Souvenirs d'un amiral. T. 1

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SOUVENIRS D ' U N A M I R A L .

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naire des étapes de dix ou douze lieues par jour. On reconnaissait facilement la longueur du voyage à la maigreur et à l'épuisement des captifs ; mais mieux valait encore des esclaves fatigués d'une longue route que ces nègres de rebut ramassés dans les provinces voisines de l'équateur, dont le front d é primé , ovale et fuyant, les yeux r a p p r o c h é s , la mâchoire saillante , la poitrine é t r o i t e , les extrémités inférieures plus courtes que le torse, les longs bras, les jambes sans mollets et l'abdomen protubérant indiquaient que dans l'exploitation séculaire de l'Afrique on avait enfin rencontré le dernier échelon de la race humaine. Ce fut sans doute une noble inspiration que la pensée d'abolir l'esclavage des noirs et la traite. L'honneur en revient à la révolution française : la France a, ce me semble, payé cet honneur assez cher pour qu'on ne le l u i conteste pas. Abandonné par nous, le principe dont nous avions mal m e s u r é les conséquences fut recueilli par l'Angleterre, qui en 1815 réussit à en assurer le triomphe. Cependant, malgré l'accord et les serments de la plupart des nations maritimes, trente ou quarante mille esclaves n'ont pas cessé, pendant plus d'un quart de siècle, d'être exportés annuellement de la côte d'Afrique sur les rivages du nouveau monde. Seulement, en raison des dangers et des chances désavantageuses qu'il fallait courir, le prix du noir avait baissé sur


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