Les péripéties d'une démocratie

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— 242 — Il connaissait, certes, les ennuis auxquels les émissaires de M. Vincent, envoyés à l’étranger pour faire des emprunts au nom de la nation, s’étaient exposés. Nos chefs d’Etat ne voient et ne pensent trouver leur salut que dans cette voie. On ne peut pas, on ne pourra pas, résoudre les problèmes haïtiens par des emprunts faits à l’étranger. Nous avons de grands problèmes à résoudre. Tels que ceux de l’aviation, de la marine, de l’armée sont à l’ordre du jour. Pour les envisager et y mettre la main, il faudra un budget qui puise ses ressources non des cartes d’identité et des impôts sur l’exportation, grave erreur puisque nous exportons peu, mais des moyens d’un ordre nouveau. Faire des emprunts à tout venant, pour entreprendre tels ou tels travaux, sans créer des sources de revenus susceptibles d’alimenter les caisses de l’Etat, c’est travailler contre la réalité, contre la nation et contre l’avenir d’Haïti. C’est une résignation, certes, qui force à marcher à pas lents vers un horizon incertain. Il faut que les Haïtiens mettent dans leur tête cette maxime : l’histoire n’a jamais été faite par les parlements ou les traités, elle a toujours été faite par des hommes. Le régime haïtien, tel qu’il est institué, vient de subir un cuisant échec. Il eût été sage, au départ des Américains, que l’héritier qui devait leur succéder, fît appel aux forces saines du pays pour tracer, d’un commun accord, le vaste programme qui devait consister à relever la bannière nationale. Sans ces forces, il est impossible d’établir l’équilibre politique et d’envisager un travail sérieux. Or, rien n’a servi à éclairer les esprits. Le fatalisme s’est imposé et s’est emparé du peuple dont le niveau de vie tombe vers le chaos et vers le personnalisme qui anéantit tout. A côté des apôtres du chaos et du personnalisme, il y a des égoïsmes bourgeois qui attendent le salut du profit sans effort. Ainsi, c’est la ruine de la classe paysanne, de l’artisanat, c’est le chômage pesant sur les ouvriers, à tel point qu’ils se voient obligés d’émigrer à l’étranger. Les affaires sont paralysées, le commerce fermé, la santé publique compromise par la pauvreté. Il y a des enfants qui traînent une vie languissante, parce qu’ils n’ont pas de quoi


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