne la professionnalisation des formations militaires et contribue au succès populaire des musiques. A la fin du siècle, le gouvernement subventionne l’école. L’enseignement y dure trois ans et offre un cursus complet, comprenant à la fois des matières théoriques (harmonie, contrepoint) la pratique des plusieurs instruments et du chant, et des matières appliquées spécifiques (orchestration pour fanfare, enseignement et direction d’un choeur d’église, direction, interprétation et composition pour formation militaire)37. Les chefs des musiques deviennent des nationaux et des soldats ; ils obtiennent le grade d’officier, ont latitude de vivre hors de la garnison et de porter des habits civils, sauf dans l’exercice de leurs fonctions. Au XXe siècle, ils seront parfois gradués de l’Université (le premier docteur en musique d’Oxford à l’armée, Albert Williams, est le chef des Grenadier Guards, en 1906). Grâce à Kneller Hall, les chefs ont en fait, dès la fin du XIXe siècle, “placé les formations militaires devant le public comme une organisation

33 . Cf. Times du 14 mai 1908. 34 . Cf. Times du 13 juille t 1908. 35 . G.R. Lawn, Music in State Clothing 36 . cf. Henri George Farmer, Military Music, London 37 . Cf. Percy A. Scholes, The Mirror of Music 1844-1944, A century of Musical Life in Britain as reflected in the pages of the Musical Times,Oxford U.P., 1947, 2 vol.


artistique de concert”38. “Les formations militaires ont atteind un tel niveau d’excellence qu’on peut les considérer comme l’orchestre symphonique du plein air”39. En effet, tandis que le niveau des chefs s’élève, les formations s’étoffent et se diversifient. Au début du XXe siècle, les musiciens sont une dizaine à une vingtaine environ par musique; ils participent aux combats, à la parade (avec des instruments précieux), et aux fêtes officielles. Mais ils jouent aussi dans les expositions internationales, les parcs, les spas, donnent des concerts (notamment à Kneller Hall, où ont lieu des concerts d’été40 ). A Londres, les deux musiques des Life Guards jouent régulièrement à Kensington les mardis et les mercredis. Ils ne proposent que des marches, faute de pupitres et d’instruments d’harmonie. Mais progressivement, leur orchestre se développe, en particulier grâce aux instruments à clés (bugle, ophicléide), à valves, à pistons (instruments de Sax). Les musiques s’adjoignent même des interprètes extérieurs, des prime donne de Covent Garden, qui chantent avec eux à l’occasion. Au milieu du siècle, la Chambre des communes vote contre l’ouverture des musées le dimanche mais accepte l’exécution de musique par les formations militaires et plusieurs milliers de personnes s’y rendent à Londres chaque week-end. Un grand débat s’engage sur la question de savoir s’il est légitime de donner des concerts le dimanche, et si ces attroupements ne sont pas pernicieux, étant donné que “l’entrainement d’une musique martiale est de nature à faire battre le coeur et à enflammer l’imagination”41. Comportant une centaine de musiciens, la musique du Royal Artillery est à la fois la plus ancienne (fondée cinquante ans avant le London Philharmonic42), la plus importante, et la plus réputée. Celle des Grenadier Guards, composée d’une quarantaine de musiciens, qui donne de grands concerts à Hyde Park, sous la patronage d’officiers, draine des foules considérables, jusqu’à 90 000 personnes. Dès l’été 1872, cette formation a fait une tournée aux Etats-Unis. En 1904, ces musiciens sont à nouveau invités aux Etats-Unis et au Canada. La musique des Royal Horse Guards est également très populaire. Ses quarante musiciens jouent partout en Grande-Bretagne. Les musiques militaires sont donc réputées et populaires ; en témoignent leurs enregistrements, mais aussi les “objets dérivés” avant la lettre, les cartes postales ou les soldats de plomb qui permettent à leurs admirateurs d’emporter un témoignage des événements auxquels ils participent. Elles sont enfin à l’origine du Brass Band Movement, du développement des concours43 et des concerts de fanfares en Grande Bretagne à partir du milieu du XIXe siècle 44. 38 . Alfred Edward Zealey and J. Ord. Hume, op. cit., p. 5. 39 . Ibid. p. 5. 40 . Le premier grand concert militaire fut donné à Chelsea en 1851, avec trois cent cinquante interprètes, sur un programme de marches, valses et musique légère, le Times en donne une critique très positive. 41 . Cf. On the performance of military Bands in the Parks of London on Sundays, by Edward Barnes, Seeley, Jackson and Halliday, London, 1856. 42 . Cf. Alfred Edward Zealey and J. Ord. Hume, Famous Bands of the British Empire, with Historical Sketch of the Evolution of the Military Band, by Colonel J.A.C. Somerville, J.P. Hull, London, s.d. (copyright U.S.A. 1926). 43 . Le premier concours a lieu à Manchester en 1853. En 1860 à Crystal Palce se produisent cent soixante-dix fanfares. 44 . Cf. Percy A. Scholes, The Mirror of Music 1844-1944, A century of Musical Life in Britain as reflected in the pages of the Musical Times,Oxford U.P., 1947, 2 vol.


Bref, si les formations militaires présentes à l’exposition franco-britannique incarnent la dimension nationale et officielle de la manifestation, elles sont aussi garantes d’une musique de qualité, qui ne se résume pas à l’interprétation des hymnes officiels. Le répertoire des musiques militaires Dans ces formations, les chefs choisissent le répertoire, et comme partout, certains arrangent des pièces classiques, d’autres des airs populaires du moment45. Les musiques jouent le plus souvent des marches, des divertimenti, des concerti militaires (soli instrumentaux et variations), des arrangements d’opéras et d’oratorios46. Aux funérailles de Wellington, les Gardes jouèrent par exemple des marches extraites d’oeuvres de Mendelssohn, Haendel, Spohr47. Au fil du siècle, le répertoire devient de plus en plus classique, et des compositeurs réputés écrivant pour les formations militaires, par exemple Gounod ou Dvorak48. Les musiques militaires jouent de fait un grand rôle dans la diffusion de la musique classique et beaucoup des chefs se sentent investis d’une véritable mission pour former l’oreille et le goût de leurs concitoyens49. Le lieutenant Williams, chef des Grenadier Guards dans les années 1870 et 1880, est un pionnier de la musique contemporaine. Il écrira un arrangement d’Elektra de Strauss en 1909. Dan Godfrey, son successeur, est loué par Charles Villiers Stanford comme ayant “élévé le goût du public en le familiarisant avec la meilleure musique de tous les genres”50. Dans les années 1880, la musique du Royal Regiment of Artillery est dirigée par un certain Ladisloa Zavertal, chef à Milan dans sa jeunesse, précedemment chef de la Glasgow Musical Society. Selon son historien, ce chef place l’orchestre au même niveau que celui de Queen’s Hall et que le London Symphony Orchestra, et joue le même répertoire51. C’est la musique des Coldstream Guards qui introduit Tchaikovsky en Grande-Bretagne, par l’entremise d’un officier, qui a rapporté une partition de Russie en 1896. Cette pièce reste au répertoire jusqu’à nos jours52. Depuis 1913 enfin, on introduit expressément dans le répertoire des musiques militaires des oeuvres de compositeurs anglais53. Le programme musical quotidien à l’exposition Quoi que les raports officiels n’en disent rien, on peut donc dire que les meilleures musiques militaires du pays sont mobilisées pendant toute la durée de l’exposition franco-britannique. On y entend en outre quelques orchestres civils, mais ils sont très minoritaires, et non nationaux. Les occasions de musique sont en fait 45 . Cf. G.R. Lawn, Music in State Clothing. 46 . Cf. Henri George Farmer, Military Music, London. 47 . Cf. G.R. Lawn, Music in State Clothing. 48 . Cf. Gordon Turner et Alwyn Turner, The History of British Military Bands, vol. 1. 49 . Cf. Alfred Edward Zealey and J. Ord. Hume, Famous Bands of the British Empire, with Historical Sketch of the Evolution of the Military Band, by Colonel J.A.C. Somerville, J.P. Hull, London, s.d. (copyright U.S.A. 1926). 50 . Cf. Dan Godfrey, Memories and Music, Thirty five years of conducting, London, Hutchinson and Cie, 1924, préface. 51 . Cf. Alfred Edward Zealey and J. Ord. Hume, op. cit. 52 . Cf. Gordon Turner et Alwyn Turner, vol. 2. 53 . Cf. Percy A. Scholes, The Mirror of Music 1844-1944, A century of Musical Life in Britain as reflected in the pages of the Musical Times,Oxford U.P., 1947, vol. 1, pp. 497-498.


nombreuses à l’exposition. Plusieurs concerts se succèdent, tout au long de la journée, en différents lieux. Dans les premiers jours de l’exposition, la plupart des attractions n’étant pas encore en mesure de fonctionner, il s’agit même de la principale distraction offerte au public54 . Peu de programmes musicaux quotidiens subsistent dans les archives, mais on en trouve malgré tout quelques uns. On peut ainsi se figurer se qui est entendu, à partir de celui du 26 mai 1908 ou de celui du 27 octobre, par exemple55. Le 26 mai, la Royal Garrison Artillery de Plymouth joue le matin (de 11H à 12H) dans le Hall d’entrée, en début d’après-midi (de 13H à 15H) au Palais des beaux-arts, puis dans la cour d’honneur en milieu d’après-midi (de 16 à 18H) et à nouveau en soirée (de 20 à 23H). Les 5th Royal Fusiliers jouent au jardin d’élite en milieu de journée (de 12H30 à 15H), puis à nouveau en fin d’après-midi (de 17H40 à 19H30), et dans la cour d’honneur en soirée (de 20 à 22H). Dans le jardin d’élite, les Grenadier Guards jouent deux heures dans l’après-midi (de 15H30 à 17H30), puis près de quatre heures en soirée (de 19H30 à 23H), à chaque fois avec un ou deux entractes. Enfin, au Palais des beaux-arts, le Royal Garrison Artillery de Douvres joue également deux heures l’après midi (de 15H15 à 17H15) et le soir aux mêmes horaires que la précédente formation. En outre, au Palais des arts décoratifs, l’orchestre de Bucalossi propose un concert en fin d’après midi (de 17H30 à 19H15)56 . Chaque partie du concert se compose de quatre ou cinq morceaux. Dans la première partie, le premier morceau joué est une marche. Elle est suivie d’une “sélection” ou de scènes d’opéra, puis d’une pièce instrumentale. Dans la seconde partie, après une ouverture, on joue une danse, puis une pièce instrumentale et une nouvelle sélection. Tous les concerts du soir se terminent par le “God save the King” (en gras sur le programme). Il existe des musiques écrites spécialement pour des formations militaires par P. Godfrey (Coronation Prize March) et F. Godfrey (Reminescences of Wales) et “fantaisies”, “fantaisies descriptives”, intermezzi. Cependant, le répertoire des formations militaires et celui de l’orchestre civil présentent plus de points communs que de spécificités. Tous jouent avant tout des musiques de danse, en particulier au Palais des beaux-arts, et de la musique lyrique. Ces danses sont extrêmement variées, de style et d’époque : ce sont des valses (de Strauss et autres compositeurs autrichiens ou allemands), des polkas, mazurkas, czardas, mais on y trouve aussi un “ballet egyptien” et une danse espagnole, une danse portoricaine et un two steps, et même une danse “dans le style ancien” d’un certain Gabriel-Marie, une gavotte et une tarentelle. Les orchestres exécutent beaucoup de marches57 et d’ouvertures tirées d’oeuvres classiques58. Des extraits d’opéras (“selections”) de Mendelssohn, Wagner, Ponchielli, Rossini, Verdi, Puccini, Leoncavallo, Bizet, Gounod, Messager,

54 . Cf. Daily Telegraph, 16 mai 1908. 55 . Daily programme du mardi 26 mai 1908, Bemrose and Sons limited, Derby and London. Celuid ud 27 octobre, chez le même éditeur, est structuré tout à fait de la même manière. 56 . Le 27 octobre, ce sont les 79th Cameron Highlanders, le Royal Marine Light Infantry, les Royal Horse Guards, et les Grenadiers Guards, mais les lieux et les horaires sont les plus ou moins les mêmes (s’y ajoute le jardin colonial). 57 . Marche de la Reine de Saba de Gounod, marche festive du Tannhauser de Wagner, Entrée des gladiateurs de Fucik. 58 . Ouvertures de Guillaume Tell de Rossini, de Benvenuto Cellini de Berlioz, des Maîtres chanteurs de Wagner, de Mignon de Thomas, cette dernière donnée deux fois par deux formations différentes.


Massenet, Delibes, ou d’opéras-comiques (Lehar, Offenbach, Sullivan), et des suites tirées de musique de scène59 complètent le programme. La musique symphonique est plus rare60 , de même que la musique à programme (Fantaisie et Pastorale sur la vie des bergers dans les Alpes par Kling). On repère dans les programmes des pièces instrumentales destinées à mettre en valeur des solistes (pièce pour xylophone de Otto Seele, pièce pour flûte de Guilmant, pièce pour cornet de Neriu, pièce pour piccolo). Les répertoires incluent enfin quelques échos du music-hall. Sullivan est de loin l’auteur le plus joué dans ces circonstances, mais les 5th Royal Fusiliers donnent une part de choix aux auteurs français61. L’exposition offre donc un spectacle magnifique le soir : “De loin, viennent les des accords de musique, et ce n’est pas une rengaine banale ou un refrain de music-hall qu’on entend, mais de la musique noble, intéressante, même quand elle est gaie, jamais vulgaire, jamais ennuyeuse, et l’air de Vilia, de la Merry Widow, sucède à une page de Tannhauser sans qu’on soit froissé” 62. Contrairement à ce qui se passait à Paris dans les grandes expositions universelles précédentes, ce sont les mêmes orchestres qui jouent de la “grande” musique et de la musique légère, dans les mêmes lieux, à l’exception bien entendu des musiques “pittoresques” des nations colonisées. Musiques pittoresques Ces programmes ne résument en effet pas tout ce que propose l’exposition au visiteur sur le plan sonore. On entend dans les villages exotiques bien des compositions, mais dont le statut est encore plus modeste que celui des musiques évoquées jusqu’ici, ce qui explique que les chroniqueurs en parlent encore moins. Comme celle des musiques militaires, la présence de musiques dites “pittoresques” dans l’exposition franco-britannique s’inscrit dans une véritable tradition des expositions universelles. On sait que l’exposition de 1889 a été l’occasion, pour certains compositeurs français, de découvrir les instruments et des danses javanaises, qui avaient suscité une véritable vogue, quoi que les critiques autorisés n’y ait vu qu’une “distraction charmante” qui ne pouvait qu’éloigner de “l’art sérieux”63. En effet, à Paris en 1889 comme à Londres en 1908, plusieurs musiques coexistaient : des musiques officielles (celles qui avaient fait l’objet d’une commande, et qui furent jouées pour la fête nationale), des musiques “artistiques” (concerts russes sous la direction de Rimsky Korsakov, en décalage avec le “brillant tohu bohu de l’exposition”), mais aussi des opéras comiques du XVIIIe, des arrangements pour fanfares, harmonies (un pavillon spécial était dédié aux formations militaires), les concerts des théâtres, des orphéons, et les musiques “indigènes” des villages exotiques.

59 . Suite tirée de L’Arlésienne de Bizet, suites tirées de Peer Gynt et Sigurd Jorsalfar de Grieg. 60 . Deuxième Rhapsodie hongroise de Liszt, Symphonie inachevée de Schubert, Pomp and circonstances d’Elgar. 61 . Two steps “La petite Tonkinoise” de Clérice, “La mattchiche” de Cler et Borel. 62 . Rapport général par Yves Guyot et G. Roger Sandoz, Paul Bourgeois et Leo Claretie, Comité français des expositions à l’étranger, Paris, 1908, t. 2, p. 133. 63 . C’est du moins ce qu’en pense Julien Tiersot, Musiques pittoresques, promenades musicales à l’exposition de 1889, Paris, Fischbacher, 1889.


Le phénomène des exhibitions de sujets exotiques n’est pas historiquement de tradition coloniale, mais il a été systématisé aux Etats-Unis chez Barnum et en Allemagne chez les Hagenbeck. Il est rarement institutionnel, sauf précisément dans les expositions coloniales ou universelles64. La manifestation n’est d’ailleurs pas réservée aux peuples exotiques, mais ouverte à toute communauté humaine pittoresque. Les Britanniques sont plus friands de véritables spectacles que de villages, même dans les grandes expositions impériales, on va le voir. A Paris, en revanche, les étrangers accompagnèrent les envois d’animaux exotiques pour le jardin d’acclimatation à partir de 1877 ; la formule étaitt limitée, articulée avec l’anthropologie. L’exposition de 1889 proposait quatre villages permanents, dont le village sénégalais était le plus important. L’exposition universelle de Lyon en 1894 proposait aussi une importante section coloniale, avec des attractions ethnographiques en plus ds pavillons officiels. Dans les villages noirs à la française existait une programmation soutenue d’événements attractifs : des fêtes religieuses traditionnelles donnant lieu à des cérémonies (naissance, circoncision, mariage), des repas, le sacrifice du mouton, des danses, luttes, fantasia, la remise de la dîme, le marché d’esclaves sont mis en spectacle, mais ce pouvait être également le cas des épisodes d’actualité (mimés) ou de fêtes bouffonnes organisées. Des troupes de music-hall ou de cirque se produisaient généralement simultanément, proposant de petites pièces de théâtre à l’intrigue plus ou moins guerrière (et plus ou moins fine). Les villages Gravier privilégiaient nettement le théâtre, la musique et les artistes, plus que les artisans. Un petit détour par les expositions de 1889 et de 1900 s’impose si l’on veut comprendre la place des musiques pittoresques à l’exposition franco-britannique de 1908. Il faut dire tout de suite que beaucoup de ces musiques prétendues indigènes n’avaient rien d’authentique. Si l’on en croit Tiersot (mais on a vu qu’il était très partial !), les Tziganes, qui avaient eu beaucoup de succès à l’exposition de 1878, avaient été, pendant les onze années suivante, “entendus dans les brasseries, les cafés-concerts, voire même les soirées du monde le plus select” et ils s’en trouvaient “quelque peu défraîchis”. “Ils n’intéresseront plus que la province”65, concluait le critique. Mais si les Tziganes de Hongrie et les Laoutars roumains tombaient dans “l’exotisme des Batignolles”, d’autres musiques remportèrent plus de succès en 1889, au moins de succès de curiosité. C’est le cas de la musique des Arabes, déjà connue mais si différente des conventions occidentales qu’elle étonnait toujours. On pouvait l’écouter dans beaucoup de lieux et sous beaucoup de formes différentes : à la mosquée, aux concerts algérien et tunisien, rue du Caire, au concert égyptien, mais aussi dans les souks, au café egyptien et au café-concert marocain (sous des formes apparemment très dégradées dans ces deux derniers lieux). Au café tunisien, on pouvait entendre aussi la musique de transe des fameux Aissaouas. La musique asiatique était exécutée au village javanais, à la pagode indienne, au théâtre annamite. La musique de Cochinchine présentée dans ce théâtre rythmait la pantomime par des persussions, tandis que des instruments “plus musicaux”

64 .Cf. J.M. Bergougniou, Rémi Clignet, Philippe David, Villages noirs et visiteurs africains et malgaches en France et en Europe 1870 - 1940, Paris, Karthala, 2001. 65 . Ibid., p. 2.


accoompagnaient le dialogue66. L’exposition proposait enfin des musiques africaine et canaque, réputées primitives, entendues en coulisses (tambours balafon, chants tahitiens). Bref l’exposition de 1889 offrait un véritable tour du monde musical, tout en situant clairement les musiques exotiques sur un autre plan que les musiques de tradition occidentale. Ce statut subordonné, à peine artistique, était étendu aux musiques populaires, un concours de musiques pittoresques mettant en scène des instruments folkloriques et les interprètes de chansons populaires, de France et de l’étranger (des chanteurs finlandais, norvégiens, américains, belges, qui participaient au congrès des traditions populaires). A l’exposition de 1900, la situation est très comparable. Le livre de Judith Gautier, Les Musiques bizarres à l’exposition de 190067, en témoigne. Il présente des transcriptions, précédées de notices sur l’origine plus ou moins légendaire et l’histoire de ces musiques, dont les noms traduisent en effet une occidentalisation des plus suspectes (“Rosées”, “Ecoutez le coucou”, “Nuits d’automne” pour la musique chinoise par exemple). Certains spectacles sont une sorte de reprise d’attractions précédentes. C’est le cas de la danse javanaise et de la “danse du diable”, au “panorama animé” du Palais du tour du monde. La première met en scène cinq jeunes filles de seize à dix-huit ans, accompagnées d’un orchestre “extrêmement intéressant”, dont le gamelan diffère de celui présenté dix ans auparavant. La seconde est interprétée par des danseurs de Ceylan costumés en guerriers, sur une musique qualifiée de “berceuse de nourrice accompagnée de deux tambours”. Pour Judith Gauthier, si le chant annamite, avec orchestre annamite d’une vingtaine de musiciens, est “authentique et irréprochable”, il n’en va pas de même des danses cambodgiennes “apocryphes, autant que les danseuses”. La présentation des manifestations japonaises fait l’objet d’un commentaire élogieux en ce qui concerne l’excellente troupe encadrant Sada Yacco, “grande artiste à la fois comédienne, mime, danseuse, et tragédienne”, qui joue en alternance “La geisha et le samourai” et “Késa”, une histoire épique et tragique, mais la musique est qualifiée de “peu agréable”, les instruments réputés ingrats produisant de “maigres grincements, “voix étranglées, miaulements de détresse”. La musique égyptienne est censée s’inscrire dans une reconstitution de l’Egypte antique, mais fait entendre un “chant khedival” à l’accompagnement “purement arabe et d’un effet très original”, avec danse du ventre présentée “dans la tradition de chorégraphie ancienne”. Quant au village de Madagascar, il comporte plus de militaires et d’ouvriers que de musiciens. On y entend des chants à la gloire des Français, chansons d’amour, chants d’exil. Parmi les musiciens malgaches, figure un orchestre militaire ; la foule se presse autour de ces exécutants dont la couleur excite la surprise. Quelques musiciens de la reine jouent de la musique traditionnelle sur des instruments “on ne peut plus primitifs”, mais les autres se sont reconvertis dans la musique moderne. Le livre ne dit rien des musiques africaines, quoi que l’exposition présente aussi deux joueurs de kora sénégalais. En somme, il ya beaucoup de musique indigène dans les expositions parisiennes, mais c’est une musique produite spécifiquement pour le public de l’exposition, apparemment souvent factice et généralement méprisée, y compris par ceux qui lui consacrent des ouvrages. 66 . Julien Tiersot trouvait la musique “grinçante”, et estimait que les acteurs “criaient” avec une “exagération suraigue”. 67 . Judith Gautier, Les Musiques bizarres à l’exposition de 1900, Ollendorf, 1901.


En ce qui concerne l’exposition franco-britannique de 1908, les musiques pittoresques sont à peine évoquées dans le rapport officiel français ; la danse n’est mentionnée que dans le village sénégalais68. D’après un rapport anglais, cent cinquante noirs travaillent en effet dans des huttes de terre au vilage sénégalais ; il y a aussi une école. Les visiteurs peuvent entendre et voir “les chants étranges et les danses rythmiques” de plus jeunes membres de la troupe69. Un article du Times souligne le fait que les Africains proposent moins de spectacles que les Asiatiques, ce qu’il attribue au développement “évidemment” moins grand de leurs capacités mentales et artistiques70 . Le village de Ceylan propose un bazar dans lequel se produisent musiciens et danseurs71. Dans l’arène indienne de même, on parle pêlemêle de “musiciens de danseurs, de derviches”72. Dans ce théâtre en plein air pouvant accueillir trois mille personnes, un grand spectacle est donné, deux à trois fois par jour, sous le titre “Notre empire indien”. G. Hagenbeck organise le divertissement, avec plus de cent interprètes : acrobates, danseurs de corde, sorciers, lutteurs, charmeurs de serpents73. Des courses y ont lieu, et une procession de cinquante animaux. Des éléphants charrient d’énormes troncs et contribuent à la spectaculaire pantomime de la chasse au tigre (avec un tigre de mascarade74 ). Mais ce spectacle ne fait pas l’unanimité. Un journaliste anglais évoque “le chant monotone des jeunes autochtones devant un rajah de troisième classe75. Un de ses collègues apprécie la musique, qui lui semble proche de ce que peuvent entendre dans l’Empire les Britanniques expatriés, mais mentionne les musiciens européens “des blancs en turban et costume oriental”76. Dans les colonies de peuplement anglaises en revanche, apparemment aucune musique ne retentit dans le pavillon du Canada, dont les grandes attractions sont les castors qui “nagent dans un bassin et grignotent des troncs d’arbres” et des statues en beurre réfrigéré77. Aucune musique non plus n’est évoquée dans le village irlandais, sauf dans le cadre du théâtre, qui “sert aux auditions de chants irlandais,

68 . Dans le Official Daily Programme et dans le Rapport général par Yves Guyot et G. Roger Sandoz, Paul Bourgeois et Leo Claretie, Comité français des expositions à l’étranger, Paris, 1908, t. 2, p. 130. 69 . Cf. Donald D. Knight, The exhibitions. Great White City, Sheperds Bush London, 70 th anniversary 1908-1978, Barnard and Westwood limited, London, England. 70 . Cf. Times, 12 juin 1908. Cet article mentionne la musique du griot, sur percussions, et “sur des équivalents sénégalais de harpe, trompette, violon, xylophone”, ce que en dit long sur sa compétence ethno-musicologique. 71 . Le village de Ceylan est le seul lieu présenté parmi la liste des palais qui n’apparaisse que comme un lieu de divertissement, sans mention d’artisanat spécifique cf. Official Daily program. Le rapport français évoque “les bazars, danses cingalaises, musiciens, jongleurs, jolies filles” cf. Rapport général ..., t. 2, p. 139. 72 . Rapport général ..., t. 2, p. 139. 73 . Cf. Donald D. Knight, The exhibitions. Great White City, Sheperds Bush London, 70 th anniversary 1908-1978, Barnard and Westwood limited, London, England. 74 . The World’s Work, vol. 12, printemps 1908 (“a huge mastiff robed for the occasion in a tiger’s skin”). 75 . “Nautch girls chanted monotonously in front of a third rate rajah”, cf. Franco British iIlustrated Review, London, Chatto and Windus, ed. by F.G. Dumas, 1908, p. 295. 76 . Cf. Times, 5 juin 1908. 77 . Rapport général ..., t. 2, p. 131.


écho des mélopées que chantait Velléda dans les îles de Sein”78. Cependant, dans certains documents britanniques on parle de gigues, et de tin whistle79, et certains journaux insistent sur l’aspect national de ces productions80 . Il est clair que l’on entend beaucoup de musiques dans l’exposition, mais il est surtout clair que l’évocation des musiques ne se fait pas sur le même ton quand il s’agit des occcidentaux et de leurs alliés de peuples dominés. De ce point de vue, la référence à Velléda (mise en valeur par Chateaubriand dans Les Martyrs, et confondue par les contemporains avec une héroïne des poèmes attribués à Ossian) est une façon implicite de suggérer que l’Irlande est une terre classique, c’est-à-dire de haute culture, par opposition à l’Inde ou à Ceylan dont on ne considère pas la musique selon des critères artistiques. Attractions Il faut enfin dire un mot d’autres musiques méprisées : les musiques commerciales nées dans le sillage de l’exposition. Celle-ci présente avant tout un intérêt commercial et scientifique, mais elle est aussi un lieu de divertissement81, et la musique existe aussi sur ce plan. Il y a beaucoup d’attractions à l’exposition franco-britannique, de plusieurs types. Il ya bien sûr les attractions typiques des fêtes foraines : montagnes russes, manèges, toboggans, glissade de la montagne, labyrinthe, toile d’araignée géante où l’on se perd, “Hong kong puzzle house”. Dans le même esprit, on peut, au village indien, pratiquer le tir dans la jungle sur des silhouettes de tigres en fer découpé. Il ya aussi des attractions géographiques (maquette du Mont blanc, chemin de fer pittoresque et toboggan canadiens) ou historiques (diorama du vieux Londres, présentation d’une vieille maison Tudor , qui se trouvait à Ipswich et a été démontée et remontée spécialement pour l’exposition, avec décor en trompe l’oeil). S’y ajoutent les animations plus ou moins scientifiques : “stéréomatos”, projections d’objets en trois dimensions, en couleurs naturelles (dont des tableaux vivants avec accompagnement de chansons et musique françaises) ; maquette d’une mine de charbon ; modèles de trains ; reconstitution de l’inondation de Johnstown, spectacle électrique et mécanique fondé sur un accident naturel qui avait fait cinq mille victimes aux Etats-Unis quelques années plus tôt, ce que l’on pouvait trouver d’assez mauvais goût82. Le cinématographe Pathé frères, ou la démonstration d’appareils de la compagnie Gramophone sont à mi-chemin entre industrie et divertissement83. Feux d’artifice et explosions (dont deux locomotives rentrant en collision en explosant) complètent la panoplie des attractions spectaculaires. 78 . Rapport général ..., t. 2, p. 138. 79 . Le Standard du 10 oût 1908 dit que des gens de toutes les classes dansent au village irlandais au son de ces gigues, dans une atmosphère endiablée, qui constraste avec le calme du village quand la foule se retire. The World’s Work, vol. 12, printemps 1908, mentionne la mise en scène et l’exécution de danses et de musiques irlandaises (“scenery and performances of Irish dancing and music”). 80 . La Westminster Gazette du 20 août 1908 explique que les ballades en question peuvent être achetées pour une somme modique, et portent la mention : “imprimé en Irlande, sur du papier irlandais, avec de l’encre irlandaise”. 81 . C’est “the lighter side of the exhibit” cf. Times 19 mai 1908. 82 . Cf. Franco British iIlustrated Review, London, Chatto and Windus, ed. by F.G. Dumas, 1908, p. 295. 83 . Comme celle du phonographe d’Edison dans la galerie du travail à l’exposition de Paris de 1889.


Mais le clou de l’exposition est incontestablement le flip-flap, une structure metallique de deux bras articulés de 150 pieds de long chacun (plus de 50 mètres ?), susceptibles d’accueillir cinquante visiteurs pour leur offrir une vue panoramique de l’exposition, une fois les bras ramenés à la verticale. Il sera du reste le seul élément de cet exposition conservé pour les expositions à venir de Sheperd’s Bush, avec le kiosque à musique84. L’exposition au music Hall : la gloire du flip-flap Sur les cartes postales de l’éditeur officiel, Valentine and sons limited, cartes géantes et vues panoramiques85, le flip-flap est ce que l’on repère le mieux. C’est aussi lui qui a perpétué la mémoire de l’exposition dans des chansons, dont quelques partitions sont disponibles à la British Library. Une pièce a été spécialement composée pour l’exposition par Ezra Read86 . C’est une fantaisie descriptive destinée à emmener l’auditeur dans l’exposition, en empruntant successivement l’entrée principale, la cour d’honneur, le chemin de fer panoramique, le palais colonial, les pavillons du Canada et d’Australie, le temple de la richesse, le village irlandais, les pavillons de Ceylan et d’Algérie, le stade, le flipflap, et enfin le pavillon des beaux-arts. Elle a été transformée en valse pour le piano87, moyen de recycler la musique indépendamment de l’événement. Mais un article de la Franco British iIlustrated Review88 parle de la création d’une autre chanson en ces termes : “Le flip flap a eu cet honneur suprême pour les Britanniques de susciter une chanson de music hall particulièrement inepte”89. Le Standard du 23 mai prévoit que “l’air va se répandre dans le pays comme une épidémie et que l’on ne connaît aucun sérum prophylactique contre ses ravages”. Le music hall s’est impose à Londres dans le dernier tiers du XIXe siècle, après la décadence et la fermeture des “pleasure gardens”. Il y en a quatre cents dans la capitale en 1880. Non seulement ce sont des lieux populaires, mais ce sont aussi les scènes sur lesquelles se révèlent les compositeurs nationaux les plus connus. James Day évoque les raisons de cette particularité : en Grande-Bretagne, il y a très peu de postes pour les musiciens en dehors de l’armée, de l’Eglise (postes d’organistes) et du théâtre, et il existe une la forte suspicion de classe90. La demande sociale de musique classique est insuffisante, il existe un fossé entre la musique artistique et la musique commerciale, et peu de mécénat privé. Enfin la puissance britannique est un fait qui n’a pas besoin de symbole comme les nations en puissance, excepté dans la musique populaire. C’est pourquoi les grands compositeurs britanniques comme Arthur Sullivan (fils d’un clarinettiste irlandais et d’une mère italienne mélomane, membre de la chapelle royale puis de l’Académie

84 . Cf. The White City Herald du 27 juin 1914. 85 . Cf. Donald D. Knight, The exhibitions. Great White City, Sheperds Bush London, 70 th anniversary 1908-1978, Barnard and Westwood limited, London, England. 86 . “Round the Exhibition”, publiée à Londres par the London Publishing Store. 87 . Donald D. Knight, The exhibitions. Great White City, Sheperds Bush London, 70 th anniversary 1908-1978, Barnard and Westwood limited, London, England 88 . Franco British iIlustrated Review, London, Chatto and Windus, ed. by F.G. Dumas, 1908, p. 291 89 . “The flip flap has achieved the crowning British honour of having a particularly inane music hall song wrtiten round it”. 90 . Les musiciens sont réputés non gentlemen ; Mendelssohn fait exception, et les compositeurs classiques britanniques du XIXe siècle comme Michael Blafe et George Macfarren sont ses disciples.


royale de musique) sont des musiciens de formation classique qui font carrière dans le milieu du théâtre. En réalité le flip flap a inspiré plusieurs compositeurs. Il occasionne d’abord une chanson de Darewski et Hillmott, Take me on the flip-flap91, que Miss Ella Redford aurait chantée dans trois music-halls londoniens et Miss Millie Lagarde dans un quatrième92. développer sur les autres chansons

91 . Editions Francis Day et Hunter, maintenant EMI. 92 . Cf. Donald D. Knight, The exhibitions. Great White City, Sheperds Bush London, 70 th anniversary 1908-1978, Barnard and Westwood limited, London, England


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