Chez nos Indiens, quatre années dans la Guyane française (1887-1891). Partie 2

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CHEZ NOS I N D I E N S .

allée au fond à Galibi. Pour ma part, j e n'ai ni fusil,.ni revolver, ni sabre, ni couteau ; seulement un canif pour tailler mon crayon. J'ai un

mousqueton, une

arme de chasse et de guerre, un

colt,

mais j e le laisse au village. Les mousquetons et les carabines ne sont pas pratiques dans ce pays, où il n'y a pas à tirer à balle. Les singes, qu'il faut presque toujours viser pendant qu'ils sautent, ne tombent que si on leur loge la balle dans la tête ou au cœur, et mettre une petite balle dans la tète ou le cœur d'un couata ou d'un macaque deux fois plus gros qu'un lièvre, à cinquante mètres de hauteur, tirant presque à angle droit et presque sans ajuster, cela suppose une habileté, une pratique tout à fait exceptionnelles. On a toujours plus de chance de loger quelques grains de plomb que la balle, et l'animal qui prend toujours quelque plomb dès le premier coup finit par rester au chasseur; tandis qu'avec la balle, s'il est manqué au débuché, il s'enfuit et on ne le revoit plus. D'ailleurs trois grains de plomb dans le corps paralysent souvent plus qu'une balle. Pour les autres gibiers, hoccos, marayes, couyououis, gros comme des poules, c'est bien petit et cela perche bien haut pour être tiré à balle. De même pour l'agouti, le pak. Resteraient les pecaris, les biches, le capiouare, le maïpouri, mais une charge de plomb en a aisément raison, de même que du tigre. Comme on n'a pas à tirer ces animaux à de grandes distances, rien ne vaut une charge de gros plomb, et le double zéro y suffit parfaitement. Et c'est pour cela que j e n'emporterai plus d'arme rayée si j e retourne jamais chasser dans ces contrées : le gibier y est trop petit; les plus grosses pièces : le maïpouri, la biche, le tigre, le caïman, peuvent être tuées au plomb. Un côté demi choke bored, groupant bien les gros plombs, et un côté lisse pouvant tirer, au besoin, des balles coniques que l'on se fabrique avec un moule, un fusil ainsi compris, donnant un groupement moyen pour toutes les charges de plomb, voilà ce qui convient le mieux pour ces pays où le bison, le buffle et les grands fauves sont inconnus. Nous partons par la pluie. Un peïto de Pierre, un jeune homme qui lui est venu de chez François, descend avec nous jusqu'à la Motoura chercher des graines de paripou pour « donner à manger » aux femmes pendant notre absence de quinze jours. Et voilà de quoi on vit, bien souvent, au pays indien : des graines fort maigres, nourriture ordinaire des perroquets. L'eau a baissé de plus d'un mètre, beaucoup de roches sont à découvert, les grands sauts sont plus forts, d'autres sont sortis : on ne reconnaît plus la rivière.


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