Deux années au Brésil. Partie 1

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VOYAGE

AU

BRÉSIL.

rir après lui , et comme il était un peu sourd et que son organisation le faisait se méprendre sur les intentions autant que sur les paroles soit françaises, soit portugaises, il avait fallu le rattraper à la course. Une fois seul, je restai quelque temps à dessiner à l'ombre et à chasser, pour faire l'essai d'un magnifique fusil anglais que j'avais acheté à Rio. Pour revenir à Nazareth chez M. Gingembre, il fallait marcher plus d'une demi-heure au soleil, et, ainsi que je l'ai dit, ce soleil du Para est bien brûlant. J'avais peu à peu ôté de mes vêtements ce que la décence permettait, et comme personne ne se hasarde à courir les routes à cette heure de midi, je pouvais en prendre à mon aise; j'étais ainsi occupé à simplifier ma toilette quand, de l'autre côté de la route, je vis passer lentement un boa rouge auquel, sans trop me hâter aussi, je cassai les reins d'un coup de fusil. J'ai appris plus tard que cette espèce était assez rare. Je passai, avant d'arriver à Nazareth, devant plusieurs maisons de campagne; deux messieurs causaient devant la porte de l'une d'elles. Mon humiliation fut grande en reconnaissant le président de la province que j'avais vu à la ville. J'aurais bien voulu l'éviter, mais il était trop tard : j'avais été éventé, moi et mon serpent. Si on m'eût dit, quelques jours avant cette rencontre, que je serais placé dans une position telle que je regretterais mon habit noir, mes bottes vernies et mon gant, j'aurais regardé cette insinuation comme une insulte, impossible à tolérer et même à imaginer. En ce moment je les regrettais partout.


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