Voyage géologique aux Antilles et aux îles de Ténériffe et de Fogo. Tome 1-1

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TÉNÉRIFFE ET FOGO.

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état de l'agriculture à Fogo, comme dans la plupart des îles qui l’entourent, et par suite les famines qui désolent presque périodiquement l’archipel, ne soient, au moins en partie, dus au déboisement que les habitants y ont opéré presque systématiquement, et poussés par les plus déplorables préjugés? Ce déboisement a été tel ici, qu’il est de la plus exacte vérité d’affirmer que, depuis notre départ de la Luz jusqu’au point où nous sommes parvenus, j’avais à peine rencontré quelques arbres isolés, tordus par le vent, et qu’on respectait sans doute en considération des misérables fruits qu’ils donnaient encore (1). Nous n’arrivâmes que vers six heures du soir à quelques pauvres maisons en ruines, qui semblaient habitées par deux ou trois familles, et où le guide qui nous conduisait jusqu’alors nous abandonna, malgré la promesse qu’il nous avait faite avec quelque solennité, devant le commandant de l’île, de nous mener jusqu’au pied du volcan. Rien ne put le décider à nous accompagner dans la montagne. Nous comprîmes alors que nous avions suivi avec lui un chemin qui contourne l’île, et se rend à un petit port situé vers le sud-est, et qui était simplement le lieu de sa destination. Une route beaucoup plus directe, et que nous prîmes en redescendant deux jours après, aurait pu nous conduire aux abords de la montagne. Nous eûmes la plus grande peine à obtenir des gens du petit village où nous étions ainsi abandonnés que deux jeunes garçons, de seize à dix-sept ans, qui prétendaient avoir déjà gravi le sommet du volcan, nous accompagnassent à un gîte plus élevé et plus rapproché du Pic. Malheureusement, celui qui nous avait conduits jusqu’alors entendait quelques mots d’espagnol, tandis que

(1) C’était presque uniquement des Semecarpus Anacardium L. appelés dans les Antilles françaises acajou. Ils donnent un fruit d’une saveur âcre, et portant extérieurement une amande huileuse extrêmement eaustique, connue sous le nom de noix d'acajou. La culture se borne presque exclusivement à celle du mais et de quelques racines, comme la patate, l’igname, etc. Malgré les fréquentes sécheresses, le sol se couvre néanmoins très-facilement de graminées courtes et serrées qui nourrissent des bestiaux de petite taille, mais de très-bonne espèce. Le lait des vaches et des chèvres est bien supérieur à celui que donnent ces animaux sous les mêmes latitudes aux Antilles. Les volailles sont aussi très-abondantes, et forment avec le gros bétail un article d’exportation de quelque importance pour ces îles, qui en approvisionnent les navires. On trouvera, au reste, dans une autre partie de ce travail, les principales données statistiques que j’ai recueillies sur ces îles, si peu connues des Européens.


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