Les peaux noires : scènes de la vie des esclaves

Page 47

MADELEINE JÉRÉMIE.

33

l’ai ramené, il est à l’écurie ; je le sellerai et briderai pour l’heure que vous voudrez. On le pense bien, Firmim avait tourné le dos, depuis un moment, à son voyage à la Calebasse, il l’avait même complétement oublié. La nouvelle que venait de lui apporter Jérémie l’avait précipité du sommet du plus charmant des rêves dans la plus prosaïque des réalités. — Eh bien! dit-il en se levant vivement, j’ai changé d’idée, je ne partirai pas ce soir ; j’achèverai paisiblement mon souper, et vous me donnerez à coucher. Le tête à tête entre Firmin et Madeleine revint alors à la pensée de l’économe, compliqué de circonstances aggravantes. Il éprouva comme un serrement de cœur. — Cela vous contrarie que je vous demande à m’héberger pour cette nuit ? — Seigneur Dieu ! s’écria Jérémie, ce serait pour la première fois que l’hospitalité aurait fait défaut à quelqu’un sur cette habitation ! Ce qui me contrarie, Monsieur, c’est que je suis à l’étroit ici, et... — Qu’à cela ne tienne, mon cher, je cabanerai (coucher par terre sur un matelas) dans cette salle ; ou plutôt donnez-moi un hamac, c’est tout ce qu’il me faudra. — Mais le cheval ? hasarda Jérémie. — Il me servira demain aussi bien que ce soir. — C’est que... — Quoi encore ? — On ne pourra vous le prêter que pour vous conduire jusqu’à l’habitation voisine. — Eh bien ! soit ; vous me ferez suivre par un négrillon qui vous ramènera le cheval dès que j’en aurai trouvé un autre. — Et puisque nous voilà d’accord sur tous les points, en attendant que Madeleine m’apporte ma pintade, je bois à la santé du propriétaire de cette habitation... Vous le lui direz, Jérémie.


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.