SOMA #24

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Photo – Loïc Benoit (sauf indiqué) Texte – Fredd On a beau essayer de se convaincre que nous aussi, en Europe, on a de très bons parks, de très bons skateurs, de très bons supermarchés, de très belles balades… On a beau dire, on a beau faire, le nord-ouest américain quand même, ça vaut son pesant de cacahuètes. Des skateparks en béton à perte de vue, des skateurs absolument inconnus mais complètement incroyables, des « Safeway » ouverts 20/24 pour pouvoir aller manger du Houmos à minuit ou à cinq heures du mat’ selon l’humeur et une nature luxuriante à faire déménager un berger corse. Et puis, les gens qu’on y rencontre n’ont absolument rien à voir avec ceux qu’on rencontre en Californie… Déjà pour un gars qui ne fait pas de skateboard, c’est franchement un coin exceptionnel, mais pour des couillons comme nous, c’est vraiment difficile de faire mieux. Fort de ce constat, avec les copains, on a pris nos cliques, nos claques et nos économies et nous nous sommes envolés pour Portland, aussi connue sous le sobriquet de « Beervana », la capitale mondiale du hipster barbu en chemise à carreaux et fixie. Nos missions étaient de skater Burnside, le park d’Orcas Island au large de Seattle et celui de Lincoln City, sur la côte, au sud-ouest de Portland, ce que l’on ferait en plus ne serait que cerise sur le gâteau, « the icing on the cake » comme ils disent là-bas, « les marshmallows dans le feu », comme on disait nous autres… Ce qui faisait l’originalité de notre équipe, en comparaison avec les groupes de jeunes gens qu’on a l’habitude de voir dans les magazines, c’est que presque tout le monde payait son voyage de sa poche, qu’on était loin d’être tous des champions et que notre seul but était de passer de bonnes vacances. Pas d’histoire de tricks à filmer ou à prendre en photo pour tel sponsor ou tel magazine. Aucune pression, si ce n’est celle de skater le plus possible, aucun chef de troupe, aucun boulet, aucune contrainte… Si ça n’est pas le Tour parfait, ça y ressemble grandement. Ce qui est amusant, c’est qu’au final, on a ramené plus d’images que sur un vrai tour avec des champions certifiés conformes venus produire de l’image… Ça doit être plus difficile de se motiver quand tout vous est 76

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servi sur un plateau d’argent ? Il y avait donc dans notre équipe un vieux champion poilu (David Martelleur, aka Marto, aka Roost, aka plein d’autres trucs encore), un gars qui n’a jamais vraiment pris le temps d’être un champion (Damien Marzocca), un ex-champion / ex-team manager / futur Osthéo (Hans Claessens), mon pote de skate de Grenoble, infirmier de son état et concentré de bonne humeur (Guillaume), notre pote graphiste et néanmoins fréquentable (Jad), un pote de Belgique qui passait par là (Laurenz Coninx), une ancienne gloire du skateboard Lyonnais (Mickaël Plasse), un absent (notre pote Benny qui s’est dégonflé au dernier moment), un vrai champion dans la force de l’âge (Julien Mérour), un photographe mal poli qui a décidé d’aller tous les deux ans en Oregon (Loïc Benoît), et un mec qui passait son temps à se plaindre parce qu’il avait mal de partout (moi). Moyenne d’âge : 33 ans, l’âge du christ mon pote ! Il y avait aussi Philippe et Paulo qui font ce film sur Marto, (ça sort bientôt, attention…) qui nous ont rejoints. Ils skataient pas mais ils étaient sympas quand même. Au lieu de vous raconter tous les tricks de malade que j’ai fait là-bas voici quelques légendes oregoniennes qui pourraient vous aider à mieux comprendre cette mystérieuse région :

Mark « Red » Scott est bien plus qu’une simple légende en Oregon, c’est une vraie « putain de légende ». Il est plus ou moins le gars par qui tout est arrivé. C’est en grande partie à lui qu’on doit Burnside, ainsi qu’une bonne partie des meilleurs skateparks dans le monde (Dreamland, c’est lui). C’est aussi le gars qui a fait le loop dans un vrai full pipe en béton sans inviter toute la presse, à une époque où Tony Hawk et consorts faisaient tout un pataquès avec leur loop hélicoïdal en bois. Bref, Red est une sorte de dieu vivant dans le nord-ouest et dans le skateboard en général. Et c’est aussi le gars qui est venu nous réveiller à huit heures du matin alors qu’on campait tranquillement à l’intérieur du bowl de Lincoln City.


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