Vaudou : roman de mœurs martiniquaises

Page 152

132

VAUDOU

fants et m ê m e d ' h o m m e s , rangée en cercle autour des querelleuses, s'esclaffait avec des rires énormes. On eût dit que les deux négresses exécutaient une sorte de ballet, c o m m e à l'Opéra-Comique, lorsqu'il s'agit de m i m e r un c o m b a t . Relevant de mains baguées de verroterie leurs j u p e s traînantes, elles se précipitaient, l ' u n e avançant, l'autre reculant, et réciproquement, poussant des hurlements, le p o i n g tendu et tapant du plat de leurs p a u m e s sur leurs c r o u p e s mafflues. Elles ne se frappaient pas ; mais les mots s'échappaient de leurs bouches avec une telle rapidité et si rageusement que, parfois, le souffle leur manquait. Alors, elles rentraient dans leurs cases; mais p o u r en ressortir aussitôt, le verbe encore plus vigoureux, joignant des gestes obscènes à leurs injures et prenant à témoin les passants de la laideur et de la méchanceté de l'adversaire. L a querelle s'acheva dans une rixe où des mèches de cheveux graisseux restèrent accrochées aux bagues des deux mégères. Se pourrait-il qu'Hortense de Myennes eût, dans la colère, un rappel de la violence de sa race? N o n ; c'était impossible. Sa douce fiancée ne ressemblerait jamais à ces furies. Cette scène, cependant, raviva son angoisse; mais telle était la force de son amour, que c'est ce dernier qui prévalait, lorsqu'il reprit le bateau p o u r Fort-de-France. A c c o u d é à la ram-


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.