Monographie historique et médicale de la fièvre jaune des Antilles

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DE LA FIÈVRE JAUNE.

connaître les avant-coureurs de la mort dans le regard et dans l'ensemble de la physionomie, où se peignait quelque chose d'effaré, de hagard, plus difficile à exprimer qu'à saisir. J'étais chez le commandant d'armes du Fort Royal, lorsqu'au moment où il m'entretenait des embellissemens qu'il voulait faire dans sa demeure, le hasard y fit entrer l'un de nos médecins les plus éclairés. « Ce sont des soins superflus, me dit-il, conseillez-lui de mettre ordre à ses affaires , le temps presse, et il ne peut désormais vivre que quelques heures. » En effet, ce malheureux officier mourut dans la nuit, L'observation avait donné une telle certitude au pronostic du terme de la vie , que souvent, comme pour les hommes condamnés au supplice, il se passait quarante-huit heures entre l'arrêt et son accomplissement. L'un de mes camarades, le chef d'escadron Allaire, qui atteignait le cinquième jour de sa maladie, me parla long-temps de l'espoir de revoir la France et sa famille; et tandis qu'il me peignait ces images de bonheur, je tenais entre mes mains un ordre du médecin en chef qui prescrivait au directeur de l'hôpital de faire enterrer sans délai et sans honneurs militaires le cadavre de mon ami. Pendant celte funeste irruption , il n'y eut que quelques exemples qui prouvèrent qu'on pouvait s'exposer à la contagion sans en être atteint, et qu'on pouvait en être atteint sans perdre la vie. On cita sans doute un assez grand nombre d'individus qui


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