Musique coloniale et société à Saint-Domingue dans la seconde moitié du XVIIIème siècle. Vol.1

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l'intérieur du groupe des libres (Blancs et libres de couleur) on peut distinguer trois groupes différents par le revenu, les facilités d'emploi et la place dans la société : les artistes parisiens, les artistes provinciaux et les artistes locaux blancs, les artistes libres de couleur. 5341 Les esclaves On a vu que les informations sur cette catégorie de musiciens sont extrêmement parcellaires. Il est clair toutefois à l'examen des petites annonces que le talent de musicien est un talent comme un autre, si l'on peut dire. Le statut des individus est donc probablement celui des "esclaves à talents"avec les différentes variantes connues de ce statut, qui va de celui d'un esclave domestique à celui d'esclave loué pour une tâche donnée. Le cas de Julien évoqué plus haut indique clairement qu'il y a eu un contrat (entre la direction et le propriétaire) pour son emploi à l'orchestre de la Comédie du Cap. 5342 Les libres Si les artistes ont eu des fortunes diverses sur le plan matériel, leur emploi de comédien ne semble pas avoir entraîné de conséquence trop négative sur leur place dans la cité. C'est ainsi que la seule anecdote de refus de sépulture à Léogane, celle de la Olle Morange en 1778, est cité par Moreau comme une exception 114. A Saint-Marc115 et dans le questionnaire du Cap116, il est bien précisé que les comédiens sont enterrés sans difficultés. On sait que la France est le seul pays d'Europe à excommunier les comédiens 117 Or les chanteurs sont encore appelés acteurs à l'époque qui intéresse le sujet. Par contre sur un tout autre plan, celui de la Franc-Maçonnerie, le refus d'initier des comédiens fut assez général en France à cette époque et seuls les musiciens se retrouvèrent en nombre dans certaines loges parisiennes. On a vu que c'était en partie le cas à Saint-Donùngue. Compte-tenu du grand nombre de comédiens connus par rapport à celui des musiciens, il est peu probable que le silence des archives sur le cas des prenùers ne soit pas la preuve qu'il n'y a pas eu d'initiation de comédiens à Saint-Domingue. On peut tenir pour acquis leur exclusion des loges. Mais les temps changent: être artiste, comédien ou chanteur, n'est plus honteux et Clément ou Chinon, souscripteurs de l'ouvrage Loix et constitutions de Saint-Domingue en 114 Moreau de Saint-Méry M. L. E. op. cil. p. 1099. 115 Moreau de Saint-Méry M. L. E. op. cit. p. 885. 116 CAOM, Fond Colonies, F3160, fol. 17-18. 117 Voir sur ce sujet Rougemenont M. de Les spectacles en France au XVlllème Genève, Slatkine, 1996, pp. 205-206.

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