Les chercheurs de quinquinas : des vallées de Caravaya à l'Amazone

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L E S C H E R C H E U R S DE Q U I N Q U I N A S

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sion relative d'habitants sur ce point du désert lui découvrit tout l'embarras de la situation. Devait-il accueillir ceux-ci en amis, au risque d'en faire des complices des pillards de la veille? S'il les mécontentait, c'étaient des ennemis de plus. Pour surcroît de malchance, par une impardonnable négligence, n'ayant pas eu à se préoccuper depuis deux jours de pourvoir à la nourriture de leurs compagnons, les armes de Belesmore et des deux blancs n'avaient pas été rechargées. Charles crut plus sage de ne pas se créer de nouveaux ennemis. On leur montra de loin des anneaux de fer et de vieux boutons de cuivre, et on leur fit signe d'approcher. A peine les échanges furentils entamés, que les Siriniris s'empressèrent de demander des couteaux. Et, comme on leur répondait qu'on ne possédait ni haches ni couteaux, ils se baissèrent et, ramassant des brindilles et du bois coupé ayant servi au bivouac, ils les mirent d'un air arrogant sous le nez des voyageurs. Les choses se gâtaient; les Siriniris montraient qu'ils ne se payaient pas de mots et prouvaient péremptoirement qu'on possédait les instruments réclamés puisqu'ils donnaient les preuves de leur emploi. Heureusement pour les blancs que, pendant leurs négociations, des détonations lointaines d'armes à feu se firent entendre. Elles ne pouvaient provenir que de Duret et de sa troupe annonçant leur retour. A ce bruit, les Siriniris parurent inquiets, mais n'en persistèrent pas moins à réclamer les objets convoités. On comprenait à leurs allures qu'ils avaient été mis au courant de la situation des blancs par leurs camarades, et qu'ils comptaient pouvoir terminer leurs négociations avant l'arrivée des cascarilleros, qu'ils jugeaient encore éloignés. De son côté, Charles, se sachant bientôt secouru en cas d'attaque, traînait les négociations en longueur. Il avait fini par promettre quelques couteaux, sous la condition que les sauvages passeraient de l'autre côté de la rivière, quand des cris joyeux éclatèrent tout à coup sur la rive gauche de l'Ollachea. En même temps, toute la bande des chercheurs d'écorces débouchait d'une épaisse lisière de bambous. La vue des Siriniris mêlés à leurs camarades ne laissa pas que de les troubler fortement, mais leur hésitation fut de courte durée; sur l'appel de Charles, ils se mirent en devoir de reprendre le radeau qui leur avait si bien servi pour la première traversée. En trois voyages, les blancs se trouvèrent tous réunis.


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