AU PAYS DE L'OR, DES FORÇATS ET PEAUX-ROUGES
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qui, la seconde nuit de leur union, furent à demi massacrés sur la rive de la crique Sparouine par la chute d'un wacapou de forte taille. L'un et l'autre eurent les jambes rompues, déchiquetées, aplaties, presque complètement détachées des cuisses, sans compter toutes les blessures et meurtrissures du reste du corps. Jamais, je le répète, je n'ai pu me familiariser, m'habituer à ce péril plus fréquent encore sur les bords des fleuves où nous établissions nos campements pour dormir, que dans l'intérieur même des bois. Les berges des rivières sont en effet ravinées par le régime inconstant et capricieux des eaux. Après une période de sécheresse qui désagrège le sol végétal, survient une crue qui, en très peu de temps, peut élever le niveau des criques de sept, huit, neuf mètres, et le courant détache de la rive et emporte alors dans son impétuosité de véritables monceaux de terre : Bientôt un arbre, faiblissant par la base, s'intoujours du côté de la rivière, — finalement il cline, tombe, et quand il est tombé, l'arbre voisin dont la racine cesse d'être calée par le précédent est bien près de le suivre et de tomber à son tour. Ce sont d'ailleurs ces arrachements d'arbres et ces disparitions des parois des berges qui expliquent l'élargissement rapide et imprévu de certaines passes des rivières de Guyane et aussi la formation de maints îlots qui en quelques mois apparaissent comme des nouveau-nés dans le lit des criques : ... La terre et le gravier arrachés à la rive se sont rencontrés et accumulés autour d'une tête de roc ou d'un gros tronc d'arbre arrêté au milieu du courant; une végétation presque immédiate et intensive y a pris naissance et toutes ces racines végétales nouvelles,