Vingt années de la vie d'un négrier. 1

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LE CAPITAINE CANOT.

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Les explosions de jalousie n’avaient pas toujours pour cause l’inégale distribution des présents du sultan. Les femmes du Mongo profitaient de son insouciance et de sa Paresse pour entretenir des intrigues hors du harem, et parfois la préférence de ces dames tombait sur le même objet. Ce n’était plus pour un miroir qu’on se disputait, mais pour un galant. En pareil cas, la querelle se vidait d'ordinaire entre les rivales, et ces gladiateurs femelles se maltraitaient le plus possible sans que cela eût , en général, des suites graves. D’autres fois, les amants se faisaient les champions des belles, et la lutte entre ces Othellos prenait un caractère plus sérieux. A l’heure marquée, ils arrivaient sur le terrain, accompagnés de ceux de leurs amis qui voulaient être témoins de leur victoire ou de leur défaite; chacun des combattants entrait dans l’arène armé d’un fouet de cuir de bœuf aux triples et minces lanières. On lirait au sort pour savoir celui qui recevrait la première flagellation. Le perdant prenait aussitôt la posture résignée d’un martyr et recevait le nombre de coups fixé. Puis venait le tour du bourreau qui, avec une égale constance, prêtait son dos à la loi du talion, et ces flagellants de nouvelle espèce alternaient ainsi jusqu’à ce que l’un d’eux déclarât qu’il en avait assez, ce qui était s’avouer vaincu, ou jusqu’à ce que les assistants décernassent eux-mêmes la victoire à celui qui avait traversé l’épreuve sans sourciller. Le dos plus ou moins malade des deux champions était ensuite exhibé en témoignage de leur bravoure, et leurs dulcinées n’avaient naturellement pas de baume, d onguent trop précieux pour guérir des blessures reçues pour elles.


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