Mémoires de Malouet. T. 2 (2)

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LA MARÉCHALE DE BEAUVAU.

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nous ont conservé le souvenir de cette douleur qui la rendait étrangère à tout ce qui se passait, autour d'elle. Au plus fort de la Terreur, le 4 juillet 1793, elle écrivait : « Je vis encore « pour le pleurer, pour mesurer sans cesse l'étendue de cette « perte ; non, ce lien si cher et si sacré n'est pas rompu : il « me tient attachée à sa mémoire aussi étroitement que je l'é« tais à sa personne; le bonheur seul a disparu 1 » Il n'existe plus aujourd'hui de contemporains de Mme de Beauvau; le nombre de ceux qui ont connu la princesse de Poix 2 diminue même tous les jours ; mais le souvenir de ces deux femmes si distinguées vivra longtemps dans les pages consacrées à la princesse de Poix par sa petite-fille, la vicomtesse Alfred de Noailles 3. — Ces pages ne sont rien moins qu'un chef-d'œuvre, et je m'empresse de restituer à leur auteur les citations que je lui empruntais il n'y a qu'un instant. Le duc de Lévis a laissé, de la maréchale de Beauvau, un portrait plein de charme : « Ses amis, dit-il, ne l'oublieront « jamais; et quant à ceux qui ne l'ont pas connue, ils ne peu« vent se faire une idée de ses manières nobles et gracieuses « qu'en voyant sa belle-fille, à qui elle semble avoir laissé ce « précieux héritage. » Nous pouvons dire à notre tour que la princesse de Poix revivait dans Mme Alfred de Noailles. Cette arrière-petite-fille du maréchal de Beauvau a laissé un souvenir ineffaçable à tous ceux qui l'ont approchée4; mais comment donner à ceux qui ne l'ont pas vue une idée du charme et de la séduction de son esprit? Marie-Thérèse, 1. Éloge du maréchal de Beauvau, cité plus haut. On peut voir dans les Mémoires de Morellet (Paris, 1821), tome II, page48, une lettre écrite en 1800 par la maréchale de Beauvau, qui témoigne de. la vivacité des sentiments que lui inspirait le souvenir de son mari. Cette lettre est adressée à la princesse de Poix. On lira encore dans le 3e volume de la Correspondance de Mme du Deffand un portrait de la maréchale de Beauvau, par la duchesse de Rohan-Chabot, sa belle-sœur. 2. Mme de Beauvau est morte le 2G mars 1807, à soixante-dix-huit ans. — Mme de Poix, le 20 novembre 1834, à quatre-vingt quatre ans. 3. Vie de la princesse de Poix, née Beauvau, par la vicomtesse Alfred de Noailles (tiré à petit nombre d'exemplaires). 4. Mme Alfred de Noailles est morte le 13 septembre 1851, à soixante ans.


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