Voyages aux Isles de l'Amérique (Antilles) 1693-1705. Tome 1

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300 VOYAGES AUX ISLES DE L'AMERIQUE cette terre n'est composé que de roches poreuses et légères ou de pierre à chaux, ce qui fait que les eaux de pluie s'imbibent aussitôt dans la terre et disparaissent sans s'assembler et couler vers les lieux bas, comme font toutes les eaux qui filtrent au travers des pores de la terre, se réunissent et composent les ruisseaux et les rivières, ou bien lorsqu'il se rencontre quelque fond où le terrain est d'argile et de terre grasse, l'eau qui s'y amasse s'y gâte et s'y corrompt en peu de temps, parce qu'elle n'a pas de pente pour s'écouler, ce qui est en même temps la cause de la corruption de l'air et de bien des maladies. Nous partîmes de la pointe d'Antigues après que nous eûmes dîné. Nous passâmes tout le long de la Rivière Salée, qui partage la Guadeloupe en deux parties, dont celle qui est à l'est porte le nom de Grande-Terre, parce qu'effectivement elle est plus grande que l'autre, qui conserve le nom de Guadeloupe comme ayant été découverte et habitée la première. On compte que la Guadeloupe a trente-cinq lieues de tour et les deux îles ensemble environ quatre-vingt-dix. La Rivière Salée n'est qu'un canal d'eau de la mer qui passe entre ces deux îles. Elle a environ cinquante toises de large à son embouchure du côté du Grand Cul-de-Sac. Sa largeur diminue ensuite; il y a des endroits où elle n'a pas plus de quinze toises. Sa profondeur n'est pas plus égale que sa largeur. Nous trouvâmes des endroits où elle pouvait porter un vaisseau de cinq cents tonneaux, et d'autres où une barque de cinquante aurait de la peine à passer de basse marée; mais comme sa largeur est fort rétrécie par les mangles ou palétuviers qui sont sur les bords et qui en couvrent une bonne partie, il se peut faire qu'on trouverait plus d'eau et un chenal plus profond que celui du milieu si ces terres étaient défrichées et les bords de la rivière délivrés des mangles qui les occupent. Mais il n'est pas expédient de songer à cet ouvrage avant que le Grand Cul-de-Sac soit peuplé et qu'il y ait un fort à l'îlet à Fanjou pour défendre tous ces quartiers des courses et des pillages des Anglais, qui n'y viennent encore que trop souvent et qui y viendraient bien davantage s'ils pouvaient passer dans cette rivière avec des bâtiments plus considérables. C'est un charme de naviguer sur cette rivière. L'eau y est claire, tranquille et unie comme une glace. Elle est bordée de palétuviers fort hauts qui sont un ombrage et une fraîcheur ravissante. Elle a plus de deux lieues de long, depuis son embouchure dans le Grand Cul-de-Sac jusqu'à celle du Petit. Tout ce vaste terrain, depuis cette rivière jusqu'à la grande rivière à Goyaves, appartient à M. Houel, capitaine aux gardes, frère aîné de M. de


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