RELATION DE LA PRISE
DE L’ÎLE DE SAINT-VINCENT, SOUS LE COMMANDEMENT
DU COMTE D’ESTAING.
L
E Comte d’Estaing s'étant proposé de s'emparer de l’île de Saint-Vincent, appartenante aux Anglais, fit dans les premiers jours de Juin, toutes les dispositions nécessaires pour cette entreprise. Le Chevalier du Rumain, Lieutenant de Vaisseau, commandant la Frégate du Roi le Lively, fut chargé en Chef de l’expédition ; il eut fous ses or-
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dres, les Corvettes l' Elis, commandées par le sieur de Fonteneau ; le Weazle, par le sieur de Chantoiseau ; le Bricq le Représal& une Goëlette : ces Bâtimens port oient un détachement du régiment de Champagne, commandé par le sieur Baritault ; un de Viennois, par le sieur Germiny ; un du régiment de la Martinique, par le Chevalier de Lice ; deux détachemens des V olontaires des Antilles, le premier, par le sieur de Canonge, le second, par le sieur du Haussay ; & les Volontaires de Percin, par le Chevalier de Percin : ces différens détachemens formoient au total, un Corps de 300 hommes. Le sieur de Canonge avoit le commandement particulier des Troupes fous les ordres du Chevalier du Rumain. Tous les Bâtimens appareillèrent de la Caze-navire, dans la nuit dû 9 au 10 de Juin. La navigation de cette petite Flotte fut contrariée par les vents, & les courans qui s’opposèrent aux premières dispositions du Chevalier du Rumain. Le Bricq le Représal, qui portoit un des détachemens des Volontaires des Antilles, se sépara de la Flotte pendant une nuit ; & l’on ignore encore quel aura été le fort de ce Bâtiment. Ce ne fut que le 16 que le Chevalier du Rumain put mouiller dans la baye de Young-Island de l'île de Saint-Vincent, entre Caliaqua & King’s-Town. Le débarquement fut fait, & le Chevalier du Rumain, ayant fous ses ordres le sieur de Canonge, se porta en avant avec les 300 hommes de troupes. Le polie de Caliaqua, défendu par 6 soldats & 2 canons, se rendit à leur, approche. On marcha vers King’s-Town, & on parvint au Morne Hartley, d’où l’on découvroit la ville de King’s-Town, & les ennemis qui étoient renfermés dans le Fort, au nombre de 60 ou 80. Le Chevalier du Rumain se décida à aller attaquer le Fort. Au même instant, on vit paroître sur les hau-
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teurs, les Caraïbes, au nombre de 600 , qui arrivoient en jetant des grands cris à leur manière. Leur aversion pour les Anglais estconnue, & leur inclination pour la Nation Française ne s’est jamais démentie. Le Fort demanda à capituler, & ses propositions furent écoutées. Pendant qu’on étoit occupé d’en régler les articles, le Chevalier du Rumain apperçut deux Bâtimens qui venoient dans la baye à routes voiles : il laissa au fleur de Canonge le soin de rédiger la capitulation, se jeta dans une Pirogue & appareilla avec fa Frégate. Il s’empara des deux Bâtimens, après quelques coups de canons tirés de part & d’autre, & revint à Saint-Vincent. Le Chevalier de Percin avoir été chargé de l’attaque du poste de Calonery, garni de 16 canons de petit calibre, & gardé par 26 hommes de Troupes, commandées par un Officier. Après avoir essuyé le feu pendant quelque temps, il marcha vers le fort & l’emporta d’assaut, en montant par la gorge, fans perdre un seul homme ; les ennemis eurent un Sergent & trois Soldats tués, & le relie fut fait prisonnier. Le 18 & le 19, tous les polies furent évacués par les Troupes Anglaises : Le Chevalier du Rumain s’occupa à réprimer les pillages des Caraïbes, qui s’étoient répandus dans les habitations. Le 19 au soir, ayant fait embarquer fur le Lively & l'Elis, 70 Matelots provenant de deux prises, & 60 Soldats de la garnison Anglaise, avec un Officier, il mit à la voile, laissant ordre à la Corvette le Weazle, d’aller en parlementaire à Antigues, pour y porter le relie de cette garnison, qui consistoit en 287 hommes, tant du Northen-régiment, que du Soixantième , fans compter la Milice : on a trouvé dans l’île 50 pièces de canon. Le Chevalier du Rumain donne les plus grands éloges
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4 au zèle & à l'intelligence des Officiers qui conduisoient les Troupes fous ses ordres, & reconnoît que leurs conseils lui ont été très-utiles ; il ne se loue pas moins de la bonne volonté des Troupes. La persévérance du Chevalier du Rumain à poursuivre l’entreprise, après une première tentative infructueuse, lui fait beaucoup d’honneur, ainsi que la prudence de ses dispositions dans la descente, & son activité dans ses opérations de terre & de mer. L’Escadre aux ordres du sieur de la Motte-Piquet, Chef d’Escadre des Armées navales, composée de Vaisseaux & 3 Frégates, a mouillé le 27 Juin au Fort Royal, après 48 jours de traversée ; il y a remis le convoi considérable qu’il avoir pris sous son escorte, en partant de France. Le Comte d’Estaing, Vice-Amiral, a appareillé de la Martinique, le 30 du même mois, ayant 24 Vaisseaux de ligne, réunis fous son pavillon.
A
BORDEAUX, chez PALLANDRE aîné, Lib. vis-à- vis la Fontaine du Poisson-salé. Au
GRAND
MONTESQUIEU
Avec Permission.
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