Origines de la Martinique : le Colonel François de Collart et la Martinique de son temps

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ET LA MARTINIQUE

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Mais La Varenne et Ricoüart, bien que dignes à certains égards do la confiance du Conseil de Marine, dépassèrent l'esprit, la portée de leurs instructions. Dès leur entrée à la Martinique, le 7 janvier 1717, ils produisent sur le public la plus fâcheuse impression. Ils arrivent au Fort-Royal : « Les Martiniquais n'ont qu'à bien se tenir, » dit la Varenne à peine débarqué. Le Conseil souverain vient les complimenter par la voix du procureur général Laurenceau d'Hauterive : « Allons ! pas tant de phrases, interrompt La Varenne, les ordres dont nous sommes porteurs contiennent à votre adresse plus de verges que de douceurs. » Soixante sucreries sont en construction : ordre est donné par Ricoüart de suspendre, d'abandonner sur-le-champ les travaux1. La saisie, l'amende, la prison frappent les maîtres de navires et les négociants simplement soupçonnés ou à peine convaincus de commercer avec les colonies étrangères. Aussi, trois mois après leur installation, dit un mémoire signé par les plus notables habitants, « la colonie de la Martinique ne pouvait plus supporter les violences et les injustices de MM. de la Varenne et Ricoüart, qui, loin de chercher à établir et à maintenir le service du roi et du bien public, 1 Les administrateurs eurent tort évidemment d'agir arec cette précipitation. Les habitants lésés écrivirent au Conseil de Marine pour se plaindre du grave dommage qui leur était causé. A la date du 17 juin 1717, le Conseil répondit par la dépêche suivante, qui parvint à la Martinique trop tard pour être lue par La Varenne et Ricoüart : « Il vous a été ordonné, messieurs, par le Mémoire du Roi. de l'année dernière, d'empêcher l'établissement de nouvelles sucreries aux Iles du Vent, et le Conseil de Marine a été informé que vous avez rendu une ordonnance pour les défendre ; sur quoi il y a eu des représentations laites par les habitans de ces îles, qui exposent qu'ayant fait planter des cannes à sucre nécessaires et fait les autres dépenses, c'est les ruiner entièrement que de les empêcher d'établir leurs sucreries. Le Conseil en a rendu compte à M. le Régent, et Son Altesse Royale a bien voulu leur permettre l'établissement des sucreries qui sont commencées. Ainsi vous n'y apporterez aucun obstacle et vous aurez soin de leur faire part de la permission qui leur est accordée. » Il ressort de cette lettre que les administrateurs, avant de procéder avec tant de rigueur, auraient dû prendre un nouvel avis du Conseil de Marine.


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