Pétition nouvelle des citoyens de couleur des îles françaises, à l' Assemblée Nationale

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PÉTITION DES

N O U V E L L E

CITOYENS

D E S

Î L E S

DE COULEUR

F R A N C O I S E S ,

A L'ASSEMBLÉE

NATIONALE,

PRECEDEE D'UN

AVERTISSEMENT

Sur les manœuvres employées pour faire échouer cette Pétition, ET DE

PIÈCES

L'ivincible

SUIVIE J U S T I F I C A T I V E S .

force des choses ouvrira les yeux

de tops les François, des colons eux-mêmes... (Lettre de J. P. Brissot à M. Barnave, p. 102 ).

A PARIS, DEsENNE , libraire , au Palais-Royal Chez

;

B A I L L Y , libraire , rue St-Honoré , barrière des Sergens , Tous les marchands de nouveautés;

EtauBureauduPATRIOTEFRANÇOIS, place du Théâtre Italien.

18 M a r s 1 7 9 1 . MANIOC.org Réseau des bibliothèques Ville des Pointe-à-Pitre


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A V E R T I S S E M E N T SUR L A P É T I T I O N S U I V A N T E ,

ALARMÉS

de l'interprétation que les colons

blancs font des décrets de r a s s e m b l é e nationale, en ce qui concerne les gens de c o u l e u r , et de la p e r s é c u t i o n ouverte qui s'est é l e v é e contr'eux à Saint-Domingue, les d é p u t é s de ces derniers, qui résident à Paris , se proposoient de p r é s e n t e r à l'assemblée nationale une petition pour demander qu'elle enjoignît au pouvoir e x é c u t i f de les faire j o u i r , clans toutes les îles , des, droits de citoyen actif qui leur sont accordés par l'article 4 du décret du 28 mars' 1790. Ils ont adressé cette pétition à M . Louis Noailles, président de rassemblée nationale, en le priant de leur fixer un jour, o ù ils pourroient se présenter à l a barre de l'ass e m b l é e nationale. M . Noailles

a instruit l'assemblée de cette

demande ; i l a paru juste à la majorité de les admettre , mais on a astreint ces d é p u t é s des citoyens de couleur à communiquer leurs p o u A 2

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( iv ) voirs à M , le p r é s i d e n t , à l'attention duquel on s'en est r a p p o r t é pour la v é r i f i c a t i o n ,

suivant

l'usage. Ces d é p u t é s ont c o m m u n i q u é leurs pouvoirs à M . N o a i l l e s , qui en a paru satisfait. Comme i l se p r é p a r o i t le lendemain à rendre compte à l'assemblée nationale, M . Arthur D i l l o n , d é p u t é de la M a r t i n i q u e , a d e m a n d é la parole p o u r r e p r é s e n t e r qu'il seroit dangereux d'admettre les d é p u t é s des gens de couleur à la barre, que les colonies seroient en feu du moment o ù cette nouvelle arriveroit ; i l a soutenu que ce seroit contredire la stipulation faite par les c o l o n i e s , q u i n'avoient admis la constitution que sur la promesse de l'assemblée nationale , ne se m ê l e roit point de cette espèce d'hommes, et qu'elle en laisseroit le régime aux blancs. Il a t e r m i n é par dire que ces d é p u t é s , o u leurs commettans, n'étoient que des hommes dans l'état de d o m e s t i c i t é , qui n'avoient aucun pouvoir, qui é t o i e n t mis en œ u v r e par une société de philant r o p e s , q u i lui é t o i e n t v e n d u s , tandis qu'ellem ê m e l'étoit aux ennemis de la France. Il a d e m a n d é le r e n v o i de leurs pouvoirs au c o m i t é colonial.


(

v )

Les d é p u t é s des citoyens de couleur ne lutteront point d'injures avec M . Arthur D i l l o n , ils l e renverront seulement à la déclaration des d r o i t s , pour l u i apprendre q u ' i l n ' y a plus d'espèce d'hommes, et que ce langage insolent est a b a n d o n n é à une aristocratie proscrite, ils le prieront encore de se rappeler q u ' à la M a r t i n i q u e , à la G u a d e loupe et dans les autres petites îles f r a n ç o i s e s , les blancs ne font aucune difficulté de fraterniser avec cette espèce d'hommes de couleur. Ils le prieront de se r a p p e l e r , que c'est à cette espèce d'hommes que la Martinique doit aujourd'hui son salut, que les colons de la Martinique en sont si p e r s u a d é s , si reconnoissans, qu'ils ne font aucune difficulté d'admettre l'égalité entr'eux et les citoyens de c o u l e u r , qu'ils avoient chargé leurs d é p u t é s , M M . M o r e a u de S a i n t - M é r y et D i l l o n l u i - m ê m e , d'en faire la demande à l'assemblée nationale, et que cette demande n'a é t é suspendue que par les intrigues des d é p u t é s de S a i n t - D o m i n g u e , q u i veulent continuer d'être injustes et tyranniques envers ceux de S a i n t - D o m i n g u e , et q u i en c o n s é q u e n c e veulent d é r o b e r la connoissance de ces faits à l'assemblée nationale.

Quant à cette p r é t e n d u e stipulation entre l'ass e m b l é e nationale et les colons, relativement aux A3


(vj

)

citoyens de douleur , elle n'existe dans aucun d é c r e t ; elle ne.peut y exister, car ce seroit un attentat à la constitution et aux droits de la nation françoise. L'induction qu'on tire du

considérait

qu'on a très-artificieusement glissé dans le d é c r e t du 12 o c t o b r e , a é t é si victorieusement d é t r u i t e dans la lettre aux philantropes, de M. l'abbé Grégoire, et dans celle de J. P. Brissot à M. Barnave, qu'il est i n d é c e n t de la reproduire, sans r é p o n d r e à leurs raisonnemens. Laisser aux blancs la législation sur les hommes de c o u l e u r ( 1 ) , c'est déclarer les colonies i n d é pendantes , c'est allumer un f o y e r de guerre é t e r nelle , qui ne fïniroir que par la destruction de

l'une ou colonies

l'autre classe , et par c o n s é q u e n t des

françaises.

(1)On ne pourra douter qu'ils la réclament, en lisant la lettre de Bordeaux imprimée à la suite de la pétition: elle est tirée du patriote françois. Depuis cette lettre, la municipalité et la société des amis de la constitution adhérant aux principes, ont rejeté cette demande des soi-disant députés du Nord. L'auteur de la lettre à M . Barnave l'a dit avec raison : l'invincible force des choses ouvrira les yeux de tous les François, des colons eux-meme?. Aux sociétés qui déjà réclament en faveur des citoyens de couleur, joignez celle d'Angers , dont l'adresse a été lue aux Jacobins.


( vij ) Ces vérités ont été si bien d é m o n t r é e s clans les divers écrits ( l ) publiés par les d é f e n s e u r s

des

citoyens de c o u l e u r , q u ' i l est inutile d'y insister. L'autenticité des pouvoirs des d é p u t é s de c i toyens de couleur, ne devroit pas ê t r e au moins c o n t e s t é e par les d é p u t é s blancs de Saint-Domingue , qui n'en ont point eu directement des î l e s , q u i s'en sont fabriqué et fait fabriquer à P a r i s , et enfin q u i , pour la plupart, ne sont point reconnus par les colonies. Lorsque les d é p u t é s des citoyens de couleur se sont p r é s e n t é s d'abord en 1789, pour ê t r e adm i s , comme, membres de, I'assembla nationale, leurs titres ont paru si authentiques au c o m i t é de v é rification , que deux fois i l a d é c i d é qu'ils d é v o i e n t ê t r e admis parmi les d é p u t é s . Par quelle magie se feroit-il que ces titres, suffisans pour c o n f é r e r le titre glorieux de d é p u t é s à l'assemblée nationale , ne le fussent pas pour faire admettre des pétitionnaires

(1)

à la barre !

Joignez aux deux ouvrages ci-devant cités les Obser-

servations de M, Raymond sur les hommes de couleur, ect. Tous ces ouvrages se trouvent au Bureau du Patriote François, N° 3, rue Favart.


( viij ) Observez que le c o m i t é avoit j u g é les pouvoirs des citoyens de couleur, cl après la règle q u i avoit servi pour vérifier ceux des d é p u t é s blancs. E t , certes, les premiers é t o i e n t dans un cas bien plus favorable ; car les colons pouvoient faire ratifier leurs pouvoirs par les blancs q u i pouvoient s'assembler , tandis que jamais i l n'a é t é permis aux citoyens de couleur des îles de se r é u n i r , pour délibérer sur leurs intérêts et é m e t t r e leur v œ u . D ' u n autre c ô t é , le sort cruel é p r o u v é par le sénéchal M . Ferrand de B a u d i è r e s , massacré pour avoir rédigé une adresse en faveur des gens de c o u l e u r , a d û n é c e s s a i r e m e n t e m p ê c h e r tout notaire (et les blancs seuls en exercent les fonctions ) , de p r ê t e r son ministère aux citoyens de couleur pour donner des pouvoirs. Ils n'ont donc pu en e n v o y e r que s e c r è t e m e n t , parce que ces pouvoirs connus auroient p u leur c o û t e r la v i e . Ils n'ont p u les e n v o y e r que dans des lettres d é t a c h é e s , et r e v ê t u e s d'un petit nombre de signatures. Ils é t o i e n t donc dans l'impossibilité absolue d'envoyer des pouvoirs n o t a r i é s , o u c o n s a c r é s authentiquement par une assemblée ; mais cette impossibilité absolue q u i n'est pas de leur fait ,


( ix ) peut-elle ê t r e u n titre contr'eux ? peut-elle leur ê t r e o b j e c t é e par ces d é p u t é s dont les m a n œ u v r e s et les violences l'ont c a u s é e ? D ' a i l l e u r s , les pouvoirs de plusieurs d'entre les d é p u t é s des citoyens de couleur ont des caract è r e s d ' a u t h e n t i c i t é suffisans pour les admettre; et ils sont r e v ê t u s de signatures trop respectables , pour ne pas inspirer une grande confiance. C e ne sont p o i n t , comme l'a dit M . D i l l o n , des hommes dans l'état de d o m e s t i c i t é , ce sont les plus riches habitans de couleur de Saint-Domingue. Dans u n de ces p o u v o i r s , ils autorisent M M . R a y m o n d à faire l'offre patriotique de six millions à l'assemblée nationale. Ils demandent que l'assemblée nationale nomme des commissaires , pour percevoir cette somme qu'ils sont p r ê t s à verser. Les d é p u t é s blancs, dont cette g é n é r o s i t é , ce patriotisme d é t r u i s e n t les calomnies et accusent la t i é d e u r , ont e m p l o y é toutes les m a n œ u v r e s pour étouffer cette offre. Dans un autre de ces pouvoirs , on autorise les d é p u t é s à r é c l a m e r coutre les différens actes de l'assemblée g é n é r a l e de Saint-Marc. E n f i n , pour savoir si les citoyens de couleur d é v o i e n t ê t r e admis à la barre afin d ' y p r é s e n t e r


(x

)

leurs g r i e f s , étoit-il besoin de tant de titres, de tantd'informations? D e q u o i s'agit-il? Les citoyens de couleur soutiennent q u e , dans les î l e s , on les prive du droit de c i t o y e n actif, malgré le d é c r e t d u 28 mars. Ils n'ont pas besoin de pouvoirs de leurs semblables pour se plaindre ; i l suffit que le fait existe, et qu'ils soient e u x - m ê m e s citoyens decouleur. O r la lettre de M . Blanche L a n d e , i m p r i m é e à la suite de la pétition , prouve le premier fait, et le second é t o i t plus incontestable encore. O n ne devoit donc former aucune difficulté sur leur admission à la barre. L e droit de pétition est le droit de tout citoyen'. Les citoyens q u i se croient blessés par les lois , o u les pouvoirs chargés de les e x é c u t e r , ont le droit de r é c l a m e r à la barre. Envain d i r a - t - o n qu'il existe un d é c r e t q u i force les citoyens à faire passer d'abord leurs petitions par les municipalités, et les corps administratifs , q u i n'accorde l'admission à la barre q u ' à ces derniers corps. I n d é p e n d a m m e n t de ce que le d é c r e t c i t é , s'il é t o i t entendu dans ce sens, seroit inconstitutionnel , i l est inapplicable aux citoyens de couleur, parce que leur p é t i t i o n est é t r a n g è r e aux municipalités


( xj ) cipalités et corps administratifs du r o y a u m e , et ceux des î l e s , o u sont trop é l o i g n é s , o u m ê m e n'existent pas. O n devoit d o n c , sous tous les rapports , admettre sans aucune difficulté

les citoyens de

couleur à la barre. O n les a r e n v o y é s , pour faire vérifier leurs p o u v o i r s , au c o m i t é c o l o n i a l , c'està-dire , à un c o m i t é c o m p o s é o u dirigé par leurs plus cruels ennemis. N ' i m p o r t e ; ils s'y p r é s e n teront. M a i s , comme i l seroit possible que ce c o m i t é e m p l o y â t , pour étouffer leurs réclamations , les m ê m e s lenteurs et le m ê m e silence auxquels i l a eu jusqu'à p r é s e n t r e c o u r s , ils prennent le parti d'imprimer leur P é t i t i o n , et ils supplient les membres de l'assemblée nationale de la lire avec la plus sérieuse attention. Les c o lons d é v o i e n t en redouter la p r é s e n t a t i o n à l a b a r r e , parce qu'ils savent que l'assemblée est essentiellement juste, et qu'elle auroit é t é i n d i g n é e des p e r s é c u t i o n s dont les citoyens de c o u leur sont les victimes, et des calomnies r é p a n d u e s contr'eux et leurs d é f e n s e u r s . C'est avec empressement que les d é p u t é s des citoyens de couleur rendent hommage au z è l e , au d é s i n t é r e s s e m e n t , à l'active h u m a n i t é , av ec


(xij) lesquels la société des amis des noirs s'est c h a r g é e de d é f e n d r e leur cause. Les hommes corrompus sont enclins à juger d'après e u x - m ê m e s la v e r t u l a plus i n t è g r e ; mais ils donnent leur m e s u r e , sans altérer l'estime qu'on doit à l'homme vertueux. L a société des amis des noirs est trop s u p é r i e u r e à ces calomnies , pour qu'on essaie de la justifier autrement. E l l e a d'ailleurs r é d u i t au silence son impudent calomniateur.

Signé,

RAYMOND l ' a î n é , RAYMOND le j e u n e , FLEURI , HONORÉ SAINT - ALBERT , DESOULCHAY DE SAINT - RÉAL , et DESOULCHAY, PORSADE et AUDIGER.

Paris, ce 18 mars 1791.






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